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The journal of education

1857-1879

Identification

Organe principal du Département de l'instruction publique, The journal of education voit le jour en même temps que son homologue français et non moins important, le Journal de l'instruction publique (1). Le mensuel est édité à Montréal par le surintendant de l'instruction publique, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau et ses assistants, John Radiger (1858), Phelan Esquire (1860-61, 1866); à partir de 1868 il est édité par Henry H. Miles assisté d'abord par P. Delaney et ensuite par George W. Colfer. La publication prend fin en 1879 en même temps que le Journal de l'instruction publique.

Historique

La revue naît d'un besoin urgent d'offrir des outils pédagogiques. Son fondateur, P.-J.-O. Chauveau, l'a d'ailleurs mentionné à plusieurs reprises, en soulignant «l'importance d'un journal pédagogique et l'urgence d'établir un budget adéquat» au profit de l'éducation. (2) En effet, étant surintendant de l'instruction publique, Chauveau entend réaliser une série de réformes pour l'enseignement publique, notamment d'améliorer les conditions du corps enseignant ainsi que de procurer de meilleurs matériaux didactiques. Avec un tel journal Chauveau espère communiquer sa vision du système d'éducation au Bas-Canada. Également sensible aux améliorations possibles ou nécessaires au système d'enseignement, Chauveau est pleinement conscient de sa tâche et n'hésite pas à tendre l'oreille aux suggestions. Il le souligne d'ailleurs dans l'éditorial du premier numéro:
School commissionners and teachers who may occasionally visit the institution, will never return to their homes without taking back with them the design of some useful change either in school discipline, in the selection of books, or in the providing of some improved school apparatus and furniture. (3)

La naissance du Journal of education s'amorce donc sous le signe du progrès et du dévouement envers l'éducation. S'adressant principalement aux instituteurs et institutrices du secteur public, ce journal a également la volonté de rejoindre tant les lecteurs anglophones que francophones et espère être profitable tant aux uns qu'aux autres. L'objectif est de créer un lien entre les deux journaux car tous les deux poursuivent la même cause. Malgré certaines difficultés reliées à la différence linguistique, il est précisé dans le même éditorial, que les deux parties doivent nécessairement trouver un terrain d'entente afin que l'éducation ne soit pas la cause de dissensions. C'est également dans un contexte de développement du réseau de formation des maîtres que s'inscrit l'avènement de ce premier journal véritablement pédagogique. En effet, la naissance de la revue coïncide avec celle des écoles normales et des bureaux d'examinateurs ; les deux seules voix possibles pour l'obtention du diplôme d'enseignement. Étant autorisées en 1836, il faut attendre 1856 pour que les écoles normales voient le jours. Dans l'année qui suit, on assiste à l'ouverture des trois premières: l'école normale Laval à Québec et les écoles normales Jacques Cartier et McGill à Montréal. Le réseau des bureaux d'examinateurs connaîtra une expansion considérable à partir de cette même date (4). Cela explique pourquoi la revue accorde une place aussi importante aux écoles normales ainsi qu'aux activités du bureau des examinateurs. Les articles sur "our normal school" et les promotions sur les établissements d'enseignements au Canada en première page de chaque volume le prouvent. La principale préoccupation du Journal of education est donc la formation des maîtres et sa principale fonction, servir d'outil aux écoles normales qui commencent. Il semble toutefois que l'objectif premier de la revue soit difficile à atteindre: la demande ne répond pas à l'offre. Les petits encadrés, «advertisements», le prouvent et invitent les collèges, les écoles, les directeurs, les commissions scolaires et les professeurs en général à s'abonner. En 1858, un an après sa publication, la revue ne compte que seulement 300 membres (5). Ce qui est très peu considérant les attentes du fondateur. Dans le quatrième volume, un message implore les enseignants de se procurer le journal et insiste pour que les commissions scolaires le distribuent dans leurs écoles. En plus d'un tirage plutôt décevant, la revue déplore, dans son sixième volume, le manque de fonds pour la publication de celle-ci. Compte tenu du peu d'aide du gouvernement, on espère que les lecteurs pourront contribuer à sa survie. (6) Au niveau de la présentation, The Journal of education offre une table des matières détaillée à chaque début de volume ainsi qu'un sommaire pour chaque numéro. Le contenu de la revue se révèle très varié. On y trouve des annonces de manuels scolaires et une analyse de leur mérite auprès des enfants; on y trouve des exercices d'apprentissages, des articles de fond qui touchent principalement l'éducation, des articles instructifs sur les sciences naturelles, l'archéologie surtout, ainsi que des poèmes. On y retrouve quelques fois des sujets d'actualité, comme la pauvreté et les problèmes de la fréquentation scolaire, la condition de travail des enseignants, les punitions corporelles, la guerre aux États-unis ou encore sur l'économie politique du Bas-Canada. Finalement, sous la rubrique "Official notices", se trouvent les données du Département de l'instruction publique et les rapports du Surintendant, souvent présentés sous forme de correspondances ou de tableaux statistiques. Dans le volume 10, numéro 11-12 de 1866, on annonce le départ officiel de Chauveau pour l'Europe. Il quitte en effet son poste de Surintendant et sera remplacé par Dr. Louis Giard.

En 1868, la revue se modifie tant au niveau de la forme que du contenu. En effet, la facture de la revue semble s'appauvrir quelque peu. Alors qu'au début des années 1860, la revue était ornée de belles gravures, de plans, de portraits ou de cartes, vers la fin des années 1870, ceux-ci se font plutôt rares. On constate également que le nombre de pages diminue et que les exercices d'apprentissages se font moins pratiques. Par exemple, les exercices de compréhension de lecture, les règles pour faire des experts en arithmétique et les catéchismes sur les méthodes d'enseignement sont progressivement remplacés par des articles à développement sur les méthodes pédagogiques. Les seules et rares exercices pratiques concernent la lecture, la grammaire et la prononciation. Les rubriques se simplifient considérablement réunissant ainsi les articles qui ne touchent qu'à la littérature, l'éducation et la science. Vers la fin des années 1870, les rubriques «Art» et «Histoire du Canada» se rajoutent. Le journal semble toutefois gagner en contenu, c'est-à-dire qu'il offre des articles au développement plus long, une réflexion plus étoffée sur l'éducation. Au niveau de la formation des maîtres par exemple, on préfère exposer une certaine philosophie de l'éducation que d'offrir des conseils pratiques. On retrouve donc des petites leçons de morale pour les enseignants afin qu'ils aient du succès dans leur travail et qu'ils cultivent la patience envers les enfants. Des titres évocateurs tel que "School discipline: Its object and method" montrent l'intérêt envers les sciences de l'éducation.

Orientation de la revue

Bien qu'on associe le contenu et la forme du Journal of education au Journal de l'instruction publique, il y a des différences au niveau du contenu. Bien sûr, animés par les mêmes grands thèmes et les mêmes objectifs - le fondateur reste Chauveau -, le Journal of education marche, au même titre que son homologue français, dans les chemins de la liberté, de la science, du progrès et de la religion. The journal of education est cependant beaucoup moins littéraire et semble s'adresser davantage aux instituteurs et selon Jean Hamelin, il contient de nombreux articles inédits (7). Au contenu à la fois général et varié, les articles touchent principalement les domaines de la culture générale, de l'éducation, des arts et des sciences. Comme l'indique lui-même le journal, l'orientation voulue du contenu peut se lire ainsi : la poésie nous livrera ses accents harmonieux ; la science, dans ses innombrables départements, sera à la fois amusante et instructive; l'histoire, plus spécialement celle du Canada, sera particulièrement intéressante pour les jeunes lecteurs; la revue des événements récents, sans aucune allusion à la politique locale, nous enseignera plusieurs leçons. Et finalement, la religion, sans laquelle toute science serait putréfiée, par son influence sacrée, guidera tous les écrits (8).

Plus généralement, on peut dégager trois principales orientations en ce qui concerne le contenu du Journal of education. D'abord, il y a une pensée éducative très centrée sur l'enseignant, ensuite, il y a une volonté de rendre compte des activités internes du Département de l'instruction publique et du réseau d'enseignement et finalement, quoi que directement relié au contexte de production du journal, on constate un intérêt marqué pour la philosophie des Lumières. L'objectif principal du journal étant d'offrir des outils pédagogiques aux enseignants, son contenu livre également une vision particulière de la fonction d'enseignant. Bon nombre d'articles soulignent l'importance de posséder ou d'acquérir telle faculté ou telle aptitude afin de bien exercer la profession d'enseignant. Ainsi, il est plutôt fréquent de retrouver des passages concernant la formation du caractère de l'enseignant et ses devoirs envers ses élèves. Par exemple, il est souhaitable que le maître développe les «powers of mind» chez ses élèves: «Expending - directing - and consolidating the power of the young mind, should be the teacher's first great object.»(9) La formation technique et la condition générale des enseignants constituent également une préoccupation majeure qui se reflète dans le contenu du journal. Comme l'indique l'éditorial du premier volume, il est nécessaire d'entraîner de bons maîtres dans nos écoles normales afin de garantir une meilleure éducation aux enfants. Mais c'est aussi de leurs fournir des associations, des librairies et un journal. De procurer aux écoles de bons manuels, des cartes et autres matériaux scolaires et finalement, et non le moindre, assurer aux enseignants un salaire décent pour le fruit de leur labeur (10). L'orientation pédagogique du journal est donc marquée de ce double objectif : former des maîtres et faire en sorte que leur travail devienne une véritable profession. Afin de montrer l'état et les progrès de l'éducation au Bas-Canada et plus tard dans la province de Québec, le Journal of education livre dans ses pages un bon nombre de textes officiels émanant du Département de l'instruction publique: rapports du surintendant, résultats du bureau des examinateurs, des statistiques, des effectifs, des almanachs, correspondances des inspecteurs d'écoles, etc. Ces rubriques contiennent des informations fort pertinentes pour connaître le fonctionnement interne du Département, des membres qui le constituent ainsi que leurs champs d'intervention. Les articles qui traitent des établissements d'enseignement permettent de constater le réseau qui se met en place dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Cette orientation montre à quel point le contenu du journal peut s'avérer concret et fidèle à son objectif de rendre compte de la situation réelle de l'éducation. Une dernière orientation, qui porte d'ailleurs les marques de son temps, est celle qui laisse entrevoir l'esprit des Lumières dans le contenu du journal. Il suffit de s'en tenir à la devise «religion, liberty, science, progress, - labor omnia vincit» qui figure à l'entête de chaque numéro pour le constater. Les valeurs telles que la civilisation, la liberté, la science et le progrès, l'homme et la dignité, sont très présentes à travers les articles. Ces valeurs modernes sont, dans la majorité des cas, mises en relation avec le thème plus général de l'éducation. Par exemple, l'article «Locke's system of education» ou encore «Thoughts on Education from various authors» qui présentent des extraits de philosophes grecs et modernes sur l'essence de l'éducation. L'intérêt est également porté aux systèmes développés dans d'autres pays comme en Russie. L'emprunt fréquent d'articles étrangers peut également témoigner de l'ouverture d'esprit du journal. Au niveau de la formation des maîtres, la philosophie des Lumières laisse également son empreinte. En effet, on met beaucoup de confiance dans la profession enseignante, dans la responsabilité et l'autonomie du maître: «The Teacher is the Book». Il faut dire qu'une telle orientation du journal est à l'image de son fondateur. En effet, Chauveau est connu de ses contemporains comme un homme cultivé, ayant beaucoup voyagé et qui est bien loin d'ignorer les systèmes d'éducation européens et la pensée libérale. C'est pourquoi certains n'on pas hésité à le qualifier d'homme de progrès qui espère le «développement d'une société tout en respectant ses structures traditionnelles.» (11)

Bibliographie

Beaulieu, André et Jean Hamelin. La presse québécoise des origines à nos jours, t.1 (1764-1859). Québec, Presses de l'Université Laval, 1973. P. 202.

Hamel, Thérèse. Un siècle de formation des maîtres au Québec, 1836-1939. La Salle, HMH, 1995. P.44-57.

Hamelin, Jean et Pierre Poulin. «Chauveau, Pierre-Joseph-Olivier», Dictionnaire biographique du Canada- volume xi de 1881 à 1890 (S.l., Les Presses de l'Université Laval, 1982):194-204.

Labarrère-Paulé, André. Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au 19e siècle. Québec, Presses de l'Université Laval, 1963. P.13.

Notes

(1) Pour de plus amples informations sur le Journal de l'instruction publique ainsi que sur son fondateur, se référer à la notice consacrée à cette revue.

(2) Jean Hamelin et Pierre Poulin, "Chauveau, Pierre-Joseph-Olivier", Dictionnaire biographique du Canada- volume xi de 1881 à 1890 (S.l., Les Presses de l'Université Laval, 1982) :194-204.

(3) S. n., "To our Readers", Journal of education,1,1 (1857): 9-10.

(4) Thérèse Hamel Un siècle de formation des maîtres au Québec, 1836-1939, 1995, p.44-57.

(5) S. n., «A nos lecteurs», Journal de l'instruction publique, 2, 1(janv. 1858):10.

(6) S. n., "To our subscribers", Journal of education , 6, 1, (1862) 5.

(7) André Beaulieu et Jean Hamelin La presse québécoise des origines à nos jours, t.1 (1764-1859), 1973, p. 202.

(8) S. n., "To our Readers", Journal of education , 1, 1, (1857) 10.

(9) John Bruce, "Graduation in teaching and training", Journal of education, 5, 5, (1861):69.

(10) S. n., "To our Readers", Journal of education for Lower Canada, 1, 1, (1857) 9.

(11)André Labarrère-Paulé, Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au 19e siècle, 1963, p.13.

Charlène Paradis     

Page modifiée le : 16-05-2016
 

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