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La Semaine
Revue religieuse, pédagogique, littéraire et scientifique

1864 (janv.-déc.)

Identification

La Semaine est une revue pédagogique hebdomadaire qui a paru de janvier à décembre 1864. Dans le milieu scolaire québécois francophone, il s'agit du premier journal écrit par et pour des enseignants laïques.

Historique

La Semaine est publiée à Québec par C. Darveau, propriétaire-éditeur. Elle paraît tous les samedis (le premier numéro date du 2 janvier 1864) et elle se compose de huit pages divisées en deux colonnes. Elle est dirigée par trois instituteurs laïques: Norbert Thibault, Joseph Létourneau et C.-J.-L. Lafrance. Formé à l'école normale Laval, Thibault se distingue par la suite en tant que journaliste et critique littéraire. Létourneau enseigne à l'école normale Laval; Labarrère-Paulé (1963) le qualifie de polémiste, à l'esprit syndicaliste. Lafrance, quant à lui, est l'auteur de deux manuels (grammaire et arithmétique).

Dans le premier numéro, les rédacteurs sollicitent l'appui de la presse et, en effet, La Semaine obtient un accueil favorable; dans son quatrième numéro, elle publie les bons vœux des plus importants quotidiens québécois. Cette liste se poursuit dans le numéro onze (19 mars), où l'on apprend que le Journal de l'instruction publique et son pendant anglophone échangent régulièrement avec La Semaine.

La Semaine apparaît dans un contexte dominé par le Journal de l'instruction publique, revue pédagogique subventionnée. Ses rédacteurs semblent conscients de cette concurrence et, d'emblée, appellent à l'aide les curés et les enseignants. L'abonnement annuel coûte une piastre et est payable d'avance. Les incitations à s'abonner paraissent régulièrement. On propose aussi aux marchands, libraires ou autres, de publier des annonces.

La table des matières se compose de neuf sections: religion, pédagogie, littérature, sciences, histoire, politique, nécrologie, anecdotes et faits divers. Il faut souligner que La Semaine ne se limite pas à la vocation habituelle des journaux pédagogiques. Les deux premiers numéros ne semblent pas en faire une revue distinctive, mais les publications suivantes vont prendre un virage politique et refléter l'engagement social des rédacteurs. Des articles très virulents dénoncent les conditions dans lesquelles s'exerce la profession enseignante. On y décrit la triste vie de l'instituteur, sa pauvreté, les constants déplacements dont il fait l'objet, la maigreur de son fond de retraite. Retranché de la société, il manque de temps pour s'impliquer politiquement. Il doit subir le contrôle des commissaires, à qui on reproche d'agir par caprice ou parcimonie, ainsi que les tracasseries des parents. La situation précaire de l'enseignant constitue un thème omniprésent dans la revue. Continuellement, on demande plus de considération pour l'enseignant et une rémunération adaptée à sa tâche d'éducateur. Dans cette optique, La Semaine rapporte les luttes menées par l'Association des instituteurs du district de Québec. Par ailleurs, elle ne se contente pas de publier le rapport du Surintendant de l'instruction publique; dans le numéro 39 (24 septembre), elle le commente en signalant les lacunes du système, comme la courte durée de la formation dans les écoles normales.

Dans le dernier numéro qui paraît le 24 décembre, les rédacteurs de La Semaine annoncent la fin de sa publication dans un article intitulé "À nos lecteurs". Après une introduction rappelant la mission du journal, soit le combat pour l'amélioration du sort des instituteurs, on attribue l'échec du journal à leur apathie. Alors que les rédacteurs étaient prêts à travailler gratuitement à la cause des enseignants, ces derniers sont accusés d'"inertie" et de "manque d'union". Il semble difficile de " réhabiliter notre classe et de la relever de son misérable état sans faire de leur côté le moindre effort". Cet article contient beaucoup de rancœur, dirigée aussi bien contre les instituteurs que contre "ceux qui par une ridicule jalousie, ou une lâche ineptie, ont entravé la marche de cette publication". Cette jalousie semble dirigée uniquement contre le Journal de l'instruction publique, d'autant plus que cette revue est à quelques reprises attaquée par La Semaine.

Orientation

Dans le premier numéro, un article intitulé "Prospectus" dévoile l'orientation de la revue. Celle-ci est clairement définie à travers les quatre qualificatifs apposés au titre du journal. Les rédacteurs précisent que ces quatre aspects, soit la religion, la pédagogie, la littérature et les sciences apparaissent dans un ordre hiérarchique.

Ainsi, même s'il s'agit d'une revue laïque, on tient à donner la première place à la religion: "Tous s'accordent à proclamer que les vérités de la Religion forment la base, la pierre angulaire de tout ce que nous voyons de bon, de solide, de durable, dans le monde". Ce respect envers l'Église se manifeste aussi dans une note signalant qu'aucun article traitant de religion ne sera publié avant d'avoir reçu l'approbation du diocèse de Québec. Suivent quelques restrictions, à savoir que la revue ne compte pas transmettre les dogmes et la morale de l'Église, mais plutôt enseigner son histoire et ses luttes pour s'imposer dans le monde.

Si nous nous fions à la table des matières, seuls quinze articles s'inscrivent dans la rubrique "Religion", tandis qu'une soixantaine composent les rubriques "Pédagogie" et "Littérature". Selon Labarrère-Paulé (1963), les articles traitant de religion vont en décroissant au fur et à mesure des parutions, pour disparaître en juin. Ce point de vue est contestable, pour deux raisons. Tout d'abord, le dernier article dans la section "Religion" date du mois d'octobre et non de juin. De plus, la religion ne disparaît pas pour autant de la revue, puisqu'elle continue à occuper une place importante dans les textes publiés sous la rubrique "Littérature". Encore dans l'avant-dernier numéro datant du 17 décembre, une nouvelle intitulée "Isabelle de Monville" qui, sur neuf colonnes, traite de couvent, de religieuses et de vie pieuse, s'achève sur ces mots: "O puissance de la prière, je te connais à présent ! Aussi ma voix ne cessera-t-elle de s'élever vers vous, ô mon Dieu!"

En deuxième place arrive la pédagogie: "Cette partie de notre programme sera l'objet de nos prédilections. Instituteurs nous-mêmes, nous nous ferons les défenseurs zélés, avocats dévoués et infatigables de l'homme chargé d'instruire la jeunesse". On peut en effet constater que cet aspect occupe l'espace le plus important et qu'une soixantaine de textes traitant de pédagogie traversent l'ensemble des publications. Les écrits théoriques proviennent souvent de France et sont extraits de traités ou de revues pédagogiques. D'autres articles réfèrent au milieu scolaire québécois en abordant des thèmes comme l'enseignement de l'anglais, de l'agriculture ou les bibliothèques scolaires.

La section "Littérature" se compose d'une soixantaine de textes, dont les auteurs sont canadiens ou français. Ces écrits, qui prennent généralement la forme d'historiettes, s'adressent à des jeunes et semblent s'inscrire davantage dans une formation morale que littéraire. Les sciences occupent également un espace important, avec une quarantaine d'articles traitant essentiellement de problèmes de mathématiques. L'éditorial mentionne également un cinquième sujet essentiel: l'histoire. En fait, à peine une dizaine de textes s'inscrivent dans ce domaine. La partie principale est composée d'une série d'articles intitulés "Histoire du Canada", répartis sur neuf numéros.

Tout comme le Journal de l'instruction publique, La Semaine tient à s'adresser à un public qui ne se limite pas au monde scolaire. À cet effet, elle publie, presque dans chaque numéro, une rubrique intitulée "Almanach politique" qui concerne aussi bien le Canada que le reste du monde. Il y paraît aussi des articles rapportant des faits divers ou des anecdotes. On semble accorder beaucoup d'importance au côté distrayant de la revue, puisque ce type d'articles va parfois jusqu'à occuper la moitié du journal.

Enfin, l'aspect dominant et spécifique de La Semaine, soit son orientation syndicaliste et contestataire, ne commence à se manifester clairement que dans le troisième numéro (16 janvier). On y publie une lettre signée "Vieil instituteur", qui commence ainsi:

Vous permettrez, je l'espère, à un vieillard qui a consacré plus de trente années de sa vie à l'instruction de la jeunesse, qui a vécu dans les plus mauvais jours que l'instituteur ait vus, qui, constamment, a eu à gémir sur l'état de pauvreté, de dénuement, dans lequel la classe enseignante a été laissée; vous me permettrez de vous féliciter bien cordialement et de toute mon âme sur la noble pensée que vous avez eue de fonder un journal qui, tout en fournissant amples matières instructives à vos confrères dans l'enseignement, sera de plus le défenseur de leurs justes droits, l'avocat de l'instituteur opprimé, et réclamera pour cet homme de dévouement et de sacrifices la juste part de l'attention publique qu'il mérite.

Le signal est donné et jusqu'à la fin de la publication, cette orientation politique côtoiera régulièrement les préoccupations d'ordre pédagogique.

Bibliographie

Beaulieu, André et J. Hamelin. La Presse québécoise des origines à nos jours, t. 2 (1860-1879). Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1975, p. 52-53.

Boivin, Aurélien. Norbert Thibault, l'homme et l'oeuvre. Mémoire de littérature (études canadiennes), Université Laval, 1968. viii, 67 p.

Boivin, Aurélien. "Thibault (Thibeault), Norbert, dit frère Oliver Julian", Dictionnaire biographique du Canada - Volume XI de 1881 à 1890 (Sainte-Foy, Les presses de l'université Laval, 1990):966-968.

Cloutier, Jean-Baptiste. "La Presse pédagogique dans la province de Québec", L'Enseignement primaire, 18, 10 (nov. 1897): 81-84.

Magnan. Charles-Joseph. "Éducateurs d'autrefois - anciens professeurs à l'École normale Laval - M. Norbert Thibault", Le bulletin des recherches historiques, 48, 6(juin 1942):172-178.

Magnan, Charles-Joseph. "Le journalisme pédagogique au Canada français", 57, 6 (fév. 1936):345-347; 7 (mars 1936):410-411; 8 (av. 1936):490-493; 9 (mai 1936): 564-567; 10 (juin 1936):617-620.

Magnan, Charles-Joseph. "M. C.-J.-L. Lafrance", L'enseignement primaire, 37, 8(av. 1916): 449-450.

Magnan, Pierre-Paul. "M. Charles-Joseph Levesque-Lafrance", L'enseignement primaire, 50,8 (av. 1929):460-461.

Labarrère-Paulé, André. Les laïques et la presse pédagogique au Canada français au 19e siècle. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1963.

Notes

(1) S.n., "À nos lecteurs", La Semaine, 1, 52 (24 déc. 1864): 409.

(2) Ibid.

(3) Ibid., p. 410.

(4) N. Thibault, J. Létourneau et C.-J.-L. Lafrance, "Prospectus", La Semaine, 1, 1 (2 janv. 1864): 1.

(5) S.n., "Isabelle de Monville", La Semaine, 1, 51 (17 déc. 1864): 401.

(6) N. Thibault, J. Létourneau et C.-J.-L. Lafrance, "Prospectus", La Semaine, 1, 1 (2 janv. 1864): 1.

(7) La Semaine, 1, 3 (16 janv. 1864): 21.

Martine Nachbauer     

Page modifiée le : 16-05-2016
 

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