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Sources imprimées

* * *

1964

xxx. Bill 60 - Modifications diverses proposées par diverses organisations et certains citoyens. S.l., s.n., [1964]. vi, 111 p.

"Chapitre 58B - Loi du Conseil supérieur de l’éducation. [24]

[...]

16. Ces comités [catholique et protestant] sont chargés:

[...]

c) d’approuver au point de vue religieux et moral, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans ces écoles [écoles normales et écoles publiques élémentaires et secondaires catholiques ou protestantes] .

c) to approve, from a religieus and moral point of view, the text-books and teaching material for instruction in such schools [...]. [58]

[Modification proposée par la Fédération des collèges classiques, la Corporation des instituteurs et institutrices catholiques du Québec et la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec]: c) d’approuver, au point de vue religieux et moral, LES PROGRAMMES, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans ces écoles [...]. [59]

[...]

[Modification proposée par l’Association des religieuses Enseignantes du Québec]: c) d’approuver, au point de vue religieux et moral, LES PROGRAMMES, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans ces écoles [...]. [60]

[...]

[Modification proposée par la Commission universitaire de la compagnie de Jésus] c) d’approuver, au point de vue religieux et moral, LES PROGRAMMES, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans ces écoles [...]. [62]

[...]

[Modification proposée par M. Keith J. Dowd de Melbourne] c) to approve (...) The text-books and teaching materials for instruction in such schools [...] [63]

[...]

[Modification proposée par le Mouvement laïque de langue française: supprimer le paragraphe c]. [64]

[...] [Modification proposée par la Fédération libérale du Québec]: c) d’approuver (...) les manuels ou le matériel didactique UTILISÉS pour l’enseignement DE LA RELIGION ET DE LA MORALE dans ces écoles [...]. [64]

[...]

[Modification proposée par l’Association de s professeurs de l’Université de Montréal]: c) d’approuver (...) les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement DE LA RELIGION dans ces écoles [...]. [64]

[...]

[Modification proposée par la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec]: c) d’approuver au point de vue religieux et moral, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans SES écoles [...]. [66]

[...]

[Modification proposée par la Ligue catholique féminine de Québec]: c) d’approuver, au point de vue religieux et moral, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement dans LES ÉCOLES CATHOLIQUES ET PROTESTANTS, SELON LE CAS [...]. [67]

[...]

[Modification proposée par madame Frédéric Lemire]: c) d’approuver, au point de vue religieux et moral, les manuels et le matériel didactique pour l’enseignement DE LA RELIGION ET DE LA MORALE dans ces écoles [...]. [68]."

1964
xxx. Manuels et matériel didactique autorisés pour l’année scolaire 1964-1965. S.l., Département de l’instruction publique, 1964. 151 p.
1964
xxx. Rapport de la commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec - Deuxième partie - Les structures pédagogiques du système scolaire- A - Les structures et les niveaux de l'enseignement. S.l., s.n., [1964]. ix, 404 p.

"Enseignement élémentaire

[...]

Les manuels

161. De nombreuses voix ont signalé, en ces dernières années, le manque de goût des illustrateurs et des imprimeurs des manuels solaires, la pauvreté de la langue écrite des auteurs, l’usage abusif de sujets religieux et agricoles. D’autres critiques ont mis en cause la qualité pédagogique, scientifique et culturelle de nos manuels scolaires. Il est trop vrai que plusieurs manuels de nos écoles catholiques françaises présentent bien des imperfections. Les maîtres du cours élémentaire et leurs élèves en ont souffert: nombre d’esprits sont désormais marqués par le mauvais goût, par une langue sans qualité, par la religiosité, par une information insuffisante. Les manuels les plus récents ont voulu s’inspirer de l’école active, mais leur qualité pédagogique demeure discutable. On en a signalé qui contiennent de nombreuses erreurs, on a pu constater que la plupart dogmatisaient. Il faut savoir que les auteurs ont dû accommoder leurs manuels aux conditions d’enseignement qui régnaient dans les écoles élémentaires et que, par ailleurs, toute la question de la préparation des manuels scolaires en est encore au stade de l’improvisation ou d’intuitions parfois heureuses, mais insuffisamment appuyées sur la recherche pédagogique. Il n’existe aucun organisme pour entreprendre ou pour encourager la [93] production des manuels scolaires; tout a dépendu jusqu’à maintenant d’initiatives particulières dispersées. (p. 94)

[...]

Les manuels

187. Le ministère de l’Éducation devra entreprendre sans tarder une évaluation des manuels en usage dans nos écoles élémentaires. Il faudra éliminer tous ceux qui présentent une langue appauvrie, un goût douteux et une pédagogie dépassée. Nous traiterons plus loin de l’organisation à mettre sur pied pour favoriser et surveiller la préparation de manuels scolaires de bonne qualité. De toute façon, le maître de l’enseignement élémentaire, s’il est compétent et s’il n’est pas surchargé, ne sera pas l’esclave d’un manuel et donnera des cours personnels. L’école élémentaire devrait posséder une bibliothèque de travail abondamment pourvue en manuels scolaires, [109] de façon à minimiser les inconvénients du manuel unique. Il faudra considérer le manuel scolaire comme une source de références, non pas comme la somme officielle de la connaissance. Nous espérons que le maître ne pourra plus excuser un enseignement livresque par le fait de la rigidité des programmes et des tracasseries des examens. Mais pour modifier leur façon d’utiliser le manuel scolaire, les maîtres auront grand besoin de faire des stages, de s’inscrire à des sessions d’études, de travailler en équipes. De la même façon ils apprendront à utiliser les techniques audio-visuelles, les ateliers et le matériel scolaire, le milieu naturel et social de l’enfant. [110]

"Nous recommandons que le ministère de l'Éducation entreprenne une évaluation des manuels scolaires en usage dans les écoles élémentaires." (p. 118).

1964
xxx. Rapport de la commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec - Deuxième partie ou tome II - Les structures pédagogiques du système scolaire- B - Les programmes d'études et les services éducatifs. S.l., s.n., [1964]. 391 p.

"Langue maternelle

[...]

Les manuels:

a) en général

616. Lorsque, à la pénurie de professeurs compétents, s’ajoute l’influence de manuels de mauvaise qualité, la situation n’offre guère d’espoir. L’une des mesures les plus urgentes devrait être d’éliminer sans pitié tous les manuels actuellement en usage dans les écoles qui contribuent, par la mauvaise qualité du français, à abâtardir la langue déjà fort pauvre des écoliers. Qu’on adopte, à défaut de bons ouvrages produits ici, des manuels français de bonne qualité. Le service des programmes du ministère de l’Éducation devrait comporter un comité général des manuels, composé des linguistes dont nous parlions plus haut, de spécialistes des arts plastiques, des arts graphiques et de critiques littéraires. La mauvaise qualité de la langue s’accompagne en effet très souvent [42] de mauvais goût dans l’illustration des manuels et d’une idéologie déformante, se situant à un très bas niveau intellectuel. Il nous semble que, à l’avenir, aucun manuel ne devrait être approuvé pour les écoles, sans avoir été soumis d’abord à ce comité.

b) pour le français

617. Le traditionalisme attardé, l’inspiration lourdement agricole - en pleines périodes d’urbanisation intense, - l’intention gauchement apologétique qui ont prévalu dans les manuels scolaires semblent s’être épanouis particulièrement dans les manuels destinés à l’enseignement de la langue française. La seule manière de ventiler efficacement ce climat anticulturel est peut-être, pour l’instant, d’utiliser les manuels français de bonne qualité qui existent en grand nombre. Après les études requises, on pourra songer à adapter un certain nombre de ces manuels ou à en créer d’autres; le ministère, comme nous le suggérons dans un chapitre subséquent, devrait procéder par concours afin de découvrir les auteurs capables de préparer de bons manuels. Le comité des manuels, tout en adoptant cette politique d’ensemble, pourrait tenter de sauver du naufrage les quelques rares ouvrages utilisés dans les écoles qui ne seraient pas entachés des défauts que nous venons de signaler. La question des stocks à épuiser ne doit pas primer; on doit d’abord songer à l’intérêt des enfants, à leur formation. Dès le niveau élémentaire, les ouvrages utilisés ne doivent présenter que des exemples ou des textes de bonne qualité et d’une valeur littéraire réelle. L’enseignement de la phonétique exigera peut-être la préparation de fascicules et de petits manuels spéciaux, adaptés aux besoins du Québec; dès le niveau élémentaire, on peut éduquer l’oreille de l’enfant à distinguer le /i/ pur, utilisé en français, du /i/ ouvert de l’anglais, comme dans sit, correspondant à un /é/ fermé en français; cette éducation phonétique nous apparaît comme indispensable, dès le début des études. Le comité des manuels devra étudier sérieusement la question de l’adaptation canadienne des manuels; il est certain que l’introduction de textes canadiens de très bonne qualité à côté de textes littéraires français apparaît comme assez normale et peut contribuer à prévenir une impression de déracinement qui résulterait de l’emploi de manuels entièrement étrangers. [ 43]

[...]

"Nous recommandons que tous les manuels utilisés dans les écoles de la province soient examinés par un comité général des manuels composé de linguistes, de spécialistes dans les arts plastiques et les arts graphiques et de critiques littéraires.

Nous recommandons que l'on fasse au plus tôt un examen des manuels de français actuellement en usage dans les écoles, afin de ne conserver que ceux dont la qualité est satisfaisante, et afin de remplacer les autres, pour le moment, par de bons manuels de France ou d'ailleurs, et que l'on organise un concours pour recruter de bons auteurs de manuels. [49]

[...]

Enseignement des langues vivantes

[...]

c) le disque avant le manuel [61]

[...]

Place de l’écriture, du manuel, de la langue maternelle

666. Cet enseignement direct, par bain auditif, par appel à la mémoire auditive, motrice, cette assimilation des structures par acquisition d’habitudes verbales, cet apprentissage inductif de la grammaire par l’observation phonologique et structurale ne doivent faire appel à l’écriture, au manuel qu’après une centaine d’heures de pratique orale, et de façon mesurée et prudente. On doit utiliser des manuels où l’apprentissage écrit de la langue se fait par la même méthode inductive, et par répétition de structures et de formes synthétiques, cherchant, comme l’enseignement oral, à éviter les fautes à l’élève et à renforcer constamment, par la répétition, les connaissances déjà acquises. Le manuel pourrait aussi être présenté sous forme de feuillets à insérer dans un cahier, une fois que les structures auraient d’abord été assimilées parfaitement sous leur forme orale. [65]

[...]

Enseignement des mathématiques

[...]

Manuels et bibliothèques

788. On devra songer le plus tôt possible à traduire, adapter ou rédiger des manuels qui puissent répondre aux exigences des programmes nouveaux. Par ailleurs il faudra organiser la section de mathématiques de nos bibliothèques scolaires de façon à en faire un instrument efficace de la réforme de cet enseignement. [121]

[...]

Enseignement des sciences

[...]

Manuels, revues, bibliothèques

815. Le ministère de l’Éducation devra encourager la production au Québec, de revues, manuels et volumes scientifiques, prévoir la traduction et l’adaptation d’ouvrages de langue anglaise qui seraient jugés utiles, importer des ouvrages scientifiques en langue française, favoriser la diffusion de toutes les publications scientifiques françaises et anglaises de tous les niveaux, encourager les associations scientifiques pour la jeunesse: jeunes naturalistes, jeunes scientifiques, clubs 4-H, etc. Les bibliothèques scolaires devront compter une proportion importante d’ouvrages scientifiques récents de bonne qualité et de revues scientifiques. [133]

[...]

Nous recommandons que le ministère de l'Éducation favorise:

a) la production au Québec de revues, livres et manuels scientifiques;
b) l'importation de bons ouvrages scientifiques de langue française, spécialement pour les classes élémentaires;
c) la traduction et l'adaptation d'ouvrages de langue anglaise qui seraient jugés utiles;
d) la diffusion de toutes les publications scientifiques de tous les niveaux [...]." [135]

[...]

Enseignement de l’histoire

[...]

b) tendances des programmes et manuels

845. Les programmes d’études des écoles élémentaires et secondaires publiques du secteur catholique préconisent un enseignement de l’histoire du Canada orienté vers une apologétique nationale et religieuse: il faut que cet enseignement "révèle aux enfants l’action de la Providence", montre que "les nations n’ont de vrai bonheur" que si elles sont "fidèles à la loi de Dieu"; il doit souligner "la pureté de nos origines canadiennes-françaises, le caractère religieux, moral, héroïque et idéaliste de nos ancêtres ... la protection visible de la Providence sur la survivance de notre nationalisme" (Programme d’études des écoles élémentaires, 1959, p. 487-482 [sic]) Le "Handbook for Teachers", des écoles protestantes, parmi les buts principaux assignés à l’enseignement de l’histoire nationale: "To develop a healthy nationalism while promoting an attitude of tolerance for other races, religions, political ideas and nationalities". (Handbook for Teachers, 1957, p. 105). Le programme des écoles catholiques de langue anglaise veut que l’histoire fasse apprécier "our rights and our responsibilities as Canadians" et développe "loyalty and national pride (...) rooted in historical reality". (Course of Study for the Elementary Grades (I-III - English language catholic schools, 1963, p. 145). Les manuels utilisés dans le secteur catholique de langue française accentuent encore, surtout au niveau élémentaire, le sentimentalisme et la moralisation nationale et religieuse auxquels tend le programme officiel. Du côté anglais, les écoles catholiques et les écoles protestantes utilisent en partie les mêmes manuels d’histoire du Canada. [149]

[...]

Réformes à envisager: a) dissocier histoire et apologie

847. Pour que l’histoire soit enseignée comme une science, mais avec tout le sens du relatif et du possible que comporte l’étude du comportement humain, il faut évidemment en renouveler la conception d’ensemble, au niveau même de l’élaboration des programmes. Il importe de dissocier histoire et prédication patriotique; le but de l’enseignement de l’histoire n’est pas en premier lieu la formation civique, patriotique ou religieuse. Cette confusion ne peut que nuire et à l’histoire et au patriotisme et à la religion. L’enseignement de l’histoire a pour but de former l’esprit par l’étude objective e honnête du passé, en prenant appui sur les textes.

b) élargir la conception de l’histoire

848. Les programmes, les manuels, les textes à étudier doivent faire une plus large part à l’évocation des divers aspects de la civilisation: conditions économiques, histoire de l’art, histoire des classes sociales, histoire des idées et des comportements sociaux, évolution des cultures. Il faut évidemment continuer d’utiliser la chronologie, l’histoire politique, combats, guerres, conquêtes; ce sont des points de repère bien définis, et ce squelette chronologique a une utilité didactique incontestable. Mais ce ne doit être que l’armature d’un enseignement de l’histoire plus riche, plus diversifié, mieux appuyé sur le développement et le progrès des sociétés que sur l’énumération de leurs querelles.

c) élargir le programme

849. Outre l’histoire du Canada, dont le programme, pour les écoles françaises catholiques, est surtout centré sur la province de Québec, les programmes font peut-être une place trop grande sinon exclusive à l’histoire de France. Un programme équilibré devrait aussi faire connaître l’histoire du Canada moderne, celle de l’Angleterre, celle des États-Unis; on devrait aussi enseigner des notions générales sur le développement et l’évolution des autres civilisations européennes, sur les riches et anciennes civilisations asiatiques, sur l’évolution récente des pays d’Afrique. Il devrait s’agir là de notions sur les grands courants de civilisation et d’art plutôt que d’énumérations de guerres et de dynasties. Dans les dernières années du cours, on devrait se concentrer sur l’histoire contemporaine des civilisations; en histoire du Canada, sur l’histoire du XIXe et du XXe siècles, sur l’étude des institutions civiles et parlementaires [150] et celle de la conquête de droits démocratiques, le tout situé dans le contexte global nord-américain.

d) utiliser et préparer de meilleurs manuels

850. Il est urgent de soumettre les manuels en usage à un comité d’historiens qui en fera l’examen du point de vue de l’exactitude de l’information. On devra sans doute prévoir la préparation de nouveaux manuels pour l’enseignement de l’histoire du Canada; ils devront être adaptés à l’âge des enfants à qui on les destine; c’est pourquoi des psychologues et des pédagogues devraient collaborer avec des historiens pour la préparation de ces manuels. Ces manuels devront, du moins au niveau secondaire, faire un large usage des textes à analyser, de cartes à commenter, de gravures documentaires. Pour les élèves assez avancés, des recueils de textes historiques sont encore le meilleur point de départ de la leçon d’histoire. Quant aux manuels d’histoire générale des civilisations, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, ils procéderont évidemment à plus larges traits, utilisant la reproduction d’oeuvres d’art, des cartes sur les grands mouvements de civilisation, des tableaux de concordances chronologiques, etc.; le manuel anglais ou le manuel belge sont trop centrés sur l’histoire de France, d’Angleterre et de Belgique. On pourrait même songer à confier à des comités internationaux la préparation de manuels sur l’histoire des civilisations. Pour l’histoire de l’Antiquité, les manuels de France ou d’Angleterre sont de très bonne qualité. [218]

[...]

Nous recommandons que l'organisateur de l'enseignement de l'histoire ait pour fonction de coordonner toutes les initiatives en ce domaine, de faire examiner [153] ou préparer les manuels d'histoire et le matériel didactique, de veiller à l'élaboration des programmes et de la didactique pour l'enseignement de l'histoire, d'aider au recrutement du personnel requis. [154]

[...]

Enseignement de la philosophie

[...]

c) recours aux sources plutôt qu’aux manuels

948. Des recueils de textes philosophiques tiendront lieu de manuels. Si l’on croit utile de mettre des manuels ou des histoires de la philosophie à la disposition des élèves, que ce soit en tant qu’ouvrages de référence et de consultation, placés dans la bibliothèque de l’école ou faisant partie de leur bibliothèque personnelle. Mais que, dans les programmes, dans le travail quotidien et dans la bibliothèque à l’usage des élèves, il y ait d’abord et avant tout les grands textes philosophiques. L’élève ainsi s’apprivoisera, perdra le sentiment qu’un philosophe est incompréhensible, pourvu évidemment, qu’on le guide selon une sage gradation dans le choix de ses lectures. Le travail, parfois assez dur, de déchiffrement personnel d’un texte le formera davantage à la philosophie que bien des cours magistraux. Dans cette part de lectures et de travail personnel, le maître devra aider l’élève à franchir certains passages plus ardus; au moins une fois par semaine, cette lecture en bibliothèque, à côté d’un maître disponible, prêt à répondre aux questions, tiendra lieu de cours de philosophie. [201]

[...]

Les manuels

L’abus du manuel

1111. Le manuel scolaire est sans doute un important outil de travail pour l’élève et pour le professeur. Mais on est porté à en faire l’unique instrument. Notre enseignement est beaucoup trop livresque. La technique moderne met au service des écoles des moyens audio-visuels de plus en plus nombreux et de plus en plus perfectionnés. Le disque, le ruban magnétique, la diapositive, le film sont des moyens plus vivants que le livre; ils accrochent davantage l’attention de l’enfant. Les musées et les expositions devraient être le lieu de certaines leçons. Le milieu physique et social lui-même fournit un laboratoire vivant d’opération, d’expérimentation. La déformation va à ce point en certains cas qu’on cherche instinctivement un livre pour faire connaître une réalité, même quand cette réalité est là présente devant le maître et devant [284] les élèves. L’enfant et l’adolescent profitent bien plus d’un contact vivant avec la nature ou avec les hommes que d’une lecture trop sèche ou d’un simple travail de mémorisation. Mais, qu’on le veuille ou non, le manuel scolaire occupera encore longtemps dans nos écoles une place prédominante et il restera toujours un instrument nécessaire à l’enseignement. Il faut donc se préoccuper de sa qualité, des conditions de sa préparation et des façons de l’utiliser.

Le rôle du manuel

1112. Les auteurs des manuels et ceux qui les utiliseront devront éviter de considérer que les manuels sont de simples transpositions des programmes d’études; seul le maître incompétent ou surchargé éprouve le besoin d’un manuel qui serve par tranches toute la matière déterminée par le programme d’études; un maître qui domine sa matière et qui trouve le loisir de bien préparer ses leçons n’accepte pas l’encadrement d’un seul manuel et il oriente son enseignement de telle sorte que sa leçon utilise plusieurs sources de documentation et conduit l’élève à fouiller dans plusieurs manuels. C’est cette sorte de réforme de l’enseignement que nous souhaitons. Elle est conditionnée par l’esprit des auteurs des manuels, par la compétence des maîtres et par les conditions de travail qu’on leur fait. En réalité, il faut remettre en question le rôle du manuel, tel qu’il a été conçu jusqu’à présent, particulièrement dans nos écoles élémentaires et secondaires publiques. Il faut aller jusqu’à souhaiter qu’il soit possible un jour d’abandonner cette coutume de faire acheter chaque année à l’élève un manuel déterminé pour chacune des matières au programme. Quand le régime des examens sera transformé, quand les bibliothèques de travail seront convenablement montées dans les écoles, les élèves, du moins ceux du niveau secondaire, devraient trouver sur les rayons des bibliothèques de leur école divers manuels leur permettant de revoir et de compléter la matière enseignée par le professeur. S’ils doivent se procurer un manuel, il pourrait être avantageux, dans certaines matières, que tous les élèves n’achètent pas le même et qu’ils puissent, lorsqu’ils travailleront en équipe, prendre connaissance de plusieurs exposés différents, se complétant et s’éclairant les uns les autres. Mais les habitudes des maîtres et les conditions du marché du manuel scolaire font que nous sommes encore loin d’une telle possibilité. Il y a donc lieu de préciser comment nous pouvons nous accommoder du régime actuel.

Qualité du manuel

1113. La première préoccupation du ministère dans ce domaine, ce doit être de n’autoriser toujours à l’usage des écoles que des manuels de bonne qualité. L’exposé de la matière doit être sûr, substantiel, clair, adapté à l’âge des élèves auxquels le manuel s’adresse. Mais il faut veiller aussi à la forme: exiger une langue correcte, sobre, élégante, des illustrations de bon goût, une présentation graphique impeccable. On sait les critiques nombreuses [285] qui ont été formulées devant nous à ce sujet et nous avons pu constater qu’elles étaient trop souvent fondées. Une revision [sic] des manuels actuellement en usage doit être entreprise, sans tarder, à la lumière des exigences énumérées ci-haut; il semble bien que plusieurs manuels devront être retirées des écoles et que d’autres devront subir des corrections sérieuses.

Manuels étrangers

1114. Une solution immédiate pour le remplacement des manuels scolaires jugés de qualité trop pauvre serait l’importation de manuels d’autres pays de langue française. L’expérience a été faite, du moins partiellement, au niveau de l’école secondaire publique. Elle s’est heurtée à des difficultés; en général le personnel enseignant a conclu que ces manuels n’étaient pas adaptés aux conditions de notre milieu et on a vite fait de publier des éditions canadianisées ou, dans plusieurs écoles, de revenir à des manuels québécois. Il reste pourtant que les protestants et les catholiques de langue anglaise ont su puiser au vaste répertoire de la production américaine, en faisant les adaptations nécessaires; les collèges classiques du Québec utilisent de leur côté d’excellents manuels européens. Il faudrait faire profiter de ces expériences le secteur public de langue française et, pour certaines matières, réétudier la possibilité d’adopter des manuels scolaires d’origine étrangère. Au moins devrait-on encourager les écoles qui aimeraient utiliser les meilleurs manuels de France ou d’autres pays de langue française .

Le concours

1115. La pauvreté des manuels scolaires en usage dans les écoles publiques de langue française résulte de ce que le Québec s’est délibérément coupé de la production des autres pays de langue française, alors même qu’il avait besoin d’un grand nombre de nouveaux manuels. On s’est débrouillé sur place avec les moyens du bord et sans que soit établie une politique définie et généreuse pour favoriser la préparation de manuels de bonne qualité. C’est une telle politique qu’il faut maintenant établir. Elle peut prendre forme de différentes façons. L’une des formules, celle du concours, nous paraît particulièrement intéressante. Les personnes ou les équipes susceptibles de produire des manuels scolaires de qualité devraient pouvoir soumettre à un jury les plans de leurs projets et quelques pages-types des textes définitifs. Une première élimination pourrait se faire à ce stade; les auteurs dont les projets seraient retenus devraient alors chercher les moyens de se libérer temporairement de leurs fonctions régulières, de façon à pouvoir produire leur manuel dans les meilleures conditions de travail. Le ministère et les commissions scolaires leur offriraient certains de ces moyens: congés avec ou sans solde, prêts-bourses, assistance technique ou services de secrétariat. Un jury aurait la responsabilité du choix final, ce qui n’empêcherait pas les manuscrits non-primés d’être publiés et d’être utilisés dans les écoles si le jury les [286] jugeait intéressants. Même s’il n’est pas passé par l’étape initiale consistant à produire un plan et quelques pages-types, rien ne devrait empêcher un auteur de soumettre au jury un manuscrit complet. La diversité des manuels scolaires pour une même matière dans un même degré du cours peut comporter certains inconvénients pour l’élève qui passe d’une école à l’autre en cours d’année scolaire, mais les avantages nous semblent l’emporter: émulation chez les auteurs, une certaine latitude aux maîtres et aux écoles. La préparation de nouveaux manuels scolaires soulèvera des questions importantes: prix de vente et droits d’auteur en particulier. Le ministère devra former des comités pour résoudre ces problèmes, et y faire entrer des représentants des auteurs, des éditeurs et des commissions scolaires.

Renouvellement

1116. Ce que nous avons dit de l’évolution continuelle des programmes d’études implique que plusieurs manuels scolaires, même parmi les mieux faits, seront vite démodés. Par ailleurs, il est impossible de renouveler les manuels scolaires tous les ans ou tous les deux ans. Nous suggérons donc qu’à l’avenir un manuel scolaire, lorsqu’il est approuvé, le soit pour cinq ans. Une réapprobation sera faite si le manuel est jugé encore satisfaisant: autrement, il faudra qu’il soit remis à jour; ou bien ce sera le moment de le remplacer par un autre manuel choisi par concours. Il faudra sans doute établir un roulement de sorte que tous les manuels ne soient pas renouvelables la même année pour un même degré du cours.

Comité consultatif

1117. Le ministère de l’Éducation mettra sur pied un service des manuels, afin de déterminer les besoins d’organiser les concours, de garder le contact avec les auteurs, avec les éditeurs et avec les maîtres. Un comité consultatif devrait assister ces fonctionnaires, comité composé de représentants de auteurs, des éditeurs, des instituteurs, des commissaires d’écoles et des parents. Ainsi en arriverait-on, en matière de manuels scolaires, à stimuler les auteurs et éditeurs de manuels et à mettre entre les mains des maîtres et des élèves des volumes de qualité. [287]

[...]

Nous recommandons que les manuels scolaires soient conçus de telle sorte qu'ils fassent appel à divers moyens pédagogiques et proposent de plus en plus l'utilisation des techniques audio-visuelles, la classe-promenade, les expériences vécues, la recherche personnelle.

Nous recommandons qu'on entreprenne un inventaire des manuels actuellement en usage dans les écoles, afin de faire mettre au rancart tous ceux qui sont de mauvaise qualité; et qu'on étudie la possibilité de remplacer certains de ces manuels par des manuels importés de France ou d'autres pays de langue française.

Nous recommandons que le ministère de l'Éducation adopte une politique généreuse pour favoriser la production de manuels scolaires de bonne qualité.

Nous recommandons que le ministère de l'Éducation expérimente la formule du concours pour la production des manuels scolaires.

Nous recommandons que le ministère de l'Éducation établisse un roulement en vertu duquel les manuels scolaires devront être réapprouvés ou remplacés tous les cinq ans.

Nous recommandons que le ministère de l'Éducation mette sur pied un service des manuels scolaires comptant tout le personnel requis pour évaluer les besoins, pour organiser les concours, pour garder contact avec les auteurs, avec les éditeurs et avec les maîtres.

Nous recommandons qu'un comité consultatif assiste le service des manuels scolaires du ministère de l'Éducation et que ce comité soit composé de représentants des auteurs, des éditeurs, des instituteurs, des commissaires d'écoles et des parents" (p. 294).

1964
xxx. Règlements du ministre de l’éducation - Règlements connus, avant le 13 mai 1964, sous le titre "Règlements du Comité catholique du Conseil de l’instruction publique. S.l., Ministère de l’éducation [1964?]. 114 p.

"Règlements concernant les instituteurs

84 - Il est du devoir de chaque instituteur:

[...]

8. De ne permettre que l’usage des livres autorisés; [30]

[...]

Devoirs des inspecteurs d’écoles

145 - Les inspecteurs d’écoles doivent:

[...]

14. Transmettre un rapport de leurs visites au secrétaire-trésorier des municipalités scolaires visitées.

[...]

Dans ces rapports, ils divent particulièrement appeler l’attention des commissaires ou des syndics d’écoles

1. Sur

[...]

b) L’emploi des livre de classe autorisés; [55]

[...]

18. N’avoir aucun intérêt direct ou indirect dans la vente des livres ou autres fournitures d’écoles dans leur district d’inspection. [56]

[...]

Devoirs des inspecteurs régionaux

147 - Il est du devoir des inspecteurs régionaux, sur les instructions du ministre de l’éducation et sous la direction de l’Inspecteur général des écoles catholiques:

[...]

13. De n’avoir aucun intérêt direct ou indirect dans la vente des livres ou autres fournitures d’école dans leur région; [57]

[...]

Approbation des livres de classe

157 - Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l’approbation du ministre de l’éducation doit, deux mois avant que celui-ci soit appelé à se prononcer, envoyer au ministère de l’éducation une quantité suffisante de cet ouvrage pour que le ministre puisse en faire parvenir un exemplaire à chacun des membres du comité catholique et en conserver six pour examen et consultation. Ces exemplaires doivent être sous forme imprimée ou dactylographiée. L’éditeur doit indiquer en même temps le prix de l’unité et de la douzaine et faire connaître les années du cours auxquelles l’ouvrage est destiné.

158 - Lorsque l’examen d’un ouvrage soumis à l’approbation du ministre est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s’assurer le concours en raison de ses connaissances spéciales, le ministre doit exiger, de celui qui demande l’approbation, une somme suffisante pour rémunérer ce spécialiste.

159 - L’éditeur de tout livre autorisé doit déposer un exemplaire ce chaque édition au ministère de l’éducation et obtenir du ministre un certificat attestant qu’il est approuvé; chaque fois qu’il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du ministre un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

160 - Le ministre peut, quant il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage qu’il aura autorisé.

A l’avenir, tout ouvrage qui recevra l’approbation du ministre de l’éducation devra porter, avec la mention de cette approbation, la date à laquelle elle a été accordée et indiquer le cours auquel il est destiné. Le défaut de se conformer à cette injonction fera perdre à l’auteur de tel ouvrage l’approbation obtenue.

161 - Tout ouvrage doit porter le nom de l’éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page-titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement du ministre.

161a - Tout éditeur présentant un nouveau manuel ou un projet de réimpression, doit soumettre deux maquettes et fournir les précisions requises concernant le papier, la toile, le carton et la reliure.

162 - Il faut l’approbation du ministre pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, etc., d’un livre approuvé. Telle approbation ne pourra être accordée que sur présentation au ministre d’un sommaire indiquant les changements apportés. [61]

163 - Les ouvrages recommandés pour l’usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe.

164 - Tout livre classique devra être imprimé en caractères suffisamment gros et interlignés, et toute gravure devra être faite avec soin et sur du papier de très bonne qualité.

Toute carte géographique dont on demande l’approbation doit être préalablement soumise à la Commission de Géographie de Québec, pour examen et rapport au ministre de l’éducation.

165 - Les commissaires ou les syndics d’écoles ne feront usage, pour toutes les écoles de leurs municipalités, que de la même série des livres classiques approuvés. Ils en feront une liste qui sera déposée dans chacune des écoles sous leur contrôle.

166 - Tout film à être montré dans les écoles qui sont sous la juridiction du ministre de l’éducation devra avoir reçu l’approbation du ministre.

167 - Seuls les films d’enseignement et les films documentaires pouvant servir à illustrer et à enrichir le programme d’études peuvent être montrés durant les heures de classe. Les films désignés comme récréatifs ne peuvent être montrés, qu’après les heures de classe ou les jours de congé.

Toute projection de films devra se faire conformément aux lois existantes.

168 - Toute demande d’approbation de films devra être faite au ministre ou à son représentant et être accompagnée d’une copie du film dont on désire l’approbation.

L’examen des films se fait par un comité d’au moins trois membres, choisis dans une liste établie par le ministre. Le comité est présidé par le ministre ou son représentant.

Le ministre dressera une liste des films ainsi autorisés pour les écoles.

169 - L’inobservance de ces règlements entraînera une sanction à la discrétion du ministre.

170 - Les mêmes règlements s’appliquent également pour les films à vues fixes.

170 - [sic; lire 171] Seuls les programmes de radio ou de télévision qui auront reçu au préalable l’approbation du ministre de l’éducation, peuvent être captés dans les écoles. [62]

[...]

Regulations of the minister of education - Regulations known before May 13, 1964, as the Regulations of the Protestant committee of the Council of Education.

[...]

Course of Study and Textbooks

13 - School boards shall insist upon the use in their schools of the authorized Course of Study and textbooks.

14 The authorization for any textbook given by the Minister of Education may be withdrawn at his will.

15 - Any books recommended as aids to teachers for private reference or study shall not be used as textbooks by the pupils.

[...]

Pupils

[...]

26 - All pupils must possess the authorized textbooks to enable them to perform their work properly, but the school boards may lend textbooks to pupils with due precautions for their proper preservation and supply other school requisites. Pupils are also required to provide for themselves such other supplies as may be determined by the teachers with the approval of the school board. [12]

[...]

Authorization of new textbooks

65 - The course of study and authorized textbooks may be changed by the Minister of Education from time to time at his discretion.

66 - Persons desiring to submit a textbook to the Minister of Education shall forward copies to the Deputy Minister of Education for examination stating the retail price and the price to school board.s

67 - The Deputy Minister of Education or the Minister of Education himself may initiate proceedings for the introduction of new courses of study and textbooks.

68 - New books that are proposed for authorization shall be procured for the use of the Minister of Education and the Deputy Minister of Education as they may request them with a view to examination.

69 - Before authorization of any books the publisher must legally bind himself to supply the textbooks in harmony with the price and quality of the sample submitted and the quantity to meet the needs of the schools.

70 - A sample copy of every edition of every book authorized for use in the schools shall be deposited in the Department of Education by the publisher.

71 - Every authorized book shall bear the imprint of the publisher. No part of the book shall be used for advertising purposes without the written consent of the Minister of Education and the Deputy Minister of Education.

72 - No alteration in contents, typography, binding, paper or any other material respect may be made without the approval of the Minister of Education."[18]

1964.01.25
Thivierge, Marcel. "Le rapport de la commission d’enquête sur le commerce du livre met en cause des membres du DIP, une maison d’édition et souligne la concurrence déloyale des communautés", Le devoir, 55, 19(25 janvier 1964):1.

"Le rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre dans la province de Québec vient de mettre à jour un scandale dans le domaine des manuels scolaires.

Le rapport, rendu public hier, met en cause des membres d’organismes du comité catholique du département de l’instruction publique ainsi que le Centre de psychologie et de pédagogie de Montréal, des communautés religieuses faisant commerce d’édition et de libraire, etc.

L’enquête menée à la demande du gouvernement, par le professeur Maurice Bouchard, de la faculté des sciences sociales de l’université de Montréal, fait les principales constations suivantes:

1- Des auteurs de manuels scolaires sont membres d’organismes du Département de l’instruction publique et ont, comme tels, participé au choix de leurs propres manuels;

2- Ces auteurs ont touché de 1955 à 1962 des redevances pour une somme totale de $1,416,565, dont 70 p.c. aux auteurs et collaborateurs d’ouvrages édités par le Centre de psychologie et pédagogie;

3- Ce centre, exerçant un quasi monopole de l’édition des manuels scolaires, est un concurrent déloyal, abusant d’une puissance financière acquise en partie grâce aux situations irrégulières de plusieurs de ses auteurs, membres de divers organismes du DIP;

4- La limitation de la concurrence et les exigences des auteurs ont pour effet de hausser exagérément les prix des manuels scolaires. Au Québec, les auteurs touchent en redevances de 25 p.c. à plus de 40 p.c. En France, ce pourcentage est de quatre à 10 pour cent;

5- Une enquête basée sur 18 des 53 maisons d’éditions scolaires du Québec prouve que l’État et les contribuables, si un contrôle efficace des prix avait existé, auraient épargné $1,210,000 sur l’achat de manuels, de 1960 à 1962;

6- Les communautés religieuses faisant commerce d’édition et de librairie offrent une concurrence déloyale par le fait qu’elles sont exemptes de l’impôt sur les profits et, souvent, de l’impôt foncier local;

7- De 1953 à 1963, la maison Fides, dirigée par les Clercs de Sainte-Croix, a retiré un profit net de $1,204,927 de la seule publication de la revue scolaire "L’Élève". Aucun impôt sur ces profits;

8- Le comité pédagogique de la revue "L’Élève" comptait cinq personnes qui étaient toutes membres d’organismes du comité catholique qui ont eu à approuver la publication de cette revue. Ces personnes retiraient un traitement de Fides;

9- Fides et la Corporation des Frères de l’instruction chrétienne ont une entente qui leur donne le monopole du marché pour les revues scolaires "L’Élève", "Le Maître", "Feuilles volantes" et "L’École";

10- M. Paul Leblanc, alors qu’il était responsable des achats à la Commission des écoles catholiques de Montréal, a vendu à cet organisme, de 1955 à 1962, des volumes dont il était l’auteur. Somme totale: $105,557.49;

11- De M. Roland Vinette, membre du Centre de psychologie et de pédagogie et secrétaire catholique au Département de l’instruction publique, le rapport d’enquête dit: "Il ne mérite pas nos félicitations, ni celles du public au nom duquel est menée cette enquête".

LES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Le comité catholique confie à divers sous-comité [sic] et à la sous-commission de coordination de l’enseignement primaire ou secondaire, selon le cas, le soin de créer ou de reviser [sic] les programmes scolaires.

Une fois le programme approuvé par le comité catholique, ce sont les mêmes organismes, composés des mêmes personnes, qui étudient les manuels et les acheminent vers l’étape finale de l’approbation par le comité catholique.

Or, il arrive, dans le plus grand nombre de cas, que les auteurs de manuels scolaires et les membres des organismes qui les approuvent sont les mêmes personnes.

Depuis 1959, il existe un règlement qui interdit à un membre d’un sous-comité qui soumet un projet de manuel au sous-comité dont il est membre d’assister aux réunions au cours desquelles sont [sic] projet est étudié.

La commission d’enquête affirme que cette interdiction est loin d’éliminer les conflits d’intérêts.

Voici une liste d’auteurs de manuels scolaires qui étaient de sous-comité [sic] et de sous-commissions du comité catholique (on trouvera entre parenthèses la somme des redevances qu’ils ont touché [sic] de 1955 à 1962 pour leurs manuels):

Jean-Marie Laurence ($199,239); Pierre Dagenais ($199,781); Gérard Filteau ($184,701); Antoinette Bertrand ($82,087); l’abbé A. Larue ($75,000); Roland Dumais ($64,292); Cécile rouleau ($33,287); Alain de Bray ($20,781); Thérèse Thériault ($24,712); Richard Joly ($24,295); le titre du volume de M. Joly est "Mon avenir et moi"; Jean-Guy Pépin ($17,094); Roland Vinette ($9,400); Charles Bilodeau ($9,027); Benoit Brouillette ($7,772); l’abbé P. H. Carignan ($3,073); Simone Bussière ($2,376); Richard Bergeron ($2,066) et Marie-Jeanne Davignon ($2,000).

Des 66 manuels écrits par ces 19 auteurs, 47 ont été publiés par le Centre de psychologie et de pédagogie.

Les membres de communautés religieuses, pris dans un conflit d’intérêts, à cause de leur appartenance à divers organismes du comité catholique et de leur qualité d’auteurs de manuels sont les suivants: Frère S. H. Allaire, Clerc de St-Viateur (un volume); Soeur Marie du Sacré-Coeur et Soeur Madeleine du Sacré-Coeur de la Congrégation de Notre-Dame (trois volumes); Frère Éphrem, des Écoles chrétiennes (neuf volumes); Frère Cyrille, des Écoles chrétiennes (sept volumes); Frère Damade [sic], de l’Instruction chrétienne (six volumes), et Frère Lucien Robert, mariste, (trois volumes).

La commission n’a pu obtenir de ces communautés la somme des redevances que leur a valu ces publications; mais le rapport affirme: "Contentons-nous de noter ici que les prix fixés par les communautés enseignantes furent aussi élevés, sinon plus élevés, que ceux des éditeurs laïcs. Les redevances et les profits réalisés par ces communautés dans l’édition scolaire sont donc, dans l’ensemble, comparables à ceux que nous signalons pour les maisons laïques". Le rapport signale une exception heureuse: les Soeurs de la Congrégation Notre-Dame qui fixent pour leurs éditions des prix qui correspondent à deux fois le coût de fabrication.

À titre de comparaison, on peut signaler que M. Dagenais a retiré $199,781 pour cinq volumes, M. Laurence $199,239 pour sept volumes et que le frère Éphrem en a publié neuf et le frère Cyrille, sept.

Tous ces auteurs, laïcs aussi bien que religieux, ont donc reçu des redevances sur des ouvrages approuvés par des organismes dont ils faisaient partie.

De plus, quatre d’entre eux étaient et sont encore fonctionnaires permanents au Département de l’instruction publique: M. Roland Vinette, secrétaire catholique du DIP, Mlle Cécile Rouleau, directrice de la revue "L’enseignement primaire" et "L’instruction publique", M. Gérard Filteau, inspecteur d’écoles puis conseiller technique au DIP, M. Jean-Marie Laurence directeur général adjoint au service des écoles normales du DIP.

Le rapport étudie plus particulièrement le cas de M. Gérard Filteau, auteur de manuels d’histoire, pour conclure :

"C’est l’oncle de l’auteur du manuel qui a décidé de reviser [sic] le programme d’histoire générale. L’auteur des trois manuels était président du sous-comité qui a élaboré le nouveau programme et qui a approuvé les manuels. Il n’y eut aucune procédure susceptible de favoriser une saine concurrence entre plusieurs auteurs, aucune publicité quant aux programmes élaborés sauf les procès-verbaux du comité catholique qui sont des documents publics et aucun délai pour l’envoi des manuels par d’autres auteurs. Bien au contraire, certains actes posés par M. Roland Vinette, secrétaire du comité catholique, avaient pour conséquence d’exclure la concurrence. Il est à remarquer que M. Vinette a répondu au frère Achille un mois après la réception de sa lettre, et cela pour l’informer qu’il venait de recevoir un manuscrit d’histoire générale pour les 8e et 9e années."

C’était le manuscrit de M. Filteau.

LE CAS DE "L’ÉLÈVE"

Au chapitre des conflits d’intérêts dans l’édition, le rapport signale le cas de "L’Élève", revue scolaire publiée par la maison "Fides".

Il parle du réseau d’influences que la maison "Fides" a réunies dans son comité pour l’orientation de la revue scolaire "L’Élève".

Les éducateurs membres de ce comité, et qui appartiennent à des organismes du comité catholique, sont (entre parenthèses, le traitement qu’ils ont reçu de Fides): Mlle Cécile Rouleau ($4,096); M. Trefflé Boulanger ($9,596); Mgr Irénée Lussier ($10, 435); M. l’abbé Jean-Saint-Louis ($1,500); M. Jean-Marie Laurence ($14,596).

Deux seulement des douze membres de cette sous-commission que le comité catholique a consultée pour l’approbation de cette revue scolaire se sont montrés entièrement favorables.

M. Laurence est l’un des deux.

LES RESPONSABILITÉS

Le rapport ne blâme pas le comité catholique lui-même dans toute cette affaire des conflits d’intérêts des auteurs de manuels.

"On peut lui reprocher, dit-il, de n’avoir pas réagi avant la fin de l’année 1959 aux conflits d’intérêts qui pullulaient au sein des sous-comités et des sous-commissions... Il est possible de présumer, pour réduire la portée de cette critique, que le comité catholique n’a été averti que très tard de ce problème et, probablement, de façon incomplète...

"Pour que le comité catholique ait été averti à temps et convenablement de ces problèmes, il eût fallu que le secrétaire catholique ait été quelque peu sensible à ces mêmes problèmes. Or l’enquête démontré le contraire. Il est lui-même en conflit d’intérêt comme auteur. Nous avons établi que le centre de psychologie et de pédagogie, dont M. Roland Vinette est membre et dont il fut gérant jusqu’à sa nomination comme secrétaire catholique, détient en quelque sorte le monopole des conflits d’intérêts et, fait étrange, que la presque totalité des ouvrages qui donnent lieu à des conflits d’intérêts ont été approuvés après l’entrée en fonction de M. Vinette comme secrétaire catholique. Nous avons vu, dans le cas particulier de M. Gérard Filteau, comment jouait l’appui de M. Vinette. Appui inconscient ou involontaire, nous a-t-il dit en audience semi-publique, mais non point efficace pour autant. M. le surintendant Jules-Omer Desaulniers nous affirme sans détour que, au sein de la direction du D.I.P., seul M. Vinette était directement et régulièrement en rapport avec les sous-comités et sous-commissions, d’une part, et avec le comité catholique, d’autre part.

"Parce que tous les pouvoirs sont localisés au niveau du comité catholique, M. Vinette peut, évidemment, se couvrir facilement. On ne lui a jamais donné d’instruction relativement aux conflits d’intérêts avant 1959. On ne peut donc le charger ni d’être incompétent dans l’exécution des instructions reçues, ni d’en avoir restreint l’application dans son propre intérêt ou dans l’intérêt d’un tiers.

M. Vinette ne peut être accusé de quoi que ce soit, même comme auteur en conflit d’intérêts, parce que le comité catholique n’a pas donné d’instructions rigoureuses à l’effet d’éliminer ces conflits d’intérêts. Mais le comité catholique ne pouvait donner ces instructions sans l’initiative d’une suggestion par M. Vinette. Au total, personne n’est plus responsable de rien dans toute cette affaire. C’est bien pourquoi nous avons recommandé que l’approbation des manuels scolaires relève désormais d’une personne responsable, le ministre de l’éducation. Quant à M. Vinette, comme il n’a pas joué le rôle d’initiateur que le comité catholique eût été en droit d’espérer de sa part, contentons-nous de dire qu’il ne mérite pas nos félicitations, ni celles du public au nom duquel est menée cette enquête".

Dans ce compte rendu, forcément limité, nous n’avons pu aborder les détails de nombreux chapitres. Les intéressés devront se rapporter au texte même du rapport."

DEUX RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE:
AUTORITÉ DU MINISTRE SUR LES MANUELS
IMPÔTS SUR LES PROFITS DES COMMUNAUTÉS

Le choix des manuels scolaires [une erreur typographique rend cette phrase en partie incompréhensible] de l’éducation et les communautés religieuses faisant commerce d’édition et de librairie devraient être soumises, comme toute autre entreprise commerciale, à l’impôt sur les profits et à l’impôt foncier local.

Telles sont les deux principales recommandations de la commission d’enquête sur le commerce du livre dans le Québec.

Le rapport demande que dans le cadre des structures nouvelles de l’enseignement public qui résulteront des décisions prises relativement au bill 60 le ministre de l’éducation soit directement responsable de l’approbation des manuels scolaires et de toutes les études préalables à cette approbation. Le ministère devrait comporter un service des manuels scolaires ayant une section pédagogique formée de spécialistes des diverses disciplines.

Toutefois, ajoute le rapport, préalablement à toute approbation, le ministre devrait soumettre les manuels aux organismes confessionnels.

Les rapports de ces derniers devraient, en principe, lier le ministre de façon absolue, dans la mesure où ces rapports s’opposent à des ouvrages dont le contenu serait contraire à la religion. Dans les autres cas, ces rapports ne devraient pas lier le ministre de façon absolue.

Pour stimuler la concurrence, qui n’existe pas présentement entre les auteurs de manuels scolaires, le rapport recommande ce qui suit:

1- Pour tout nouveau manuel correspondant à un nouveau programme ou à un programme modifié, le ministre de l’éducation organise un concours;

2- Lorsque les manuels correspondant à des programmes déjà fixés sont en usage depuis 6 ans, le ministre de l’éducation organise un concours de manuels pour ces programmes, les manuels déjà utilisés pouvant être admis à ces concours avec ou sans modification;

3- Le nombre maximum d’éditeurs pouvant inscrire un projet de manuel à un concours donné soit limité à dix;

4- Le jury formé pour l’examen des projets soit composé de spécialistes de la matière pertinente et qu’il soit présidé par le spécialiste de la même discipline qui est attaché à la section pédagogique du service des manuels scolaires au ministère de l’éducation.

5- Parmi les projets soumis au concours un nombre maximum de quatre soit retenu pour fin d’approbation officielle par le ministre de l’éducation.

PRIX DES MANUELS

Pour corriger l’anarchie qui règne dans le domaine des prix exagérément élevés des manuels scolaires, le rapport recommande:

1- Que soit créé au sein du service des manuels scolaires du ministère de l’éducation, une section chargée de contrôler les prix et les normes de qualité matérielle des ouvrages scolaires.

2- Que l’approbation officielle d’un manuel porte non seulement sur la correspondance au programme et la valeur pédagogique de l’ouvrage, mais aussi sur le prix et la qualité matérielle de celui-ci.

3- Que, sous peine de suspendre l’approbation d’un ouvrage déjà admis, le ministre ait le pouvoir d’obliger un éditeur de reviser [sic] le prix d’un manuel, s’il y a lieu, au jugement de la section prix et normes de qualité des manuels scolaires.

REDEVANCES AUX AUTEURS

La commission constate que les auteurs de manuels scolaires au Québec touchent des redevances de 25 p.c. à au delà de 40 p.c. tandis qu’en France ces auteurs reçoivent de 4 p.c. à 10 p.c.

Pour remédier à la situation, la commission suggère les normes suivantes:

1- Qu’en vertu du contrôle qu’il exercerait sur les prix des manuels scolaires, le ministre de l’éducation fixe à 10 p.c. du prix de vente les redevances auxquelles l’auteur ou les auteurs peuvent avoir droit;

2- Que l’auteur ou les auteurs d’un manuel scolaire ne puissent percevoir en redevances, sur la période d’approbation de six ans, qu’un montant maximum de $15,000;

3- Que le ministre de l’éducation exige , avant d’approuver tout manuel scolaire, que l’éditeur ait conclu avec l’auteur un contrat dans lequel les redevances de l’auteur seront limitées conformément à la politique du ministère;

4- Que, dans le cas d’ouvrages à tirages élevés, si l’auteur perçoit ce maximum en moins de six ans, l’éditeur soit obligé par contrat de verser le reste des redevances au ministre de l’éducation;

5- Que le ministre de l’éducation constitue, avec ces redevances, un fonds spécial pour le financement des concours de manuels scolaires.

LES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES

Les communautés religieuses, par le fait qu’elles soient exemptes de l’impôt sur les profits, peuvent, dans le domaine de l’édition et de la librairie, faire une concurrence déloyale à leurs compétiteurs commerciaux.

Pour remédier à cette situation, la commission recommande:

1- Que le gouvernement prenne les dispositions pour que tous les commerces d’édition et de librairie, contrôlés par des intérêts religieux soient incorporés comme entreprises à but lucratif;

2- Que le privilège d’une incorporation, sous la troisième partie de la loi des compagnies et que le statut d’une société sans buts lucratifs ne soient concédés aux éditeurs ou libraires à buts religieux, qu’à la condition que ceux-ci s’en tiennent strictement à la publication et à la diffusion d’ouvrages de piété et de doctrine en matière de théologie, de spiritualité et de morale religieuses.

"Cette recommandation, dit le rapport, s’impose, d’autre part, pour éviter le problème d’un emprisonnement culturel dans les petites villes où il ne peut y avoir, du point de vue de la rentabilité commerciale, qu’une seule librairie générale. Fides par exemple, a créé des succursales dans plusieurs petites localités de la province, comme Amqui, Sept-Iles, Rimouski. A moins d’aller s’approvisionner ailleurs, les populations de ces endroits sont soumises aux critères de discrimination de Fides en ce qui regarde "les bons livres" et les autres. Il y a dans cette situation quelque chose de malsain et d’absolument contraire aux principes élémentaires de la liberté du consommateur en matière culturelle."

LES CONFLITS D’INTÉRÊT

Pour mettre fin aux conflits d’intérêt dans lesquels se trouvent des personnes qui sont, à la fois auteurs de manuels et membres de sous-comités du comité catholique ayant à approuver le choix de ces mêmes manuels, le rapport recommande:

1) Que l’approbation des manuels et des revues scolaires donnant lieu à des conflits d’intérêt soit suspendue;

2) Qu’on ouvre des concours pour de nouveaux manuels dans ces matières

3) Qu’on examine sérieusement l’utilisé réelle des revues scolaires avant d’en permettre à nouveau la vente dans les écoles.

De plus, la commission suggère au ministre de l’éducation de prendre les dispositions nécessaires: 1- Pour exclure des divers organismes impliqués dans la procédure d’approbation des manuels scolaires toute personne intéressée comme auteur ou collaborateur, et toute personne intéressée directement ou indirectement dans une maison qui édite;

2- Pour exclure que les personnes directrement responsables de la sélection des [la fin de cette colonne manque].

1964.01.27
xxx. "Premières réactions au rapport Bouchard: les intéressés ont la conscience en paix", Le devoir, 55, 20(27 janv. 1964):1, 10.

"La publication du Rapport Bouchard, spécialement la partie du rapport qui porte sur les manuels scolaires, a suscité certains remous dans le public, tandis que quelques-unes des personnes mises en cause dans ce document ont réagi au cours du week end. Le Centre de psychologie et de pédagogie, MM. Pierre Dagenais et Roland Vinette, Mgr Irénée Lussier et M. Trefflé Boulanger ont fait des déclarations au "Devoir" hier.

Il semble s’en dégage ceci: 1) le Rapport Bouchard présente des faits incomplets, et surtout les présente dans une perspective qui est fausse; 2) les personnes impliquées n’ont rien à se reprocher et ont gagné cet argent de façon honnête; 3) c’est le système qui a créé ces situations et le Québec était dans une espèce de cercle vicieux.

LE C.P.P.: PERSPECTIVE FAUSSE

Dans sa déclaration, le Centre de psychologie et de pédagogie accuse la Commission Bouchard de présenter les faits dans une perspective fausse, d’avoir travaillé avec une précipitation évidente et d’avoir basé ses conclusions sur une étude incomplète. Voici le texte intégral de sa déclaration:

"A la suite des articles de presse concernant le rapport de la commission d’enquête sur le commerce du livre dans la province de Québec, M. Raymond Houde, directeur général du Centre de psychologie et de pédagogie, a convoqué une assemblée des dirigeants de cette maison d’édition.

"Ceux-ci n’ont pas encore fait une étude approfondie du rapport de la Commission Bouchard; pour le moment, ils tiennent toutefois à signaler que: 1) le rapport est celui d’une commission composée d’un seul membre qui a travaillé avec une précipitation évidente; 2) le rapport ne fait pas certaines distinction essentielles et présente les faits dans une fausse perspective; 3) le rapport contient des conclusions basées sur une étude apparemment incomplète de questions d’importance capitale.

"La direction du Centre de psychologie et de pédagogie convoquera une conférence de presse dès qu’elle aura complété son examen du rapport de la Commission Bouchard."

M. PIERRE DAGENAIS

Dans une mise au point qu’il a fait parvenir au DEVOIR et dont on trouvera ci-contre le texte intégral, le doyen de la faculté des lettres de l’université de Montréal déclare: 1) qu’il n’a fait que se conformer rigoureusement en toute bonne foi aux règles et procédures officielles en usage; 2) qu’il n’a jamais été juge et partie dans l’approbation de ses manuels; 3) qu’il n’a pas touché près de $200,000, comme l’affirme le Rapport Bouchard; 4) qu’il essuyé des pertes financières importantes dans le cas de certains autres manuels dont le rapport ne parle pas; 5) que si le système appelle des réformes en ce qui concerne les manuels scolaires, on ne doit pas en faire porter la responsabilité sur les auteurs de bonne foi.

A noter que M. Pierre Dagenais s’en prend au "DEVOIR" et non à la Commission Bouchard, alors que LE DEVOIR s’est contenté de rapporter les points majeurs contenus dans le Rapport Bouchard.

M. ROLAND VINETTE

M. Roland Vinette a refusé de commenter le rapport Bouchard pour le moment, parce qu’il n’en a pris connaissance que par l’intermédiaire des journaux. Au cours d’une entrevue téléphonique, la secrétaire du Comité catholique et du Département de l’instruction publique a déclaré qu’il n’a pas encore en main le rapport préparé par le professeur Maurice Bouchard, du département des sciences économiques de l’université de Montréal. Il tentera de se procurer le document de 250 pages aujourd’hui même. M. Vinette fera probablement une déclaration d’ici quelques jours.

MGR IRÉNÉE LUSSIER

Un porte-parole de l’université de Montréal a déclaré au DEVOIR hier que le recteur de l’université de Montréal, Mgr Irénée Lussier, ne peut commenter pour le moment, le rapport Bouchard. Tout indique, cependant, que le président de l’Association canadienne des éducateurs de langue française (ACELF) fera une déclaration d’ici quelques jours, peut-être aujourd’hui.

M. TREFFLÉ BOULANGER

M. Trefflé Boulanger a déclaré au DEVOIR que l’argent qu’il a reçu de Fides est de "l’argent gagné imprudemment mais honnêtement".

A titre de membre du Comité pédagogique de la revue "L’Élève", explique-t-il, j’ai travaillé pour Fides. En retour, Fides me payait comme il l’entendait sans qu’il y ait eu un contrat de signé entre nous. Et quelque $9,690 en 12 ans, ce n’est pas énorme.

Par contre, l’adjoint pédagogique au président de la Commission des écoles catholiques de Montréal reconnaît qu’il était théoriquement dans une situation de conflit d’intérêts. Mais, depuis des années, je ne siège pas à la commission qui était chargée d’approuver "L’Élève". Je me faisais remplacer par un haut fonctionnaire de la C.E.C.M., M. Jean-Marie Massé. De plus, la distribution de "L’Élève" dans les écoles de la C.E.C.M. n’a jamais été permise et, pourtant, j’étais directeur du service des études.

"J’ai l’air d’un bonhomme pris la main dans le sac, mais je suis bien tranquille, j’ai la conscience en paix".

A propos des auteurs de manuels que le rapport Bouchard accuse d’avoir été dans une situation de conflit d’intérêt, M. Boulanger signale que les compétences ne sont pas nombreuses en ce domaine au Québec.

Prenant le cas de la grammaire française, M. Boulanger signale qu’il n’y avait que deux spécialistes en ce domaine, MM. Jean-Marie Laurence et Richard Bergeron (qui sont tous deux impliqués dans le rapport Bouchard). Il y a un cercle vicieux: ou le DIP se prive des services de ces spécialistes parce que ceux-ci veulent écrire des manuels ou ceux-ci restent au DIP et sont "frustrés de biens qu’ils pourraient acquérir légitimement" en écrivant des manuels.

Présentée comme elle l’est dans le rapport Bouchard, l’affaire paraît scandaleuse, mais, dans la réalité, ça n’est pas aussi terrible que cela, a ajouté M. Bouchard [sic; lire: Bélanger].

PIERRE DAGENAIS S’EXPLIQUE

Voici le texte intégral de la mise au point que M. Pierre Dagenais a fait parvenir au DEVOIR hier à la suite de la publication du Rapport Bouchard.

"En première page de l’édition de samedi, le 25 janvier 1964, votre journal laisse entendre que le rapport de la commission d’enquête sur le commerce du livre au Québec met à jour un scandale dans le domaine des manuels scolaires; il fait ensuite planer sur ma personne et ma qualité des doutes extrêmement sérieux de nature à porter atteinte à ma réputation d’honnête homme et à me causer un tort moral considérable dans ma vie publique et privée. En attendant le texte original du rapport, qui est en ce moment introuvable à Montréal, et l’avis de mon conseiller juridique, je vous saurais gré de donner à la présente mise au point la publicité à laquelle elle a droit.

Dans toutes mes tractations avec mes éditeurs et le Département de l’Instruction Publique concernant les manuels de géographie dont je suis l’auteur (ou un des auteurs), je n’ai fait que me conformer rigoureusement et en toute bonne foi aux règles et procédures officielles en usage.

En 1956, j’ai été invité par le DIP à participer à l’élaboration d’un programme de géographie pour le cours secondaire. J’ai fait ce travail au meilleur de ma connaissance en collaboration avec d’autres géographes.

Lorsque ce programme fut approuvé par les autorités compétentes, la maison d’édition, le Centre de Psychologie et de Pédagogie, m’a proposé de diriger la préparation d’une série d’ouvrages correspondant à ce programme. J’ai accepté. J’ai alors mis sur pied un comité de rédaction composé de 14 professeurs de géographie, des universités Laval, de Montréal et de l’enseignement secondaire. A l’époque, ce comité représentait en quelque sorte les meilleurs spécialistes de l’enseignement de la géographie au Québec. Il me semblait que c’était là une garantie de la qualité des ouvrages que nous désirions produire. Ce comité était lui-même complété par une équipe de 6 dessinateurs cartographes, par 4 assistants de recherche et compilateurs, choisis parmi les meilleurs étudiants avancés et par deux secrétaires.

Les manuscrits terminés en bonne et due forme ont été, les uns après les autres, envoyés à l’éditeur, qui, selon l’usage établi, les soumettait en 100 exemplaires pour approbation au Département de l’instruction publique.

Contrairement à ce que votre journal laisse entendre, je n’ai jamais été juge et partie dans les séances d’approbation de ces ouvrages du sous-comité des manuels. Je n’ai jamais eu à discuter de prix coûtant et de prix de vente de ces ouvrages. J’ignore d’ailleurs comment on procédait pour établir ce dernier. Mon travail d’auteur s’arrêtait à la remise du manuscrit.

Les manuels de la Collection Dagenais, répondant à un besoin de l’enseignement secondaire, ont obtenu un certain succès de librairie. Votre journal affirme que j’ai touché pour ces manuels une somme de $199,781 de 1955 à 1962. En supposant que cela soit exact, pourquoi serait-ce excessif ou exagéré? Pourquoi donner au public l’impression qu’il s’agit d’une transaction malhonnête que j’aurais effectuée sur le dos des contribuables? Cela est d’autant plus troublant qu’il n’est pas exact que j’aie touché cette somme du Centre de psychologie et de pédagogie. La somme qui m’a été versée en profits honnêtement gagnés est de beaucoup inférieure à cela. D’autre part, certains manuels (ceux du niveau primaire) publiés par le CPP présentent un bilan fortement déficitaire, ce qui signifie en l’occurrence pour l’auteur une dette portant intérêt à 6% sur une somme très considérable. Ce fait évidemment ne se prête pas au "scandale" et par suite on ne juge pas à propos d’en parler.

Si l’on estime que le système en vigueur dans le commerce du livre, dans l’approbation et la distribution des manuels scolaires, appelle des réformes, je le veux bien, mais qu’on n’en fasse pas porter la responsabilité sur les auteurs de bonne foi.

Salir des réputations, intentionnellement ou non, n’est pas de bonne éthique professionnelle, ni de nature à relever la moralité publique."

1964.01.27
Ryan, Claude. "Le rapport Bouchard", Le devoir, 55, 20(27 janv, 1964):4.

"Le commerce du manuel scolaire a un lien direct avec l’intérêt public, surtout depuis que la gratuité est exigée par la loi.

A cause de ce lien, on était sûr que les autorités de l’instruction publique avaient statué depuis longtemps sur les normes devant régir un tel commerce. On se trompait. Nous nageons en pleine anarchie. Il faut même parler d’exploitation.

Ce que certains soupçonnaient depuis la montée météorique du Centre de psychologie et de pédagogie vient d’être dévoilé au grand jour par la Commission d’enquête sur le commerce du livre. L’exploitation a connu son point suprême de raffinement par l’entrée des éducateurs eux-mêmes dans le commerce. Voyant le profit à tirer de cette activité, des éducateurs se groupèrent afin d’assurer la production et la vente de leurs oeuvres.

La mine était si riche qu’on négligea, en cours de route, de faire des distinctions élémentaires. Tel qui était placé au coeur du système d’élaboration et d’approbation des programmes et manuels, devint en même temps dirigeant d’une société éditrice. Tel autre qui siégeait au sein d’un comité chargé de préparer un programme d’histoire rédigea en vitesse des manuels qu’il fit aussitôt approuver par l’organisme qu’il présidait; aveuglé par sa précipitation, il copia même une fois un manuel étranger sans trouver le temps de consulter ou de citer sa source d’inspiration.

Pruderie d’éducateurs, ce commerce s’abritait derrière le détachement trompeur de la formule coopérative. Il a fallu qu’à cette imposture, viennent s’ajouter des tactiques de concurrence déloyale pour qu’enfin le tout éclate au grand jour et aboutisse à une enquête.

Il appartiendra aux autorités compétentes de décider s’"il y a lieu à des poursuites judiciaires. Ce qui importe surtout c’est de mettre fin au système et d’aménager enfin de manière rationnelle le commerce du manuel scolaire.

Le mal principal était le caractère fermé du système et l’impuissance de l’organisme supérieur qui avait comme fonction principale de prodiguer les approbations. M. Bouchard propose, en remplacement, un régime ouvert, apte à situer plus nettement la responsabilité et à favoriser une vraie concurrence. Les pièces principales du nouveau régime seraient:

1) approbation des manuels par le ministère de l’éducation, convenablement équipé à cette fin;

2) réduction à 10% des redevances aux auteurs, avec rémunération maximum de $15,000 par manuel pour une période de six ans;

3) concours publics pour la production de nouveaux manuels;

4) élimination des exemptions fiscales dont jouissent les maisons à direction religieuse.

Ces quatre remèdes sont simples et logiques. Les trois premières vont de soi et seront sûrement l’un des premiers soucis du futur ministre de l’éducation.

Quant au quatrième, celui qui vise les librairies "religieuses", il est bon de s’y arrêter un peu. Ce qui a frappé le commissaire Bouchard, ce n’est pas que des institutions religieuses jouissent de certaines exemptions fiscales: il s’agit là d’un privilège admis dans un grand nombre de pays. C’est plutôt le fait que des maisons fondées à des fins de diffusion du livre religieux aient envahi peu à peu le commerce du livre en général. Le commissaire ne condamne pas cette évolution. Il sait que de la théologie à la philosophie, de la doctrine sociale à la sociologie, de la pédagogie spirituelle à la pédagogie tout court, de l’hagiographie à la biographie pure et simple, le passage est souvent imperceptible.

Mais à compter du moment où on accomplit ce passage, on doit se soumettre aux mêmes exigences fiscales et légales auxquelles sont astreintes les autres personnes et institutions engagées dans ce secteur. En formulant cette conclusion, le professeur Bouchard a exprimé dans un document officiel une requête dont nombre de laïcs ont saisi privément les autorités religieuses depuis une dizaine d’années. Il est regrettable qu’on n’ait pas donné suite plus tôt à ces voeux. Il faudra maintenant agir, et ce dans dans tous les domaines où des institutions religieuses exercent une activité de caractère commercial.

De cette première partie du rapport Bouchard, retenons surtout trois conclusions axées sur l’avenir:

1) que le gouvernement assume la responsabilité qui est la sienne;

2) que les éducateurs sortent du commerce ou y entrent pour tout de bon, mais qu’ils cessent de faire les deux à la fois;

3) que les communautés religieuses reviennent au plus tôt à leur activité propre et laissent aux laïcs le commerce du livre profane ou si elles veulent rester dans ce domaine, qu’elles paient loyalement à César l’écot qui lui est dû."

1964.01.28
xxx. "Le rapport Bouchard suscite un vif émoi - Mgr Lussier: j’étais censeur - Fides: nous avons une oeuvre", Le devoir, 55, 21(28 janv. 1964):3, 12.

"Au cours de la journée de lundi, des réactions à la publication du rapport Bouchard sur le commerce du livre dans le Québec ont été enregistrées aussi bien à Montréal qu’à à Québec. A l’Assemblée législative, l’opposition a demandé des précisions sur "l’orchestration entre le bill 60" et le rapport Bouchard. Le président de la Confédération des syndicats nationaux a commenté avec vigueur ce rapport; la maison Fides a fait une mise au point quant au rôle qu’on lui fait tenir dans ce rapport; enfin, le recteur de l’université de Montréal, Mgr Irénée Lussier, apporte sa version de sa participation au commerce dans le Québec.

A l’Assemblée législative, le chef de l’opposition a voulu savoir pourquoi le ministère des affaires culturelles avait attendu la deuxième lecture du bill 60 pour déposer ce rapport qu’il avait en sa possession, selon les journaux, depuis le 27 décembre dernier.

Me Georges-Émile Lapalme a souligné que le rapport avait été signé le 31 décembre. Pendant la période des fêtes, des employés du ministère ont travaillé jour et nuit à recopier le texte afin qu’il puisse être reproduit par le service des impressions.

Vers le 8 ou le 9 janvier, le ministère remettait le texte au service des impressions qui, malgré les instances [sic] de M. Lapalme, n’a pu lui remettre les premières copies avant mercredi ou jeudi dernier.

Le ministre a expliqué que le lendemain, il déposait le rapport en Chambre "sans avoir eu le temps de voir si des corrections s’imposaient au point de vue orthographique.

M. Lapalme a dit qu’il avait lu le texte original qu’on lui a remis, le 31 décembre, mais non le texte déposé en Chambre.

M. Maurice Bellemare, député U.n. de Champlain, a fait écho à une mise au point de Mgr Tessier, visiteur en chef des instituts familiaux.

Mgr Tessier dit que, contrairement à ce qu’affirme le rapport Bouchard, M. l’abbé Henri-Paul Carignan n’est pas l’auteur du manuel "l’éducation familiale de la jeune fille", qu’il n’a reçu aucune redevance, que le véritable auteur est Mme Marie-Paule Vinay, docteur en psychologie.

"Je tiens, a dit M. Bellemare, à souligner cela devant la Chambre pour établir une des faussetés du rapport Bouchard".

MGR LUSSIER

De son côté, Mgr Irénée Lussier déclare dans un communiqué:

"Si j’avais été invité à comparaître devant la Commission Bouchard, en exposant clairement ce qui suit, j’aurais eu l’occasion légitime d’expliquer comment, en douze ans, j’ai reçu les honoraires dont la somme globale est mentionnée dans le rapport.

1- Jusqu’en 1955, alors que j’étais visiteur ecclésiastique à la Commission des Écoles catholiques de Montréal, j’ai agi comme "censeur ecclésiastique" de la revue "L’Élève". A cette fin, j’étais mandaté directement par l’autorité religieuse du diocèse, le mandat étant renouvelé à chaque année par lettre explicite.

Le travail consistait à examiner minutieusement, du point de vue orthodoxie religieuse, la partie "enseignement religieux " des sept numéros mensuels de la revue. De fait, chaque exemplaire de la revue portait inscription de mon nom comme "censeur ad hoc".

2- La sous-commission des Écoles élémentaires du Département de l’Instruction publique, dont j’ai fait partie jusqu’en 1955, n’a jamais eu, jusqu’en 1955, le mandat d’examiner la revue "L’Élève". Le surintendant a demandé une seule fois, en 1952, l’avis de la sous-commission et, comme le rapport Bouchard le dit bien, je me suis abstenu et j’ai fait savoir alors au surintendant le pourquoi de mon abstention: c’est que je collaborais à la revue comme je viens de le dire précédemment. Il n’y a donc pas eu de conflit d’intérêt.

3- De plus, au meilleur de ma connaissance, l’usage de la revue "L’Élève" n’a pas été permis à la commission des Écoles catholiques de Montréal où, jusqu’en 1955, j’étais visiteur ecclésiastique. De ce côté-là non plus on ne saurait parle d’influence indue.

4- Depuis 1955, date de ma nomination à l’université, je ne suis plus membre de la sous-commission des écoles élémentaires, je ne suis plus "censeur ad hoc" de la revue l’Élève. Le directeur de la revue m’ayant demandé en 1955 si je consentais à demeurer à la revue comme membre du comité pédagogique, j’ai accepté. Je ne vois pas où se trouve ici le conflit d’intérêt ni pourquoi j’apparais devant l’opinion publique avec un soupçon de manquement à l’honnêteté ou à l’intégrité.

CHEZ FIDES

Toujours par suite de ce rapport, voici une déclaration de la maison Fides.

"Fides jouit d’un statut juridique propre, distinct de celui de la Congrégation de Sainte-Croix (Rapport p. 95 et 101). La maison a été incorporée le 20 juillet 1942 en vertu de la troisième partie de la loi des Compagnies de la province de Québec. Ces lettres patentes ont été obtenues légalement et jusqu’à maintenant nous avons conscience de ne pas avoir excédé les pouvoirs qu’elles nous confèrent. Les gains réalisés n’ont pas été remis ni à la Congrégation de Sainte-Croix ni à personne d’autre, mais ils ont été réinvestis dans l’oeuvre en accord avec les lettres patentes.

La Corporation est administrée actuellement par trois Pères de Sainte-croix et deux laïcs.

Fides a accompli une oeuvre considérable dans le domaine de l’édition en publiant depuis 1937 plus de 1,200 ouvrages dont 50 pour cent concernant des sujets philosophiques, religieux ou sociaux et près de 25 pour cent s’adressent spécialement aux jeunes. Un très grand nombre de ces ouvrages ont connu des tirages restreints et ont donné lieu à des déficits.

Dans le domaine de la librairie, Fides a organisé des succursales dans des milieux qui en avaient un pressant besoin et où les difficultés d’établissement étaient plus considérables qu’ailleurs. Plusieurs de ces librairies, notamment celles de l’Ouest, sont déficitaires.

Fides a aussi maintenu plusieurs autres services dans le domaine de l’orientation des lectures et de l’organisation des bibliothèques.

Toute cette activité a été exposée devant la commission d’enquête lors de la séance tenue à Montréal le 27 juin 1963. Malheureusement rien de ceci n’est mentionné dans le rapport sauf que l’on cite trois de nos succursales (p. 103) pour déplorer le fait que l’on y vende que les "bons livres".

Ce silence nous surprend d’autant plus qu’après avoir entendu lecture de notre mémoire, le commissaire avait déclaré à l’auditoire qu’il convenait de féliciter la maison Fides des initiatives qu’elle a prises depuis sa fondation. "Fides, dit-il est devenue sans doute le plus important éditeur québécois". Le commissaire souligna ensuite que Fides réédite un livre chque fois que la chose est possible de façon à le maintenir sur le marché non pas seulement durant un an ou deux mais parfois pour une période de dix ou vingt ans. Le commissaire a tenu aussi à insister sur le fait que les gains réalisés par Fides sont constamment réinvestis dans l’entreprise et à ce propos, il a loué le désintéressement de la Congrégation de Sainte-Croix.

LA REVUE L’ÉLÈVE

Dans notre mémoire à la Commission d’enquête, nous n’avons pas traité de la revue L’Élève parce qu’il s’agissait d’une enquête sur le commerce du livre et que nous ne savions pas alors que le commissaire, dans l’interprétation de son mandat, déciderait, tout en considérant comme non couvertes par l’enquête les publications périodiques, de faire exception pour les revues scolaires (p. 10). Nous avons par la suite répondu aux questions qu’on nous a posées au sujet de l’Élève et présenté les documents qu’on a demandés.

En 1951, nous avons choisi pour faire partie du comité des aviseurs pédagogiques de L’Élève quatre personnes reconnues pour leur compétence dans le domaine de l’éducation. Nous avions d’autant moins l’intention en choisissant ces personnes de faciliter l’ approbation de la revue par le D.I.P. que nous croyions alors que seuls les livres avaient besoin d’une approbation pour être vendus dans les écoles.

Nous nous demandons comment on pourrait croire que par la suite ces quatre personnes ont joué un rôle déterminant dans l’approbation de la revue quand on sait que les organismes qui ont eu à se prononcer à diverses reprises sur l’Élève groupaient [sic] une centaine de spécialistes.

Le rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre ne fait pas état de la nouvelle formule de L’Élève lancée en novembre 1963. A ce sujet nous tenons à préciser qu’aucun des membres de l’Équipe rédactionnelle de la nouvelle revue "L’Elève" n’a collaboré de quelque manière que ce soit à l’ancienne revue mise en cause dans le rapport de la Commission d’enquête.

La nouvelle revue est rédigée par des éducateurs qui travaillent avec une conception pédagogique fondamentalement différente de celle qui animait l’ancienne revue. Aucun de ces éducateurs ne fait partie d’organismes chargés de l’étude, de l’approbation ou de l’achat des manuels scolaires.

La corporation des Éditions FIDES et l’équipe rédactionnelle attirent l’attention du public sur le fait que l’ancienne et la nouvelle revue L’ÉLÈVE sont des publications entièrement différentes, qui ne sauraient être confondues.

Pour ce qui est des honoraires versés aux aviseurs pédagogiques, il ne faut pas oublier qu’ils ont été répartis sur une période de 12 ans et qu’en conséquence ils ne constituent chaque année qu’un montant bien minime, souvent sans proportion avec le travail fourni. Et ceci est particulièrement vrai pour Mgr Irénée Lussier qui avait d’ailleurs été nommé à son poste de censeur des revues par l’Ordinaire de Montréal.

A l’intention de la Commission d’Enquête, nous avons fait établir par les comptables agréés Maheu et Noël un état revisé [sc] des profits de la revue L’Élève pour la période de 1953 à 1963. Ces profits s’élèvent au montant de $674,304.00, ce qui représente 15% du chiffre des ventes de la revue (voir Rapport p. 107). Au sujet des profits de l’Élève, il importe de souligner ce qui suit:

a) Il s’agit des profits d’une période de 10 ans. C’est donc dire que la revue avec ses huit différentes éditions a eu un profit de $67,430.00 environ par années, soit $8,400.00 par édition;

b) Chaque numéro de l’Élève comportait de 32 à 48 pages imprimées en quatre couleurs et se vendait $0.10, soit le même prix qu’un cahier de devoir. Si donc Fides a réalisé un profit avec l’Élève, ce n’est pas parce que la revue était vendue à un prix élevé, mais c’est grâce au tirage considérable de la revue et au fait qu’elle était imprimée sur nos propres presses.

A la page 114 du Rapport, le Commissaire fait remarquer que c’est une sage politique que d’utiliser les profits tirés de la vente des manuels à grand tirage pour financer des ouvrages à tirage restreint à condition naturellement que les ouvrages à grand tirage ne soient pas vendus trop cher. Comme nous venons de le voir, la revue l’Élève se vendait très bon marché et les profits réalisés sur cette revue ont été utilisés pour financer les autres secteurs de Fides dont un grand nombre, étant donné la nature de l’oeuvre, sont déficitaires."

1964.01.30
xxx. "Le CPP aurait déjà donné suite en décembre aux critiques de M. Bouchard sur ses structures", Le devoir, 55,23(30 janv. 1964):1.

"Le Centre de psychologie et de pédagogie a laissé entendre, hier, qu’il a déjà donné suite aux critiques du rapport Bouchard concernant ses structures, en adoptant des changements sous ce rapport en décembre dernier. Le CCP a décidé de rendre ces changements publics hier.

Voici le texte de la déclaration du CPP:

"Nous avons en main le texte officiel du rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre depuis deux jours et nous tenons, dès maintenant, à rendre publics des changements apportés en décembre dernier à nos structures juridiques.

Le rapport Bouchard consacre une douzaine de pages à l’analyse du caractère coopératif du CPP régi par la Loi des syndicats coopératifs. Or, depuis le 18 décembre 1963, le CPP est régi par la Loi des associations coopératives. Sa demande d’être régi par la Loi des associations coopératives est contenue dans la résolution suivante, adoptée en assemblée générale spéciale le 12 décembre, et à laquelle le secrétariat de la province a donné son approbation:

"QUE le Syndicat coopératif désigné sous le nom de Centre de Psychologie et de Pédagogie, dont le siège social est situé à Montréal, 260 ouest, rue Faillon, demande à cesser d’être régi par la loi des associations coopératives de Québec, et à devenir une association coopérative régie par la Loi des associations coopératives pour poursuivre les fins suivantes:

a) publier les ouvrages de ses membres, en assurer la diffusion et les mettre en vente, pour leur compte, en les imprimant ou en les faisant imprimer, en les reproduisant ou en les faisant reproduire sous toutes les formes appropriées;

b) exploiter pour le bénéfice de ses membres une entreprise exerçant toute activité propre ou connexe à l’édition;

c) favoriser la culture par la diffusion du livre;

d) encourager, organiser, soutenir ou financer toutes recherches et études dans les domaines éducatif et culturel;

e) faire connaître à ses membres les avantages de l’action commune, sous contrôle démocratique, dans la poursuite des intérêts intellectuels, économiques et sociaux de tous et de chacun".

A la suite de ce changement de statuts, le CPP est devenu formellement ce qu’il a toujours été en pratique: une coopérative d’auteurs. En effet, le CPP groupe des auteurs, poursuivant des fins similaires d’édition, en une association libre et démocratique.

La règle de la "porte ouverte", fondamentale dans les coopératives, est respectée. Les demandes d’adhésion sont traitées sans parti-pris ou discrimination.

L’assemblée générale est souveraine et chaque membre n’a droit qu’à un seul vote quelque soit le nombre de parts sociales qu’il détient.

Cette association possède et contrôle une entreprise dans laquelle les auteurs-membres:

a) mettent leurs ressources en commun en vue d’obtenir pour eux-mêmes des services efficaces d’édition; et,

b) participent aux avantages et aux obligations dans la proportion des services obtenus;

Le membre tire plein bénéfice de la vente des ouvrages dont il détient le droit d’auteur (sauf une légère retenue pour constitution des réserves). Il participe aux frais d’administration de l’entreprise au prorata des ventes de chacun de ses ouvrages et contribue au financement des opérations courantes en laissant en dépôt une partie de ses profits.

Il faut rappeler ici que, par une résolution adoptée à une assemblée spéciale du 18 décembre 1962, le Centre de psychologie et de pédagogie confiait à un comité d’étude formé de MM. Léo Bérubé, Paul-Émile Charron, Jean Deschamps, Paul-Henri Lavoie, Roland Parenteau et Roland Sabourin, une enquête sur le Centre en précisant le mandat suivant:

a) étudier la nature, les buts, les structures, le fonctionnement et l’orientation du CCP;

b) en déterminer le bien-fondé ou recommander toute amélioration ou changement propres à favoriser son développement en tenant particulièrement compte des circonstances, du milieu dans lequel il évolue et des activités professionnelles de ses membres.

Le commissaire Bouchard a été mis au courant de l’existence de ce comité d’étude dès juin 1963 et c’est comme suite aux principales recommandations du rapport de ce comité, remis au conseil d’administration le 6 décembre 1963, que le CPP a changé de loi; c’est le 30 décembre 1963 que les membres, réunis en assemblée générale, ont adopté des règlements conformes à la nouvelle loi.

Les dates sont importantes: le comité d’étude du CPP a été formé le 18 décembre 1962, alors que la commission Bouchard n’a été instituée que plus de trois mois plus tard, soit le 3 avril 1963. Le 30 décembre 1963, le règlement de régie interne du CPP était adopté, alors que le rapport Bouchard a été publié trois semaines plus tard.

Les positions du CPP sur l’ensemble du rapport de la commission d’enquête sur le commerce du livre seront communiquées prochainement, mais il nous a semblé nécessaire de raire une rectification immédiate en ce qui concerne le caractère coopératif du CPP."

1964.01.30
Ryan, Claude. "Les communautés religieuses et l'argent", Le devoir, 30 janvier 1964, p. 4.

"S'il faut en juger d'après les réactions qui nous parviennent, plusieurs trouvent injustes le conclusions du rapport Bouchard touchant les communautés religieuses engagées dans le commerce du livre.

Le rapport demande - on s'en souvient - que les services de librairie et d'édition des communautés religieuses soient opérés sous la forme de corporations juridiques distinctes, sujettes aux impôts réguliers affectant les établissements laïcs.

A cela on oppose des difficultés reliées au financement des communautés. Les membres de ces instituts seraient moins rémunérés que leurs confrères laïcs. Plusieurs communautés auraient à porter présentement des dettes d'immobilisation très onéreuses. Enfin, les succursales canadiennes de maintes communautés seraient appelées à soutenir des oeuvres déficitaires situées dans les pays de mission.

Ces objections soulèvent le problème fondamental des communautés religieuses en face de l'argent. Nous voudrions souligner quelques données de cette question.

Un premier point est clair: les communautés ont beaucoup donné au Canada français. Pendant des générations, elles ont employé à tes travaux ingrats des sujets de choix qui eussent pu, pour la plupart, se débrouiller honorablement dans la vie laïque. Elles nous ont donné des institutions qui font désormais partie de l'âme du milieu. Rares sont les familles canadiennes-françaises qui ne comptent pas un enfant, un frère, un cousin dans une communauté religieuse. Aussi, quand nous parlons des communautés, nous ne parlons pas d'un corps étranger, mais d'une réalité qui fait partie de nous-mêmes. Certains en déduisent qu'il faut parler des communautés avec respect. J'ajoute qu'il faut aussi le faire avec liberté.

Les instituts religieux ont construit leurs oeuvres en s'appuyant sur le principe de la communauté des biens matériels. Elles ont aussi tendu, plutôt qu'à s'insérer dans les structures existantes, à se donner des oeuvres distinctes.

La mise en commun des revenus permettait d'édifier des institutions importantes, à des coûts relativement modiques. A ces religieux qui se consacraient à des oeuvres aussi fondamentales que l'éducation et le service social, le milieu fut heureux de témoigner son estime sous forme d'exemptions fiscales, de dons privés, de marques de confiance de toutes sortes.

L'opinion canadienne-française demeure foncièrement sympathique à l'action des communautés religieuses. Mais les temps ont changé. Tout se démocratique. Le domaine public s'élargit sans cesse. Les normes d'administration sont plus exigeantes que naguère. Cela exige, dans l'attitude des communautés religieuses, des changements radicaux.

Le commissaire Bouchard a souligné seulement un de ces changements devenus nécessaires. Mais d'autres doivent aller de pair. En voici quelques exemples:

1. Une grande prudence s'imposera, à l'avenir, dans le domaine immobilier. Vous m'écrivez, cher frère, que votre communauté doit présentement porter une dette moyenne de près de $10,000 par sujet. Je vous réponds que c'est trop fort et qu'il faudra, à l'avenir, éviter de vous engager dans des développements matériels excessifs, surtout si vous oeuvrez dans un domaine mixte comme l'éducation. Les saintes audaces d'hier risqueraient de devenir un obstacle au progrès ordonné d'un milieu surtaxé dont la croissance doit désormais être sérieusement planifiée.

2. Chaque communauté devra reviser [sic]ses sources de revenus. Il faudra distinguer les revenus provenant du travail professionnel des membres, des dons de charité et d'autres initiatives plutôt marginales. Si un membre d'une communauté enseigne, qu'on le paie à sa réelle valeur et qu'il donne librement le surplus de ses revenus à sa communauté pour des fins apostoliques. Ce sera plus saint que de chercher, par des voies indirectes, à se rembourser pour une erreur d'aiguillage commise au départ. Si la communauté; doit opérer une entreprise à caractère commercial, qu'elle évite à tout prix d'enfreindre les normes qui ont cours pour les laïcs engagés dans le même secteur; mais le mieux serait franchement qu'elle s'abstint de tout commerce. Si la communauté doit quêter, qu'elle le fasse avec modération et qu'elle fournisse la preuve de ses besoins en faisant connaître au public les grandes lignes de sa situation financière.

3. A l'intérieur même des communautés, le principe de la mise en commun des biens est appliqué de manière trop littérale et insuffisamment communautaire. Je plains la religieuse qui doit aller quémander à l'économat des billets d'autobus afin de se rendre à l'université. Cette personne gagne, comme enseignante, un revenu plus élevé que naguère. Elle contribue directement au financement de son institut. Et pourtant, elle n'a le plus souvent rien à dire dans la gestion des affaires de cette communauté. Ce ne sont pas les principes d'obéissance et de pauvreté qui sont ici en cause. C'est leur application au monde d'aujourd'hui. Le principe de la communauté des biens doit se réaliser de nos jours sous des formes qui tiennent davantage compte de la responsabilité et de la personnalité des sujets.

4. Un bon nombre de nos communautés sont issues de la période contre-révolutionnaire du siècle dernier. Elles ont conservé, en matière financière, l'attitude de discrétion extrême que leur imposait l'atmosphère de cette époque. Il faudrait maintenant ouvrir les portes, associer davantage les laïcs et l'opinion publique à la vie matérielle des communautés. Les formes de cette association restent à définir, mais le besoin est urgent et aigu.

La recommandation du rapport Bouchard se situe dans un contexte général qui déborde largement la seule question des manuels et des imprimeries. Mais elle ouvre la porte à un dialogue utile et à une action précise. Puissions-nous ne pas rater, sous prétexte de défendre la religion, cette occasion inattendue qui nous est offerte de situer la religion à son vrai niveau, qui est celui de l'esprit."
1964.01.30
Thivierge, Marcel. "Nouveau rebondissement de l’enquête Bouchard à Québec - Précision de Lapalme sur l’abbé P.-H. Carignan: il a touché $3,172 pour un manuel qu’il n’a pas écrit", Le devoir, 55,23(30 janv. 1964):3, 10.

"M. L’abbé Paul-Henri Carignan a touché $3,172.94 pour le manuel scolaire "L’Éducation familiale de la jeune fille" dont il n’était pas l’auteur.

Au ministre des affaires culturelle qui, hier à l’Assemblée législative, a fait cette mise au point, M. Maurice Bellemare, député U.N. de Champlain, a lancé: Vous êtes un salisseur".

M. Georges-Émile Lapalme a rappelé que, lundi dernier, M. Bellemare, citant les paroles de Mgr Albert Tessier, visiteur des Instituts familiaux, avait affirmé que l’abbé n’était pas l’auteur du manuel en question et qu’il n’avait retiré aucune redevance, l’auteur véritable étant Mme Marie-Paule Vinay.

"Je tiens, avait dit le député de Champlain, à souligner ça devant la Chambre et devant la province pour établir une des faussetés du rapport Bouchard".

Mgr Tessier, prenant la défense de l’abbé Carignan, qui est visiteur en chef adjoint des Instituts familiaux, avait déclaré dans un communiqué aux journaux que: "M. L’abbé Carignan n’a rien ménagé pour assurer aux jeunes gens et aux filles un minimum de préparation à leur mission familiale. Il a multiplié les démarches, il a examiné, avec ses collaborateurs, les plans de cours qui conviendraient le mieux. Tout cela dans le plus bel esprit apostolique et sans arrière-pensée d’intérêt personnel. Sa participation s’est limitée à cela. Il n’est pas l’auteur du manuel "L’Éducation familiale de la jeune fille" et il n’a pas reçu de droits d’auteur sur cet ouvrage".

M. Lapalme, citant des documents que lui a fait parvenir M. Clément St-Germain, secrétaire de la commission Bouchard, a exposé les faits suivants:

1- L’auteur du manuel, Mme Marie-Paule Vinay, pseudonyme Marthe St-Pierre, a touché des Éditions "Pélican" des redevances de $6,345.84;

2- L’abbé Carignan, à qui M. Réal D’Anjou, des Éditions "Pélican" avait commandé de faire faire ce texte, a reçu $3,072.94 pour ce manuel.

Ces renseignements sont trés de lettres que M. D’Anjou lui-même a fait parvenir à la commission Bouchard.

On sait que l’abbé Carignan est membre de la sous-commission et du sous-comité d’éducation familiale, organisme qui ont approuvé le manuel "L’Éducation familiale de la jeune fille".

Au cours de la discussion, le député de Champlain a déclaré: "Tous les journaux de fin de semaine ont publié en grosses lettres le nom de l’abbé Carignan comme auteur et ce n’est pas le cas."

"C’est encore pire" a répliqué M. Lapalme.

M. Bellemare a alors fait une colère. "C’est honteux pour le ministre des affaires culturelles de lancer de la boue et du salissage pareil. C’est un salisseur, c’est un salisseur".

Le président: "A l’ordre".

M. Bellemare pointant du doigt M. Lapalme: "Vous êtes un vulgaire salisseur. Un salisseur."

Le président: "A l’ordre, messieurs, je demande immédiatement au député de Champlain de retirer l’expression qu’il vient de prononcer".

Une voix: "Sale comme il est, il ne les retira pas".

M. Bellemare: "Je me soumets".

Malgré les protestations des ministériels, le député de Champlain n’a jamais consenti à prononcer la formule rituelle: "Je les retire".

MLLE THÉRIAULT ET M. JOLY FONT UNE MISE AU POINT

Mlle Thérèse Thériault et M. Richard Joly, tous deux mis en cause dans le rapport du professeur Bouchard sur le commerce du livre ont fait tenir hier au DEVOIR des mises au point dont voici les textes complets.

Mlle Thériault.

Mon nom ayant été mentionné dans votre journal, en marge du rapport Bouchard, je vous saurais gré de donner à la présente mise au point la publicité qui s’impose.

Si la Commission Bouchard m’avait demandé de témoigner, lors de son enquête sur le livre, j’aurais pu alors préciser, avec preuves à l’appui:

1- Qu’aucun "conflit d’intérêts" n’est entré en jeu AVANT, PENDANT et APRÈS la parution de mon manuel de bienséances: "Visages de la Politesse", en juillet 1961.

Appelée en 1955 à siéger sur le sous-comité des Bienséances et du Civisme, pour élaborer un programme au niveau du secondaire, nous avons présenté un projet qui fut accepté en 1956. Voir les "Programmes d’études des écoles secondaires", page 52, édition 1957.

De 1956 à 59, personne n’avait songé à écrire un manuel scolaire conforme au programme officiel qui était en vigueur depuis deux (2) ans déjà. Rédigé en 1959 (cf contrat signé le 26 mars 1959 avec les Éditions Fides) mon manuel a été approuvé par le Comité catholique en 1961. Je n’ai jamais siégé sur un comité qui en discutait le mérite.

2- Les profits réalisés par la vente de "Visages de la Politesse" ne dépassait [sic] en rien les normes établies pour la production littéraire, à savoir, "une proportion de dix pour cent (10 p.c.) du montant total des ventes sur les premiers cinquante mille (50,000 exemplaires) et une proportion de douze pour cent (12 p.c.) du montant total des ventes sur les exemplaires tirés en sus des premiers cinquante mille (50,000)" (cf contrat - 26 mars 1959). Un public averti aurai vite compris que des frais divers: livres de références, dépenses de secrétariat, déplacements, impôts fédéral et provincial, etc., etc., imposent à un auteur des soustractions importantes qui réduisent sensiblement les chiffres présentés dans le rapport Bouchard.

Je livre ces quelques considérations à la réflexion des lecteurs...

M. Richard Joly.

Comme plusieurs collègues que je continue d’admirer et de respecter, j’ai été atteint dans ma réputation par les affirmations et les insinuations que la presse, la radio et la télévision ont diffusées en les attribuant au rapport Bouchard. A la suite d’un procédé indigne et au mépris de libertés civiles que j’estime fondamentales, je me trouve donc forcé de me défendre d’une accusation dont il m’a été impossible de procurer un texte authentique.

1- Je déclare n’avoir jamais participé aux réunions d’organismes qui auraient en ma présence approuvé mon manuel d’information scolaire et professionnelle. De même n’ai-je jamais participé d’aucune façon à des manoeuvres qui auraient eu pour but d’écarter d’éventuels concurrents.

Si le rapport Bouchard affirme ou insinue le contraire, je le qualifie sans restrictions d’erroné et de diffamatoire.

2- Je reconnaîtrai que les droits d’auteur que j’ai perçus pour ce manuel sont "excessifs" ou injustes pour la société québécoise quand on m’aura prouvé que ces sommes n’ont pas une relation équitable avec le capital que j’ai investi dans cette entreprise (réputation, compétence, temps, frais divers) et avec les risques que comportait alors une telle édition. Si le commissaire Bouchard avait eu l’élémentaire justice de m’interroger sur ces points, il aurait mieux respecté les règles de base de sa méthode et mieux établi ses conclusions ou les conclusions qu’on lui attribue.

3- Je n’ai jamais recherché, ni jamais tenté de conserver les postes que l’on ma prié d’occuper dans les organismes du Comité catholique. A l’époque de ces travaux, les spécialistes en mon domaine se comptaient facilement sur les doigts d’une seule main: comme chercheurs et comme auteurs. J’ai servi avec loyauté et générosité pendant plus de dix ans, dans des conditions personnelles et financières souvent des plus onéreuses. Il est lamentable que le commissaire Bouchard ait réussi (par son texte ou par ce qu’on y a trouvé) à salir gratuitement une histoire qui ne méritait pas de telles éclaboussures.

4- J’aime assez ma province pour me désoler des conséquences qu’aura le rapport Bouchard sur le recrutement des cadres de notre système scolaire. Ce document et les commentaires qu’on en aura faits écarteront à jamais de la fonction publique des candidats qui ont désormais pleinement raison de ne plus vouloir s’y engager. Non seulement ces travailleurs compétents craindront-ils de se voir privés de la juste rémunération de leur travail: il leur faudra encore savoir qu’‘ils sont à la merci de n’importe quel rapport rédigé sur la foi d’une information incomplète, ou interprétée d’une façon tendancieuse comme celle dont, à ma connaissance, le commissaire Bouchard n’a pas encore tenté de limiter les dégâts."

1964.02.01
xxx. "Lapalme: le rapport Bouchard a montré que l’éducation, fardeau pour les parents, était aussi une "mine d’or"", Le devoir, 55,25(1er février 1964):7.

""La rapport Bouchard nous a démontré une chose: pour la masse de la population, l’éducation pouvait être une chose qui coûtait cher, mais pour quelques personnes, l’éducation était une mine d’or. C’est ce que le province vient d’apprendre et ça a pris un homme de courage pour l’apprendre à la population sous sa signature, sans de soucier si demain l’université de Montréal le mettra à la porte comme professeur. Je m’incline devant cet homme".

C’est en ces termes que, jeudi soir, le ministre des affaires culturelles du Québec a commenté, à l’Assemblée législative, le rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre. Sauf les premières 30 minutes, toute la séance, qui a duré deux heures, a porté sur le rapport Bouchard; ce débat a eu lieu au cours de l’étude en comité plénier du bill 60, plus précisément de l’amendement Gervais qui vise à donner au conseil supérieur de l’éducation l’autorité sur les aspects pédagogiques de l’éducation.

"Ceux qui ont demandé l’enquête, et le ministre qui a consenti à se faire leur porte-parole devant le Conseil des ministres étaient bien loin de se douter de ce que l’enquête récolterait, a affirmé M. Georges-Émile Lapalme, Quant à moi, je voyais qu’il s’exerçait un monopole, je voyais les libraires crier de tous les coins de la province que le commerce de la librairie était destinée [sic] à mourir.

Je ne savais pas, à ce moment-là, qu’un petit professeur pouvait retirer jusqu’à $6,000,000 à même lesquels $1,200,000 lui reviendraient comme redevance de droits d’auteur durant une dizaine ou une douzaine d’années".

UN MOMENT PROPICE

Le député d’Outremont a en outre soutenu: "S’il est un moment où le rapport Bouchard devait être déposé, est-ce que ce n’était pas au moment même où la Chambre discutait tout le problème de l’éducation dans lequel un petit groupe de personnes avaient trouvé suffisamment de matière pour en faire leur chose à eux alors que ça devait être la chose de tous".

Référant aux membres de l’opposition, il a ajouté: "Je me demande pourquoi ce rapport leur fait tellement mal quand on sait qu’il s’est attaqué à un problème qui remonte jusqu’à nous qui sommes au pouvoir...Les actes reprochés par le rapport Bouchard nous touchent autant qu’ils touchent l’Union nationale. Je me demande comment il se fait que l’on a voulu voir dans ce rapport une attaque contre un parti alors qu’il s’agit de dénoncer un système".

De son côté, le premier ministre Jean Lesage a affirmé de nouveau: "Nous avons là une preuve que nous ne pouvons pas laisser la responsabilité pédagogique à un Conseil de l’éducation, comme elle était laissée au Comité catholique, et que cette responsabilité doit être sous la juridiction du ministre de l’éducation afin que les contrôles gouvernementaux que nous avons établis depuis que nous avons pris le pouvoir s’exercent comme ils s’exercent actuellement, de telles choses ne pourront pas exister".

M. Lapalme a poursuivi: "Il se passait dans le domaine de l’éducation des choses qui ont fait frissonner des pères de famille. Et ça, c’est important, et ça, il fallait que ça se sache. Il était important de savoir qu’il y avait des choses qui se passaient d’une façon telle que le champ était fermé à une foule de gens qui voulaient entrer dans le domaine de la concurrence en matière de production scolaire. Ça, ça se sait aujourd’hui.

Il y avait des choses qu’on ne s’explique pas. Le rapport en a montré suffisamment pour établir que le système instauré depuis des décennies et des décennies, que ce système-là, on doit le mettre de côté. Et quand il ne s’agirait que de la démonstration que nous apporte le rapport, il me semble qu’il y en aurait assez pour empêcher les gens de venir défendre l’ancien système de l’instruction publique dans la province de Québec."

Se portant à la défense du professeur Maurice Bouchard, M. Lapalme a loué le courage du commissaire qui n’a même pas craint de mentionner celui qui était son supérieur dans l’institution où il enseigne, soit Mgr Irénée Lussier, recteur de l’U. De M.

"Ça prenait du courage pour révéler au public ce qui se passait dans la plus grosse clientèle de la province que pouvait avoir un auteur, le monde de l’école primaire. Pas celui de l’universitaire: pour les auteurs, il n’y en avait pas assez (de clients) pour faire de l’argent!".

Soulignant l’impartialité du professeur Maurice Bouchard, M. Lapalme a déclaré: "Le commissaire Bouchard, dont le nom a été recommandé par le ministre des affaires culturelles, a dénoncé le ministère des affaires culturelles à cause de la loi de l’assurance-édition. Ça, on oublie ça, on n’en parle pas. A un autre endroit, il dénonce une autre chose. Il y est allé avec une indépendance totale et complète".

A une réponse du leader de l’opposition, le premier ministre a confirmé que le rapport Bouchard a été déposé en Chambre avant d’être soumis au cabinet. M. Lesage a expliqué que les rumeurs qui circulaient au sujet du rapport ont rendu ce geste nécessaire. M. Daniel Johnson a aussitôt noté que, dans le cas du rapport Mackay sur les transactions du Protestant School Board of Greater Montreal, "ça pris six mois avant que le cabinet en autorise la publication, et il a été envoyé au P.S.B.G.M. avant d’être rendu public"."

1964.02.01
xxx. "M. Bellemare: L’abbé Carignan n’a pas reçu de droits d’auteur", Le devoir, 55,25(1er février 1964):7.

"Le député U.N. de Champlain a soutenu, jeudi soir en Chambre, que M. l’abbé Paul-Henri Carignan n’a pas touché de droits d’auteur pour un manuel scolaire qu’il n’a pas écrit et qui portait sur un aspect de la pédagogie familiale. Le ministre des affaires culturelles avait affirmé cela mercredi, en Chambre.

"C’est faux, a affirmé M. Maurice Bellemare. M. l’abbé Carignan n’a jamais reçu de droits d’auteur. C’est l’auteur lui même (du manuel) qui a engagé l’abbé Carignan pour lui fournir certains renseignement utiles pour son volume. C’est faux de dire qu’il a été payé avec des droits d’auteur".

M. Lapalme a simplement répondu: "Alors, disons que l’argent n’a pas d’odeur!"

M. Daniel Johnson a demandé s’il est vrai que Mlle Thériault et Mgr Irénée Lussier- deux des personnes que le rapport mentionne dans la liste de celles qui ont été dans une situation de conflit d’intérêts - n’ont pas eu la chance de s’expliquer devant le commissaire Bouchard comme elles l’affirment dans les déclarations remises à la presse. M. Lapalme a répondu qu’il s’informerait auprès du secrétariat de la commission Bouchard et qu’il donnerait une réponse en chambre."

1964.02.01
xxx. "M. Roland Vinette fait une mise au point sur le rapport de M. Bouchard", Le devoir, 55, 25(1er février 1964):7.

"Le secrétaire du Comité catholique de l’Instruction publique, M. Roland Vinette, a fait parvenir hier aux journaux, après en avoir fait part au gouvernement, une déclaration sur le rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre dans la province de Québec, rapport Bouchard. M. Vinette explique, en la déclarant fausse, une affirmation de l’auteur du rapport sur "les conflits d’intérêts" de M. Vinette comme auteur. Il le taxe d’imprécision. M. Vinette déclare également fausse la suggestion selon laquelle les manuels écrits par les membres de comités et sous-comités du département de l’instruction publique ont été toujours acceptés.

Voici le texte de la déclaration de M. Roland Vinette.

J’ai lu la première partie, celle qui traite des manuels scolaires, du rapport préparé par le seul et unique membre de la Commission d’enquête sur le commerce du livre.

Bien que le rapport affirme, page 120, que je ne puisse "être accusé de quoi que ce soit", et bien qu’il appartienne d’abord au Comité catholique d’affirmer que son secrétaire a ou "n’a pas joué le rôle d’initiateur que le Comité catholique eut été en droit d’espérer de sa part," ce rapport n’en contient pas moins, à mon sujet, plusieurs affirmations fausses que je me dois de rectifier.

Il est écrit, page 119, en parlant du secrétaire du Comité catholique: "Il est lui-même en conflit d’intérêts comme auteur".

Cette affirmation est fausse.

En effet, en me référant au tableau de la page 29, je constate que cette prétention du rapport repose sur le fait que mon "Échelle de vocabulaire et d’orthographe" a été approuvée par le Comité catholique en 1961.

Or, je déclare que cette approbation a été donnée par le comité catholique en mon absence, sur la foi de recommandations faites également en mon absence, par le Commission de l’enseignement élémentaire et de sous-commission des écoles élémentaires, que les recommandations de ces organisations ont suivi une demande d’approbation préparée à mon insu par le sous-comité de français.

Je n’ai donc pas demandé l’approbation de cette publication et je n’ai participé à aucune délibération, ni à aucune décision à son sujet, comme en font foi les procès-verbaux de ces organismes.

L’auteur du rapport aurait pu apporter ces précisions, ce qui aurait permis des interprétations et des conclusions tout à fait différentes de celles présentées dans le rapport. De plus, l’auteur du rapport aurait pu préciser que cette publication: "Échelle de vocabulaire et d’orthographe" a été écrite en 1949, que suis entré au service du département de l’Instruction publique en 1951, que j’ai été nommé secrétaire du Comité catholique en 1955 et ce n’est qu’en 1961 que l’approbation du Comité catholique a été donnée à cet ouvrage et encore seulement à titre de livre de références [sic] pour les maîtres.

Évidemment, l’auteur du rapport n’était pas tenu de donner ces précisions qui auraient pu permettre aux lecteurs dépourvus de préjugés de constater que le secrétaire du Comité catholique se soucie fort peu de ses intérêts personnels ou bien qu’il n’est pas un personnage tout-puissant, comme on veut le faire croire en certains milieux. Ces précisions omises auraient projeté une lumière différente sur cette question.

Le rapport affirme encore, page 119, que je fus gérant du Centre de pédagogie et de psychologie jusqu’à ma nomination comme secrétaire, en 1955.

Cette affirmation est fausse et constitue une erreur qu’il aurait été facile d’éviter. Cette erreur est également, dans le contexte du rapport, très lourde de conséquences.

Je n’ai jamais été gérant du CPP; j’ai été le président-fondateur de cette société coopérative, de 1944 à 1954, alors que j’ai démissionné immédiatement après ma nomination au département de l’instruction publique, soit quatre ans avant ma nomination comme secrétaire du Comité catholique. Je n’ai jamais, depuis 1951, exercé la moindre fonction au CPP. Ici encore, la vérité n’aurait pas permis les mêmes conclusions que l’erreur.

Le rapport affirme, pages 38 et 39, qu’à deux reprises au moins, j’aurais informé des auteurs éventuels que j’avais déjà reçu des projets de manuels et cela, dans le but d’éliminer les concurrents possibles.

Cette intention que l’on me prête est démentie par les faits.

En effet, dans l’un de ces cas, le rapport dit, page 39: "Le 13 mars 1958, M. Roland Vinette informait M. l’abbé Martel qu’aucun autre auteur était au travail pour la préparation de ce manuel."

Le rapport ne dit pas cependant que dans une autre lettre du 3 mars 1958, M. l’abbé Martel me posait la question suivante: "Quelqu’un d’autre a-t-il déjà commencé le travail?"

Pourtant, le commissaire Bouchard a dû lire la lettre de M. l’abbé Martel puisqu’il y réfère dans son rapport. Ici encore, avoir dit toute la vérité aurait conduit à une interprétation toute différente des faits et de l’une de mes lettres.

Aux pages 118 et 119, l’auteur du rapport formule "l’hypothèse" que le Comité catholique n’a été informé que très tard et d’une façon incomplète, de la présence des auteurs dans les sous-comités et que le secrétaire du Comité catholique aurait pu donner cette information au comité.

L’auteur du rapport ne semble pas s’être donné beaucoup de peine pour vérifier ce qu’il appelle lui-même une hypothèse.

En effet, la liste des personnes reçues en séances publiques ne contient aucun nom de membres du Comité catholique, sauf celui du président qui ne semble pas, d’après le rapport, avoir admis l’hypothèse non vérifiée qui sert de base à l’une des principales argumentations du rapport.

J’affirme que dès mai 1958 au moins, soit quelques mois à peine après ma nomination comme secrétaire du Comité catholique, le Comité catholique, par sa commission des programmes et des manuels, commission composée exclusivement de membres du Comité catholique, était saisi par son président du problème de la présence d’auteurs dans les sous-comités et cela, à l’occasion de la demande d’approbation d’un manuel rédigé par un auteur membre d’un sous-comité.

J’ai assisté, comme secrétaire, à une longue discussion où les treize membres présents ont longuement étudié les nombreux aspects de ce problème. A l’issue de cette discussion, la Commission des programmes et des manuels a décidé de recommander au Comité catholique l’approbation du manuel soumis, en déclarant qu’il n’y avait pas lieu d’exclure les membres auteurs des sous-comités, vu que l’objectivité des décisions était suffisamment garantie par le fait qu’au moins trois organismes supérieurs au sous-comité, et souvent même quatre organismes, groupant un total de 50 à 75 personnes, avaient à se prononcer avant qu’une approbation officielle soit accordée. Cette décision a été prise par les membres du Comité catholique dont, selon le rapport, page 118, "la lucidité et l’intégrité ne peuvent être mises en doute".

A plusieurs reprises, par la suite, ce problème est revenu dans les discussions et toujours, pour les mêmes motifs, les mêmes décisions ont été prises.

Il est donc faux d’affirmer que le Comité catholique n’était pas informé, comme il est faux d’affirmer que le secrétaire du Comité catholique était seul à pouvoir informer le comité. Ici encore, les affirmations du rapport ne concordent pas avec les faits.

En parlant des avantages que peut procurer à un auteur le fait d’être membre d’un sous-comité, le rapport dit: "Le premier de ces avantages est celui d’une approbation certaine du manuel de l’auteur impliqué".

Autre affirmation fausse.

Le commissaire Bouchard savait ou aurait dû savoir que, comme en font foi les procès-verbaux des divers organismes, plusieurs ouvrages préparés par des auteurs membres de sous-comités ont été refusés, soit par le sous-comité, soit par des organismes supérieurs.

Or, dans ma lettre du 13 mars 1958 à M. l’abbé Louis Martel, lettre que l’auteur cite comme preuve de mon désir d’éliminer ce concurrent éventuel, j’écrivais: "Si vous pouvez soumettre votre texte par tranche afin que notre sous-comité puisse en faire une étude plus rapide, nous n’y avons pas d’objection."

Une fois de plus, les prétentions du rapport sont contredites par les faits.

Je pourrais continuer ces rectifications qui portent toutes sur des faits faciles à vérifier et m’attaquer ensuite aux interprétations, jugements ou raisonnements, mais je m’arrête. Je crois que j’en assez dit pour que les erreurs et les faussetés que j’ai relevées ajoutées à toutes celles qui ont été signalées par d’autres personnes établissent, d’une façon évidente, le manque d’objectivité du rapport Bouchard. Et si un rapport de cette nature pêche grandement contre l’objectivité, non seulement par ses affirmations fausses mais par des omissions de faits importants, quelle confiance le lecteur peut-il avoir dans l’objectivité des interprétations et des jugements qu’il a formulé [sic] et dans la rectitude de ses raisonnements, dont certains sont fondés sur des hypothèses non vérifiées.

Le problème de l’approbation et de la distribution des manuels est fort complexe. Il suffit, pour s’en rendre compte, de parcourir le rapport publié sur le sujet, en 1959, par l’UNESCO et le Bureau international de l’éducation.

J’ai confiance que, malgré les déclarations passionnées qui ont suivi la publication de ce rapport, le gouvernement de Québec, préoccupé qu’il est de vérité, de justice, de saine démocratie et de revalorisation de la fonction publique, saura dissiper les doutes que ce rapport peut laisser planer injustement sur la réputation d’éducateurs et de fonctionnaires compétents, dévoués et honnêtes.

Copie de cette déclaration a été remise au bureau du premier ministre, du ministre des affaires culturelles, du ministre de la jeunesse et du procureur général."

1964.02.01
xxx. "Québec consulte un conseiller juridique avant de statuer sur le rapport Bouchard", Le devoir, 55, 25(1er février 1964):3.

""Je ne sais pas encore ce que nous allons faire avec ça"a affirmé jeudi M. Georges-Émile Lapalme au sujet du rapport Bouchard qui porte sur le commerce du livre dans la province de Québec. "D’ores et déjà, a précisé le ministre des affaires culturelles, j’ai peut-être des opinions sur certains points et je peux dire qu’il y a des opinions, des recommandations avec lesquelles je ne suis pas d’accord comme ministre des affaires culturelles. Mais ce n’est pas moi le gouvernement, c’est le Conseil des ministres".

M. Lapalme a précisé que le rapport Bouchard n’es pas encore venu devant le Conseil des ministres et que ce dernier ne pourra l’étudier que lorsque les opinions d’un conseiller juridique lui seront parvenues.

Beaucoup de gens m’ont demandé de continuer l’enquête, de la faire pousser plus loin dans le Département de l’instruction publique et dans le domaine de la librairie. Mais "je ne peux répondre à cela" pour le moment a-t-il ajouté.

Notant que le rapport Bouchard a recommandé au gouvernement de créer une régie du livre, M. Lapalme a souligné qu’il y a des implications non seulement d’ordre juridique, mais aussi d’ordre commercial et industriel dans cette recommandation. "Je me demande si le ministère des affaires culturelles ne recommandera pas au Conseil des ministres de faire étudier la question par quelqu’un qui est dans ce domaine du commerce ou de l’industrie. Que cela s’appelle le commerce du livre, ça n’a aucune importance: cela deviendra un commerce de la couronne".

M. Lapalme a reconnu que l’enquête de M. Bouchard est "incomplète" et qu’elle a été faite rapidement comparée à d’autres enquêtes. Le gouvernement a refusé d’accorder un délai à M. Bouchard, a-t-il avoué.

Il est possible que le rapport Bouchard contienne des choses fausses, a-t-il ajouté. "Je ne le sais pas encore. Mais jusqu’à maintenant, ce qui m’en a été démontré même par l’opposition - référence au cas de l’abbé Carignan - je dois dire que ce que j’ai dans les mains, c’est vrai et que ça n’est qu’une partie de la vérité... nous ne venons de livrer que le dessus du panier".

De son côté, le chef de l’opposition, M. Daniel Johnson, a déclaré que c’est le devoir de l’opposition de "porter à l’attention du public tout acte du gouvernement ou de l’une de ses commissions ou de ses employés ou de ses fonctionnaires, qui met en danger ce droit essentiel et fondamental de tout contribuable et de tout citoyen de cette province et du pays: de n’être accusé sans avoir été entendu. C’est l’élémentaire justice... Si tel est le cas, il serait opportun de réouvrir l’enquête afin de donner un droit à ces personnes de s’exprimer".

M. Johnson, qui a reconnu ne pas encore avoir lu le rapport Bouchard, a ajouté: "S’il est exact que le rapport, comme on l’a publié dans les journaux, recommande que les droits d’auteur soient limités à une période de six ans, le commissaire aurait fait montre d’une ignorance fantastique de ce problème des droits d’auteur. Ceux-ci font l’objet d’une convention internationale qui assure aux auteurs - je cite de mémoire - non seulement des droits leur vie durant, mis pour 50 ans après leur mort. Comment voulez-vous empêcher le fonctionnement de la convention de Berne par une loi provinciale?""

1964.02.01
xxx. "Une mise au point de l’auteur J.-G. Pépin", Le devoir, 55, 25(1er fév. 1964):2.

"M. Jean-Guy Pépin mis en cause dans le rapport Bouchard, proteste dans un communiqué remis à la presse contre le fait qu’il n’ait pas pas été appelé devant la Commission à expliquer sa position. Voici le texte de sa déclaration.

Avant de réagir aux accusations lancées contre moi dans les journaux de samedi le 25 janvier dernier, j’attends de mettre la main la source même des déclarations officielles.

En 1954, dans la belle province, il est impensable qu’une commission, formée d’un seul homme, se permettre d’accuser des auteurs sur la place publique sans qu’au préalable elle les fasse comparaître et leur fournisse l’occasion de se faire entendre. Cet ignoble procédé ne peut que saboter la contribution culturelle d’un groupe d’éducateurs qui ont eu le courage de s’imposer un travail ardu pour faire progresser la cause de l’éducation, encore en gestation dans notre État du Québec.

Est-ce de l’inconscience ou de la malhonnêteté? Je laisse le lecteur en juger.

Dans le rapport officiel que j’ai parcouru (Tableau II, page 29), j’ai relevé mon nom sur la liste des "auteurs participant à leur approbation" (sic). Or, ceci est de la plus haute infamie.

On ne joue pas avec des noms de personnes comme avec des chiffres, sans quoi on risque de porter atteinte à leur réputation d’honnêtes gens.

Voici les faits:

Déjà, en 1953, étant le seul hygiéniste diplômé enseignant dans les écoles normales de garçons de la province, mes supérieurs m’invitèrent à publier mes notes de cours afin qu’elles puissent servir éventuellement à toute institution du même genre. Ce travail intitulé "Initiation à l’hygiène" était le premier et le seul traité d’hygiène destiné à la formation sanitaire des futurs enseignants.

Or, voici les dates où le Comité catholique approuva mon ouvrage (1):

Tome I: approuvé le 11 mai 1955;

Tome II: approuvé le 16 mai 1956.

Ces approbations eurent lieu à une période où je ne participais à aucun sous-comité du D.I.P.

Il est vrai qu’à titre d’hygiéniste, je fais partie de deux sous-comités, mais cela depuis 1957 seulement: le sous-comité d’hygiène des écoles élémentaires et le sous-comité d’hygiène des écoles secondaires.

Mon travail était donc déjà approuvé lorsque je fus nommé sur les comités sus-mentionnés.

Toutefois, je n’ai jamais été membre d’aucun sous-comité ou commission siégeant au niveau des écoles normales et ayant pour fonction d’approuver les programmes et les manuels.

Il est de la plus haute importance que je fasse connaître au public que je n’ai jamais participé à aucune séance d’approbation de mon manuel, ni aux discussions sur sa valeur ou son prix comme on veut le laisser croire.

D’ailleurs, les deux sous-comités dont je suis membre n’ont aucune autorité ni aucune influence sur celui qui a jugé bon d’accepter et de recommander mon travail. Mon manuel a donc été approuvé suivant des procédures honnêtes, régulières et sans mon intervention.

L’accusation de "conflit d’intérêts", dans mon cas, est donc un non-lieu et est fort mal venue.

Enfin, malgré les conditions difficiles de notre milieu, j’ai tenté de publier mon manuel sans avoir recherché, au préalable, des profits à venir mais plutôt pour répondre à une carence de notre enseignement constatée par les autorités.

(1) Le travail fut d’abord publié sur feuilles polycopiées en deux parties. Il fut réédité ensuite en un seul volume en 1957, après une seconde approbation."

1964.02.01
Lacroix, Luc-M. "La librairie dominicaine - Le rapport Bouchard est sain et constructif", Le devoir, 55, 25(1er fév. 1964):11.

"Le Rapport Bouchard sur le commerce du livre continue de provoquer un certain nombre de réactions et de prises de position. Nous publions aujourd’hui un texte du frère Luc-M. Lacroix, co-directeur de la librairie dominicaine. On sait que cette librairie qui appartenait aux Dominicains a été vendue, voilà plus d’un an, à des laïcs; ces religieux estimant qu’il ne leur appartenait plus, de par leur état de clercs, de gérer un commerce.

Nous sommes très heureux des conclusions du rapport de la commission Bouchard.

Si le Commissaire ouvre la plaie presque cancéreuse, il en recommande les remèdes que nous trouvons vraiment efficace.

Les recommandations de la Commission d’Enquête sont saines et constructives.

A la suite de la publicité faite au Rapport, il faut éviter de confondre: Editeurs de Manuels scolaires et Editeurs et Libraires de livres culturels. Si les profits de certains des premiers sont considérables, même exorbitants, les seconds restent les "parents pauvres" de la profession. Mais nous avons l’espoir que les recommandations seront adoptées par une législation dès la présente session. Alors un nouvel essor dans le domaine culturel sera donné au Canada français.

MONOPOLE DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES?

Il est à remarquer qu’il n’y aurait pas eu de manuels scolaires si les communautés religieuses n’en avaient pas édité, même imprimé. Seuls en effet les religieux pouvaient faire de l’enseignement, à quelques exceptions près, il y a encore une quinzaine d’années, tant il fallait de l’abnégation. A ce moment, les livres scolaires se vendaient presque sans profit et à des prix très bas, soit: $0.35 - $0.50 - $0.75.

Les communautés religieuses ont collaboré avec les laïcs lorsque ceux-ci ont su, à leur tour, se lancer dans l’édition de Manuels scolaires. Elles sont prêtes à incorporer leurs Maisons d’édition, mais elles réclament les mêmes droits et privilèges. Est-il juste, par exemple, que les enseignants religieux soient moins rémunérés que les enseignants laïcs?

Doit-on ignorer ou repousser les compétences parce que ces compétences appartiennent à des institutions religieuses? Le Commissaire Bouchard, au contraire, loue les maisons religieuses pour leur collaboration.

LA LIBRAIRIE DOMINICAINE

On sait que, il y a un an, les Pères dominicains se retiraient du domaine de la librairie sans pour cela que s’interrompe l’oeuvre spirituelle et culturelle qu’ils avaient entreprise, il y a plus de 30 ans, en fondant la librairie dominicaine. En effet, depuis janvier 1963, la librairie dominicaine est la propriété des messieurs Dussault, propriétaires de la chaîne des librairies qui portent leur nom. Le contrat de vente illustrerait d’une façon remarquable les possibilités de collaboration entre clercs et laïcs devant les exigences des temps modernes.

Si les Dominicains n’éditent pas de manuels scolaires, ils ont contribué largement à l’effort d’assainissement de la profession principalement depuis trois ans, à l’occasion de la fondation de la Société des libraires canadiens et du Conseil Supérieur du Livre.

N’ayant pu avoir la collaboration de quelques gros éditeurs et libraires, le Conseil Supérieur du Livre s’est vu obligé, il y a un an, de demander une Commission d’Enquête sur la crise de la librairie au Canada français.

RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION BOUCHARD

Le résultat de ces efforts, de ces démarches vient de se faire sentir. Le rapport Bouchard fait des recommandations importantes et capitales. La Régie du Livre est vraiment nécessaire et la Maison du livre de langue française une nécessité.

Une Régie du Livre. Une réglementation sera apportée qui empêchera une concurrence déloyale et favorisera la fondation de nouvelles Librairies tout en permettant aux vraies librairies culturelles de survivre. Elle favorisera aussi le client, puisqu’il paiera un prix juste et équitable.

Las librairie Dominicaine se réjouit principalement de la recommandation du prix unique sans escompte, politique qu’elle utilise depuis deux ans.

Une maison du livre de langue française ou une Centrale gouvernementale, ce qui permettra l’approvisionnement de volumes plus facilement et plus rapidement, puisqu’on pourra se procurer les ouvrages de grande diffusion et les nouveautés sans attendre cinq ou six semaines, favorisant ainsi les Bibliothèques et les Collectivités. Cette Maison du livre pourra développer, avec le temps, les services d’information essentielle: catalogues aux public en prix canadiens, recherches et périodiques bibliographiques pour les librairies, expositions itinérantes des nouvelles éditions, etc. Enfin, les petits éditeurs de la Province auraient un moyen efficace et relativement peu coûteux d’atteindre la totalité du marché. Ce faisant, une bonne part des problèmes actuels du petit éditeur seraient résolus. (Cf. Rapport de la commission d’enquête sur le commerce du livre dans la Province de Québec, page 192).

La Régie du Livre accréditant elle-même les Librairies et exerçant sur elles des contrôles, protégera la profession, aidera à redonner confiance aux éditeurs étrangers, qui ont eu à subir des pertes considérables ces dernières années et favorisera la culture française au pays du Québec.

Le libraire culture ayant la possibilité de vendre les Manuels scolaires, devra s’organiser en conséquence, avoir un stock approprié, ce qui favorisera les professeurs et les élèves qui pourront, s’ils le désirent, s’approvisionner sans avoir à subir la concurrence de quelques libraires qui ne pouvaient donner un service adéquat.

CONFIANCE AU GOUVERNEMENT

Tout n’est pas réglé avec la présentation du Rapport: il faut maintenant une législation et nous avons l’espoir que le Gouvernement agira sans retard. Le temps presse, l’anarchie ne peut durer plus longtemps. Que le scandale ne fasse pas oublier les recommandations. Le temps est arrivé d’agir.

Nous avons confiance que, l’émotion passée, tous voudront se donner la main et collaboreront à faire de la profession du livre une profession honorable pour le plus grand bien de la culture au Canada français."

1964.02.01
Louis-Bertrand (frère). "Les Frères éducateurs et le rapport Bouchard", Le devoir, 55, 25(1er février 1964):3.

"À la suite des accusations portées dans les journaux (cf. "Le Devoir", 25 janvier 1964) contre les communautés religieuses, la Fédération des Frères Éducateurs, par son président, nous demande de publier la mise au point suivante:

La Fédération des Frères Éducateurs se respecte trop et respecte trop le rôle des tâcherons de l’éducation chez nous pour accepter de faire chorus avec les attaques dirigées contre des éducateurs éminents, à la suite de la déposition en Chambre du rapport Bouchard sur le commerce du livre au Québec.

Quant au système cependant que ce même rapport dénonce elle en reconnaît les faiblesse, entre autres le risque de favoriser des conflits d’intérêts chez certaines personnes ou certaines institutions, et nul ne suggérera le statu quo quand une formule préférable pourra être mise en vigueur.

Le système dénoncé a ses faiblesses, avons-nous dit. Il s’explique pourtant et bien malin serait celui qui voudrait infléchir l’évolution historique qu’il a suivie. Au début, seules les communautés religieuses pouvaient se permettre d’éditer des manuels scolaires: non par monopole mais parce qu’elles étaient seules à posséder assez d’esprit de sacrifice, d’esprit de coopération et de personnel compétent pour assurer l’édition de ces manuels et supporter l’investissement en capital que cela représente. Une concurrence normale existait entre les communautés, ce qui évitait le monopole. L’approbation du Département de l’Instruction publique assurait à ces éditions un minimum de valeur pédagogique quoi qu’on en ait dit ou écrit. Et enfin, les prix des manuels étaient fixés par un comité du Département de l’Instruction publique, ce qui garantissait de l’extérieur de l’honnêteté des communautés.

Or, plus tard, dans le domaine de l’éducation au Québec, des maîtres et maîtresses laïques sont venus, en nombre et en qualité, partager avec les religieux et les religieuses, un domine qui est loin d’être saturé en personnel. Ils eurent l’idée d’organiser une coopérative pour permettre à quelques-uns d’entre eux d’éditer des manuels scolaires. Ce furent les origines du Centre de Pédagogie et de Psychologie qui entra ainsi en concurrence avec les communautés dans l’édition des livres de classe. Et l’on sait le reste.

Aujourd’hui, la formule recommandée par le rapport Bouchard va dans le sens de l’évolution historique puisqu’elle recommande de confier au gouvernement le soin d’éditer les manuels scolaires. Le gouvernement n’est en fait qu’une vaste coopérative ou une vaste communauté, et la Fédération des Frères Éducateurs pour sa part entend bien collaborer à toute démarche de mise en place d’un système mieux adapté aux conditions sociologiques actuelles de notre province.

Enfin, parmi les accusations soulevées contre les communautés, les deux points suivants nécessitent des explications:

1. Le prix des manuels édités par les Frères:

Ces prix furent fixés par le Département de l’Instruction publique par l’intermédiaire d’un comité où les Frères n’ont jamais été appelés à siéger.

Ce comité constituait donc la chose avant le nom: une régie des prix du manuel scolaire.

Mais pourquoi, dira-t-on, les Frères qui éditaient des manuels avec un prix de revient bien inférieur à celui des éditeurs laïques vendaient-ils les manuels au prix régulier? Bien malin qui réroudra le dilemme suivant:

si une communauté accepte le prix régulier fixé par le Département: on l’accuse d’exploitation;

si elle vend à un prix inférieur: on l’accuse de concurrence déloyale envers les éditeurs laïques.

2. Enfin - et c’est peut-être l’accusation la plus importante portée contre les communautés, on leur reproche les exemptions d’impôts:

Sur ce dernier point, la Fédération tient à faire les remarques suivantes:

a) Il est faux de prétendre que c’est "un témoignage d’estime pour les communautés" (Ryan Claude, Éditorial du Devoir, 3 janvier 1964).

L’exemption d’impôts dont jouissent les communautés est une disposition légale favorisant tout organisme à but non lucratif, qu’il soit catholique, protestant, etc., à fins culturelles, éducatives ou coopératives. Il n’est donc pas question d’un privilège pour les communautés, mais bien d’une situation juridique qui ne relève pas d’elles.

b) Ce privilège - puisqu’on l’appelle ainsi - peut se supprimer, mais non l’équilibre budgétaire des organismes ainsi exemptés. C’est donc dire que pour les communautés religieuses entre autres, une augmentation des dépenses par l’addition de l’article "impôt", devra se solder par une augmentation parallèle des recettes.

Ainsi, à titre d’exemple, considérons le cas des frères éducateurs et des religieuses éducatrices au Québec. D’après des chiffres publiés en mars 1963 par le Frère Cyrille, é.c., ancien secrétaire permanent de la Fédération des Frères Éducateurs, chiffres basés sur un rapport du surintendant de l’Instruction publique, il y avait 3,300 frères et 8,200 religieuses dans l’enseignement public.

Les frères recevaient en moyenne $2,000 de moins que leurs collègues laïques; les religieuses, $600.

Si pour une raison ou pour une autre on impose aux communautés enseignantes le fardeau des impôts de leurs confrères laïques, chaque frère ou chaque soeur n’en sera ni plus riche ni plus pauvre, mais le budget général de ces communautés devra s’équilibrer et ce sera vraisemblablement par l’application du principe "A responsabilités égales, salaires égaux". Or ceci représentera pour la province de Québec une charge supplémentaire de $11,000,000 en salaires que les religieuses et les religieux enseignants laissent présentement aux localités où ils enseignent, au lieu de les envoyer aux gouvernements fédéral et provincial sous forme d’impôts.

La Fédération des Frères éducateurs n’entend pas ici faire un plaidoyer contre la suppression de ce qu’on appelle des "privilèges". En définitive, ces "privilèges" nous coûtent plus cher en réputation et en argent, parce que la part de salaire laissée aux commissions scolaires locales est en général bien supérieure à ce que nous verserions en impôts sur les salaires.

D’autre part, toute cette mise au point ne veut pas être non plus une charge contre un rapport dont on a dit, avec raison sans doute, beaucoup de bien, mais un exposé serein et objectif sur une situation qui en intrigue plusieurs." [Selon le "Procès-verbal de la réunion des frères éducateurs, 21 fév. 1964", la réponse du f. Louis-Bertrand a été imprimée sous forme de feuillet à 10,000 exemplaires (Archives des Frères du Sacré-Coeur à Rome, dossier FEQ Activités 1964)].

1964.02.04
xxx. "Mise au point de l’équipe de la revue L’ÉLÈVE", Le devoir, 55, 27(4 fév. 1964):11.

"Les membres de l’équipe rédactionnelle des nouvelles revues "L’Élève" et "Le Maître" ont fait parvenir à la presse une mise au point à la suite de la publication du rapport Bouchard sur le commerce du livre.

Leur porte-parole, M. Jean Gay, a tenu à préciser que leur communiqué n’émanait pas de la maison Fides. Voici, au texte, cette mise au point:

Les membres de l’équipe rédactionnelle de la nouvelle revue "L’Élève", agissant en leur nom propre, désirent préciser publiquement qu’aucun d’entre eux n’est concerné directement ou indirectement par le rapport de la Commission d’enquête sur le commerce du livre.

Cette mise au point est rendue nécessaire par la confusion qui pourrait être faite entre l’ancienne et la nouvelle revue "L’Élève".

Le rapport Bouchard mentionne exclusivement l’ancienne formule de "L’Élève". La nouvelle revue n’existant d’ailleurs pas encore au moment de l’enquête.

Les membres de l’équipe rédactionnelle du nouvel "Élève" ne font partie d’aucun comité chargé de l’étude, de l’approbation ou de l’achat des manuels scolaires.

A ceci, il faut ajouter, pour éviter à l’avenir toute interprétation erronée, qu’aucun des membres de cette équipe rédactionnelle ne possède des intérêts financiers dans la revue "L’Élève". Cette situation leur permet une liberté d’action totale dans le domaine des iodées pédagogiques."

1964.06
Desjardins, Maurice. "Les éditions pédagogiques", Lectures, 10, 10(juin 1964):262.
1964.06.06
xxx. "History books «Excellent for teaching prejudices»", Quebec chronicle telegraph"", 6 juin 1964, p. 3.

"A group of Laval University researchers say history textbooks in Quebec schools, both French and English, «appear as an excellent material to teach prejudices.»

Some characters of the texts, said Professor André Juneau, of Laval, at the learned societies conference yesterday, are erroneous facts, omissions of important data, and the treating of certain historical figures as saints instead of simply as persons.

Reporting to the Canadian Association of Education Professors on results of a study undertaken during the past five years across the province, under the direction of Laval psychologist Aimé Leduc, he said the texts introduced «much important bias» in Canadian history.

He pointed the research group recommends that there be "some consultation" between different ethnic groups and among different fields of learning - psychologists and sociologists, for example, as well as historians - in the preparation of the history books.

It also favors widest possible use of documents for school history courses, instead of having just a single textbook.

Examining how French textbooks regard the English part in Canadian history and vice-versa, the study made apparent «the fact that French textbooks may easily generate feelings of antipathy and even hate towards the English.»

«Folk group» «The Protestant English textbook - Quebec public schools are divided on a religious basis - seemingly ignores French Canadians. It views them as a folk group, who give color to Canada and are quite happy and contented with whatever happens.»

Mr Juneau said the «dynamics» underlying the presentation of history in French and English schools differ greatly.

«The French textbooks contain all the necessary elements to make it clear that French Canadians failed to obtain what they wanted nevertheless they tell the story of their political struggle as if it had been a most glorious and successful undertaking, leading to their independence.»

The English textbook presented «a serene political history during which the English group becomes the majority of the people in Canada, has the political leadership of the country and forms the independent character of Canada while maintaining relationships with Britain.»

Not possible

During the discussion from the floor, Mr Mowat, of Dalhousie university, Halifax, said he thinks history neither can be, nor should be written without bias.

«Part of the purpose of writing history," he said, "is to induce a certain amount of patriotism toward a particular group of a particular region.»

He also criticized the report's use of the phrase «ethnic group» to distinguish between peoples but Professor Leduc said «some phrase has to be used to indicate difference between peoples here because these differences are a reality.»

Virtues lauded

Prof. Juneau said it was also found that French textbooks attributed virtue to historic figures more readily than the English.

One French text devoted 22 lines another 19, to the virtue of Jacques Cartier, while the English text simply called him «a fine sailor and a brave man».

He said the French text also devoted many lines to the praise of Msgr Laval, the first bishop of Quebec, «man of great intelligence and high saintiness ... the generous bishop ... heart of an apostle and wisdom of a statesman.»

On the other hand, the only «virtue» the English text attributes to him is that he was so powerful and influential that back home in France, even the king listened to him.

It also says Laval and Governor Frontenac - «strong-willed and hot-tempered men» - quarrelled so much that «the king and his ministers were almost deafened withe the noise.» Finally, the king, unable to remove Laval because he was a bishop, fired Frontenac. «West also recognizes Canada's french origin»

Westeners do not believe Canadian history began with the British conquest of Quebec in 1759, says Dr Hilda Netby [sic] professor of history at the University of Saskatchewan.

Attending the conference of learned societies at Laval University, she said «Cartier, Champlain, Maisonneuve and all the others of the French regime are known to us and considered, as they are by you, pioneers of our history.»

She said that the history of Quebec's French regime is well taught in grade and high schools.

Books scarce

«Unfortunately, it is at the university level that teaching becomes difficult because of the lack of books on the subject and Enligish-language historians had written little about the French regime.

Dr Neatby, fluently bilingual president of the Historical Society of Canada, which is meeting here, welcomed the royal commission on biculturalism and said "all Canadians ought to speak both languages.»"

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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