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L'École primaire

Journal d'éducation et d'instruction

1880 (janv.-déc.)

Identification

Cette revue est fondée par Jean-Baptiste Cloutier et publiée à Québec. Elle paraît durant un an sous ce titre, puis sera remplacée par L'Enseignement primaire en 1881.

Historique

L'École primaire paraît le premier et le quinze de chaque mois, sauf en juillet-août, et se compose de douze pages. Jean-Baptiste Cloutier (1) s'annonce comme rédacteur, tandis que la maison Mercier et compagnie se présente comme imprimeurs-éditeurs. Les responsabilités de chacun sont clairement définies dans tous les numéros: la correspondance concernant la rédaction doit être adressée à J.-B. Cloutier (École normale Laval), tandis que celle concernant l'administration doit être acheminée à l'éditeur Mercier (Lévis). L'abonnement annuel s'élève à une «piastre» et est payable d'avance.

La table des matières se compose d'actes officiels, essentiellement des comptes rendus de délibérations du Conseil de l'instruction publique. Deux sections, intitulées respectivement «Articles de fonds» et «Pédagogie», abordent des questions théoriques concernant l'enseignement des diverses disciplines. Les titres "Méthodologie" et "Partie pratique" offrent des problèmes de mathématiques, des dictées et d'autres leçons toutes prêtes. Enfin, de courts paragraphes intitulés "Compliments et dialogues", "Correspondance" et "Divers" proposent des textes plus divertissants.

Selon un article publié en mars (2), le bras droit de Cloutier est François-Xavier Toussaint qui, tout comme la plupart des collaborateurs de Cloutier, est un enseignant. Toussaint est professeur à l'école normale Laval ainsi que l'auteur de nombreux manuels scolaires. Des articles de grande envergure seront également signés par l'abbé Lagacé, très proche de Cloutier en tant que directeur de l'école normale Laval. Celui-ci est notamment connu dans le milieu scolaire pour son Cours de lecture à haute voix (1875).

Dans le deuxième numéro (3), les éditeurs de L'École primaire déplorent la mort du Journal de l'instruction publique et proposent leur nouvelle revue pour le remplacer. Ils définissent leur publication comme un journal modeste, mais rédigé par des spécialistes de l'éducation. Ce journal ne s'adresse pas juste à l'instituteur, mais à tous les hommes instruits. En plus de traiter de pédagogie, il couvrira des événements religieux et politiques de la vieille Europe. Pour finir, on sollicite l'encouragement du clergé: "Un bon mot de leur part, en notre faveur, aux personnes instruites de leurs paroisses, nous fera grand bien." (4)

De fait, on aborde souvent la question financière durant la courte vie de L'école primaire. L'ombre du Journal de l'instruction publique plane, on lui envie la subvention dont il a bénéficié. Une lettre signée "L'Abbé Provancher" (5) vante tout d'abord les qualités de L'École primaire, journal jugé supérieur à ses deux prédécesseurs (le Journal de l'instruction publique et La semaine), en raison de la large place donnée au côté pratique. L'auteur déplore que le JIP ait bénéficié d'un support de 2400 $, alors qu'avec une aide gouvernementale minime, L'École primaire pourrait être plus volumineuse et illustrée. Pour compenser cette lacune, on propose que les inspecteurs d'école soutiennent le journal en incitant les enseignants à s'abonner. Suivent des lettres d'inspecteurs signalant qu'il ont poussé les instituteurs de leur district à s'abonner.

Lors de la rentrée scolaire à l'automne 1880, la revue semble éprouver des difficultés. Cloutier (6) signale que l'administration du journal ne le regarde pas, que les plaintes pour retard dans la livraison doivent être adressées à l'éditeur. Finalement, dans le vingtième et dernier numéro, un article intitulé «Chronique scolaire» annonce la fin de L'École primaire. Cloutier effectue tout d'abord un bilan des premières revues pédagogiques québécoises: après l'abolition du JIP qui a vécu vingt-trois ans, 1880 semblait se présenter comme une année faste puisqu'elle a vu cohabiter deux journaux pédagogiques, soit L'École primaire à Québec et le Journal de l'éducation à Montréal, tous deux bien reçus par le milieu enseignant. Néanmoins, Cloutier déplore la préférence du gouvernement pour son rival:

Nous n'avons pas été assez heureux pour attirer sur nous les regards de nos législateurs, et les secours de l'État nous ont été refusés pour tomber entre les mains de notre confrère montréalais [ ] Pourquoi ne nous accorde-t-on pas le même octroi qu'à notre confrère ? (7)

L'amertume de Cloutier continue à s'exprimer dans ce constat financier: pourquoi la province refuse-t-elle d'octroyer 1000 $ pour les deux journaux, alors que par le passé, elle a accordé jusqu'à 4000 $ pour un seul ?

Cloutier n'abdiquera pas aussi facilement. Le 3 janvier 1881, en remplacement de L'École primaire, il fondera L'Enseignement primaire, qui battra sa rivale montréalaise en longévité. Il obtiendra également sa revanche en ce qui concerne la reconnaissance gouvernementale puisque sa revue sera la seule à être subventionnée à compter de 1898.

Orientation

L'École primaire se veut un journal essentiellement pratique, dans lequel l'instituteur "trouve, tout préparé, son travail de chaque jour, où il puise, sans effort, la vraie doctrine pédagogique" (8). Les enseignants, en plus de recevoir des leçons toutes prêtes, élaborées par des spécialistes, sont invités à correspondre avec la revue pour échanger des commentaires et des points de vue.

L'autre objectif de Cloutier est d'ouvrir les écoles québécoises au progrès et de faire connaître aux enseignants les recherches récentes en pédagogie. Aussi sa revue traitera-t-elle des "grandes questions pédagogiques qui occupent aujourd'hui les hommes d'école de tous les pays de l'Europe, leur empruntant ce qu'ils ont de bon et de praticable pour nous, Canadiens-français." (9)

On revient régulièrement sur cette double orientation de la revue qui semble fondamentale. Ainsi, un article (10) traitant de la mission des revues pédagogiques vante le journal viennois L'Éducateur, souvent cité dans L'École primaire, qui représente un modèle en alliant un côté pratique et une volonté d'ouvrir les esprits sur le plan pédagogique. Ce texte critique aussi les enseignants rétrogrades qui ne lisent aucun journal pédagogique.

Cloutier tente donc, à travers sa revue, de contrer les lacunes du JIP, jugé trop littéraire et pas suffisamment spécialisé pour le milieu scolaire, tout en réalisant ses priorités: continuer la formation des maîtres tout en les secondant dans leur tâche; ouvrir les écoles québécoises à la nouvelle pédagogie et aux recherches européennes.

Bibliographie

Beaulieu, André et J. Hamelin. La Presse québécoise des origines à nos jours, t. 3 (1880-1895), Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1977, p. 1-2.

Labarrère-Paulé, André. Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au 19e siècle. Québec, Les presses de l'Université Laval, 1963.

Notes

(1) Pour plus de détails sur la biographie de Cloutier, voir le texte consacré à L'Enseignement primaire.

(2) L'Abbé Provancher, "Appréciation de L'École primaire", L'École primaire, 1, 5 (1er mars 1880): 47-48.

(3) Mercier et Cie, "Aux Messieurs du clergé", L'École primaire, 1, 2 (15 janv. 1880) : 13-14.

(4) . Ibid., p. 14.

(5) L'Abbé Provancher, "Appréciation de L'École primaire", L'École primaire, 1, 5 (1er mars 1880): 47-48.

(6) J.-B. Cloutier, "Note de la rédaction", L'École primaire, 1, 13 (1er sept. 1880): 156.

(7) S.n. "Chronique scolaire", L'École primaire, 1, 20 (15 déc. 1880): 231-232.

(8) S.n. "L'École primaire", L'École primaire, 1, 1 (1er janv. 1880): 1.

(9) Ibid, p. 2.

(10) A. Daguet, "Mission de la presse scolaire: L'importance de cette dernière pour l'instituteur", L'École primaire, 1, 6 (15 mars 1880): 61.

Martine Nachbauer     

Page modifiée le : 16-05-2016
 

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