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Journal de l'éducation

1880 (janv.-déc.)

Identification

En 1880, le Journal de l'instruction publique, dont la publication vient de cesser, est remplacé par le Journal de l'éducation. Ce dernier paraîtra durant un an pour s'intituler à nouveau le Journal de l'instruction publique à partir de 1881.

Historique

Le Journal de l'Éducation paraît à Montréal une fois par mois, même durant l'été, et se compose de seize pages. Les éditeurs-propriétaires sont J. B. Rolland et fils. À la fin de chaque numéro apparaît le prix de l'abonnement: un dollar par an payable d'avance ou 1, 50 $ à la fin de l'année. Il est précisé qu'on compte sur l'aide des instituteurs, du clergé et des législateurs. Nous apprenons par Cloutier, fondateur du journal rival L'École primaire (1880), que la maison Rolland a obtenu du gouvernement un support de "500 piastres" par an pour publier le Journal de l'éducation.(1)

La filiation entre le Journal de l'éducation et le JIP est clairement annoncée dans l'article de présentation(2) publié dans le premier numéro: ce nouveau journal se substitue au Journal de l'instruction publique et continue son œuvre. D'ailleurs, deux anciens rédacteurs du JIP, Montpetit et Legendre, signent des articles dans le Journal de l'éducation. Cependant, contrairement à son prédécesseur, il n'aura qu'une seule spécialité: l'éducation. On peut donc constater que les rédacteurs tirent leur leçon de l'échec du JIP, jugé trop universel. La nouvelle revue se propose de couvrir principalement quatre sujets: le développement de l'enfant, l'organisation de l'école, les exercices de classe et l'enseignement progressif.

Son contenu se compose d'actes officiels, d'articles traitant de pédagogie générale ou de méthodologie, d'exercices (dictées, grammaire, algèbre, problèmes mathématiques, etc.), ainsi que de rubriques plus générales, intitulées «Variétés» ou «Tribune libre». Le premier numéro laisse présager une revue très vivante puisqu'il donne une large place aux illustrations. En effet, les images abondent dans un article étalé sur onze pages qui traite du mobilier scolaire, mais plus aucune illustration n'apparaît dans les numéros suivants.

Dans le dernier numéro du Journal de l'éducation, un article signé par J. B. Rolland et fils annonce que la revue sera remplacée par le JIP. Celui-ci sera plus consistant puisqu'il contiendra trente-deux pages par numéro mais, malgré l'augmentation des coûts de production, le tarif restera le même. La rédaction sera confiée à des enseignants, qui sont invités à envoyer des articles et des travaux scolaires en vue d'un concours. Contrairement aux mots de la fin observés dans les autres revues pédagogiques, ce texte ne laisse transparaître aucune amertume, il ne fait qu'annoncer un changement de titre et non la mort d'un projet.

Orientation

Dès le mot d'introduction, l'orientation pratique de la revue est clairement définie. En publiant uniquement ce qui peut servir à l'instituteur, ce nouveau journal sera «plus utile qu'attrayant» (3) et, dorénavant, on cerne davantage l'auditoire auquel il s'adresse: «Notre public n'est pas tout le monde, puisque tout le monde ne se consacre pas à l'enseignement» (4). Ce public clairement défini se compose de trois catégories: les prêtres, les hommes et les femmes qui se consacrent à l'éducation, ainsi que les législateurs qui votent les lois sur l'instruction.

La table des matières reflète clairement la nouvelle orientation que se donne la revue, presque tout l'espace étant consacré à la pédagogie ou à des exercices directement utilisables en classe. Cependant, l'ampleur de certains articles semble faire dévier la revue de ses objectifs pratiques. Ainsi, les actes officiels occupent parfois plus de la moitié d'un numéro. Par ailleurs, une rubrique intitulée "Lecture pour tous", très étoffée et présente dans tous les numéros, semble davantage faire office de remplissage que de support technique pour l'enseignant. On y rapporte les souvenirs d'une institutrice française, mais il s'agit davantage de souvenirs de voyage que de pratiques d'enseignement ...

Dans l'éditorial du premier numéro, on annonce qu'il sera donné une grande place aux articles canadiens, grâce à la collaboration d'instituteurs et des anciens rédacteurs du JIP, Montpetit et Legendre. Néanmoins, le Journal de l'éducation publiera également des textes en provenance de l'étranger. Le premier numéro de la revue en témoigne puisqu'il offre un article de onze pages traitant du matériel scolaire, qui est signé par un conférencier de la Sorbonne.

La revue semble aussi s'engager dans un virage syndicaliste, tout comme La Semaine en 1864. Elle aborde notamment la question de la rémunération des enseignants dans un article intitulé «Le traitement des instituteurs» (5). Dans des propos très polémiques, on prône une hausse des salaires assortie d'une révision des brevets de capacité. Ces derniers sont distribués avec une telle légèreté (le Bureau des examinateurs en aurait octroyé cent en deux jours) qu'on peut se questionner sur la compétence des enseignants. Les institutrices font tout particulièrement l'objet d'attaques:

Mais, dans un autre cas, vous trouverez une institutrice si jeune, si ignorante, si incapable sous tous les rapports, que vous direz que ce serait crime d'obliger les commissaires à lui donner plus de ses quatre-vingts piastres par an. (6)

Le mode de rémunération français est mis de l'avant: les instituteurs titulaires sont divisés en quatre classes, selon leur ancienneté, et rémunérés en conséquence.

Si les femmes sont attaquées dans cette article, la revue prend leur défense dans un texte intitulé «Fonds de retraite des instituteurs» (7): les institutrices constituent les trois quarts du bassin enseignant, elles quittent leur travail avant d'avoir droit à un fonds de retraite, il serait donc injuste de les faire contribuer par des prélèvements sur leur salaire.

En conclusion, derrière la volonté d'emprunter une voie plus spécialisée et mieux définie qu'auparavant, on pressent dans le Journal de l'éducation une revue pédagogique qui se cherche et qui expérimente diverses avenues susceptibles d'intéresser son auditoire.

Bibliographie

Beaulieu, André et J. Hamelin. La Presse québécoise des origines à nos jours, t. 3 (1880-1895). Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1977.

Cloutier, Jean-Baptiste. "La Presse pédagogique dans la province de Québec", Bulletin des recherches historiques, 4, 5 (mai 1898): 148.

Labarrère-Paulé, André. Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au 19e siècle. Québec, Les presses de l'Université Laval, 1963.

Notes

(1) Cloutier, Jean-Baptiste. " La Presse pédagogique dans la province de Québec ", Bulletin des recherches historiques, 4, 5 (mai 1898) : 148.

(2) S.n. "À nos lecteurs", Journal de l'éducation, 1, 1 (1er janv. 1880): 1-2.

(3) Ibid, p. 1.

(4) Ibid.

(5) S.n. «Traitement des instituteurs», Journal de l'éducation, 1, 2 (1er fév. 1880) : 17.

(6) Ibid.

(7) S.n. "Fonds de retraite des instituteurs", Journal de l'éducation, 1, 7 (1er juil. 1880): 98-99.

Martine Nachbauer     

Page modifiée le : 16-05-2016
 

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