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1968

Société des éditeurs canadiens de manuels scolaires. L'édition des manuels scolaires. S.l., s.n., 1968. 20 p.

"Montréal, 3 janvier 1968.

Honorable Jean-Guy Cardinal
Ministre de l'éducation

Monsieur le Ministre,

Nous avons l'honneur de vous présenter un Mémoire sur l'édition des manuels scolaires au Québec, dans lequel sont soulignées des questions qui nous paraissent vitales pour l'avenir de notre profession.

L'automne dernier, en vue de préciser notre propre pensée sur les moyens de participer plus efficacement à la solution des problèmes que pose le renouvellement des manuels scolaires dans le cadre de la réforme entreprise par le Ministère de l'Education, nous avons formé un comité dont nous avons cru utile de transformer le rapport - d'abord destiné à notre propre gouverne - en un mémoire à votre intention.

Nous pensons ainsi répondre au désir que vous avez manifesté récemment de vous renseigner davantage sur les problèmes d'éducation, par des contacts directs avec les organismes intéressés.

Nous tenons dès maintenant à vous signaler que nos relations avec les fonctionnaires de votre Ministère sont excellentes (sauf, peut-être, pour ce qui concerne le Service de la Coopération avec l'étranger) et que la bonne volonté qui se manifeste à tous les niveaux nous permet d'espérer le règlement prochain, dans un climat de confiance mutuelle, de difficultés qui préoccupent tant le Ministère que les éditeurs.

En vous assurant de notre entière collaboration, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à notre considération la plus distinguée.

Le Président,
Raymond Houde [p. 2]

1. Introduction

1.1 - Historique de la question

1.11 - L'édition de manuels scolaires connaît actuellement des moments particulièrement difficiles.

1.111 - L'institution de la commission Parent et l'attente de ses recommandations, le rapport Bouchard, suivi du rapport Fournier, ont, pour des raisons diverses, ralenti et même paralysé l'action des éditeurs, pour un certain temps.

1.112 - Au moment de l'institution du Ministère de l'éducation (1964), il existait, d'une part des programmes officiels pour toutes les matières, à tous les degrés, et, d'autre part, une liste officielle de manuels approuvés (élèves, maîtres, références).

1.113 - A mesure que prenaient forme les nouvelles structures de l'enseignement public, la nécessité se faisait sentir de programmes nouveaux, dont très peu ont jusqu'ici vu le jour, sous leur forme définitive, ce fait privant les éditeurs d'indications précieuses.

1.114 - L'esprit qui insufflait les initiatives gouvernementales en éducation tendait, d'une part, à rendre désuets un bon nombre des manuels scolaires en circulation, sans fournir, d'autre part, aux auteurs éventuels et aux éditeurs de directives précises et sans atteindre les couches profondes du personnel enseignant, habitué aux anciennes méthodes et aux anciens outils. Certaines déclarations imprévues, comme celle du juge Dorion, ont, par ailleurs, tempéré le désir de plusieurs auteurs de mettre leurs manuels à jour.

1.115 - Dans certaines institutions publiques, une réglementation interne tendait à interdire aux enseignants spécialisés toute initiative de production, dans le domaine des manuels.

1.116 - En 1966, le Ministère abolissait la liste officielle des manuels qui, pour toutes sortes de raisons, n'a pas été reconstituée depuis d'une façon satisfaisante. [p. 3]

1.117 - Dans un tel état de choses, le marché canadien a été envahi par les éditeurs étrangers, de langue anglaise comme de langue française.

1.118 - Malgré leurs efforts de collaboration (manuels révisés, adaptations, nouveaux manuscrits ... dont on a à peine commencé l'examen à ce jour), les éditeurs de manuels scolaires se trouvent aujourd'hui dans une position presque intenable.

1.12 - Toutes sortes d'accusations sont portées contre le Ministère de l'éducation et les éditeurs de manuels scolaires.

1.121 - Certains professionnels de la démolition répandent des données statistiques tronquées, reprises ensuite un peu trop légèrement par des gens de bonne foi, visant à prouver que le Ministère ... et les éditeurs ... poursuivent la tâche systématique d'angliciser et d'américaniser «la nation canadienne-française».

1.122 - Les éditeurs canadiens, dont un grand nombre de manuscrits attendent l'agrément officiel depuis plusieurs mois, ne peuvent se défendre décemment sans courir le risque d'incriminer indirectement le ministère.

1.2 - Buts de ce mémoire

1.21 - La Société des éditeurs de manuels scolaires assure le Ministère de l'éducation de son entière collaboration.

1.211 - Il semble qu'il soit impossible ou, du moins, très difficile d'établir des politiques fructueuses quant aux manuels scolaires sans des consultations continues entre le Ministère et les éditeurs.

1.212 - Quant aux statistiques tronquées, pour ne pas dire truqueées, une mise au point préparée en collaboration par les deux organismes pourrait mieux en avoir raison.

1.22 - D'une manière plus positive, l'élaboration d'une politique à long terme pour les manuels, mise au point par les efforts conjugués du Ministère et des éditeurs, rendrait justice à ces deux corps et tuerait dans l'oeuf un bon nombre de critiques stériles.

1.23 - Ce que les éditeurs croient devoir attendre du Ministère, c'est, en résumé, qu'il crée d'abord des conditions de production et de diffusion favorables. [p. 4]

1.3 - Division du travail

1.31 - La suite de ce mémoire se présentera sous les titres suivants:

2 - L'édition
3 - Les manuels
4 - L'agrément [p. 5]

2. L'édition

2.1 - L'édition: entreprise industrielle

2.11 - Il est tout aussi normal et légitime qu'un homme d'affaires engage des capitaux dans l'industrie de l'édition, avec le désir de les faire fructifier, que dans n'importe quel autre champ de l'activité humaine. On n'a pas à lui reprocher de le faire là plus qu'ailleurs.

2.12 - L'édition apporte une contribution valable à la vie économique de la société, en suscitant une saine activité dans plusieurs domaines qui s'y rattachent directement ou indirectement: création (individus ou groupes), techniques intellectuelles (examen critique, révision, adaptation, traduction, expérimentation), composition typographique, impression et reliure (industrie du papier), mise en marché, distribution ... Un apport si varié à la vie de la collectivité n'est pas négligeable.

2.13 - Les marchés (leur importance, leur accessibilité) sont bien différents selon les catégories d'ouvrages publiés: recherche scientifique, vulgarisation, littérature (d'élite ou populaire), manuels (à diffusion limitée ou à large diffusion) ... Ces catégories influencent évidemment les prix de vente et les risques.

2.14 - Les capitaux engagés dans l'édition sont nécessairement considérables, surtout si l'on tient compte du temps d'entreposage plus ou moins long entre la publication et l'écoulement complet d'un stock. Dans la conjoncture de transformation et d'instabilité actuelle, les risques de pertes sont particulièrement prononcés, dans le domaine des manuels scolaires.

2.2 - L'édition: entreprise culturelle

2.21 - La diffusion de la pensée, tâche fondamentale de l'éditeur, impose à celui-ci de lourdes responsabilités quant à la qualité du message à transmettre et quant à celle de sa présentation.

2.22 - Lorsqu'il s'agit de messages destinés à l'instruction et à la formation de la jeunesse, ces responsabilités se trouvent considérablement augmentées.

2.23 - Les éditeurs de manuels scolaires sont pleinement conscients de ces lourdes responsabilités et ils acceptent que, contrairement à leurs confrères engagés dans d'autres genres d'entreprises, des obligations morales strictes tempèrent ou limitent leurs légitimes aspirations à des profits convenables. [p. 6]

2.3 - Entreprise privée et socialisation

2.3.1 - La Société des éditeurs canadiens de manuels scolaires a déjà traité ce sujet, dans un Mémoire au Ministère de l'éducation, portant la date du 4 janvier 1966. Comme ce texte reflète encore la pensée des membres de la Société, nous le reproduisons intégralement en annexe au présent document (pp. 18-20), sous le titre qu'il portait alors: MANUELS SCOLAIRES & INDUSTRIE PRIVÉE. [p. 7]

Outre celles qui découlent des obligations morales signalées ci-dessus, l'édition de manuels scolaires comporte, par rapport à l'édition en général, d'autres difficultés générales qui lui sont propres.

3.11 - Les auteurs et les éditeurs de manuels scolaires doivent conformer leurs ouvrages à certaines directives générales du Ministère et aux données particulières de programmes officiels.

3.12 - Ils doivent tenir compte des besoins, quand il leur est possible de les connaître, et de la qualité des ouvrages concurrents existants ou en préparation.

3.13 - Ils doivent, la plupart du temps, constituer des équipes de travail, composées de spécialistes, pour mener à bien leurs projets.

3.14 - Il leur est imposé de se soumettre à des règles de procédure assez strictes en vue d'un agrément officiel ... aléatoire.

3.2 - Des difficultés particulières naissent du choix des manuels, quant au pays et à la langue d'origine.

3.21 - Tous les gens sensés et de bonne foi se rendront à l'évidence des faits suivants:

3.211 - Les Canadiens d'expression française qui occupent, dans divers domaines, des postes de commande au Québec sont profondément attachés à la langue et à la culture françaises dont ils sont intellectuellement issus. Il est absolument ridicule de seulement penser qu'il puisse exister quelque obscur complot ourdi par ces gens en vue d'un génocide intellectuel et culturel.

3.212 - Cet attachement profond ne doit pas nous faire bêtement oublier que nous vivons, que nous devons vivre et que nous devons préparer nos enfants à vivre dans l'Etat du Québec, situé au Canada, en Amérique du Nord.

3.213 - On n'abdique rien de sa fierté nationale ou "culturelle" en ayant recours aux apports d'une civilisation, d'une culture, d'une technique étrangère, lorsqu'un tel geste nous est imposé par des nécessités de fait. Ajoutons qu'en soi, la traduction et/ou l'adaptation d'oeuvres étrangères ne comporte rien de nocif, sauf pour les scrupuleux ou les timorés chroniques. [p. 8]

3.214 - A cause de l'évolution accélérée de nos structures d'enseignement, qui a amené de nouveaux développements considérables dans les cours offerts à notre jeunesse étudiante, il est actuellement impossible de trouver au Canada et dans les autres pays de langue française tous les manuels devenus nécessaires. Qu'on déplore idéalement un tel fait ne doit pas nous empêcher de nous incliner devant la réalité.

3.22 - Ces faits évidents admis, il nous faut, dans un sain réalisme, en accepter les conséquences:

3.221 - L'Etat et les éditeurs doivent, dans la plus grande mesure possible, favoriser la création, par des spécialistes de chez nous, des outils pédagogiques qui nous manquent en les plaçant dans de bonnes conditions de production: bourses; séjours à l'étranger; loisirs nécessaires, abolition des interdits de créer, à cause d'un poste qu'ils ont conquis justement par leur compétence.

3.222 - En attendant que nos propres auteurs nous aient fourni tous les manuels qui nous manquent, les diverses autorités (Ministère, éditeurs, commissions scolaires, professeurs spécialisés) devraient, chacune dans son domaine, en accord avec le principe qu'il faut mettre entre les mains des professeurs et des élèves les outils les mieux adaptés à leurs besoins et à la matière enseignée, procéder selon l'ordre de priorité suivant, à l'intérieur de chaque matière:

a) manuels en français d'auteurs canadiens;

b) manuels d'auteurs étrangers adaptés par des co-auteurs canadiens;

c) manuels d'auteurs étrangers pris tels quels.

Il est entendu qu'on s'efforcerait d'éliminer progressivement et le plus rapidement possible les manuels de la dernière catégorie, à mesure que les premières arriveraient à pourvoir à nos besoins.

3.223 - A valeur comparable, les manuels présentés par des éditeurs canadiens devraient recevoir du Ministère un traitement prioritaire, dû en simple justice, à cause de leurs efforts particuliers d'adaptation à nos besoins et compte tenu du marché restreint qui s'offre à eux, en comparaison des éditeurs étrangers. Cela est d'autant plus nécessaire que le climat psychologique créé par les accords France-Québec défavorise les éditeurs et les auteurs québécois. [p. 9]

3.3 - La qualité de la langue de nos manuels pose un problème assez important pour nous arrêter et nous forcer à chercher quelques éléments de solution.

3.31 - Inclinons-nous d'abord devant certains faits incontestables.

3.11 - Où qu'il soit composé, aucun manuel n'est linguistiquement parfait.

3.12 - Comme il arrive chez les spécialistes de toutes les disciplines, les linguistes sont fréquemment en désaccord. Il y a place pour une grande variété d'opinions, entre les deux extrêmes: purisme étroit et laxisme débridé. Ici comme ailleurs, il importe d'éviter tout dogmatisme, borné par définition.

3.313 - Les exigences de la psychologie pédagogique doivent parfois freiner les aspirations «stylistiques» des auteurs de manuels. Le niveau de langue et le ton stylistique sont conditionnés par l'âge des élèves, le type de cours suivi et la matière enseignée. L'oubli de telles données conduit à des jugements entiers et injustes.

3.14 - Cela dit, tout le monde est d'accord pour souhaiter que tous les manuels scolaires soient écrits en bon français.

3.32 - Tirons quelques recommandations des assertions qui précèdent.

3.321 - La compétence linguistique de tout réviseur de manuels scolaires devrait se doubler d'une sérieuse compétence pédagogique, théorique et pratique.

3.322 - Dans tous les cas de refus d'agrément d'un manuel pour des raisons linguistiques, celles-ci devraient être communiquées d'une manière précise aux éditeurs. [p. 10]

4. L'agrément

4.1 - Pour situer le problème de l'agrément officiel des manuels car c'est devenu, pour les éditeurs, un véritable problème -, il faut revoir objectivement les faits importants de ces dernières années relatifs à cette question.

4.11 - En mai 1964, le Département de l'Instruction publique publiait sa dernière liste de manuels approuvés, celle de l'année 1964-1965.

4.12 - D'abord occupé à la mise en place de ses structures générales internes, le nouveau Ministère de l'éducation reconduisait les mêmes approbations pour l'année scolaire 1965-66, puis pour 1966-67.

4.13 - Entre temps, en 1965, le Ministère approuvait 14 titres et en informait directement les éditeurs, sans publicité; puis, en 1966, il publiait successivement trois listes dans Hebdo-Education, comportant au total 205 titres agréés dont 102 en langue française.

4.14 - A l'automne 1966, en vue de l'année scolaire 1967-68, le Ministère

a) abrogeait toutes les approbations antérieures à 1962;

b) fixait à cinq ans la durée des approbations accordées entre 1962 et 1964;

c) invitait les éditeurs à demander le renouvellement des approbations ou de nouvelles approbations avant le 30 novembre 1966, date-limite reportée ensuite au 31 janvier 1967.

d) communiquait aux éditeurs un calendrier des étapes de l'agrément et promettait une liste officielle complète des manuels agréés pour février 1967. 4.15 - Au cours du premier semestre 1967, paraissait une liste de 510 ouvrages agréés (173 manuels réapprouvés [sic] et 337 nouvelles approbations).

4.16 - Le Ministère avait alors en main 1139 demandes d'approbation dont au moins 500 méritaient d'être étudiées en priorité. De ce nombre, un comité conjoint (éditeurs et fonctionnaires du Ministère) réussit, après plusieurs séances laborieuses, à mettre au point une liste de «manuels à l'essai», comportant 197 titres, publiés en mai 1967, en même temps que la liste d'agrément corrigée, qui combinait les listes de 1965 et de 1966. [p. 11]

4.17 - Au début de 1967, le Ministère avait averti les éditeurs que, pour l'année scolaire 1968-69, il fallait présenter les nouveaux projets avant le 30 juin 1967; qu'il serait procédé au Ministère à un examen définitif des nouveaux projets, des ouvrages de la liste des manuels à l'essai et de tous ceux qui avaient été provisoirement laissés de côté au moment de la confection de cette liste; que cet examen se ferait entre juillet et décembre 1967; que le Ministère présenterait, en janvier 1968, une liste complète des ouvrages agréés, tenant compte de tout ce que les éditeurs auraient présenté depuis l'institution du Ministère.

4.18 - En novembre 1967, nous avons appris qu'il a été impossible au Ministère de procéder aux examens projetés; qu'on envisageait de reconduire simplement les listes publiées en 1967, laissant ainsi encore en suspens tout ce que les éditeurs ont dû présenter avec diligence à cause des dates-limites fixées.

4.2 - Sans aucunement chercher à jeter le blâme sur qui que ce soit, il y a lieu d'examiner, objectivement toujours, quelques conséquences injustes et même désastreuses pour la population scolaire et pour les éditeurs des faits rapportés ci-dessus.

4.21 - La distinction des anciennes listes: manuels de l'élève et du maître, ouvrages de référence étant disparue,

a) des ouvrages dont la valeur ne fait aucun doute, mondialement reconnus même, ont complètement disparu des listes;

b) plusieurs ouvrages, utilisés avec profit depuis plus de dix ans par nos maîtres et nos élèves, sont malheureusement dans la liste des «manuels à l'essai».

4.22 - A cause de la rapidité avec laquelle la solution d'une liste à l'essai a été appliquée comme pis aller dans une situation difficile, certaines collections partiellement dans la liste d'agrément et dans la liste à l'essai, sont gratifiées d'approbations disparates, pour ne pas dire contradictoires.

4.23 - Plusieurs ouvrages européens ont reçu l'agrément officiel sans avoir subi une adaptation canadienne, alors que d'autres, comparables en valeur et ayant profité d'une adaptation par des spécialistes canadiens, ne sont que dans la liste des manuels à l'essai ou n'ont pas encore été examinés. [p. 12]

4.24 - Un grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels il y en a sûrement plusieurs de grande valeur, attendent, depuis deux ans ou un an, un examen officiel qui tarde, au grand désespoir des auteurs et des éditeurs et au détriment de la population scolaire qui, pendant ce temps, doit, dans certains cas, se contenter d'ouvrages étrangers non adaptés.

4.25 - Le geste de simple reconduction qu'on semble vouloir actuellement poser pour une année encore ne fera que perpétuer, en l'aggravant, un état de choses injuste et même nocif.

4.26 - Par suite de tous ces faits, les autorités scolaires régionales et locales ont tendance à tenir de moins en moins compte des directives officielles du Ministère de l'éducation quant aux manuels.

4.27 - Au chapître [sic] des manuels, toutes hausses des prix de liste, hausses devenues de plus en plus fréquemment nécessaires à cause de la baisse des tirages, doivent être préalablement approuvées par le Ministère, ce qui occasionne de nouveaux délais.

4.3 - Dans un sincère esprit de collaboration et afin d'aider à la fois la cause du Ministère de l'Éducation et leur propre cause, les éditeurs recommandent comme mesures à long terme:

4.31 Que les ouvrages de consultation et de référence pour le personnel enseignant ne soient plus l'objet d'une liste officielle du Ministère, mais que le choix en soit laissé entièrement à la responsabilité des autorités régionales et locales.

4.32 - Que, conformément à l'esprit qui inspire les transformations scolaires et pédagogiques actuelles, les manuels de consultation et de recherche mis à la disposition des élèves de classes laboratoires (là ou elles existent) soient librement choisis par les responsables locaux des institutions.

4.33 - Que les listes officielles de manuels agréés présentent un grand nombre d'ouvrages pour chaque discipline, ces ouvrages étant choisis selon des normes très larges; les autorités scolaires régionales ou locales jouiraient ainsi d'une louable liberté dans le choix de leurs manuels, à l'intérieur de certaines limites.

4.34 - Que, pour éviter que se produise à certains moments une accumulation de travail insurmontable, l'examen des manuels soumis à l'agrément s'étende sur toute l'année au rythme des réceptions et que les ouvrages agréés soient rapportés tels à mesure dans Hebdo-Education; le Ministère pourrait publier une liste-synthèse au moment qu'il jugerait le plus opportun. [p. 13]

4.35 - Que, dans tous les cas d'un refus d'agrément ou d'une décision différée, un rapport officiel suffisamment complet et précis soit transmis à l'éditeur.

4.36 - Que, dans le meilleur esprit de collaboration, un comité conjoint Ministère/SECMS suive la marche d'un tel système et voie à régler à mesure les difficultés particulières qui pourraient surgir.

4.37 - Que, dans le domaine du prix des manuels, le Ministère n'intervienne que pour réprimer les abus, laissant aux éditeurs le soin de déterminer leurs prix de vente.

4.4 - Afin de permettre au Ministère et aux éditeurs de se tirer, le moins défavorablement possible, du cul-de-sac où les place la conjoncture actuelle et pour éliminer du même coup les inconvénients (énoncés plus haut) des deux listes différentes et incomplètes de 1967, la SECMS recommande, comme mesures immédiates:

4.41 - Que le Ministère reconnaisse le principe du comité conjoint préconisé en 4.36 et provoque immédiatement sa formation.

4.42 - Que la liste des manuels agréés (1967-68) et la liste de manuels à l'essai (1967-68) soient immédiatement fusionnées en une seule liste des manuels agréés (1968-69), moyennant quelques corrections d'incohérences mineures opérées par le comité conjoint et l'addition des ouvrages examinés et agréés par le Ministère au cours de 1967.

4.43 - Que tous les ouvrages soumis (manuscrits ou imprimés), non encore examinés par le Ministère, fassent l'objet d'une liste d'accueil ou de réception publiée immédiatement par le Ministère; la publication de cette liste atteindrait un triple but: sans engager le jugement qualitatif du Ministère, elle diminuerait la pression qu'exerce sur les fonctionnaires cette «masse» de documents à étudier; elle porterait à la connaissance des enseignants la production la plus récente dans les différentes disciplines et leur permettrait de se livrer à des essais limités; elle éclairerait les éditeurs sur la demande et les besoins dans différents domaines, avant qu'ils décident l'impression et la mise en marché de tel ou tel produit.

4.44 - Que le comité conjoint, une fois prises les trois mesures précédentes, siège aussi fréquemment qu'il le faut pour aviser aux autres mesures propres à assurer l'examen le plus expéditif possible de tous les projets de la liste d'accueil et de ceux qui se présenteront par la suite. [p. 14]

SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS
La SCEMS recommande:

1. Que l'Etat et les éditeurs, dans la plus grande mesure possible, sans préjudice à nos vues sur l'édition-entreprise privée, favorisent la création, par des spécialistes de chez nous, des outils pédagogiques qui nous manquent, en les plaçant ensuite dans de bonnes conditions de production: séjours à l'étranger; loisirs nécessaires; réexamen de la question du conflit d'intérêt, pour permettre d'abolir certaines défenses de créer ... inconcevables. (3.221)

2. Que, pour l'agrément des manuels étrangers, le Ministère s'en tienne strictement aux mêmes exigences (adaptation au milieu, conformité aux programmes) que les manuels d'auteurs canadiens. (4.23)

3. Que, en attendant que nos propres auteurs nous aient fourni tous les manuels qui nous manquent, les diverses autorités (Ministère, éditeurs, commissions scolaires, professeurs spécialisés), chacune dans son domaine, en accord avec le principe qu'il faut mettre entre les mains des professeurs et des élèves les outils les mieux adaptés à leurs besoins et à la matière enseignée, procèdent selon l'ordre de priorité suivant, à l'intérieur de chaque matière:

a) manuels en français d'auteurs canadiens;

b) manuels d'auteurs étrangers adaptés par des co-auteurs canadiens;
c) manuels d'auteurs étrangers pris tels quels.(3.222)

4. Que, à valeur comparable, les manuels présentés par des éditeurs canadiens reçoivent du Ministère le traitement prioritaire auquel leur donne droit la simple justice, à cause de leurs efforts particuliers d'adaptation à nos besoins et compte tenu du marché restreint qui s'offre à eux, en comparaison des éditeurs étrangers (3.223)

5. Que, dans tous les cas du refus d'agrément d'un manuel pour des raisons linguistiques, celles-ci soient communiquées d'une manière précise aux éditeurs (3.223)

6. Que les ouvrages de consultation et de référence pour le personnel enseignant ne soient plus l'objet d'une liste officielle du Ministère, mais que le choix en soit laissé entièrement à la responsabilité des autorités scolaires régionales et locales (4.31) [p. 15]

7. Que, conformément à l'esprit qui inspire les transformations scolaires et pédagogiques actuelles, les manuels de consultation et de recherche mis à la disposition des élèves de classes de laboratoires (là où elles existent) soient librement choisis par les responsables locaux des institutions en cause. (4.32)

8. Que les listes officielles de manuels agréés présentent un grand nombre d'ouvrages pour chaque discipline, ces ouvrages étant choisis selon des normes très larges; les autorités scolaires régionales ou locales jouiraient ainsi d'une louable liberté dans le choix de leurs manuels, à l'intérieur de certaines limites. (4.33)

9. Que, pour éviter que se produise à certains moments une accumulation de travail insurmontable, l'examen des manuels soumis à l'agrément s'étende sur toute l'année au rythme des réceptions et que les ouvrages agréés soient rapportés tels à mesure dans Hebdo-Education; le Ministère pourrait publier une liste synthèse annuelle au moment qu'il jugerait le plus opportun. (4.34)

10. Que, dans tous les cas d'un refus d'agrément ou d'une décision différée, un rapport officiel suffisamment complet et précis soit transmis à l'éditeur. (4.35)

11. Que, dans le meilleur esprit de collaboration, un comité conjoint Ministère/SCEMS suive la marche d'un tel système et voie à régler à mesure les difficultés particulières qui pourraient surgir. (4.36)

12. Que, dans le domaine du prix des manuels, le Ministère n'intervienne que pour réprimer les abus, laissant aux éditeurs le soin de déterminer leurs prix de vente. (4.37)

(Mesures d'urgence)

13. Que le Ministère reconnaisse le principe du comité conjoint préconisé ci-dessus (11) et provoque immédiatement sa formation. (4.41)

14. Que la liste mes manuels agréés (1967-68) et la liste des manuels à l'essai (1967-68) soient immédiatement fusionnées en une seule liste des manuels agréés (1968-69), moyennant quelques corrections d'incohérences mineures opérées par le comité conjoint et l'addition des ouvrages examinés et agréés par le Ministère au cours de 1967. (4.42)

15. Que tous les ouvrages soumis (manuscrits ou imprimés), non encore examinés par le Ministère, fassent l'objet d'une liste d'accueil ou de réception publiée immédiatement par le Ministère; la publication de cette liste atteindrait un triple but: sans engager le jugement qualitatif du Ministère, elle diminuerait la pression qu'exerce sur les fonctionnaires cette «masse» de documents à étudier; elle porterait à la connaissance des enseignants la production la plus récente dans les différentes disciplines et leur permettrait de se livrer à des essais limités; elle éclairerait les éditeurs sur la demande et les besoins dans les différents domaines avant qui'ils décident l'impression et la mise en marché de tel ou tel produit. (4.43) [p. 16]

16. Que le comité conjoint, une fois prises les trois mesures précédentes, siège aussi fréquemment qu'il le faut pour aviser aux autres mesures propres à assurer l'examen le plus expéditif possible de tous les projets de la liste d'accueil et de ceux qui se présenteront par la suite. (4.44) [p. 17]

ANNEXE

Extrait d'un Mémoire du 4 janvier 1966 de la Société des Éditeurs canadiens de manuels scolaires au Ministre de l'Éducation.

Manuels scolaires & industrie privée

Depuis que la gratuité scolaire a concentré les achats de manuels scolaires entre les mains d'un nombre restreint d'acheteurs, depuis qu'en fait, l'Etat, directement ou indirectement, est devenu l'acheteur unique des manuels scolaires dans la Province, des voix se sont fait entendre en faveur d'une étatisation plus ou moins complète de l'édition des manuels.

Notre Société n'a pas cru devoir répondre publiquement aux arguments avancés par ceux qui préconisent cette étatisation, mais tient à faire connaître au Ministre de l'Education sa position à cet égard:

a) Situation dans le monde

Il est symptomatique que les seuls pays du monde où le manuel scolaire est édité par le gouvernement sont soit des pays sous-développés comme le Cambodge, le Rwanda et la Somalie, ou des pays communistes comme la Chine, la Corée et le Vietnam.

Dans aucun des grands pays civilisés du monde occidental, l'Etat ne s'est engagé dans l'édition de manuels, sauf de rares exceptions.

b) L'étatisation mène au manuel unique

C'est enfoncer une porte ouverte que de rappeler que l'étatisation des manuels scolaires mène obligatoirement plus ou moins rapidement au manuel unique: la simplification qui en résulte pour les fonctionnaires du Ministère représente une tentation à laquelle il serait difficile de résister, puisque l'étatisation en elle-même leur vaut déjà toutes les attaques et toutes les critiques qu'un tel système ne peut manquer de provoquer.

c) Tarissement de l'esprit créateur

Pour éviter les accusations de népotisme ou de patronage, le Ministère de l'Education serait amené plus ou moins rapidement à choisir les auteurs par voie de concours. L'inconvénient de ce système est qu'il décourage certains auteurs à qui répugne ce genre d'épreuves. [p. 18]

d) Problème du droit d'auteur

La nature même du droit d'auteur et les conventions internationales qui le protègent, dont la Convention de Berne, à laquelle le Canada a adhéré, font qu'il est impossible d'exproprier le droit de l'auteur sur son oeuvre. Il serait grave que ce soit l'Etat qui vienne battre en brèche un droit aussi universellement reconnu que le droit d'auteur. Les auteurs, pour des raisons idéologiques, peuvent se refuser de prêter leur concours aux éditions d'Etat.

Dans les cas d'ouvrages en collaboration, d'adaptation ou de traduction, les auteurs étrangers pourraient s'opposer à laisser l'Etat éditer leurs oeuvres, soutenus en cela par leurs éditeurs.

e) Conséquences pour l'édition littéraire

Plusieurs membres de notre Société sont également de grands éditeurs de littérature. C'est l'édition de manuels scolaires, toujours plus importants que l'édition de littérature, qui pourvoit à la plus grande partie des frais généraux de ces maisons.

Si elles devaient cesser d'éditer des manuels scolaires, elles devraient probablement restreindre l'édition littéraire, causant ainsi un tort considérable aux auteurs et à la littérature canadienne-française. La production de manuels scolaires crée un climat favorable pour la littérature générale.

f) Solution impensable sur le plan politique

L'étatisation du manuel scolaire donnerait au Gouvernement un tel pouvoir d'endoctrinisation sur les enfants qu'un parti politique au pouvoir peut souhaiter le posséder. C'est pourquoi d'ailleurs, plusieurs pays communistes ont étatisé le manuel scolaire. Mais, en démocratie, un parti ne reste pas éternellement au pouvoir et il lui faut songer qu'un jour il sera remplacé par l'opposition, à qui il aurait ainsi fait un cadeau d'une arme terrible.

Dans un pays démocratique, il est impensable de donner un tel pouvoir à un parti politique.

De plus, les critiques qui, aujourd'hui, se diluent quelque peu entre les différents éditeurs de manuels scolaires, se concentreraient sur le Ministère de l'Education, s'il devenait lui-même éditeur. Ces critiques seraient faites à tous les niveaux: depuis le choix des auteurs jusqu'au coût de production, en passant par la qualité du fond et de la forme.

L'opposition aurait beau jeu à bombarder le Ministre de l'Education au Parlement, une simple erreur typographique dans un manuel pouvant donner naissance à débat. [p. 19]

g) L'économie réalisée serait illusoire

Le seul argument qui, à première vue, paraît sérieux tient à l'économie qui serait réalisée grâce au manuel unique étatisé. De très forts tirages entraîneraient évidemment une baisse du coût de production, mais la concurrence entre les éditeurs est une garantie suffisante de prix raisonnables. Il suffit que la politique d'approbation suivie par le Ministère permette cette concurrence, eu égard à la qualité des manuels proposée à l'approbation."

1968.01.12
xxx. "Manuels scolaires à l'essai", Hebdo-Éducation (12 janv. 1968):216.

"En mai 1967, le ministère de l'Éducation publiait, en annexe de la liste des manuels agréés, une liste de manuels susceptibles d'être mis à l'essai et les directives ministérielles relatives au régime d'expérimentation.

Aujourd'hui, il importe de rappeler aux commissions scolaires visées les principales dispositions relatives aux manuels à l'essai:

1- Aviser le directeur général de l'Enseignement élémentaire et secondaire, avant le 1er septembre 1967, de la liste des livres choisis comme manuels à mettre à l'essai.

2- Rédiger un rapport préliminaire sur les résultats de l'essai avant le 30 janvier 1968.

3- Rédiger un rapport final avant le 1er juillet 1968.

Les commissions scolaires qui ont omis de remplir la première condition voudront bien le faire sans délai.

En ce qui concerne les dispositions 2 et 3, le Ministère compte recevoir les rapports exigibles des commissions scolaires qui auront fait l'essai de manuels de la liste susnommée.

Ces rapports permettront aux pédagogues du Ministère de mettre à jour la liste des manuels agréés."

1968.06.11
"Liste supplémentaire de manuels approuvés pour les écoles catholiques de langue française pour 1968/69", Hebdo-Éducation, 4, 47(11 juin 1968):362.
1968.08.20
"Liste des manuels agréés pour l'année scolaire 1968/69", Hebdo-Éducation, 5, 4(20 août 1968):3-16.
1968.09.17
xxx. "Liste supplémentaire de manuels de classes agréés pour l'année 1968/69", Hebdo-Éducation, 5, 8(17 sept. 1968):65-69.

"Le ministère de l'Éducation rend publique aujourd'hui une liste supplémentaire de manuels de classes agréés par le ministre de l'Éducation pour les écoles catholiques de langue française, catholiques de langue anglaise, protestantes de langue française et protestantes de langue anglaise, pour l'année 1968/69.

Cette liste s'ajoute à la liste des manuels agréés pour 1967/68, liste qui a été reconduite pour l'année scolaire 1968/69. La liste ci-après s'ajoute aussi à la Liste supplémentaire de manuels pour les écoles catholiques de langue française pour 1968/69 parue dans Hebdo-Éducation du 11 juin 1968, IVe année, no 47, p. 362 et à l'encart pour les manuels agréés pour l'année scolaire 1968/69paru dans l'Hebdo-Éducation du 20 août 1968. Hebdo-Éducation publiera en février 1969 une liste consolidée de tous les manuels agréés."

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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