Réflexions sur le commerce du savoir et sur la psychiatrie comme marchandise1

Paul Lumsden


Dédicace

Introduction

Des discours sur les savoirs qui traversent les cultures

La profession psychiatrique dans différentes cultures

Remerciements

Notes

Références bibliographiques


Dédicace

Marc-Adélard Tremblay a été l'un des véritables pionniers du développement de l'anthropologie canadienne d'un océan à l'autre, comme le montrent son rôle très important dans la fameuse étude dite Stirling County d'Alexander H. Leighton sur les « sentiments » communautaires et la santé mentale en Nouvelle-Écosse (voir Leighton et al., 1959 ; Leighton dans cet ouvrage), sa participation à l'influent rapport Hawthorn-Tremblay (1966-1967) sur les peuples autochtones du Canada, ses nombreuses publications de même que sa participation à diverses activités collégiales et organisationnelles, ce que montre cet hommage.

Il a été reconnu comme un leader en anthropologie appliquée, domaine qui, selon lui, peut aussi permettre aux anthropologues d'acquérir un « savoir fondamental » (1983 : 380). Son rôle et sa force d'inspiration ont été tels qu'en 1993 la Société d'anthropologie appliquée du Canada (SAAC) institua un prix annuel associé à une conférence en son honneur et en celui de feue Sally Weaver. Il a aussi joué un rôle créateur dans l'émergence au Canada de ce qu'il appellerait « la sous-discipline de l'anthropologie de la santé » (1983 : 377) et je veux lui rendre ici un hommage particulier pour son leadership et ses conseils avisés comme président de l'Association canadienne d'anthropologie médicale (CAMA/ACAM), fonction qu'il remplit en 1983 et 1984. C'est un chercheur compétent mais aussi un bon administrateur toujours à la défense de l'anthropologie, un homme chaleureux, plein de charme et d'humour, toujours dévoué et clairement en faveur de l'interdisciplinarité.

Marc-Adélard Tremblay s'est depuis longtemps intéressé à ce qu'il a appelé les « mécanismes » par lesquels nous et les autres (et les sociétés) acquérons du « savoir », ainsi qu'aux « séries de réactions en chaîne » que constitue le changement social (1983 : 381). Ce chapitre s'inscrit dans cette ligne de réflexion à titre d'étape vers la constitution d'une anthropologie du savoir et de sa distribution sociétale.

Outre ma participation à ce recueil d'hommages, le second stimulant à l'origine de la rédaction de ce chapitre fut une invitation à présenter une conférence au colloque de 1992 de l'Ontario Institute for Studies in Education (OISE) sur le thème « Knowledge across Cultures : Universities East and West ». C'est ce qui explique que, dans ce texte, j'insiste davantage sur la Chine que sur la Nouvelle-Écosse, à travers mes citations et mes références, à cette étape de mon programme de recherche.

Introduction

All that is finest and best of the former wisdom of India, Greece, Persia, Rome, and of present-day England, France, Germany and America, I have lapped up and drunk, rested on, pillowed on : and my soul in dreams has fathomed it. Kang Youwei (c. 1902) ...for we are here to help the West to understand and appreciate the East, and to do so we must collect facts... Davidson Black de Toronto et du Peking Union Medical College (1920, in Hood 1964) We should make use of the intellectual resources of other countries. Deng Xiaoping (1983a)

Dans toutes les sociétés et à toutes les époques, chaque personne devient la dépositaire d'un « savoir » ou de plusieurs stocks de savoir et de propositions incontestées provenant de diverses sources (autres personnes, mythes, éducation scolaire, apprentissage, médias, autres cultures, etc.) qu'elle re-travaille de manière réflexive. Cela ne signifie pas que toutes les personnes d'une société sont bien informées sur des sujets particuliers, ou qu'elles sont des experts dans tous les domaines (ou dans quelques-uns) de l'expérience quotidienne et culturelle (voir Schutz, 1946), et qu'elles sont toutes des « croyantes » convaincues dans le « sens commun » de leur culture comme dans ses discours plus spécialisés (voir Goody, 1975 ; Broom et al., 1954). Selon la formulation de l'anthropologue Dan Sperber (1982 : 2), il s'agit de distinguer entre « la culture générale et les savoirs spécialisés », et il existe plusieurs sociétés, époques ou régimes qui ne sont pas à l'aise avec le deuxième type de savoir.

Dans ce chapitre, je m'intéresse à l'« expertise » ou au « savoir professionnel », et en particulier à la dissémination du savoir, des techniques et des institutions psychiatriques dans différentes cultures ; je traite ce savoir comme une « marchandise » professionnelle insérée dans un contexte international, celui de l'« industrie et du commerce du savoir » à l'échelle du monde, dans lequel les universités ne sont qu'un espace « discipliné », un noeud, un acteur ou une « usine » au sein de la production, de la valorisation, de la propagation et de la consommation des biens circulant dans ce marché.

Je ne peux traiter ici l'ensemble des thèmes importants qui se rapportent à ces questions : Qu'est-ce que le savoir ? À qui appartient-il ? Dans quelle mesure est-il accessible aux autres ? Permettez-moi à ce stade de proposer une sorte de définition de sens commun de ce qu'est le « savoir » (OED, 1964 : 671 ; voir Elkana, 1981) : pour les besoins de ce texte, je le définis comme une compréhension pratique ou théorique créée ou revendiquée par des spécialistes, qui confère un caractère distinct à leur domaine ou à leur organisation professionnelle vis-à-vis d'autres catégories de spécialistes et du public (voir Abbott, 1988). Je préciserai dans la seconde section de ce chapitre la définition et le modèle opératoire de la notion de « profession » que j'utilise.

Mais pour commencer, je voudrais analyser la manière dont, en Occident, différents discours universitaires et le langage ordinaire ont parlé du « flux », du « commerce », des « emprunts », de la « dissémination », de l'« enracinement » et de la « croissance » du savoir. Pour un anthropologue, ces discours et ces métaphores sont d'un intérêt professionnel considérable, car ils sont à la fois une source et une manifestation du savoir culturel. C'est pourquoi je veux d'abord explorer des discours universitaires et populaires décisifs sur ce sujet, en suivant les objectifs suivants : en présenter un inventaire (pour éviter de réinventer la roue), chercher à clarifier et à démêler les nuances et les implications liées à leur utilisation, montrer les différentes facettes de l'objet de ces discours ou de ce qu'ils reflètent, et explorer l'utilité de la « convergence » que le colloque de l'Ontario Institute for Studies in Education semble proposer et promouvoir à travers l'expression « transfert de savoir » et le discours qui y est associé. Ce transfert de savoir entre professions, départements, universités fait partie de l'ensemble des interrogations anthropologiques sur le changement social.

À la suite de cette exploration, de cette « méditation » et de ces exemples, je vais présenter certaines données pertinentes issues de mon projet de recherche en cours sur le rôle très important joué par l'Université Johns Hopkins et par la Fondation Rockefeller dans la structuration et l'évolution de la (neuro-) psychiatrie au Canada, en Chine et aux États-Unis au XXe siècle. Il y sera question autant des personnes mises à contribution que des diagnostics et des textes utilisés dans ce « commerce » multiorienté de savoir. Finalement, je discuterai brièvement des conséquences de ce commerce sur notre besoin d'analyses particulières (départementales, biographiques, etc.) plutôt que générales (les universités dans leur ensemble, etc.) et sur les limites et les contraintes de l'activité des universités et des programmes d'échanges. C'est ainsi que pourra s'élaborer une anthropologie générale du savoir. Je me tourne maintenant vers la première section qui propose une « méditation » non exhaustive à propos de discours et de métaphores sur le savoir qui peuvent (ou non) être utiles. Le discours du transfert (utilisé, entre autres, par Brown, Hayhoe, Landes, etc., voir Amsden, 1992) est-il entièrement satisfaisant ou existe-t-il d'autres choix possibles ?

Des discours sur les savoirs qui traversent les cultures

a) Au sein de l'histoire intellectuelle, les mouvements du savoir et les différents climats « locaux » sous lesquels il devait tenter de se faire accepter ont été étudiés par les spécialistes des Reception Studies, les études de la réception. Parmi les ouvrages de référence de cette sous-discipline figurent, entre autres, le livre de l'historien Glick (1988), qui traite de plusieurs sociétés européennes, de la Russie, des États-Unis, du Mexique et de certains pays arabes (sur Darwin et la Chine, voir Pusey, 1983), ou le tableau que propose le sociologue Kurzweil (1989) de la « réception » et du « remodelage » de la pensée de Freud en Europe et aux États-Unis (voir Abbott, 1988 : 385), ou encore les travaux remarquables du spécialiste chinois de littérature comparée Wang Ning qui portent sur la réception puis le « puissant retour » dans la littérature chinoise moderne, d'une part du freudisme (1991a, 1991b), et d'autre part du « postmodernisme » (1993). On pourrait peut-être aussi classer comme étude de réception l'ouvrage de Ruth Hayhoe (1989 : 53, 100, 191) qui traite des transferts de savoir européen, soviétique, japonais et nord-américain dans l'enseignement supérieur en Chine, et qui insiste plus particulièrement sur les facteurs externes et internes qui affectent cette réception.

Il existe différents modes d'acquisition et de réception du savoir, par exemple « copying, importing, learning, stealing, borrowing and instilling the new industrial knowledge » (Landes, 1992a : 85) ou bien la résistance et le rejet. Il me semble que certains écrits relevant de ce discours accordent trop d'importance au receveur ou au récepteur et pas assez au donneur (voir Buck, 1981), et notamment négligent les effets rétroactifs de la ou des réponses du récepteur sur le donneur. Je privilégie quant à moi une approche « transactionnelle », qui prend en compte l'ensemble de ces interactions ainsi que, dans la mesure où elles produisent des effets différents dans la durée, le long terme et le court terme.

b) Il existe un autre type de discours à la fois professionnel et populaire qui pourrait être utile pour décrire les mouvements du savoir : le discours « hydrologique » du flux, qui suggère la liquidité du savoir et sa capacité de se diriger de multiples façons au travers d'une gamme de « canaux »2. Ce flux peut parfois être bloqué ou détourné, totalement absorbé ou rejeté, tout comme la source d'un canal peut se tarir ou être très abondante et arroser un ensemble de pousses aux alentours (voir Landes, 1992a : 100 au sujet de « greffes » étrangères prenant ou ne prenant pas « racine »). Le discours du flux peut aussi être considéré comme un discours de « communication » avec ses « canaux », ses signaux mélangés, ses « engorgements », son « bruit », etc. (voir Broom et al., 1954). On peut aussi trouver le discours, étroitement relié à la version hydrologique, de la « dissémination » qui emploie un idiome agricole ou végétal d'usage fréquent, évoquant le semoir, les graines, la fertilité du sol et la moisson... (voir Buck, 1981 : 150 ; Bullock, 1980 : 132-133 ; Wang, 1993 : 7).

Ces versions peuvent être utiles ou informatives et fécondes sur le plan du style ; toutefois, ce discours est peut-être trop poli ou bienveillant pour rendre compte adéquatement de l'essence, de la nature et des résultats de certaines transactions, si ce n'est de la plupart, ainsi que des rapports de pouvoir qu'elles peuvent engendrer.

c) L'anthropologie anglaise et allemande du début du XXe siècle a proposé le discours de la « diffusion » de la culture et des innovations à partir de l'Égypte ancienne, ou d'un ensemble très limité de centres créatifs, vers le reste du monde (voir Amsden, 1992 : 112 et certains discours actuels « africano-centristes »). Ce discours anthropologique a pour le moins minimisé ou ignoré l'histoire et la créativité de ces groupes qu'on cataloguait comme « récepteurs ».

Ce discours fit place à celui du « contact culturel », du « changement social » et de l'« acculturation ». On peut noter ici la façon dont Broom et ses collègues (1954 ; pour une version plus récente en psychologie, voir Berry, 1990) ont formulé la notion d'« acculturation » en se centrant sur une série de caractéristiques, de variables et de processus associés au donneur comme au récepteur et qui rendent compte de ce qui se produit lorsque des cultures visiblement différentes entrent en contact. Quarante ans plus tard, cette approche est encore capable de mettre en contexte et de traiter la question plus étroite ou plus spécifique des « relations universitaires internationales ». La préoccupation de Hayhoe (1989 : 94, 154-156 ; voir Landes, 1992b : 134) pour « l'égalité, l'autonomie, la solidarité et la participation » s'adresse en fait surtout aux « relations conjonctives », à ce qu'a produit la prise de contact, comme l'indiquent Broom et al. (1954 : 265 sqq.). Cette préoccupation est partagée par ceux qui utilisent le discours de l'« hégémonie » ou de « l'impérialisme culturel » (par exemple Berman, 1983 au sujet de la Fondation Rockefeller et d'autres fondations américaines importantes). Broom et ses collègues font parfois référence dans leur texte au rôle de l'« éducateur et du médecin » (Broom et al. 1954 : 267), mais ils insistent surtout sur leur modèle général de l'acculturation, au détriment d'une réflexion sur les écoles et les universités en elles-mêmes.

Le livre de Sperber, Le savoir des anthropologues, est moins utile et pose davantage de problèmes. Selon cet auteur :

Qu'elle l'aborde directement ou indirectement, il est une question à laquelle toute l'anthropologie qui se voudrait scientifique devrait apporter une réponse : par quel processus de sélection et en fonction de quels facteurs une toute petite fraction des représentations mentales que les humains construisent deviennent-elles des représentations culturelles partagées, envahissent-elles de façon temporaire (les rumeurs, les modes) ou durable (les traditions) les réseaux de la communication sociale ? Une anthropologie culturelle doit comporter ¾ je serais tenté de dire : doit être ¾ une épidémiologie des idées. (1982 : 42)

Et il continue à se demander « pourquoi certaines idées sont plus contagieuses que d'autres » (Sperber, 1985 : 31 ; voir Landes, 1992a : 100). Il décrit ce discours en utilisant des termes de santé et le traite comme une « maladie infectieuse » :

À la différence des gènes, des virus ou des bactéries, pour lesquels la reproduction est la règle et la mutation l'exception, les représentations mentales ont une structure essentiellement instable : le destin normal d'une idée est de se transformer ou de se fondre dans d'autres idées ; c'est la reproduction d'une idée qui est exceptionnelle. Aussi, comme le suggère indirectement l'oeuvre de Lévi-Strauss, une épidémiologie des idées doit traiter de leur transformation autant que de leur reproduction... (Sperber, 1985 : 31)

Tout en reconnaissant le bien-fondé de sa dernière phrase, je crois que le savoir anthropologique doit être le fruit d'un intérêt professionnel qui porte autant sur l'étude des réalités brutes des rapports sociaux de pouvoir, des privations et de la discrimination que sur de belles théories des idées et des symboles dans le temps et l'espace, et donc sur une économie politique et pas seulement sur une épidémiologie intellectuelle (cependant, voir Gaines, 1992a). Il est toutefois évident que certains régimes pourraient bien applaudir cette approche « infectieuse » si ce n'est « spiri-tuellement polluante » (voir Deng, 1983, 1986 ; Saich, 1989 : 23, 26, 151), des idées « étrangères » (sur le Peking Union Medical College qui se répand comme du « poison », voir Bullock, 1980 : 212).

L'approche proposée par le psychiatre et spécialiste d'anthropologie médicale Arthur Kleinman (1980, 1986, 1988 ; Kleinman et Kleinman, 1991) me semble pertinente pour cette analyse, ainsi que pour mon projet global, car, tout en étant très sensible aux « réalités symboliques », elle s'intéresse en même temps aux facteurs externes et internes qui structurent les « systèmes de soins de santé » et prend réellement en compte les mouvements du savoir entre les différents « secteurs » (populaires, locaux ou professionnels) de ces systèmes dans le monde entier. Plusieurs de ses concepts sont très utiles (voir Kleinman, 1980) : celui de « l'indigénisation », qui renvoie à la modification locale d'un savoir professionnel importé, celui de la « popularisation », qui désigne le mouvement ou la « fuite » d'un savoir issu du secteur professionnel vers le secteur populaire (ou le discours non spécialisé de la vie quotidienne), et celui du « patchwork explicatif » ou clinique. Cette dernière notion évoque les situations particulières dans lesquelles un praticien (ou un enseignant) peut appliquer des extraits de son manuel de formation tout en faisant appel au bon sens et même à des « ambiguities, illogicalities, and even blatantly false (from their standpoint) ideas » mais qui font sens par rapport à la vision du monde du patient (ou de la classe) et qui peuvent le guérir, plutôt que de suivre à la lettre les textes associés à cette école professionnelle ou intellectuelle (voir ibid. : 55-56, 159-160, 229, 243, 247, 370)3.

d) Dans les recherches sur les organisations, l'entrepreneuriat et le changement médical et technologique, on trouve le discours de la « diffusion des innovations » (par exemple MacDonald, 1992 ; Rogers, 1962) ; mais cette formulation soulève de nombreuses questions et ne rend pas justice à la complexité et à la globalité de la transaction dont il s'agit.

e) La métaphore médicale de la « transplantation » a été utilisée par certains chercheurs (par exemple Abbott, 1988 : 95, 344 ; Landes, 1992a : 99, 100) pour qualifier l'importation et l'exportation de savoir, de professions et d'institutions entre des pays ou des cultures. On peut y associer l'excellent ouvrage de Bullock (1980), intitulé An American Transplant, qui porte sur le Peking Union Medical College mis sur pied en Chine par la Fondation Rockefeller. Cette métaphore ne résume pas l'ensemble de son discours, car cette auteure attaque vigoureusement tout modèle simpliste de type « impact-réponse », privilégiant plutôt les notions d'« adaptation » et d'« assimilation » (1980 : XVIII-XX) ou même, dans certains cas, les termes « transfert », « acculturation » et « diffusion » ; elle s'intéresse surtout au modèle que j'ai appelé « transactionnel » (par opposition au modèle de type stimulus-réponse). Mais c'est délibérément qu'elle utilise le discours de la « transplantation » qui est très révélateur dans le cas du Peking Union Medical College, cette institution d'élite presque (mais pas totalement) « enkystée » dans le « corps » chinois4.

Cette métaphore médicale a le mérite de suggérer qu'un ensemble « organique » unifié de connaissances (ou un secteur complet comme un département ou une université dans son intégralité) a été « implanté » dans « le corps politique » d'un récepteur, avec ou peut-être sans son accord, et que cet organe implanté peut entraîner une « amélioration de la vie » : c'est un engagement sérieux, qui met en jeu le prestige du donneur et peut-être son désir de recevoir de la gratitude (voir Mannoni, 1968 : chap. 1 et Fanon, 1968 : chap. 4), et qui a pour conséquences probables un suivi et un contrôle serrés de la part du donneur et une longue « convalescence » dans un état de dépendance pour le récepteur. Il est très important de noter que le Peking Union Medical College, acclamé comme « l'Université Johns Hopkins de la Chine » (Burton, 1909 cité dans Bullock, 1980 : 24), n'a jamais véritablement été « transféré », depuis le moment de sa création en 1915 et sa consécration officielle en 1921 jusqu'à la fin des années 40, du China Medical Board de la Fondation Rockefeller à une direction entièrement chinoise ; ce collège n'a obtenu son premier directeur chinois en bonne et due forme qu'en 1947, bien que certaines mesures de « signification » aient été prises avant cette date, par exemple à l'occasion du pourvoi de postes de professeur, ou de modifications de programmes, etc. (Bullock, 1980 : 125, 132, 212). Le discours du « transfert » soulève plusieurs questions cruciales, me semble-t-il, dont les moindres ne sont pas la date du moment exact du « transfert » au cours de l'interaction, le degré d'accord et de sincérité qui l'entourèrent, et la quantité réelle de véritable contrôle qui a été transféré, par contraste avec les fils de marionnettes restés du côté du donneur. Le discours ou la métaphore du « transfert » semble indiquer une forme de « passivité » chez le récepteur qui est pensée comme un effet de la dépendance typique engendrée par les situations coloniales.

Une particularité très utile du discours de la « transplantation » est qu'il suggère qu'une transplantation peut ne pas prendre, que des « symptômes de rejet » peuvent la faire échouer au bout d'un certain laps de temps5 (Bullock, 1980 : 211-214). Ce discours laisse aussi entrevoir la possibilité de l'« absorption » totale par le patient-hôte, ou sa « mort »... Ces possibilités de réaction sous forme de résistance active ou ambiguë ou de dépendance me semblent ne pas pouvoir être « pensées » si on utilise l'expression neutre « transfert de connaissances », bien que les termes « transfert » et « transplantation » puissent tous deux enclencher une attitude paternaliste chez le donneur (voir Lakoff et Johnson, 1980). Un transfert semble n'impliquer qu'un flux ou un mouvement unidirectionnel, alors qu'une transplantation fait apparaître une transaction intime de très longue durée sous la forme d'une « constitution réciproque » des parties en cause (voir par exemple Foucault, 1982, 1984 : 10-11) ; en revanche, le commerce suppose une « circulation » d'idées qui va au minimum dans les deux sens et qui peut être litigieuse ; il n'est pas non plus exclu qu'un des partenaires puisse en tirer davantage de profits qu'un autre et que le ressentiment qui s'ensuit puisse influer sur la suite de l'interaction.

f) Il existe un autre discours important qui doit faire partie de notre réflexion, celui des chercheurs en sciences sociales qui s'intéressent à la « formation des élites ». Dans ce cas, il s'agit de comprendre dans quelle mesure les universités aident la société qui les accueille ou si elles ne font qu'exacerber les clivages de la stratification sociale (par exemple, Shils, 1968 ; au sujet de la Chine, voir Bullock, 1980 : chap. 5 et 9 ; Fei Xiaotong, 1968 ; Nivison, 1953 ; Saich, 1986, 1989 : 154, 155 ; Thurston, 1988). Est-ce que les diplômés et les professeurs contribuent à la société environnante ou forment-ils un fragment de classe qui ne s'intéresse qu'à son statut et à sa promotion économique ? Sont-ils appréciés par leur société ou bien est-ce que, à tort ou à raison, le régime en place, le public en général les dénigrent et leur en veulent6 ?

Un des premiers qui ait écrit sur ce thème fut le sociologue Edward Shils qui affirme notamment que chaque société ou chaque région a besoin « d'une communauté intellectuelle authentique » (1962 : 18). Mais comme il l'indique clairement, les universités ne forment qu'une partie de l'infrastructure essentielle pour qu'une telle « communauté intellectuelle » existe et prospère (1962 : 19 ; voir 1968 : 402, 413 ; voir Hayhoe, 1989 : 156 ; Saich, 1989 : 16, 35) :

This institutional system centres, of course, around the universities and university colleges in each country, and over the world as a whole. But these are not enough. Other institutions are no less necessary. Systems of elementary and secondary education, publishing houses, journals and reviews, bookshops, libraries, museums, university laboratories, and governmental and private research institutes outside the universities, broadcasting stations, and daily newspapers are all part of the institutional system of an intellectual community.

Il est donc important de ne pas trop nous centrer sur l'université dans la problématisation de ce thème. Les universités ne sont pas les seuls sites de production et de reproduction du savoir, et les nouvelles techniques de communication rendent leurs campus de moins en moins importants. De plus, certaines sociétés ne pourront plus se permettre d'entretenir leurs universités actuelles en raison de l'augmentation croissante des coûts et des taxes.

Un second thème important abordé par Shils est que la communauté intellectuelle ne peut pas être, et ne doit pas être, isolée de l'activité intellectuelle qui a cours dans d'autres pays : « The aspiration to complete intellectual self-sufficiency is a vain and pernicious hope [for any society, anywhere] [...] ». « No intellectual community could ever be self-sufficient ; it would not be worth anything if it were » (1962 : 22 et 36). Cette idée est également importante pour la discussion proposée dans ce chapitre car elle confirme le caractère erroné du concept de transfert si on le considère comme d'une façon ou d'une autre une activité « spéciale » et rare, plutôt que comme une activité en elle-même, courante, ordinaire et même nécessaire, relevant de la définition même de « communauté intellectuelle ». Le discours du « transfert de connaissances » peut nous aveugler face à cette réalité et privilégier ce qui relève de la vie universitaire quotidienne au détriment du « commerce » du savoir, élément vital de l'industrie et de la consommation du savoir qui se situe à la fois à l'intérieur et en dehors du système universitaire. Le terme « commerce » permet aussi de concevoir l'existence de « restrictions » affectant l'ensemble de ces échanges et de ces « marchés », et celle de « commerçants » disposant de ressources, de compétences variées. On pourrait répondre que les transferts forment une sous-catégorie du commerce ; cependant, les autres réserves que j'ai exprimées tiennent toujours.

Il est important de prendre en compte un troisième thème clé proposé par Shils, à savoir la recherche d'équilibre entre une industrie du savoir sensible aux conditions et aux préoccupations locales et une participation à la communauté intellectuelle mondiale (voir 1962 : 40, 41 ; voir aussi Saich, 1989 : 16). Le contexte dans lequel Shils donna cette conférence était pertinent par rapport au thème : c'était au Fourah Bay College, à peine quelques mois après l'indépendance du Sierra Leone. Shils utilisa ensuite une métaphore biologique ou écologique courante pour décrire ce que Kleinman appellerait « l'indigénisation » du savoir. Il plaida en faveur de la nécessaire « adaptation » locale des savoirs « importés » et pressa tous les États africains d'Afrique de l'Ouest de travailler ensemble en ce sens et

to see the problems of Africa in the light of the knowledge developed throughout the world but adapting the knowledge to the particular variants of the part of Africa involved. It means seeing African problems as the central ones and ideas from whatever source as the means of coping with them. It does not mean thinking only of Africa, but rather of being convinced genuinely ofthe validity of African problems"(Shils, 1962 : 22-23 ; voir aussi p. 28, 3-34, 36-38).

C'est aussi, même si Shils ne semble pas s'en rendre compte, un appel en faveur d'une sorte de version africaine du discours du « renforcement de soi », apparu en Chine au XIXe siècle et toujours pertinent pour la Chine contemporaine qui importe du savoir et de la technologie de l'extérieur tout en s'efforçant de développer et de mettre en valeur (ou de fabriquer) les « caractéristiques chinoises » de ces importations.

g) Le discours centré sur l'« adaptation » du récepteur intervient également dans les textes proposés par d'autres auteurs (par exemple, Bullock, 1980 ; Hayhoe, 1989 : 55). Un exemple récent est celui de l'historien Jonathan Spence et son magnus opus, The search for Modern China, dans lequel il explique que le mouvement chinois du « renforcement de soi » cherchait à « préserver les aspects les plus précieux » de la culture traditionnelle « by selectively adapting elements of Western learning and technology to China's needs » (1990 : 216). Il est vrai qu'à certains endroits de son livre, il parle aussi de « greffe » et de « transfert » : « a new type of political agenda has been transferred from the Soviet Union to China » (1990 : 323).

Il n'est pas rare, comme on l'a vu, qu'un auteur utilise différents discours ou différentes métaphores dans un seul et même ouvrage, pour tenter de saisir les diverses facettes de cette question. Par exemple, Ali Mazrui (1974), qui a lui-même reçu une bourse de la Fondation Rockefeller pour ses études de maîtrise et qui fut un invité d'honneur du congrès de l'Ontario Institute for Studies in Education, évoque une approche de la « culture mondiale » comme résultante de la « convergence culturelle » (p. 3, 15, 16, 84 ; voir Landes, 1992a). Mais il parle aussi de l'« impact occidental » sur les autres sociétés (Mazrui, 1974 : 15, 17, 85, 92, 94 ; voir Landes, 1992a), de l'« acculturation » et de la « diffusion » (Mazrui 1974 : 18), d'« emprunts »7 culturels qui se font dompter ou domestiquer (ibid. : 69-99) et de l'exportation (ibid. : 83) des langues française et anglaise dans le monde entier. Pour une part, cette diversité reflète l'habileté de l'auteur à manier les styles et les niveaux de discours, et son souci de ne pas ennuyer ses lecteurs. Mais dans le cadre de ma « méditation » sur cette gamme de discours et de métaphores, je recherche des outils plus précis et plus cohérents pour analyser et comprendre les mouvements du savoir. Un discours ne peut pas toujours refléter à lui seul la complexité d'une telle situation. En dépit des points très positifs que j'ai associés au discours de la « transplantation », je trouve utile d'évoquer l'importation et l'exportation du savoir, des professions et des infrastructures.

h) Bien entendu, je ne suis pas le premier à avoir trouvé pertinent de faire appel aux termes de « commerce » du savoir professionnel défini comme une « marchandise » et d'« importation » ou d'« exportation » du personnel, de la formation, des diagnostics, des textes, des départements, etc.

Ainsi, de son côté, le sinologue Tony Saich (1989 : 36) désigne, mais cette fois dans la perspective chinoise, la science, la technologie et le « savoir » comme des « marchandises ». Il fait parfois allusion à l'« importation », à l'« exportation » et à l'« emprunt » de technologies ; cependant, la plupart du temps, son discours (tout comme le discours chinois) sur la technologie, par opposition au savoir en lui-même, est celui du « transfert », à la fois interne et en provenance de l'extérieur (1981 Four Transfers ; 1989 : 31, etc.). Les travaux de l'historien de la technologie et du développement David S. Landes (1992a : 85, 90) et ceux du spécialiste d'anthropologie médicale Atwood Gaines (1992a : 23 ; 1992b : 184) constituent d'autres exemples intéressants.

Un groupe de chercheurs a récemment examiné et analysé dans l'ouvrage Exporting Democracy (Lowenthal, 1991) l'« exportation » d'une idée ou d'un noyau d'idées, la démocratie, depuis les États-Unis vers l'Amérique latine et les Îles des Caraïbes au cours du XXe siècle (voir aussi Cobbs, 1991 pour des remarques sur le rôle des Rockefeller). Il s'agit évidemment d'un thème complexe, dont le récit est, selon Lowenthal (1991 : x), « édifiant » : « Although the idea that the United States knows how to export democracy is widely accepted today, the historical record strongly suggests reasons for skepticism » (ibid.). Il conclut effectivement lui-même (1991 : 279, 282, 289 ; aussi Diamond, 1992 : 27, 35) que :

Democracy is not an export commodity ; it cannot simply be shipped from one setting to another. By its very nature, democracy must be achieved by each nation, largely on its own. It is an internal process.

Cependant, en même temps, il veut croire que les États-Unis peuvent « faire beaucoup », surtout indirectement, « to nurture and reinforce democracy in the Americas ». Parallèlement, la journaliste colombienne Cecilia Rodriguez (1992) a jeté un regard sceptique sur la « démocratie » telle qu'elle est pratiquée aux États-Unis : « So, is this really a system that elects the best and the brightest ? Is this really a system that deserves to be exported ? » Sa réponse est claire (et Gore Vidal l'approuverait !).

Il est intéressant de noter que Deng Xiaoping lui-même a parfois utilisé le discours de l'« importation » (par exemple 1983b : 35), tout en ayant sa propre idée sur ce qu'est la « démocratie » : « Democracy can develop only gradually and we cannot copy Western systems. If we did, that would only make a mess of everything » (1986 : 163, 165 ; voir 1984). On dirait bien là une convergence de points de vue !

En dépit des positions de Lowenthal et de Diamond sur l'exportation de la démocratie (qui s'appliqueraient sûrement aussi à l'idée de « transfert »), il est évident que le discours du « commerce » leur permet de formuler un jugement final, dans ce cas, à propos des difficultés inhérentes à ce processus. Ma thèse est que ce discours est très utile, notamment pour mon projet de recherche, et je recommande qu'il fasse l'objet de plus d'utilisation et de débats dans le cadre plus général de la perspective transactionnelle. Ces « marchandises » sont-elles exportables ? Sont-elles souhaitées par des récepteurs actifs pour des raisons dont ils ont le contrôle ? Mais je dois m'arrêter ici.

Au fil de cette section, et dans le cadre de mon intérêt plus général pour l'anthropologie du savoir, j'ai présenté une « méditation » partiellement explicative d'une variété, ou même d'une polyphonie, de discours et de métaphores portant sur les mouvements interculturels du savoir, à partir d'une sélection limitée de sources surtout occidentales, passées et récentes, représentant plusieurs disciplines. J'ai proposé que l'analyse se concentre sur l'ensemble de la transaction, en prenant en compte la durée, et ne se limite pas seulement soit au donneur, soit au savoir en question, soit au récepteur, ni au court terme, et qu'on prenne en considération les « effets rétroactifs » du récepteur sur le donneur. Et j'ai tenté de montrer mes hésitations face à notre tendance à adopter globalement et exclusivement le discours du « transfert de connaissances » pour les raisons suivantes : d'une part, le terme « transfert » semble impliquer un caractère unidirectionnel ; il privilégie de manière excessive le côté habituel, « naturel » et ordinaire de la vie intellectuelle et cette neutralité de surface voile les possibilités de rapports de pouvoir ; il suggère ou implique une passivité chez le récepteur qui, si c'était le cas, serait le reflet d'une situation de dépendance (ou même d'endettement) suscitée par le patronage du donneur ; ce terme, enfin, donne la fausse impression que le bloc de savoir en question (ou le département, etc.) circule rapidement et intégralement vers le récepteur et « s'y installe » sans se transformer, ou alors circule en n'ayant plus aucun lien d'attache (ce qui n'est pas vraiment le cas du Peking Union Medical College !).

Au lieu de cela, m'inspirant d'un discours plus dur, plus « darwinien » ou « capitaliste » (et tout en conservant une certaine affection pour le discours de la « transplantation »), j'ai proposé d'utiliser de manière plus large les notions de commerce et d'industrie du savoir, d'importation et d'exportation, ou d'investissement dans cette marchandise, et j'ai indiqué que l'université n'était qu'une sorte d'usine à savoir immergée dans un système international pour lequel « knowledge is the currency of competition » (Abbott, 1988 : 102). Dans cette section, j'ai essayé de présenter et de faire partager ces points de vue et ces cogitations, et peut-être même de vous les « transférer » ! Dans un nouvel ordre mondial à venir, à défaut de la Grande harmonie de Kang Youwei (1958), notre discours sera peut-être celui du « partage ».

La profession psychiatrique dans différentes cultures

Dans ce qui suit, je ne peux qu'esquisser brièvement certains aspects de mon projet de recherche comparée en cours qui porte sur les sources, les connexions réciproques et la nature de la profession psychiatrique tout au long du XXe siècle, au Canada, en Chine et aux États-Unis (Lumsden, 1991a-c, 1992a et b, 1993).

Pour commencer, je dois préciser que le cadre théorique de cette étude s'appuie sur l'approche d'Arthur Kleinman en anthropologie médicale et en psychiatrie culturelle (1980, 1986, 1988 ; Kleinman et Kleinman 1991 ; voir aussi la revue internationale Culture, Medicine and Psychiatry, de 1977 à aujourd'hui), ainsi que sur les travaux d'Andrew Abbott en sociologie des professions, qui présentent un modèle détaillé et dynamique, et même « prédateur » et « carnivore » (1988 : 87, 156, 316, etc. ; voir Schutz, 1946), de professions « contesting », en croissance ou en décroissance, dont la « monnaie » est la prétention au savoir, aux compétences et à la « juridiction » (ou au « turf »).

En bref, pour Abbott (1988 : 318, sqq.), « professions are somewhat exclusive groups of individuals applying somewhat abstract knowledge to particular cases. [The term] means at once a form of organization, a level of social deference, an association with knowledge, a way of organizing personal careers ». Il a lui-même limité la pertinence de son modèle « to the social structuring of expertise in nonsocialist developed countries » (1988 : 386 ; voir p. 316) et a examiné plus de cent professions différentes aux États-Unis et en Europe. Je réalise pour ma part une extension de ce modèle en explorant la relation d'amour et de haine qui lie la Chine aux experts et aux intellectuels, en particulier à ceux qui prétendent s'intéresser en tant qu'experts aux malades mentaux, toujours sujets à une stigmatisation culturelle considérable.

La principale impulsion à l'origine de mon projet (voir Brown, 1980) a été de délimiter le rôle très important de l'Université Johns Hopkins et de la Fondation Rockefeller (et notamment de son China Medical Board) dans la structuration de la profession psychiatrique, entre autres au moyen de l'exportation de personnel qualifié, de savoir, des compétences et des préoccupations psychiatriques, et d'infrastructures. Les résultats de cette recherche ne sont qu'un exemple de la façon dont la richesse de la Standard Oil Company et le zèle d'une dynastie américaine ont pu être utilisés dans de nombreux pays.

Les connexions entre l'Université Johns Hopkins et la Fondation Rockefeller étaient solides et influentes, impliquant des personnages tels que William Henry Welsh (1850-1934), la famille Flexner et jusqu'à Alan Gregg, dont la biographie fut écrite par nul autre que le Canadien Wilder Penfield, lui-même médecin diplômé de l'Université Johns Hopkins et qui reçut des subventions de la Fondation Rockefeller pour son Institut neurologique de Montréal. Un rapide coup d'oeil sur la carrière de William H. Welsh est également instructif. Il exerça une influence décisive lors de la constitution de la Faculté de médecine de l'Université Johns Hopkins, qui devint ensuite un modèle extrêmement influent pour les autres facultés de médecine et la formation qu'elles offriraient. En tant que membre de la commission de 1915 du China Medical Board, il fut à l'origine du projet de développement du Peking Union Medical College ; il n'est donc guère surprenant que ce dernier ait été influencé par le modèle de l'Université Johns Hopkins, bien que Welsh ait insisté plus tard sur le fait que ce collège « should make sure not to do merely the same kind of work on the same themes as Baltimore » (Fleming, 1987 : 136). De plus, il défendit l'idée de créer une École d'hygiène et de santé publique à l'Université Johns Hopkins, financée par une subvention de la Fondation Rockefeller ; cette école devint aussi un modèle pour de telles écoles ailleurs, notamment celle de l'Université de Toronto, qui reçut elle aussi une subvention de la Fondation Rockefeller (Fleming, 1987 : 183-184).

Il existait aussi plusieurs connexions entre le Canada et l'Université Johns Hopkins, sous la forme d'une circulation, dans les deux sens, de personnel et de savoir. Par exemple, Henry Hurd, le premier surintendant de l'Hôpital Johns Hopkins, réalisa une étude fameuse sur les hôpitaux et les soins psychiatriques dans les deux pays, tandis que plusieurs médecins canadiens jouèrent un rôle important à l'Université Johns Hopkins elle-même, par exemple Sir William Osler, L. Barker, Thomas Cullen et William MacCallum. Je ne peux bien sûr pas entrer ici dans le détail de ces connexions. Le Canada, la Chine et les États-Unis partagent en gros la même histoire médicale, le commerce du savoir ayant été facilité par l'argent et les orientations de la Fondation Rockefeller.

Une autre figure clé de l'Université Johns Hopkins fut Adolf Meyer (1866-1950), un des psychiatres les plus influents aux États-Unis et ailleurs pendant de nombreuses années. En 1911, à Baltimore, il fut l'un des huit fondateurs de l'Association américaine de psychanalyse ; deux autres fondateurs, Ernest Jones et J.T. MacCurdy venaient de Toronto (voir Parkin, 1987). En 1916, Meyer fit ses premières propositions au China Medical Board de la Fondation Rockefeller quant au type de psychiatrie qui devrait être développé en Chine. En 1927-1928, il fut le 56e président de l'Association américaine de psychiatrie. Pendant les 20-30 années, il fut aussi un enseignant, un clinicien et un auteur très actif (par exemple Meyer, 1950-1952). Plusieurs de ses étudiants contribuèrent à la psychiatrie canadienne. Ainsi, Robert O. Jones (1914-1984), de Nouvelle-Écosse, étudia avec Meyer en étant boursier de la Fondation Rockefeller, puis dirigea de 1941 à 1975 le Département de psychiatrie, financé par la même fondation, de l'Université Dalhousie ; cette université reçut par ailleurs des fonds de la Fondation Rockefeller pour d'autres programmes. En 1951-1952, Jones devint le premier président de l'Association canadienne de psychiatrie ; en 1965-1966, il fut le président de l'Association médicale canadienne. Et lorsqu'il était responsable de la psychiatrie à l'Université Dalhousie, la « psycho-biologie » de Meyer faisait partie du programme des cours, même si ce n'était pas la seule école de pensée enseignée là-bas. On peut noter que Jones était un ami d'Alexander H. Leighton, lui aussi un étudiant de Meyer.

Un autre étudiant important de Meyer fut l'Américain Richard S. Lyman (1891-1959). Formé à l'Université Johns Hopkins, il passa un an à travailler dans le laboratoire de Pavlov en Russie, puis une année à l'Hôpital de la Croix-Rouge de Shangai ; il devint ensuite directeur de l'Unité de neuropsychiatrie au Peking Union Medical College de Beijing, de 1931 à 1937. En 1938-1940, il revint faire de la recherche et enseigner à l'Université Johns Hopkins, exerçant lui-même une influence sur la pensée et les écrits de Meyer. De 1940 au début des années 50, Lyman dirigea le Département de neuropsychiatrie, financé par la Fondation Rockefeller, à Duke University, une université dont la Faculté de médecine avait été fortement influencée par l'Université Johns Hopkins, par l'intermédiaire du doyen W. Davison, qui en provenait. D'ailleurs, des historiens récents de l'Université Johns Hopkins (Harvey et al., 1989) ont décrit Duke University comme « the most complete Hopkins colony ».

Tant à Beijing qu'à Duke University, il est clair que Lyman a transmis la pensée de Meyer à ses propres étudiants. Cependant, il est important de noter que Lyman prit soin d'exposer ses étudiants à d'autres courants de pensée. En particulier, il a importé la psychanalyse freudienne en Chine ; mais il est évident que son premier grand amour était la pensée psychologique et physiologique russe. À Beijing comme à Duke University, il s'assura que ses étudiants lisent Pavlov et peut-être davantage encore V.M. Bechterev. Avec Meyer et Gantt à l'Université Johns Hopkins et Babkin à l'Université Dalhousie et à l'Université McGill, Lyman faisait partie de ceux qui diffusèrent les connaissances issues de l'école de Pavlov en Amérique du Nord. Mais ce n'était pas tout ; il importa de plus au Peking Union Medical College le savoir neurologique allemand, notamment les travaux de Leo Alexander. En fait, ce savoir médical allemand, autrefois si dominant en Occident, avait déjà été importé au Peking Union Medical College car, selon Bullock (1980 : 119), en 1920, la bibliothèque de ce collège « comportait 50 000 thèses allemandes » ; mais on peut se demander combien d'étudiants chinois en médecine pouvaient réellement les lire et les utiliser. En fait, il s'avère que la Faculté de médecine de l'Université Johns Hopkins avait été elle-même fortement influencée par la pensée de la tradition médicale allemande, à travers les contacts de Welsh avec la formation allemande (Fleming, 1987). Comme le dit Bullock (1980 : 24), « the Johns Hopkins University School of Medicine was destined to be the principle vehicle for transmitting German scientific standards to American medical education ».

Il n'est pas encore clair pour moi si Lyman lui-même s'est « imprégné » de philosophie chinoise ou de pensée médicale traditionnelle pendant qu'il était en Chine ; même s'il parlait plusieurs langues, on m'a dit que le mandarin n'en faisait pas partie. Un de ses collègues né en Chine, qu'il engagea à Beijing puis plus tard à Duke University, était personnellement très influencé par la pensée confucéenne et taoïste et la trouvait utile sur le plan clinique pour ses patients chinois ; mais il n'en a vanté les mérites ni à ses collègues, ni aux groupes successifs de médecins résidents de Duke University à qui il prodigua des heures de psychothérapie pendant de nombreuses années. Ce collègue de Lyman, Bingham Dai, fut influencé par la formation psychanalytique qu'il reçut aux États-Unis avant d'aller au Peking Union Medical College en 1935 (même s'il ne devint pas un analyste accrédité) ; toutefois, il avait fait sa maîtrise et son doctorat de sociologie à l'école de Chicago et son mémoire portait sur la dépendance à l'opium à Chicago !

Il ressort clairement des écrits de Lyman qu'il était favorable à l'idée que la Chine développe sa propre version de la profession psychiatrique. Ainsi, dans un article de 1937, il affirmait clairement que « tendencies now in progress will probably not turn out to be mere repetitions of American psychiatric history », tout en rappelant son sentiment que « the Chinese soil seems not to resist the growth of psychiatry » (1937 : 765, 770). Il était bien conscient du rôle des facteurs sociaux et familiaux spécifiques qui affectaient ses patients chinois, et au Peking Union Medical College comme à Duke University, il appela de ses voeux le développement d'un champ d'étude appelé « psychiatrie raciale comparée ». Cette initiative fit de lui un pionnier dans le champ de la psychiatrie transculturelle qui, par ailleurs, démarra à l'Université McGill dans les années 50 puis s'étendit ensuite au monde entier. En 1937, alors qu'il était au Peking Union Medical College, il recommanda fortement de traduire en chinois certains termes étrangers (1937 : 760) : « with an eye to the future, it is not too early to start search » (sic) « for Chinese expressions of the more fundamental psychiatric concepts which fit the spirit of the language ». En raison, pour une part, du manque de psychiatres formés en Chine, mais aussi à cause de son propre intérêt pour l'interdisciplinarité, qui s'est aussi manifesté lorsqu'il était à Duke University, il bâtit une équipe de collègues chinois spécialisés en travail social, en sociologie, etc., et finança personnellement la publication d'un volume de leurs travaux (Lyman, Maeker et Liang, 1939). Lorsqu'il était en Chine puis aux États-Unis, Lyman aida plusieurs étudiants et collègues chinois à suivre une forma- tion avancée à l'étranger ; quelques-uns furent acceptés à l'Université Johns Hopkins (dont certains travaillèrent avec Meyer lui-même), tandis qu'au moins un étudiant fut envoyé en Allemagne, et un autre pour se perfectionner auprès de Wilder Penfield !

Malgré la brièveté de ce tableau des personnes décisives, et de leurs intérêts particuliers ou de leurs « marottes » en tant qu'universitaires, il en ressort que nous n'aurions qu'une image faussée ou simplifiée des véritables « flux » ou importations de savoir si nous restions au niveau de l'université, du département ou même du programme d'échange. Une analyse et une interprétation beaucoup plus fines sont nécessaires, dans la mesure où les données le permettent. La réalité importée et diffusée par ces personnes était très complexe et multiorientée, comme il sied à des participants à la communauté intellectuelle mondiale. Qu'en ont retenu les étudiants ? Qu'ont-ils choisi d'étudier ou de rejeter, puis de transmettre, en totalité ou en partie, avec ou sans ajouts de « patchwork explicatif » ? Que s'est-il passé plus tard dans leur carrière, par exemple pendant et après la Révolution culturelle en Chine ? Toutes ces questions, et d'autres encore, nécessitent de nouvelles recherches. Nous devons aller au-delà de la surface neutre du « transfert », même au-delà du niveau « à fleur de peau » des « transplantations » universitaires, et au-delà du flux du « commerce » du savoir ; des études de cas et des biographies seront utiles, ainsi que des recherches dans les archives, dans les dossiers des départements et dans les journaux personnels, les lettres et les cassettes associés aux « programmes d'échange ». Mais je dois continuer.

En gros, de 1949 à 1978, les contacts entre la psychiatrie occidentale et la psychiatrie chinoise étaient limités (ce qui était aussi le cas d'autres disciplines comme l'anthropologie ; (voir Guldin, 1990) ; ce qui s'est passé sur le plan du commerce du savoir depuis l'époque de la « Porte ouverte » est un autre thème qui demanderait plus de recherches. On pourrait par exemple analyser le mouvement des « diagnostics » et de leurs classifications entre le Canada, la Chine et les États-Unis. Un excellent travail a déjà été réalisé à propos d'un diagnostic important et de sa trajectoire ou de sa carrière à travers le temps, l'espace et la culture, à savoir l'étude de Kleinman (1986) sur le diagnostic de neurasthénie comme maladie, comme forme de « dépression », ou comme « idiome de détresse » capable de soulager en Chine contemporaine, etc. Très brièvement, on peut dire que ce diagnostic a été développé aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, est devenu très couramment utilisé en Amérique du Nord et en Europe, puis se « démoda » dans les années 70. Toutefois, ce diagnostic « somatique » fut récupéré par les psychiatres chinois car il correspondait bien à certaines caractéristiques culturelles ; il devint effectivement, du moins dans les années 80, un diagnostic très utilisé en Chine (peut-être une forme de légitimation de la détresse). Pendant ce temps, l'Amérique du Nord lui a substitué le diagnostic à la mode de « syndrome de fatigue chronique ». Ironiquement, une des propositions contenues dans une récente édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders publiée par l'Association américaine de psychiatrie consiste à inclure de nouveau la « neurasthénie » comme sous-type indifférencié de la catégorie des « désordres somatoformes » (APA, 1991 : section I : 11-12). Cette édition du manuel, comme ses prédécesseurs de 1980 et de 1987, fera figure de marchandise brûlante au sein du commerce de la psychiatrie mondiale.

Bien entendu, la Fondation Rockefeller (et les comités qui lui sont reliés) continue à être active dans certains domaines, par exemple à travers ses African Dissertation Internship Awards et la subvention de récents media seminars. La Fondation encourage la production et la dissémination de savoir appliqué pour répondre aux questions de santé et d'éducation de même qu'aux « world food problems, agricultural science and the environment » (Rockefeller Foundation, 1990). Elle continue à subventionner différentes initiatives, par exemple un projet en santé internationale géré par la Faculté de médecine de Harvard, en association avec les fondations MacArthur, Carnegie et Milbank. De nouveau apparaît la nécessité de réaliser des études ethnographiques, ainsi que des recherches dans les archives, à propos de la nature et du rôle de ces institutions majeures et de leurs connexions réciproques, de manière à mieux comprendre le « commerce » mondial du savoir et la communauté intellectuelle internationale.

Il est nécessaire, de plus, d'accorder davantage d'attention aux nouvelles technologies et aux modes non universitaires de production, de reproduction, de consommation et de diffusion du savoir, ainsi qu'aux systèmes mixtes (par exemple Eberlee, 1992, à propos du système satellite HealthNet de l'Université Memorial servant à diffuser le savoir biomédical occidental en Afrique de l'Est). Il est clair également que la crise de financement qui menace nos universités appauvrit leur capacité d'être acteur et producteur dans l'industrie et le commerce du savoir, et inhibe leur participation à des jumelages et à d'autres programmes d'échange. Mais là encore, nous devons regarder de plus près, d'une façon précise et plus réaliste, ce qui se passe effectivement lors de ces activités d'échange et ce qui en reste vraiment. Le changement et la compréhension réciproque ne sont pas non plus aidés si la vaste majorité des étudiants chinois qui participent à de tels échanges ne rentrent pas ensuite dans leur pays (pour différentes raisons) ou s'ils ne sont pas utilisés de manière sensée quand ils retournent dans leurs anciennes institutions universitaires ; comme le souligne de manière pertinente un article récent paru dans Time, la Chine ne fait actuellement qu'« exporter des quotients intellectuels », de la matière grise (Rudolph, 1992).

En ce qui concerne la dissémination du savoir dans les domaines médicaux et psychiatriques, il est important que nous étudiions le rôle des compagnies pharmaceutiques et de leurs « bourses d'études », leurs séminaires et leurs ateliers, leur genre particulier de documentation, etc. On ne peut pas non plus ignorer le rôle des gouvernements et de la législation dans la structuration et la « régulation » des professions (comme avec l'industrie de RHPA de 1991 maintenant en place en Ontario pour plus de vingt « professions de la santé »). Il faudra faire tout cela si nous choisissons de prendre au sérieux la nécessité fondamentale de mieux comprendre le système national ou international du savoir.

Dans son allocution réflexive et éloquente sur « L'anthropologie sur la sellette : connaître quoi et pour quoi ? », Marc-Adélard Tremblay fait le commentaire suivant, qui pose un défi à notre profession dans cette époque de « postmodernisme » :

Courons-nous trop de lièvres à la fois ? Essayons-nous d'acquérir un savoir extrêmement spécialisé pour éviter de suivre les brisées de nos prédécesseurs qui, eux faisaient de l'anthropologie tous azimuts ? Qu'adviendrait-il si la science dans son ensemble et les sciences anthropologiques en particulier n'exerçaient pas un monopole sur ce que l'on appelle couramment « l'univers du savoir » ? Qu'adviendrait-il si l'art, la littérature, le théâtre et toutes les autres expressions humaines comptaient autant dans l'appréhension et l'interprétation de ce que nous voyons et entendons autour de nous ? (1983 : 377-378)

Dans ce chapitre, en poursuivant ce qui n'est que l'un des nombreux intérêts de Tremblay, c'est-à-dire l'acquisition de savoir et les « réactions en chaîne » mutuellement constitutives qui en sont issues, j'ai indiqué que les discours et les systèmes de production et de dissémination du savoir sont et doivent être au coeur des préoccupations de l'anthropologie et que l'anthropologie du savoir (et du pouvoir) va de pair avec l'anthropologie des professions, toutes deux devant « penser globalement ». L'anthropologie est une ressource pour tous les domaines et échanges commerciaux impliqués dans l'univers contemporain du savoir et c'est ainsi qu'elle pourra passer au travers de ses propres « réactions en chaîne » de manière créative et transformer sa pertinence. Ou, selon l'expression de Marc-Adélard Tremblay :

J'espère que l'analyse de nos faiblesses et la définition de nouvelles voies d'action déboucheront sur des idées et des suggestions qui nous permettront de redéfinir nos objectifs, d'explorer de nouveaux chemins du savoir et de raffiner les principes qui guident la pratique de l'anthropologie. (1983 : 382)

Remerciements

Je voudrais remercier les professeurs Ruth Hayhoe de l'Ontario Institute for Studies in Education et François Trudel de l'Université Laval qui m'ont invité et stimulé à écrire ce texte. Je suis très reconnaissant envers tous ceux qui m'ont aidé lors de ma collecte de données pour ma recherche comparée sur la psychiatrie au Canada, en Chine et aux États-Unis : Nancy McCall et Arian Ravanbakhsh (Alan Mason Chesney Medical Archives, Université Johns Hopkins) ; Dr Ruth Leys, qui a dressé le catalogue des documents d'Adolf Meyer ; Dr James Gifford Jr. et le Duke University Medical Center Archives ; Thomas Rosenbaum (Rockefeller Archive Center) ; le comité exécutif de l'Association canadienne de psychiatrie. Je remercie particulièrement Mme Mary Jones et sa famille (Halifax), Mme Katharine Lyman (West Orange, N.J.), les professeurs émérites B. Dai (Spruce Pine, N.C.), Y.K. Feng (Beijing), F.L.K. Hsu (Mill Valley, Californie) et W. La Barre (Chapel Hill, N.C.), Dr Joseph Parker Jr. (Durham, N.C.), Dr William P. Wilson (Durham, N.C.), Dr Alexander Leighton, Dr C. Greenland (Archives de l'histoire de la psychiatrie canadienne, Toronto) et J. Griffin (Archives de l'histoire de la psychiatrie canadienne, Toronto).

Notes

CIBLE.GIF1. Article traduit par Florence Piron.

CIBLE.GIF2. On retrouve aussi cette image dans les écrits de Hayhoe (1989 : 53, 156) sur le « transfert » et dans l'utilisation que fait Buck (1981 : 138) de l'expression « les épaves ».

CIBLE.GIF3. Hayhoe (1989 : 191) réfléchit elle aussi à ce qui pourrait se passer dans la salle de classe et les départements universitaires par contraste avec ce qui devrait s'y passer : voir aussi Hayhoe (1989) et Rhodes (1991) sur les « savoirs situés ».

CIBLE.GIF4. Par exemple, à l'époque antérieure à la « libération », l'anglais était la seule langue d'enseignement dans ce collège et les professeurs chinois y étaient moins payés que les professeurs étrangers, etc. ; pour les détails, voir Bullock (1980).

CIBLE.GIF5. Bullock (1980 : 47) évoque explicitement cette possibilité, tout en signalant, à ce sujet, les « confessions » des dirigeants et des étudiants chinois du Peking Union Medical College en 1952.

CIBLE.GIF6. Sur les « stinking ninth elements », voir Thurston (1988) ; à propos de ceux qui essaient d'être « à la fois rouges et experts », voir Bullock (1980 : 210) et Saich (1989 : 10, 23, 150, 154).

CIBLE.GIF7. Voir l'usage que fait Amsden (1992 : 117) de l'« emprunt » suivi de l'« adaptation » et de l'« amélioration ».

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