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Sources imprimées

* * *

1962

xxx. Association mathématique du Québec - Rapport soumis à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 13 p.

"Manuels

Il y a actuellement pénurie de manuels de mathématiques pouvant être utilisés pour les programmes existants et pour ceux qui sont à l'étude. Aussi condamnons-nous la politique présente d'interdire, à l'exception de deux ou trois manuels autorisés, l'emploi de livres de mathématiques souvent excellents et recommandables.

De fait de nombreux manuels actuellement employés dans les collèges classiques sont interdits dans les écoles secondaires publiques. Nous souhaiterions voir adopter une politique qui laisserait plus de latitude aux professeurs, ce qui est plus compatible avec la liberté académique.

Le gouvernement devrait de toute urgence encourager par tous le moyens la création de manuels rédigés spécialement par des professeurs du Québec pour nos programmes. Il est indispensable que tout effort dans ce sens fasse appel à la coopération de professeurs des différents niveaux, primaire, secondaire et universitaire. [4]

D'autre part, la commission n'est pas sans savoir que malheureusement la composition d'ouvrages de ce genre exige un laps de temps assez considérable. Il serait d'ailleurs indispensable, avant d'utiliser ces manuels sur une grande échelle, qu'une période d'expérimentation et de rodage permette d'en évaluer les mérites et les inconvénients.

Par conséquent, la Commission devrait favoriser parallèlement l'adoption, et le cas échéant, l'adaptation ou la traduction de bons manuels récents d'origine étrangère. [5]

3ième recommandation

Vu le nombre malheureusement trop restreint de manuels, nous recommandons toutes les mesures de nature à corriger cette situation, en particulier, l'adaptation ou la traduction de manuels étrangers, et aussi la mise en oeuvre immédiate d'un important programme de préparation de manuels par des professeurs du Québec.

Ces travaux, qui seront exécutés par des professeurs compétents et désintéressés, devront être subventionnés par la Province, au même titre d'ailleurs que les autres mesures propres à favoriser l'enseignement des mathématiques." (p. 6)

1962
xxx. Comité de survivance indienne - Mémoire à la commission d'enquête royale sur l'éducation et l'enseignement. Québec, s.n., 1962. 38 p.

"Le manuel d'histoire de notre Indien.

Tôt ou tard, et peut-être plus vite qu'on ne le croit, le pédagogue indien de cette province écrira un manuel d'Histoire pour ses frères les aborigènes du Québec.

Il ne s'inspirera certainement pas de nos manuels mais il puisera aux sources où nos auteurs auraient dû s'inspirer; il analysera les événements dont on aurait dû faire l'analyse, il atteindra, sans heurt et sans éclaboussure, à des conclusions tout à fait apposées à celles qu'on nous enseigne - et ses ancêtres nous apparaîtront atteignant les cimes et non pas comme on nous les représente comme des intouchables contre qui on s'évertue à décupler le mépris.

Que d'omissions seront mises à jour! que de silences calculés chez nous, seront tout bonnement décelés et que de prouesses glorieuses apparaîtront au crédit de nos Indiens.

Pour nous conformer aux désirs exprimés aux lettres de créance que nous ont fait tenir les principales Réserves Indiennes du Québec, dans cette seconde partie, nous présenterons quelques pages du manuel d'Histoire que le pédagogue indien écrira pour ses frères. Nos auteurs constateront tout simplement qu'ils auraient dû en tenir compte.

1535 - Cartier & le Scorbut!

Notre pédagogue indien lira tout d'abord le texte aux Voyages de Cartier: "de sorte que, un arbre, aussi gros et aussi grand que le chesne qui soit en France, a été employé en six jours lequel a faict telle opération, que si tous les médecins de Louvain et de Montpellier y eussent été, ils n'en auraient pas tant faict en un an, que le dict arbre a faict en six jours".

N'allez par croire que l'historien rapportera ce texte en entier! Non, il le jugera trop péjoratif pour le Blanc, car il entend bien ne pas s'appuyer ni sur le fond, ni sur la forme de nos manuels d'Histoire. Il se contentera d'établir, qu'à la fin du moyen âge, en Europe, on ne connaissait exactement que 30 herbes médicinales et qu'avant l'apparition de la médecine chimique et bactériologique, "pendant 400 ans, les médecins et les botanistes européens ont examiné et analysé la flore de l'Amérique et il leur a été impossible de découvrir une seule herbe médicinale qui n'était pas connue des Indiens."

Et en citant ce texte, il s'appuiera sur une des plus [23] grandes autorités d'Amérique en indianologie, F.-X. Cohen, de son vivant, professeur de l'Université Yale et inspecteur des écoles de New-York.

Nous conduisant à l'année 1599, il spécifiera qu'avec la dite année commence au Canada, la première famine d'importance avec les Français que le sieur Chauvin avait laissé [sic] à Tadoussac pour hiverner. Il lira d'abord Champlain: "Nos hyvernants consomment en bref ce peu qu'ils avaient et l'hyver survenant leur fit bien cognoistre le changement qu'il y a entre la France et Tadoussac: c'était la cour du roi Pétault, chacun voulait commander. La paresse et la fainéantise, avec les maladies qui les surprirent, ils se trouvèrent réduits en de grandes nécessités et contraints de s'abandonner aux Sauvages qui charitablement les retirèrent avec eux."

Il rappellera ce fait, mais biffera ce qui touche à la paresse et fainéantise, car chez lui, il peut écrire son Histoire sans sentir le besoin d'humilier le Blanc à toutes les pages de son manuel.

Puis il empruntera au Père Biard quelques textes, entr'autres l'aventure proche du Port au Mouton; "C'était Roland et autres Sagamos qui aussitôt recogneurent le dit Père Enemond (Massé) et lui firent leurs libérations bien grandes certes: demie galette de pain à chacun des compagnos [sic] et une entière à lui. C'était le monde renversé, les Sauvages fournissant du pain aux Français gratuitement. Ce pain semblait de la manne à nos tribulations, car de trois semaines, ils n'en avaient mangé."

Il parachèvera cette compilation par cette dernière citation du même Père: "Car ayant eu avec soy vingt et trois personnes sans provisions suffisantes pour les nourrir, il avait été contraint d'en congédier pour s'en aller avec les Sauvages vivre avec eux; aux autres le pain ayant manqué six ou sept semaines durant, et sans l'assistance de ces mêmes Sauvages, je ne scay si tout ne leur eust misérablement failly."

Relevant ensuite les années de famine sous le fondateur de Québec, il citera 1617, 1621-22, 1623, 1626, 1628 - années pendant lesquelles nos Indiens aidèrent à [sic] nos Français à se sustenter. Il lira bien aux Oeuvres de Champlain, pour 1628 le texte suivant: "J'envoyai quelques uns de nos gens à la chasse essayer s'ils pourraient imiter les Sauvages en la prise de quelques bestes, mais ils ne furent pas si honnêtes que ces peuples, car ayant pris un Elan très puissant, ils s'amusèrent à le dévorer comme loups ravissants, sans nous en faire quelque part, que [24] d'environ 20 livres."

Il s'attardera plutôt à la grande disette de 1628-1629 pour compléter les manuels d'Histoire du Blanc: spécifiant tout d'abord, que les Abénaquis, les Algonquins, les Montagnais et les Indiens de la Gaspésie hégergèrent et nourrirent, durant ce triste hiver, 60 hommes du groupe de Québec, et que Chomine et ses frères s'installèrent près de l'Habitation et aidèrent Champlain et les 16 autres personnes à se nourrir de racines comestibles.

Il précisera encore que c'est grâce à ces secours que Champlain ne quitta pas Québec en mars ou avril, comme il avait pensé, et fut présent pour la capitulation. Et il inscrira ces lignes dans son manuel: "C'est ben l'âme indienne qui a su faire l'éducation du Blanc pour lui permettre ces luttes tragiques et silencieuses contre le Spectre de la Faim, en lui livrant ses propres secrets sur les vertus nutritives des plantes et des racines."

Passant ensuite à nos glorieus [sic] exploits sur les champs de bataille du pays, il s'en ennorgeuillira [sic] avec nous, déclarant: "C'est grâce à l'embuscade, que ces vaillants Blancs ont accompli de si beaux exploits et c'est bien de nos ancêtres que les leurs ont appris ce genre de combat."

Sans même faire un reproche à ceux qui ne voulaient pas d'Indiens dans les limites de la cité de Québec lors des fêtes du 350e anniversaire de fondation de la dite ville, il nous parlera dans son manuel de ce don magnifique qu'une tribu montagnaise de la Côte Nord faisait transmettre aux autorités religieuses de la Ville lors du Grand Incendie de Québec, au siècle dernier. Ce n'était ni plus ni moins que leur entière subvention fournie par le Féderal [sic] pour "passer l'hiver". Et à cet [sic] obole, on y avait joint ces mots: "Un hiver de plus au froid, un hiver de moins sous la tente - nous en avons l'habitude. Mais les Français de Québec, sans maisons, ne pourront survivre dans des wigwams".

Il ne faudrait cependant pas croire que dans ce manuel il ne défendra pas sa race. "On a dit de nos ancêtres, écrira-t-il, qu'ils étaient très sales! Croyez-vous que les vôtres étaient d'une propreté impeccable? Le Blanc de l'est de l'Amérique du Nord n'a pas toujours fait un abus de ses ablutions. A Boston, par exemple, jusqu'en 1802, c'était un délit que de prendre un bain, à moins que le prescrit par un médecin."

Il admettra avec nous l'indéniable et éclatant exploit [25] de Dollard et de ses compagnons, mais il attirera tout d'abord notre attention sur le 4 algonquins qui moururent avec eux et qu'on oublie trop souvent et qui se trouvaient dans le fortin.

Précisant ensuite que les Blancs étaient dans une redoute, i.e. faisaient une guerre de position et que les Hurons n'ayant pu trouver place durent faire une guerre de mouvement, c'est-à-dire, qu'à eux seuls ils durent subir les assauts de l'ennemi à découvert, et un contre vingt, il nous posera cette question fort embarrassante: "Pourquoi vos soldats de Hong-Kong, débordés par le nombre bien qu'ils aient dû se rendre, sont-ils regardés comme des héros et que les Hurons 1 contre vingt, agissant de la même façon, les considérez-vous comme des lâches?"

Ne trouvez-vous pas qu'il y a deux poids et deux mesures dans vos verdicts?

Vous vous basez pour ce dire, sur le jugement d'un Radisson, qui ne fut même pas un témoin oculaire, mais passa à cet endroit, plusieurs jours plus tard. Même des fouilles archéologiques font douter de l'exactitude de ses dires, quant au site exact où il place cette redoute. Chez l'Indien, les jugements de gens de tel calibre: 3 fois transfuge et qui en 1681, livra aux Anglais le Fort Bourbon avec 400, 000 francs de fourrures, ne sont pas acceptés. On les considère comme des traîtres et non pas comme des héros!

Sur la barbarie de l'Indien, il en aura long à dire, et ce sera, croyons-nous, le seul endroit de son manuel, où il se departira [sic] de son flegme habituel.

Au massacre de Lachine, il donnera sa véritable cause: la perfidie de Denonville. Et soyons heureux qu'il ne mette pas la main sur la lettre que ce même personnage écrivait en juin 1687 au Marquis de Seignelay: "Les désordres et les libertinages, écrivait-il, ont été à une telle extrémité, que c'est merveille que les Sauvages ne les aient pas tous assommés pour se garantir des violences qu'ils ont reçues des Français."

S'il trouve cette lettre, il tirera la conclusion la plus logique": "Denonville aurait dû être la dernière personne à entrer dans la danse."

Pourquoi oublier, écrira-t-il encore, qu'au XVIIe siècle, nos ancêtres étaient bel et bien chez eux, et que les vôtres étaient les envahisseurs?, et que nos ancêtres étaient de l'époque néolithique? L'Européen avec toute la Civilisation dont il se targuait, a-t-il fait mieux? Les Espagnols, au temps de leurs conquêtes, les Anglais en Acadie, ne les ont-ils [26] égalés ou même surpassé?

Ouvrant les archives poussièreuses [sic] de St-Jean de Terreneuve [sic], il en sortira et compilera dans son manuel l'Enquête Royale, qui eut lieu au siècle dernier, sur la disparition de la tribu des Béotucks. Il nous fera constater, qu'en pleine paix avec ces Indiens, Anglais et Français fournissaient des armes à feu aux Micmacs pour les détruire; que trop de personnes tant anglaises que françaises, préféraient aller à la chasse à ces Indiens plutôt qu'à la chasse au gibier; qu'on faisait une coche au couteau sur la crosse des fusils pour chaque Indien abattu. Il nous citera des noms, tant français qu'anglais et il parlera entr'autres d'un des nôtres qui fut fameux et dont le nom était Roussel. Nous apprendrons qu'à la mort de la dernière personne de cette tribu, les journeaux [sic] de St-Jean de Terreneuve et de Londres versèrent des larmes de crocodile, puis il finira en écrivant: "vous avez inventé le mot génocide, il y a peu de temps, pour le crime d'un peuple européen qui avait tenté la disparition des Polonais. Sachez bien que ce mot aurait dû naître, il y a plus d'un siècle, car en pleine paix les deux plus grandes représentations ethniques du pays ont fait disparaître nos frères les Béotucks, et ce, jusqu'au dernier! barbarie qu'aucun peuple et aucune peuplade d'aucun siècle, n'a jamais eu à l'esprit."

"Cela ne démontre-t-il pas chez vous, au degré de civilisation que vous aviez atteint, un atavisme tel, que votre ancêtre de l'âge de pierre, quant à la barbarie, dut dépasser de beaucoup le nôtre de l'époque néolithique? Tous vos auteurs avant de parler de la barbarie de l'Indien, devraient se placer une fermeture-éclair d'une oreille à l'autre et ne jamais l'ouvrir."

Délaissant un si triste spectacle, il conduira ses frères vers des sphères plus élevées.

Citant encore le professeur Cohen, il écrira: "Quelques élèves seulement savent de nos jours, que les changements apportés à la vie du Blanc, par des professeurs indiens, sont beaucoup plus impressionnants que tous changements apportés par le professeur blanc à la vie indienne. Combien de fermiers blancs savent que les 4/7 e des produits de la ferme proviennent de plantes crées et domestiquées par les botanistes indiens de l'époque pré-colombienne? De l'agriculture du nouveau monde, enlevons les grands cadeaux indiens du maïs, du tabac, des pommes de terre blanches et sucrées, des haricots, des tomates, des arachides, des citrouilles, du chocolat, du coton américain et du caoutchouc, et la vie américaine perdrait plus de la moitié de sa [27] couleur et plus de la moitié de son revenu agricole. Sans ces cadeaux indiens à l'agriculture, les Blancs pourraient être relegués [sic] au niveau permanent de la demie-famine [sic] qui a placé les Européens, pendant des milliers d'années, prêts à vendre leur liberté pour une croûte et les cirques royaux."

"N'est-ce pas l'âme indienne, écrira-t-il encore, qui revit dans les divers concours athlétiques de votre vie canadienne, chose que la vieille Europe ne connaissait pas. C'est toujours elle qui accompagne vos chasseurs, vos Pêcheurs et vos prospecteurs en forêts; vous la retrouvez dans votre cuisine, dans votre linguistique et c'est encore elle qui est à l'origine de toutes vos plages qui regorgent de baigneurs dans la période estivale"

En Amérique, écrira-t-il toujours, chacun est son propre maître et cet esprit de liberté est de l'essence même de l'âme indienne: Pendant que l'Europe était aux prises avec le despotisme et que les Européens ployaient l'échine sous la férule de leurs maîtres, l'Indien ici était déjà libre. L'Angleterre du XVIIIe siècle la craignait peu avant la révolution américaine. "La passion chère à l'Américain, écrivait-on, est la liberté et ce, dans toute sa plénitude. Cette passion ne se limite pas seulement aux Indigènes, nos colons semblent être imbus des mêmes principes."

Si au dix-huitième siècle, la passion de Liberté fit perdre la Nouvelle-Angleterre au Royaume uni, il ne faut pas oublier que c'est la même passion qui, depuis quelques années fait crouler les empires et que ce vent souffle présentement tout autour de notre globe.

"Cette passion ajoutée au patrimoine de vos ancêtres leur a montré le chemin à suivre dans toutes les luttes héroiques [sic] qu'ils ont livrées sur les parquets de vos assemblées législatives pour l'obtention de vos libertés et de vos droits. La vie canadienne, tout comme celle de vos voisins, a puisé largement à l'âme indienne."

Presque sans transition, il nous transportera ensuite au fameux Congrès d'Albany de 1754 et nous citera les paroles du Grand Chef Iroquois Canassatago qui y prit la vedette: "Nos sages ancêtres ont établi l'union et l'amitié entre les Cinq Nations. Ceci nous a rendus formidables et nous a donné beaucoup de poids et d'autorité chez les nations limitrophes. Nous sommes une confédération puissante et si vous suivez les mêmes méthodes que nos sages ancêtres ont suivies, vous acquerrez une formidable puissance." Et c'est Benjamin Franklin qui [28] accepta cette directive et la defendit [sic] devant le même Congrès.

Il déclara donc que la fédération des Etats-Unis d'Amérique et la Confédération du Canada ont été moussées et ont pris modèle sur celle de la Confédération Iroquoise.

Dans son avant-dernier chapitre il lancera une flèche empennée d'ironie à nos auteurs de manuels d'Histoire: "A la Relation de 1635, vous avez omis ce texte touchant nos ancêtres: dans le mariage, un homme y demeurera deux ou trois ans sans connaître sa femme, tandis qu'elle est nourrice." Et celui de N.P. Willis: "Les jeunes gens des Cinq Nations se font gloire de leur manière d'agir envers l'autre sexe. D'une grande quantité de femmes qui sont tombées dans leurs mains pendant une longue nuit de guerre, et dont plusieurs étaient fort belles, aucune n'a eu à se plaindre que son honneur fut exposée [sic] ou même en danger." Et il ajoutera: "L'historien Colden confirme Willis lorsqu'il dit: On m'a toujours assuré qu'il n'existe aucun cas de la moindre violence contre la chasteté d'une femme prisonnière."

"Si ces textes ont échappé à vos auteurs de manuels, au moins, pourquoi n'en ont-ils pas cherché d'aussi élogieux pour ceux de leur nation?"

Puis il nous présentera son dernier chapitre:

"On a dit de votre ancêtre qu'il avait été d'une irréductibilité foncière envers la Civilisation blanche! Pourquoi avoir omis de dire que dès 1608, dans le coeur de nos Indiens riverains, se trouvaient déjà contre elle, tous les germes d'antipathie que les aventuriers de tout calibre de Cartier à Champlain y avaient déjà fait naître et que vos propres ancêtres, par les actes qu'ils ont posés contre les nôtres, pendant des siècles, ont fait éclore, grandir et se consolider?"

"Nous sommes devenus, il est vrai, une race apatride, dans un pays qui fut un jour entièrement le nôtre. Nous avons cependant une consolation: nous sommes vengés!: Par l'apport que nos ancêtres ont fourni aux vôtres dans les périodes d'adaptation, d'enracinement et de développements; dans vos luttes parlementaires, pour obtenir vos libertés - chose inconnue de la vieille Europe; par la forme de gouvernement que vous vous êtes donnée, - pendant des siècles vous n'êtes devenus qu'un pâle reflet de l'Europe;" car c'est d'une riche tradition démocratique indienne qu'immergea [sic] l'idéal politique distinct de la vie américaine: le suffrage universel pour les femmes aussi bien que [29] pour les hommes, le modèle des états dans un état que vous appelez fédération, la façon de traiter les chefs comme les serviteurs du peuple au lieu de leurs maîtres, l'insistance que l'état doit respecter la diversité des hommes et leurs rêves "toutes choses, vous les possedez [sic] aujourd'hui ,la veille Europe ne la connaissait pas, mais toutes ces choses faisaient partie de la vie américaine même avant l'arrivée de Colomb".

"Nous, nous vous avons donc américanisés, et vous, sans soubresauts, sans même vous en apercevoir, vous avez délaissé cette Civilisation, et tout comme vos ancêtres, les vôtres l'ont aussi rejetée."

Tel sera, croyons-nous, en un bref résumé, le manuel d'Histoire que le pédagogue indien tracera quelque jour - et ce, sans qu'à aucun tribunal on entende cette sentence fatidique: "C'est le principe même et les directives pédagogiques qui ne sont pas acceptables." (p. 30)

[...]

Nous recommandons donc:

1. Que le mot "Sauvage", terme trop péjoratif pour notre indien, disparaisse des manuels d'histoire, des journaux, à la radio, des cours de pédagogie, etc et qu'on ne le tolère que dans les citations. (p. 31)

[...]

5. Que le conseil de l'instruction publique rescinde son approbation aux manuels mis en cause.

6. Que pour la période intérim, jusqu'à la réimpression de nouveaux manuels, on tolère ces mêmes manuels, mais que des directives repensées et correctives [sic] soient données aux pédagogues.

Pour atteindre les cimes, il y a deux voies qu'on peut prendre: par la force et la puissance de ses ailes, comme l'aigle qui s'élève et parvient jusqu'aux sommets, ou en rampant, comme le serpent détruisant tout ce qui a vie sur son passage. Bien que lente, cette dernière méthode s'avère parfois une réussite.

Nous regrettons sincèrement qu'une mentalité déformée les aient conjugués toutes deux dans nos manuels.

Pourtant notre Histoire, bien que jeune avec un peu plus de trois siècles et demi d'existence, possède une telle richesse d'événements si variés, de combats si glorieux, d'aventures si grandioses et d'épopées de tous genres, que, si de nos manuels on en faisait disparaître toute la toxicité la plus absurde qui s'y trouve, chaque page de ces livres deviendraient [sic] des coups d'ailes nous élevant sans efforts, sans heurts, sans éclaboussures, vers les extraordinaires sommets que le Canada Français a glorieusement atteint [sic].

Nous recommandons donc:

7. Qu'un des grands principes de base des nouveaux manuels soit le respect intégral des représentations ethniques: française, anglaise, indienne - de sorte que, ces manuels pourront être mis indistinctement entre les mains des [33] enfants français, anglais et indiens, sans qu'aucun ne puisse voir ou même y soupçonner une atteinte à la fierté de sa propre race.

La refonte de ces manuels ne peut être laissée ni à leurs divers auteurs pas plus qu'a une seule personne, car quelle que soit sa compétence ou son autorité en Histoire, l'objectivité individuelle risquerait fort qu'on s'éloigne du principe de base établi précédemment.

Devraient siéger au dit Comité de Refonte: historiens, pédagogues, auteurs de manuels, représentation française, anglaise, indienne, ainsi que deux représentants de notre Comité car quelques membres ont cinquante ans d'étude sur l'Histoire de nos Indiens. Il ne serait que juste qu'ils aient droit au chapitre.

Nous recommandons donc:

8. La formation d'un comité de refonte qui aidera nos auteurs de manuels à les rendre conformes au principe de base précédemment énoncé.

9. Que ce dit comité soit formé d'historiens, de pédagogues, avec représentation française, anglaise, indienne et de quelques membres du comité de survivance indienne.

10. Qu'après la refonde des dits manuels, ce comité devienne le comité de recommandation, i.e. après analyse des nouveaux manuels, il avisera le conseil de l'instruction publique qu'il recommande ou refuse de leur recommander tel manuel à leur approbation.

11. Que ce comité de recommandation devienne permanent." (p. 34)

1962
xxx. Faculté des sciences sociales , économiques et politiques - Université de Montréal - Mémoire à la commission royale d'enquête sur l'éducation. S.l., s.n., 1962. 110 p.

"Criminologie

[...]

En ce qui concerne les manuels de langue française, la situation n'est pas alarmante dans notre discipline. Toutefois, il n'est pas exclu que nous soyons amenés, d'ici quelques années, à synthétiser les résultats de notre enseignement à l'usage de nos élèves dans un manuel, appliqué spécifiquement au milieu canadien. (p. 35)

[...]

Science économique

[...]

C) Maîtres et manuels

[...]

L'ACELF recommande en outre qu'on se préoccupe de faire préparer des manuels adéquats. Nous sommes entièrement d'accord sur cette proposition, puisqu'aucun manuel, parmi ceux qui existent à l'heure actuelle, ne peut être retenu à notre avis. Encore faut-il faire observer qu'en ce qui concerne les mécanismes économiques de base ou même de fonctionnement de certaines institutions, nous aurions profit, pour l'avenir immédiat, à faire traduire certains matériaux didactiques utilisés aux E.U. Le "National task force" en 1961 recommande l'utilisation de 97 titres d'articles ou de courts volumes entre lesquels nous pourrions choisir pour les répandre dans le Québec, une fois traduits. 1

1 - Committee for Economic Development: "Study materials for economic education in the schools. Supplementary paper" no. 12, 45 pages. (p. 59).

[...]

Sociologie

[...]

5. - Le problème de l'enseignement de la sociologie (manuels anglais et français) ainsi que la publication des travaux des professeurs.

Le problème des livres, de l'édition et du marché semble un des facteurs qui retarde particulièrement le développement des sciences sociales, car l'importation ne peut pas satisfaire aux besoins locaux. Il y aurait donc urgence de prendre les dispositions nécessaires pour que les livres français soient accessibles au marché canadien à des prix abordables et que d'autre part des primes et des bourses pour la préparation de manuels soient accordées aux écrivains canadiens-français par le Conseil Provincial des Arts ou par l'Association des universités de langue française." (p. 110).

1962
xxx. L'Association des collèges commerciaux, inc. - Mémoire à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 21 p.

"III. Les démarches auprès des autorités gouvernementales

[...]

Pour les manuels

Le problème se pose pour les manuels. L'Article 8A, item no 2, demande:

"D'utiliser les manuels approuvés par le Comité Catholique et jugés acceptables par le surintendant et en remettre la liste chaque année."

Comme les cours et les programmes des collèges de l'Association sont conçus pour répondre à des besoins différents, les manuels sont pour une bonne partie les mêmes que ceux exigés par le Comité Catholique, et pour l'autre partie sont quelque peu différents de ceux jugés acceptables par le Comité Catholique. Mais [19] ces manuels employés sont les plus à point dans chacune des matières et sont choisis pour préparer les élèves le mieux possible à répondre aux besoins de l'industrie et du commerce." (p. 20).

1962
xxx. La qualité de l'enseignement primaire public canadien-français - Mémoire de l'association des femmes diplômées des universités (Montréal) à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. Montréal, s.n., 1962. 221 p.

"CULTURE ET ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE

C'est évidemment en apprenant sa langue maternelle que l'enfant, l'élève, intériorise le plus de culture. Encore faut-il que cet enseignement de la langue maternelle ne soit pas aculturel.

Pour essayer de trouver la cause de la différence culturelle qui sépare le Canadien-Français des autres Français du monde, nous avons pensé comparer les manuels des deux enseignements, mais afin de ne pas être injustes envers nos propres manuels, nous avons lu d'abord le chapitre du programme d'étude des écoles élémentaires de la Province de Québec sur l'enseignement de la grammaire, et nous avons relevé dans ce chapitre plusieurs principes qui nous ont semblé culturellement discutables et qui expliqueraient l'incroyable appauvrissement culturel des manuels canadiens-français.

Ces principes imposent à l'enseignement une lenteur pédagogique quel'on trouve peut-être dans les manuels américains, mais nullement dans les manuels français. Les principes en eux-mêmes ne semblent pas mauvais; ils sont très souvent l'écho de ce que l'on trouve dans les programmes français mais c'est l'application qui en est faite ici qui nous parait discutable. Par exemple, lorsque nous lisons ceci:

"La méthode qui convient le mieux à l'enfant de l'école élémentaire, la mieux adaptée à son développement psychologique, c'et la méthode inductive dans laquelle l'observation joue un rôle de premier plan". [13]

Oui, mais voyons de quelle observation il s'agit:

"On fait observer à l'enfant commet il s'exprime lui-même, comment s'expriment ceux de son entourage, ceux qui parlent bien (introuvables au Canada!) Ceux qui écrivent bien".

La citation continue:

"Puis, à partir de quelques phrases du texte de la leçon, on l'amène à constater un fait constant (sic) qu'il est appelé à formuler dans son langage, c'est une définition ou une règle. Quand il l'a bien comprise et bien formulée, on la lui fait trouver dans son manuel en termes peut-être plus relevés ou mieux choisis mais exprimant la même idée foncière. De nombreuses applications pratiques la graveront davantage dans son esprit. Il n'aura plus qu'à la retenir. Dans les dernières années du cours élémentaire, quand les élèves possèdent déjà convenablement les éléments de la grammaire, il est bon de les habituer à la méthode déductive.

Il y a une limite qui s'impose dans l'utilisation de la grammaire, soit de ne pas faire apprendre aux enfants des notions qui dépassent leur degré de développement mental et leur puissance d'assimilation et même encore (sic) dans cette limite il faut encore s'en tenir à l'indispensable, laissant de côté les exceptions, les règles trop complexes et un bon nombre de verbes irréguliers que l'enfant n'aura peut-être jamais l'occasion d'employer et qu'on se contente de lui signaler au passage avec quelques explications appropriées.

Durant les trois premières années du cours élémentaire il ne peut être question que d'une initiation à la grammaire: c'est à partir de la quatrième année que commence l'étude systématique de cette matière en utilisant un bon manuel rédigé dans l'esprit de ce programme et adapté aux puissances d'assimilation de l'enfant".

Nous décelons dans ces textes, du moins tels qu"'ils sont appliqués ici, un premier danger et c'est celui de sous-estimer l'enfant. Une chose est certaine: c'est que le petit Canadien-Français n'est pas traité intellectuellement comme un petit Français. Il est intellectuellement sous-alimenté. Il est traité en petit Américain que l'on ne veut pas fatiguer. Il est traité comme cela en tout, sauf en religion où c'est le contraire qui arrive, les problèmes - par exemple "les péchés volontaires contre la foi" [14] - étant souvent abordés trop tôt et presque trop scientifiquement.

Ainsi, quand on lit que durant les trois premières années il ne peut être question que d'une initiation à la grammaire, on se demande pourquoi le petit Français, lui, a une grammaire dès la neuvième année, l'équivalent de notre troisième.

Nous avons reçu le témoignage que cette espèce de dictature exercée par la science pédagogique rendait difficile la préparation de manuels culturellement plus substantiels. Les auteurs des manuels doivent sans cesse prendre garde de ne pas employer tel ou tel mot qui est défendu pour telle catégorie d'âge ou d'élèves. Ici nous posons de nouveau un problème pédagogique. Pourquoi fait-on faire aux petits Canadiens-Français en deux ans et demi ce que le petit Français fait en un an; c'est ainsi que le manuel Boscher pour le cours préparatoire français couvre la matière de deux manuels Forest-Ouimet, sinon de deux manuels et demi.

La lecture comparée des manuels de français nous a permis de faire les constations suivantes: le livre français est plus riche, tant par l'illustration si importante pendant les premières années, que par le texte. On sait combien l'image est importante, combien l'enfant regarde, fouille et absorbe l'image. Comment ne pas admirer les illustrations si poétiques, si riches, d'une Jacqueline Ducher ou d'une Hélène Poirier, véritable nourriture pour l'intelligence à travers les yeux. En regard, l'illustration canadienne est pauvre, commerciale et froide. Disons tout de suite que si c'est l'absence de rentabilité qui explique cette pauvreté du manuel canadien, il serait alors plus économique d'importer des manuels européens. Il sera en tout cas préférable [15] de puiser et d'emprunter à l'illustration française plutôt qu'à l'illustration américaine comme nous le faisons malheureusement trop souvent.

Une observation analogue peut être faite à propos des textes. La langue des manuels français est abondante, alerte, concrète, impeccable, ce qu'on ne peut absolument pas affirmer des livres canadiens dont la langue est pauvre, souvent abstraite, lourde et très souvent incorrecte.

Il y a un état de choses plus grave encore. Le livre français est d'une psychologie plus fine et plus juste. Nos livres à nous sont affligeants de moralisme hors de propos. La présence même d'un certain vocabulaire moral et religieux devient vraiment pénible: ces mots très précieux gagneraient à être "privilégiés" et réservés aux classes de religion. Leur emploi trop fréquent produit une véritable crispation et l'enfant finit par se boucher intérieurement les oreilles, comme pour se protéger d'une publicité agressive et indiscrète.

Nos manuels renferment aussi des erreurs psychologiques parfois grossières qui infantilisent et peuvent aller jusqu'à brouiller la limpide intelligence de l'enfant. Il ne faut pas se faire une fausse idée de l'enfant. L'enfant n'est pas puéril, l'enfant n'est pas bête: il est extraordinairement intelligent et réceptif. Il faut le nourrir de beauté, de bonté, de vérité. Il ne faut pas fausser don goût, ni tordre ou enlaidir son esprit.

Nous trouvons des exemples de procédés infantilisants dans le "Guide du maître du premier livre de lecture Forest-Ouimet, telle cette explication: [16]

"Faites remarquer que l'on n'écrit pas ji, c'est si dangereux deux points levés à côté l'un de l'autre. Ils peuvent se battre comme des enfants mal élevés et alors, pour éviter cela on ne place pas le i à côté de la lettre j. Plus tard ils rencontreront peut-être les monts jingo, jitsu, mais comme ce sont des mots d'usage peu courant mieux vaut les ignorer pour le moment afin de faciliter l'orthographe chez les petits". (Forets, Marguerite et Ouimet, Madeleine, Guide du maître: mon première livre de lecture, 5e éd., Granger, c1948, p. 78)

Un autre exemple: pour apprendre la lettre p, on propose une petite scène mimée:

"On demandera à chaque enfant de faire un souhait, puis d'imiter le bruit que faisait Paul en soufflant dans sa pipe. Si le souhait est vain, le professeur fera claquer ses doigts et dira que la bulle s'est brisée. Si le souhait est bon, il montrera la bulle qui s'élève au plafond. On aura eu soin de se procurer un ballon. Celui-ci s'élèvera et ne se brisera pas. Après, on le fixera au haut du tableau ou de la porte, mais bien en vue, pour rappeler aux enfants que seuls les souhaits raisonnables sont bénis de Dieu. On pourra ainsi donner une leçon morale tout en faisant apprendre le bruit de la leçon". (Forets, Marguerite et Ouimet, Madeleine, Guide du maître: mon première livre de lecture, 5e éd., Granger, c1948, p. 88)

Nous avons là un exemple typique de l'enseignement canadien. Un autre exemple illustre bien cette minimisation que l'on fait de l'intelligence enfantine:

"Comme il est impossible de faire comprendre à des petits enfants pourquoi la lune et les étoiles n'apparaissent qu'après le coucher du soleil, on peut leur raconter la jolie légende suivante empruntée à Fadette. Le soleil fait très bon ménage avec sa femme la lune mais leurs enfants devinrent si nombreux et prirent tellement de place dans le firmament que le soleil proposa à sa femme de les manger. La lune qui adorait ses enfants se demanda comment elle allait faire pour les soustraire à leur père dénaturé et sans coeur. Un jour donc, ronde, comme vous savez, la lune ramassa tous ses enfants et partit avec eux. Depuis ce temps-là, chaque fois que le soleil apparaît de ce côté-ci de la terre, la lune et les étoiles disparaissent de l'autre côté, pour réapparaître quand il est parti." (Forets, Marguerite et Ouimet, Madeleine, Guide du maître: mon première livre de lecture, 5e éd., Granger, c1948, p. 33)

Et voici l'explication qui est donnée:

"Plus tard l'enfant découvrira que cette explication n'est qu'un conte, mais il vous sera reconnaissant d'avoir bercé son enfance de légendes et de contes. A cet âge, il se [17] se meut avec délices dans un monde de féérie [sic] tout aussi rèel pour lui que l'autre. Laissons libre cours à son imagination. Ne déflorons pas trop tôt son âme au contact de la réalité toujours un peu sèche et prosaïque..." (sic)

Un autre exemple: il s'agit cette fois d'illustrer la lettre, le son gn:

"Il y avait une fois une petite fille qui ressemblait au sapin dont nous avons parlé. Elle n'était jamais contente de ce qu'elle avait et enviait toujours ses petites amies. Un jour, par exemple, elle avait vu un beau foulard au coud'une de ses compagnes. Le soir, elle pleurnicha tant, gn, gn, gn, que sa mère dut lui en acheter un plus beau. Mais le lendemain, elle se le fit voler et revint encore de l'école en pleurnichant, gn, gn, gn. Sa mère, pour la consoler, lui acheta alors une belle robe de soie blanche. Celles-ci choquées (on suppose que ce sont des petites filles, des petites compagnes), par son orgueil, prirent plaisir en jouant avec elle à salir sa robe et à la froisser. Elle revint donc encor une fois à la maison en pleurnichant, gn, gn, gn. Sa mère alors pria le bon Dieu pour que la petite fille cessât d'être envieuse et elle fut exaucée." (Forets, Marguerite et Ouimet, Madeleine, Guide du maître: mon première livre de lecture, 5e éd., Granger, c1948, p. 33)

Il est inouï de trouver dans les livres canadiens-français un tel étalage de péchés, de fautes, d'attitudes négatives et une publicité constante faite au mal. Un enfant qui n'aurait aucune idée de ce qu'est l'envie, qui n'aurait jamais eu ce genre de mauvaise pensée, risque d'en attraper le microbe à l'école. On développe aussi toute une attitude superstitieuse. Ces histoires rappellent un peu le climat psychologique de certains livres de la comtesse de Ségur. C'est un climat qui ne correspond pas du tout au climat de l'enfance, mais c'est le climat de la culpabilité de l'adulte; ce sont les fautes de l'adulte qui sont projetées sur les enfants. Les manuels français, eux, respectent l'enfant. Ils sont plus denses, moins dilués. Cette dilution de la matière enseignée, ce ralentissement dans le rythme [18] de l'apprentissage semblent venir de la pédagogie américaine; le climat ne nous semble pas une excuse, ni une explication suffisante.

Le livre français ne craint pas de mettre sous les yeux de l'enfant qu'il respecte, des textes de maîtres, alors qu'on a l'impression, dans le manuel canadien, que le texte est au service de la grammaire et de la science pédagogique. Des paragraphes pénibles ont été écrits dans un but déterminé, tandis que le manuel français donne au contraire l'impression que la grammaire est au service du texte, ce qui est la vérité en matière de langue. En effet, on commence par parler et écrire avant de déduire les lois de langage. La langue est quelque chose de vivant dans les manuels français, tandis que les manuels canadiens l'enseignent en chose morte. Ici, nous citons la préface du Manuel Grammont et Hamon:

"La grammaire étant inséparable de la langue, la leçon part toujours d'un texte, choisi parmi les oeuvres de bons écrivains modernes et capable d'éveiller par sa fraîcheur ou son pittoresque l'intérêt de l'enfant. Ce passage peut constituer un exercice de lecture où le maitre [sic] dégagera rapidement l'exemple écrit en gros caractères". (Grammaire française, cours moyen 6e, p. 6)

Les petits Français apprendront à lire dans des textes de maîtres, de grands écrivains; le petit Canadien, lui, apprend à lire dans des textes lourds et souvent incorrects d'où le génie de la langue, la musique, la vivacité, la justesse de l'expression ou le bonheur d'expression sont cruellement absents.

Nous avons relevé la liste des auteurs cités dans le manuels canadiens et français. Notons que les auteurs relevés [19] dans les manuels canadiens sont rarement les auteurs du texte même de la leçon, mais sont plutôt des textes ajoutés et facultatifs. Par ailleurs, dans les manuels français, la leçon se fait le plus souvent à partir du texte d'un auteur, ainsi que l'indique ce passage de la préface de Louis Gabet:

"Les grammaires modernes sont, à juste titre, orientées vers la rédaction. C'est ce qui nous a conduits à faire, dans nos exercices, un large emploi de phrases empruntées aux auteurs. L'entité grammaticale se trouve, de ce fait, située dans son vrai milieu, la langue. L'ambiance littéraire qui se dégage de l'ouvrage combat le didactisme de cet enseignement. Elle offre un cadre riche, coloré, aux sujets de rédaction procédant des centres d'intérêt..." (p. 3)

Mais, avant de dresser la liste des auteurs, nous voudrions établir un parallèle entre certains textes pour bien illustrer ce que nous avons vu. Disons que les méthodes diffèrent. La méthode française Boscher ne donne qu'une phrase à l'enfant, une phrase qu'il peut lire, tandis que la méthode Forest-Ouimet donne au professeur une longue histoire qu'il peut lire aux enfants et faire mimer.

Comparaison de textes: D'abord, dans le livre de la méthode Boscher, l'enfant qui apprend la lettre j a sous les yeux un seul membre de phrase: "La joie au jour de l'An", tandis que le livre canadien propose une histoire que l'enfant ne peut évidemment pas lire mais qui constitue la base de la démonstration que l'institutrice doit donner et voici ce texte: [20]

"L'Ange gardien

Quand Jovette vint au monde, les mauvais anges s'empressèrent d'accourir. Il y avait l'ange de la paresse, l'ange de la vanité, l'ange du plaisir défendu. Ils paraissaient beaux de loin, mais, de près, ils avaient une figure grimaçante et, quand ils volaient, leurs ailes claquaient comme celles des chauves-souris.

Un bruit d'ailes, cette fois, très doux, JJJJ, les mit en fuite. Ils partirent en promettant de revenir plus tard. L'ange gardien de Jovette, car c'était lui, commença à veiller son berceau. Parfois, il battait joyeusement des ailes: JJJJ, et l'enfant se mettait à sourire. C'est ce qu'on appelle: sourire aux anges.

Pendant longtemps Jovette resta pieuse et sage. Chaque fois qu'elle était tentée de faire une vilaine action, elle entendait le JJJJ tout triste de son ange qui s'éloignait et cela suffisait à l'arrêter.

Puis elle eut vingt ans, et comme elle était aussi légère que jolie, elle se dissipa. Au milieu du bruit des fêtes et du plaisir, jamais plus elle n'entendait le JJJJ attristé de son ange gardien.

Un matin, cependant, en revenant de la danse, elle se sentit très malade et comprit qu'elle allait mourir. Elle était seule, et dans le grand silence de sa chambre, elle perçut le bruit d'ailes si longtemps oublié: JJJJ. Avec émotion, elle se rappela son enfance pieuse, une larme de repentir perla à sa paupière et elle expira.

Elle fut transportée devant le Divin Juge tenant une balance à la min. (sic) Les démons vinrent et entassèrent dans un des plateaux tous ses péchés. En voyant comme ils étaient nombreux, elle crut qu'elle était perdue. Mais elle entendit son bon ange arriver en hâte JJJJ. Il n'avait pas grand'chose; tout ce qu'il put trouver, ce fut une pauvre petite larme qu'il déposa dans l'autre plateau de la balance. Mais ô surprise! Le plateau se mit à pencher; la petite larme pesait plus que tous les gros péchés.

L'ange gardien de Jovette prit donc son âme et, volant joyeusement, JJJJ, il l'emporta au ciel. " (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 46) [21]

Ce texte est encore caractéristique, c'est un texte typique de nos manuels. Tout y est: le mythe, l'obsession, la superstition, la langue incertaine, par exemple cette phrase: "Elle fut transportée devant le Divin Juge tenant une balance à la main". On ne sait pas ci c'est le Divin Juge ou si c'est Jovette qui tient la balance.

Si nous scrutons maintenant la page 19 de la méthode Boscher (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959), nous voyons que l'auteur n'a aucun scrupule à placer le "i" à côté du "j"; l'auteur n'hésite pas non plus à faire apparaître le "je" à côté du "ê"; ainsi, le petit Français apprend deux syllabes de plus que le petit Canadien. Le petit Français apprend jo, ji, ju, je, ja, jè, jê; le petit Canadien apprend jo, ja, ju, je jè. La méthode Boscher n'a aucun scrupule non plus à placer le "j" devant "oi" ou le "ou" même si ces derniers sons n'ont pas encore été vus; ils le seront d'ailleurs, et de les voir déjà, entraîne l'enfant vers le progrès.

Si nous cherchons maintenant comment est traitée la lettre g dans les différents manuels, nous trouvons que le manuel Boscher donne un seul membre de phrase, comme d'habitude (p. 20): "Le marché aux légumes".

Nous trouvons dans le manuel Clérambault, "Au Jardin de la Joie", manuel de méthode mixte, la lettre g traitée tout de suite avec toutes ses possibilités, et l'enfant peut au moins poser ses yeux sur un texte comme celui-ci (p. 28) [22]

"La guêpe gourmande

Petite guêpe gourmande,
agile et légère,
tu vas dans le verger, et tu voltiges
sur la marguerite et la giroflée.
Puis tu viens vendanger
les grappes rouges et dorées

Tu goûtes le jus sucré
Goulûment, tu vas te gaver
Gare au piège, petite guêpe,
gare à l'araignée qui te guette!"

Dans une autre page du manuel Clérambault, nous pouvons lire des phrases comme: "La guêpe agile et légère". (p. 28).

Ce manuel donne à lire et à écrire deux vers d'Emile Verhaeren:

"Et comme des bulles légère, mille abeilles
Sur des grappes d'argent vibrent au long des treilles". (p. 28)

Si nous citons ainsi largement les manuels français c'est pour bien montrer que ces livres ne craignent pas d'entraîner l'enfant vers des difficultés. Certains manuels de méthode mixte sont de véritables initiations poétiques qui communiquent vraiment le rythme, la musique de la langue française. Nous citons du même manuel, encore sur le g (p. 29):

"Gare à toi, souris grise!

Petite souris grise,
je vois ton regard qui brille
et ta fine queue qui s'agite
et qui sautille [23]

C'est toi qui manges
les noix et le fromage.
Tu trottes de la cave au grenier
et toujours tu grignotes et ronges
le linge et les papiers.
Gare à toi, souris mignonette [sic],
Minouche te guette!"

Et la phrase à étudier, c'est: "Tu grignotes et tu ronges".

Pour illustrer la lettre g, le manuel canadien nous donne la petite histoire suivante:

"La désobéissance de Gaétane

Gaétane fait sa première communion ce matin. Sa jolie robe blanche et son voile brodé sont là étendus avec soin sur le lit, pendant qu'elle achève sa toilette. Comme elle a eu mal à la gorge, ces jours derniers, sa mère lui a acheté un gargarisme en lui recommandant bien de ne pas se gargariser ce matin-là de peur d'en avaler et de ne pouvoir communier.

Mais Gaétane n'en fait jamais qu'à sa tête. Elle se dit qu'elle peut se gargariser sans rien avaler. Elle prend donc une petite gorgée et avec prudence, commence à se gargariser: ggg; elle la rejette, certaine qu'elle n'a rien avalé. Alors, elle en prend une plus grosse et de nouveau on entend ggg.

Mais juste à ce moment, Boule-de-neige, son petit chat, a sauté sur sa robe blanche, où il s'installe avec délices. Gaétane le voit, va pour pousser un cri, s'étouffe et avale une partie de son gargarisme.

Pour n'avoir pas obéi, Gaétane n'ira pas à la sainte table, avec ses compagnes en blanc, au milieu de la musique et des chants. Elle communiera plus tard, toute seule et un peu tristement." (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 68).

Nous voulons souligner dans ce texte vraiment peu poétique le passage ci-après: [24] "Sa mère lui a acheté un gargarisme en lui recommandant bien de ne pas se gargariser ce matin-là de peur d'en avaler".

On trouve le mot "en" bien loin de "gargarisme" qu'il représente. On trouve aussi bien gauche l'expression"va pour pousser un cri".

Pour le groupe du ch, le manuel Boscher donne la phrase suivante toute simple: "Le cheval tire la charrue" (p. 21) tandis que le manuel de méthode mixte Clérambault offre ce petit poème (p. 21):

"Le chat qui dort

Chat, chat, chat,
Chat noir, chat blanc, chat gris,
Chat, chat, chat,
N'entends-tu pas les souris
Danser à trois des entrechats
Sur le plancher?

Tristan Klingsor, Le Valet de coeur, Mercure de France)"

Le manuel canadien donne l'histoire suivante:

"Chantal et son petit chat

Chantal, confortablement assise, chante pour endormir sa poupée, tandis qu'à ses pieds, son petit chat blanc ronronne tapageusement.

Ch... ch... vilain bavard, tu vas réveiller mon bébé.

Oh, Oh, te dis-je, et avec une petite tape, elle éloigne l'indiscret minou qui , croyant sa petite maîtresse fâché, s'en va tristement se cacher.

Chantal couche son bébé dans son petit carosse [sic] et comme elle a bon coeur, se met à la recherche du coupable. Elle [25] le trouve sous le poêle. Elle le prend dans ses bras, et tout en le caressant, lui chuchote à l'oreille:

Mon pauvre petit, pourquoi ne pas te taire lorsque je te dis ch... ch... Vois-tu en classe, tous les élèves obéissants écoutent leur institutrice lorsqu'elle fait ch..., ch...

Minet, la tête basse, à l'air de comprendre ce petit sermon, et même on dirait qu'il promet, à sa façon, de se taire maintenant lorsqu'il entendra le ch..., ch... de sa petite protectrice.

Pour le récompenser, Chantal lui sert un bon bol de lait ... et ... le petit chat de se dire: On est bien plus heureux lorsqu'on est gentil!" (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 78)

Dans cette même leçon sur le ch, nous trouvons dans le manuel canadien cette phrase un peu curieuse: "Papa a acheté une machine". (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 81) On se demande dans quel sens est pris le mot "machine"; nous espérons toutes que ce n'est pas dans le sens d'"automobile". Nous trouvons entre autres des phrases moralisatrices, telles que: "évite le péché", "Nicole fera la charité" et nous relevons dans le vocabulaire, par exemple, le mot "sacoche" de même que cette phrase qui nous semble étrange "Léo recule Fido". Nous comprenons l'expression "reculer une chaise", mais quand il s'agit d'un animal nous préférerions lire: "Léo fait reculer Fido". (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 81)

Citons encore quelques textes pour nous donner une idée de l'esprit de nos manuels canadiens-français.

Pour la lettre s, le manuel Forest-Ouimet propose le texte ci-après (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 24) [26]

"Le bonhomme dans la lune

Accoudée à sa fenêtre, Suzette regarde la lune avec de grands yeux curieux. C'est que sa mère, hier, lui a conté une bien étrange histoire.

Il y avait autrefois, dans un village lointain, un homme qui gagnait sa vie à scier du bois. Dès l'aube, le matin, on entendait s sss sss. C'était notre homme qui sciait. Et le soir, quand le village était déjà endormi, le s sss sss continuait toujours.

Mais, si le scieur était travaillant, il n'était pas pieux. Et souvent, le dimanche à l'église, entre deux oraisons, on entendait venant du dehors: s sss sss.

Il t'arrivera malheur, disaient les voisins, tu n'as pas le droit de voler le jour du bon Dieu. Le bonhomme souriait, haussait les épaules et la scie continuait: s sss ssss.

Un jour, au retour de la messe, on s'aperçut que le bruit avait cessé. On chercha: plus de scieur, plus de scie et plus de chevalet, rien que les morceaux de bois.

Mais le soir, dans le grand silence, il sembla aux villageois entendre au-dessus de leurs têtes le s sss sss bien connu. Ils levèrent les yeux au ciel et aperçurent dans la lune, notre homme condamné à scier sans s'arrêter jamais.

Accoudée à sa fenêtre, Suzette cherche dans la lune, le bonhomme qui scie du bois ... et se promet de ne jamais travailler le dimanche."

Pour la lettre l, le manuel Forest-Ouimet propose (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture, p. 9):

"La punition de Luce

Lll ... lll ... c'est la cloche qui annonce la fin de la récréation et demande le silence. Mais la cloche qui arrête la langue des autres élèves n'arrête jamais celle de Luce. C'est même à ce moment-là que la langue lui démange davantage. La maîtresse lui a dit à plusieurs reprises qu'elle la punirait de son bavardage, mais rien ne peut la corriger.

Or, voici qu'une nuit, Luce rêve qu'elle est dans la cour de l'école et que la cloche sonne la fin de la récréation ... lll ... lll ... Comme d'habitude, Luce continue de bavarder en cachette jusqu'à son pupitre. [27]

A peine installée, la maîtresse lui demande de faire la lecture. Mais, ô prodige, le seul son qui sort de sa bouche c'est celui de la cloche ... lll ... lll ...Me voilà punie de ma désobéissance! pense-t-elle avec désolation. Mon Dieu, guérissez-moi, je ne serai plus bavarde, je vous le promets.

A ce moment, elle s'éveille, heureuse d'être dans son lit. Ce n'était qu'un mauvais rêve, mais Luce a quand même tenu sa promesse."

Comme nous l'avons peut-être signalé déjà, l'enseignement canadien-français est plus lent que l'enseignement français. Le petit Canadien-Français met deux bonnes années à apprendre la substance du livre Boscher du cours préparatoire français. Dans le deuxième livre de lecture de Forest-Ouimet, nous rencontrons, à la page 7, cette phrase qui nous semble incorrecte:

"Le gamin a monté dans un arbre", au lieu de: "Le gamin est monté dans un arbre".

Dans un manuel canadien de 2ème année, nous avons retrouvé un autre texte moralisateur et cette fois l'enfant peut lire lui-même:

"Une souris punie pour sa gourmandise".
"Un papillon paresseux" (qui ne fait pas de miel!)

et ainsi de suite.

Nous avons dressé une liste des auteurs cités dans les manuels canadiens et dans les manuels français. Dans le premier [28] manuel Forest-Ouimet (Forest-Ouimet, Mon premier livre de lecture), aucun auteur cité; dans le deuxième, deux auteurs: Jeanne L'Archevêque-Duguay et Léon Xaroff. (Forest-Ouimet, Mon deuxième livre de lecture)

Parallèlement, nous trouvons à la fin du manuel de la méthode Boscher (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 60) environ dix-sept textes dont nous aimerions citer ici quelques exemples. Ce sont des textes que les petits Français ont sous les yeux dès leur année préparatoire, leur première année, c'est-à-dire à six ans.

"Ma soeur la pluie

Sur des tapis de fleurs sonores,
De l'aurore jusqu'au soir,
Et du soir jusqu'à l'aurore,
Elle pleut, elle pleut encore,
Autant qu'elle peut pleuvoir.
Puis, vient le soleil qui essuie
De ses cheveux d'or,
Les pieds de la pluie.

Charles Van Lerberghe.

Les petits canards

Ils vont, les petits canards,
Tout au bord de la rivière
Comme de bons campagnards.
Barbotteurs et frétillards;
Heureux, de trouver l'eau claire,
Ils vont les petits canards.

Marchant par groupes épars
D'une allure régulière,
Comme de bons campagnards,
Chacun avec sa commère,
Comme de bons campagnards,
Ils vont les petits canards.

Rosemonde Gérard, Les Pipeaux, Fasquelle, éditeur)."

On y trouve aussi des textes de Perrault, "Les Lapins" de Jules Renard, et un autre poème de Mme Annaïk LeLéard que nous citons (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 62): [29]

"L'escargot

Où vas-tu ce soir petit escargot?
J'allais t'écraser sous mon lourd sabot
Quand j'ai vu briller ta rose coquille.
Mais qu'as-tu? La peur te recroqueville!

D'un air tout craintif tu rentres ton nez!
Tu boudes peut-être! Allons! c'est assez!
Qu'à ce temps d'arrêt ton émoi se borne:
Mon beau limaçon, montre-moi ta corne!

Annaïk LeLéard"

Parmi ces textes cités à la fin du manuel de la méthode Boscher, figurent un texte de Paul Arène "Les chats de mon grand-père", "La Bique, le Loup et les Biquets", fable de LaFontaine, et le poème suivant de Jean Richepin (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 64):

"Trois petits oiseaux

Au matin se sont rassemblés
Trois petits oiseaux dans les blés.
Ils avaient tant à se dire
Qu'ils parlaient tous à la fois,
Et chacun forçait sa voix:
Ça faisait un tire-lire
Tire-lire la ou la!

Un vieux pommier planté là
A trouvé si gai cela
Qu'il s'en est tordu de rire.
A midi se sont rassemblés
Trois petits oiseaux dans les blés.

Jean Richepin."

Tous ces textes sont illustrés d'une façon ravissante par Jacqueline Ducher.

Et nous poursuivons l'énumération des textes offerts à l'enfant de six ans: "La pêche d'Isengrin", d'après le Roman de Renard (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 65) [30]

"Le printemps", poème de Lucie Delarue-Mardrus, que nous citons (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 66):

"Le printemps

Au printemps, on est un peu fou.
Toutes les fenêtres sont claires,
Les prés sont pleins de primevères,
On voit des nouveautés partout.

Les oiseaux chantent à tue-tête,
Et tus les enfants sont contents.
On dirait que c'est une fête...
Ah! que c'est joli, le printemps!

Lucie Delarue-Mardrus."

"Les Papillons", poème de Jean Rameau, que nous citons (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 66):

"Les papillons

Blancs, bleus, gris, noirs, prompts, gais, fous, lestes,
Et titubants, et fanfarons,
Les papillons, ces fleurs célestes,
Battent l'air de leurs ailerons.

Ils déjeunent de primevères,
Font la dinette sur les lis
Et vont boire des petits verres
D'azur dans les volubilis.

Jean Rameau."

"La Chèvre de M. Séguin", d'Alphonse Daudet. (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 67)

"Je suis le Vent", poème d'Emile Verhaeren, que nous citons (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 68):

"Je suis le vent

-Ouvrez les gens! Ouvrez la porte!
Je frappe au seuil et à l'auvent.
Ouvrez les gens! Je suis le Vent
Qui s'habille de feuilles mortes. [31]

-Entrez, Monsieur, entrez, le Vent,

Voici pour vous la cheminée
Et sa niche badigeonnée,
Entrez chez-nous, Monsieur le Vent.

Emile Verhaeren."

Un extrait d'un conte tiré d'Andersen "Le petit sapin". (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 68-69)

Un texte de Victor et Paul Margueritte. (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 70) Un texte d'Anatole France: "Jean Jeanne à la pêche." (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 71)

"La Ronde" de Paul fort, que nous citons (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959, p. 72):

"La Ronde

Si toutes les filles du monde voulaient se donner la main, tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien être marins, ils feraient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si tous les gens du monde voulaient se donner la main."

Si, d'autre part, nous feuilletons les autres manuels français, les manuels de méthode mixte employés par des écoles privées canadiennes (Maternelle Saint-Germain), nous trouvons également des textes culturellement très riches. Dans le livre "Au Paradis des bêtes" de Defond et Laramée, nous trouvons "La rond des petites filles" de Victor Hugo (Defond, L. et Laramée ,G., Au paradis bêtes - Méthode de lecture, Paris, p. 3) puis un poème de Lucie Delarue-Mardrus, "Le méchant chat de Paris" (p. 10), "Le Vent" d'Emile Verhaeren (p. 22), et "La pluie" de Jean Richepin (p. 26). Nous citons quelques-uns de ces textes, à savoir: [32]

"La ronde des petites filles

Dansez, les petites filles
Toutes en rond.
En vous voyant si gentilles
Les bois riront.

Dansez, les petites belles,
Toutes en rond.
Les oiseaux avec leurs ailes
Applaudiront.

Victor Hugo"

"Le méchant chat de Paris

C'est un méchant chat de Paris
Toute viande est pour lui souris.

Il prend dans les assiettes
Ne laissant que les miettes,
Et dit: C'est à moi, je l'ai pris!
Oh! Le méchant chat de Parie!
Lucie Delarue-Mardrus."

"La pluie
Il tombe de l'eau
Plic, ploc, plac,
Il tombe de l'eau plein mon sac.

Il pleut, ça mouille,
Et pas de vin.
Quel temps divin
Pour la grenouille!
Il tombe de l'eau plein mon sac.

Après la pluie, viendra le vent.
En arrivant
Il vous essuie.

Il tombe de l'eau,
Plic, ploc, plac,
Il tombe de l'eau plein mon sac.

Jean Richepin." [33]

Ces auteurs de manuels français sont eux-mêmes parfois des poètes et leurs textes deviennent une véritable initiation à la poésie, à la musique de la langue. Ainsi, par exemple (Defond, L. et Laramée ,G., Au paradis bêtes - Méthode de lecture, Paris, p. 30):

"Didi la dinde

Le ciel est gris, voilà la pluie.
Didi, as-tu pris ton parapluie?
Il est à la maison, le parapluie de Didi.

Il rit, le lapin, il rit de la pluie,
Il est caché sous le sapin,
C'est un malin petit lapin."

Nous trouvons encore dans le même manuel un poème de Maurice Carême (Defond, L. et Laramée ,G., Au paradis bêtes - Méthode de lecture, Paris, p. 38):

"La souris de Paris

Sous un pont de Paris,
Il est une souris
Qui n'a pas de mari.

Elle n'a pas de nid
Et elle est si vilaine
Que tout le monde en rit.

Elle pleure d'ennui
Et jamais un ami
Ne console sa peine.

Elle file sans bruit
D'élégantes mitaines,
Pour les autres souris
Qui, la nuit, se promènent
Sous les ponts de la Seine
Au bras de leur mari."

Et, enfin, le poème de Francis Jammes, intitulé "J'aime l'âne", que nous citons (Defond, L. et Laramée ,G., Au paradis bêtes - Méthode de lecture, Paris, p. 43): [34]

"J'aime l'âne

J'aime l'âne si doux
Marchant le long des houx;

Il prend garde aux abeilles;
Et bouge ses oreilles;

Il va près des fossés,
D'un petit pas cassé.

Il réfléchit toujours,
Ses yeux sont de velours.

Et il reste à l'étable,
Fatigué, misérable.

Il est l'âne si doux
Marchant le long des houx."

Nous retrouvons le même souci poétique dans le manuel Clérambault dont nous citons quelques extraits (Au jardin de la joie. Méthode moderne de lecture - 1er et 2e livrets, p. 9):

"Le repas mijote
Dans le grand chaudron.
Grand-mère tricote
Le chat fait son ronron!

Annaïk LeLéard."

"Il pleut, il pleut (p. 10)

Les gouttes tintent sur les vitres
et clapotent sur les branches.
L'eau glisse sur le pavé,
elle emplit le caniveau,
elle gonfle le ruisseau
qui roule son flot:
glouglou, glouglou!
Le vent siffle: hou! Hou!

La pluie (p. 10)

Aux carreaux blancs, j'écoute
Tomber l'eau froide en gouttes!

Francis Jammes. [35]

A la claire fontaine, (p. 11)
M'en allant promener,
J'ai trouvé l'eau si claire
Que je m'y suis baigné.

La lune blanche (p. 14)

La lune blanche
Luit dans le bois
De chaque branche
Part une voix.

Verlaine.

Tourne, tourne (p. 18)

Tourne, tourne, ma toupie,
De plus en plus en plus fort,
Tourne, tourne, je t'épie,
Tourne, tourne encore.

Lucie-Delarue-Mardrus.

Dans les bois noirs (p. 19)

En rentrant de l'école
Par un chemin perdu,
J'ai rencontré la lune
Derrière les bois noirs.
Elle était ronde et claire
Et brillante dans l'air.

Madeleine Ley

La rivière est la mère des poissons et des fleurs,
Des arbres, des oiseaux, des parfums, des couleurs.

Rémy de Gourmont.

La rose du jardin (p. 36)

La rose se penche
Et meurt au rosier,
Un geai sur la branche
Crie à plein gosier

Annaïk LeLéard." [36]

Et, enfin, un très joli poème d'Annaïk LeLéard, extrait de "Au Jardin de la Joie", "Un nid sous les roses" (Au jardin de la joie. Méthode moderne de lecture - 1er et 2e livrets, p. 47):

"J'ai trouvé la plus belle chose
De ce printemps:
Un nid caché sous un rose,
Quatre oeufs dedans!

Quel joli nid! Boule de mousse
Où l'oiselet
A mis le crin, la laine douce;
Quel lit douillet!

Les oeufs bleutés, perles fragiles
Sont tout au fond,
Et les pinsons pressés, agiles,
Viennent et vont.

Pour garder sous les fleurs écloses
Le nid joli,
Je ne vais pas cueillir les roses,
Ce printemps-ci."

Nous avons déjà souligné que le petit Français commence l'étude systématique de la grammaire au niveau de la 9ème année, c'est-à-dire notre 3ème. Pour des raisons que nous ne comprenons bas bien, cet enseignement de la grammaire est reporté dans l'enseignement canadien à la 4ème année.

Nous n'avons pas la compétence nécessaire pour entrer dans des discussions scientifiques poussées, mais nous voulons simplement donner un aperçu, faire voir ce qui saute aux yeux lorsque nous feuilletons les manuels.

Nous avons établi en deux listes parallèles les noms des auteurs cités dans les manuels canadiens à gauche, et dans les manuels français à droite, en tenant compte le plus possible de l'équivalence des classes: [37]

Liste des auteurs cités
A. Manuels canadiens B. Manuels français
1ère année: 11ème année:
Aucun Le Léard
James [sic]
Franc-Nohain
Franc-Nohain
Verlaine
Moreau
Delarue-Mardrus
de Gourmont
Roth
Clavier
Laforgue
Verhaeren
Vancalys
Hugo
Delauny
Richepin
Carême
2ème année: 10ème année:
Jeanne l'Archevêque-Dugay
Léon Xancrof
Van Lerberghe
Rosemonde Gérard
d'après Perrault
Jules Renard
Annaïk Le Léard
Paul Arène
Jean Richepin
d'après le roman de Renard
Lucie Delarue-Mardrus
Jean Rameau
Alphonse Daudet
Emile Verhaeren
d'après Andersen
3ème année: 9ème, 8ème années:
(soit 3ème et 4ème canadiennes)
Marie-Claire Daveluy
Roger Llewellyn
Irène Lesage
Albert Tessier
Fadette
Julie Lavergne
O. Fumet-Vincent
Michelle Le Normand
d'après B. De la Hervière
Jean-Marie Massé
Extrait de l'Escholier
Maxime
Françoise Gaudet-Smet
d'après Tante Rolande
Cécile Légacdé
Irénée Lussier
Amable Lemoyne
Béatrice Clément
Jeanne Grisé-Allard
Yvonne Patry
Marcelle Gauvreau
Guy Boulizon
Anatole France
Jean Richepin
Théophile Gauthier
Raymonde Vincent
Charles Péguy
André Gide
Georges Duhamel
C. F. Ramuz
A. Theuriet [38]
Henri Pourrat
E. Pérochon
Maurice Genevoix
J. Cressot
C. Silvestre
Charles Vildrac
Alphonse Daudet
Henri Bosco
R. Stéphan
Chateaubriand
M. Audoux
Gustave Flaubert
Paul Claudel
G. Chérau
Émile Zola
Lamartine
Marie Noël
Lucie Delarue-Mardrus
M. Van der Meesch
Louis Aragon
Jean Giono
A. T'Stertevens
Fanny Chantavoine
E. Des Essarts
Rosemonde Gérard
C. Séverac
E. Moselly
L. Massé
Alain Fournier
Roger Martin du Gard
S. Lagerlöf
Isabelle Fournier
J. R. Bloch
J.K. Huysmans
Claude Farrère
Henri Charasson
Roman Rolland
Virgile
R. Dumay
C. Sainte-Soline
L. Guilloux
A.J. Cronin
H. Béraux [39]
M. Harry
Thyde Monnier
M. Arland
P. Morand
A. Merglen
R. Chambe
Jean Guéhenno
Mme de Giranrdin, etc. etc.
4ème année:
Malan
Benjamin Sulte
d'après Mgr Turquetil
Octave Crémazie
Ad. Lelu
William Chapman
Blanche Lamontagne
d'après Lionel Groulx
Mlle Brès
Michelle LeNormand
Hanrigot
J. C. Gélinas
Lucie Delarue-Mardrus
Paul Géraldy
Alyx d'Erroy
Félix Leclerc
Lesuisse
d'après Anatole France
Louis Ratisbonne
A. Gingras
5ème année: 7ème année: (Suite)
(soit 5e, 6e, 7e canadiennes)
H. Durand
d'après Pérochon
Lionel Groulx
Rosemonde Rostand (Gérard)
Sully Prud'homme
Emile Deschamps
Alfred Desrochers
L. Geslin
Albert Lozeau
d'après Lamartine
Frère Marie-Victorin
d'après Joseph-Edmond Roy
Pamphile Lemay
d'après Pierre Dupin
d'après A. Dumas
Witt
Guizot
Ernest Schenck
Legrand
d'après Philippe-Aubert de Gaspé
Albert, Samain
d'après Antoine Gérin-Lajoie
P. Blanchemain
d'après Hector Favre
A. Glatigny
Jean Bruchési
Jean Richepin
Legouvé
d'après Buffon
Leconte de Lisle
Jules Vallès
Jules Leroux
Jules Simon
Victor de Laprade
E. Moselly
Théophile Gauthier
Jules Renard
Gustave Flaubert
Lichtenberger
d'après Charles Silvestre
Gabriel Maurière
Joseph Pesquidoux
Maurice Genevoix
Alphonse Daudet
Marguerite Audoux
George Sand
Claire Sainte-Soline
Rachilde
Buffon
Colette
Hugues Le Roux
Lamartine
Ch. L. Philippe
Bersot
Droz Dr. Chatelain
Lucie Delarue-Mardrus
Clovis Hugues
André Theuriet
M. Rollinat
Fulbert Dumonteil
Octave Mirbeau [sic]
Raymond Escholier
Aandré Chamson
Anatole France
K. Seguin [40]
6ème année: 7ème année: (Suite)
(soit 5e, 6e, 7e canadiennes)
d'après A. Dugré
Adjutor Rivard
d'après Bernardin de Saint-Pierre
La Fontaine
d'après Guy Laviolette
Maurice Morel
Marie Le Franc
Delille
Albert Lozeau
Octave Crémazie
G. Bouchard
L. Lalande
Louis Tournier
Blanche Lamontagne
William Chapman
J. Edmond Roy
E. Bilodeau
Louis Fréchette
d'après J.C. Taché
d'après E. Benoit
Yvonne d'Armor
Adolphe Poisson
Victor Hugo
d'après c. Beaudin
Théophile Gauthier
Albert Ferland
d'après Claude-Henri Grignon
Maurice Croise
d'après Antoine Gérin-Lajoie
d'après Chateaubriand
d'après sully Prud'homme
Robert de Montesquiou
Blanche Lamontagne
J.B. Ferland
Rodrigue Villeneuve
Jules Romain Le Sage
Louis Bertrand
G. Franay
A. Baillon
Francis de Croisset
Jules Verne
La Fontaine
Pierre Loti
Edgar Quinet
Paul Claudel
Claude Farrère
Maurice Maeterlinck
Marcel Arland
Gauthier d'Aygalliers
Erkmann-Chatrian
De Amicis
Edmond Jaloux
Molière
Georges Duhamel
Jean-Jacques Rousseau
Henri de Régnier
d'après Romain Rolland
P. et V. Margueritte
J. Girardin
d'après Léon Tolstoï
Jack London
Emile Zola
Camille Mauclair
R. Jacob
Schweitzer
René Bazin
Henry Bordeaux
J. Nesmy
d'après Mistral
Homère
7ème année:
De Commercy
Pamphile Lemay
d'après Sully Prud'homme
d'après le maréchal Balbo
Maurice Morel [41]
Marie Le Franc
Victor Hugo
Félix Leclerc
d'après Jacques Normand
Bouchor
Rosaire Sainte-Marie
Adolphe Poisson
Rouvier
Albert Tessier
Pamphile Lemay
Marie-Victorin
Michelle Le Normand
Magre
A. Poulin
A. Tessier
Octave Crémazie
Jean Bruchési
Albert Ferland
A. Gingras
Tous ces noms n'épuisent pas la richesse culturelle de l'enseignement primaire français, car l'écolier français n'a pas qu'un seul livre ou un seul manuel pour apprendre sa langue mais il possède plusieurs livres: livres de lecture, de vocabulaire, de rédaction et d'orthographe.

Il aurait été extrêmement intéressant, si nous avions eu le personnel et les machines appropriées, de faire une étude du vocabulaire de ces manuels. De telles machines ne pourraient cependant nous dire la qualité des mots et c'est cette qualité des mots qui donne aux manuels français leur supériorité incontestée. Les manuels français ne sont pas timides lorsqu'il s'agit de communiquer leur langue aux enfants. Citons un extrait de la préface de Boscher: [42]

"Étant donné que dans la langue française la part du conventionnel orthographique est assez grande, il est bon que nous ne reculions pas trop cet effort de mémoire visuelle par lequel s'acquiert l'orthographe d'usage." (Méthode Boscher ou "La journée des Tout-Petits" - Livret unique, Loudéac, c1959)

Ce qui caractérise les manuels français c'est non seulement la qualité de la langue, mais aussi la maturité psychologique du texte.

Que pouvons-nous dire du manuel canadien, sinon qu'il véhicule une culture pauvre, dans une langue lourde, approximative et incertaine. Nous restons au bord du folklore; nous sommes psychologiquement en retard.

Des exemples de qualité et de maturité, nous pourrions en fournir une quantité. C'est ainsi que dans la grammaire de la 9ème française (Authier, Camille, Première grammaire française. Cours élémentaire et moyen - 1ère année, Paris, c1938), qui équivaut à notre 3ème, le premier exercice consiste à souligner d'un trait les mots de plus d'une syllabe en indiquant le nombre des syllabes par un chiffre, et cela en utilisant un poème de Sully-Prud'homme:

"Midi au village

Nul troupeau n'erre, ni ne broute
Le berger s'allonge à l'écart;
La poussière dort sur la route
Le charretier sur le brancard."

Suit un autre exercice, à savoir "Souligner le e muet dans un texte de Charles Perrrault"; plus loin: "Mettre les majuscules aux noms propres" dans un texte célèbre de Charles Nodier; et enfin "Relever les noms de personnes, d'animaux et de choses en trois listes séparées" dans un texte d'Anatole France sur Bernard Palissy.

Tout cela est de la culture. Il s'agit là d'élèves de huit ans. (Première grammaire française de C. Autier, Cours élémentaire et moyen) [43]

Nous énumérons ci-après les titres de textes proposés à nos élèves de 3ème année:

1. Louise revient de l'école.
2. Marie Rollet et le négrillon.
3. Le lièvre et la tortue (adaptation).
4. La petite patrie.
5. Prie le bon Jésus.
6. La Cigale.
7. La Messe de Minuit canadienne.
8. Le Jour de l'An.
9. Les rois Mages.
10. Partez sur (sic) le bon pied.
11. La maison du bon Dieu.
12. Un Saint que tout le monde aimait.
13. Charité enfantine.
14. Devant la table, le mot magique.
15. Nos petits frères inconnus s'amusent.
16. La légende du sucre d'érable.
17. Les oeufs de Pâques.
18. Les lucioles de Ville-Marie.
19. La Fête des Mères.
20. Grand'mère, une histoire.
21. La petite souris grise.
22. Le défilé de la Saint-Jean-Baptiste.

ainsi que ceux de lectures "occasionnelles":

1. Guillaume Tell.
2. Bonne fête.
3. Le Noël du petit Juif.
4. Pourquoi certains arbres restent toujours verts.
5. Le désir de petites citrouilles.
6. Les petits poissons des Trois-Rivières.
7. Deux petits frères sapins.
8. Un premier voyage à Québec
9. Le jardin des rêves.
10. La B.A. Du louveteau.
121. Besognes fatigantes.
12. Voyage à Montréal.

Pour donner une idée de ces texte, de leur maturité et de leur justesse psychologique, nous en citeront trois: "Le Noël du petit Juif", "Pourquoi certains arbres restent toujours verts", et enfin "Les petits poissons des Trois-Rivières". [44]

Nous citons donc, en premier lieu, un exemple de lecture facultative dans le manuel de 3ème année, Forest-Ouimet, pour élèves de huit ans environ (Mon troisième livre de lecture, c1944):

"Le Noël du petit Juif

Il y avait, une fois, un vieux juif qui tenait une boulangerie auprès d'une belle église consacrée à la sainte Vierge. Il était bon et faisait du bon pain, mais il faisait aussi de grandes colères quand Jacob, son petit garçon, s'attardait à regarder les processions de Notre-Dame.

Or, une veille de Noël, alors que Jacob jouait dans la rue avec ses camarades, le curé de sa paroisse demanda aux enfants de l'aider à monter la crèche. Tout joyeux, ils grimpèrent au grenier du presbytère et découvrirent quantité de choses qui, pêle-mêle, dormaient là dans la poussière et le silence, des choses que le petit juif ne comprenait pas...

Il y avait un gros bébé sur la paille jaunie, un vieux monsieur avec un lis à la main, des rois nègres avec leurs chameaux, des anges, un boeuf, un âne, des bergers avec leurs moutons; il y avait aussi beaucoup de moutons.

Et puis, derrière tout cela ... oh! ... une belle dame vêtue d'un manteau bleu, bleu comme la nuit quand le ciel est parsemé d'étoiles. De fait, elle avait une étoile d'or sur le front, et le croissant de la lune, tout en or lui aussi, ployait délicatement sous la blancheur de ses pieds nus.

Chacun des garçons choisit dans le tas l'objet qui lui plaisait. Jacob prit la dame, elle était si belle!

Et la crèche se monta peu à peu, toute fraîche de verdure, toute lumineuse. Les personnages semblaient prendre vie; le bébé souriait au boeuf et à l'âne qui lui avaient prêté leur mangeoire; les moutons écoutaient les bergers qui jouaient de la flûte; le vieux monsieur songeait; les rois nègres, comme s'ils avaient peur, courbaient le dos sous leurs grands manteaux rouges et les chameaux fatigués s'étaient couchés sur la mousse poudrée de neige blanche. Quant à la dame, elle était si belle que les yeux de Jacob en pleuraient de joie.

Puis, la messe de minuit commença; sous le charme de la musique et de l'éblouissement des lumières, le petit juif sentit une paix délicieuse descendre dans son coeur; il regarda la dame, la dame, le regardait ... il oublia tout ... [45]

Mais la messe finie, il fallut rentrer à la maison. D'où viens-tu, méchant petit garçon? dit le boulanger qui faisait cuire son pain. Jacob dit la vérité. Alors, fou de colère, l'homme ouvrit la porte du four, saisit l'enfant et le jeta dans les flammes.

Quand, au petit jour, il voulut retirer ses pains, une douce lumière inondait le four et le boulanger vit une scène étrange: Jacob dormait paisiblement dans les bras d'une belle dame, enveloppé dans un grand manteau, un manteau bleu parsemé d'étoiles d'or.

Le vieux juif tomba à genoux, demanda pardon et la dame, avec un gracieux sourire, lui rendit l'enfant qu'il pressa tendrement sur son coeur."

Nous avons là une histoire-type; nous sommes en plein dix-neuvième siècle, dans la pire sorte de littérature, entièrement fausse du point de vue sentimental, psychologique, religieux et poétique. Ce texte est, de plus, illustré de dessins d'un goût douteux.

Et nous citons le deuxième texte:

"Pourquoi certains arbres restent toujours verts?

Parce qu'un pin abrita un rouge-gorge au lieu de le chasser comme le méchant bouleau, le méchant chêne et le méchant saule ..." (Livre de lecture de Forest-Ouimet, 3ème année - Extrait de l'"Escholier", La société du bon parler français).

Et le troisième texte, tiré également du livre de lecture Forest-Ouimet, 3ème année, page 124:

"Les petits poissons des Trois-Rivières

Le poisson est, après la viande, le mets le plus recherché; il la remplace souvent avec avantage les jours maigres. Aussi, la Providence a-t-elle pris soin de peupler la mer, nos lacs et nos rivières d'une variété presque [46] infinie de poissons. Le Canada en possède un grand nombre qui sont exquis: la morue, le saumon, la truite, le homard, (sic), le brochet, le doré, l'esturgeon, etc.

Le dicton "petit poisson deviendra grand pourvu que Dieu lui prête vie" n'est pas toujours vrai. Sans doute, il y a des poissons qui deviennent énormes comme la baleine le requin, etc., mais il en est d'autres comme la sardine qui sont destinées à rester tout petits. De ce nombre sont ceux que l'on appelle chez nous "les petits poissons des chenaux".

Ces petits poissons sont de la famille de la morue. En tout cas (sic), ils ne passent ici que quelques semaines, quand la rivière est gelée, nageant presque à la surface. Les pêcheurs font un trou dans la glace, en laissant tomber leurs filets qui se remplissent rapidement. Autrefois, le poisson commençait à arriver pour l'Avent, mais c'était surtout pour Noël qu'ils (sic) étaient abondants.

A la messe de minuit de l'année 1856, il n'y avait que trois hommes dans l'église, tous les autres étaient à la pêche. Très fâché, Monsieur le Curé prédit que le bon dieu les punirait. En effet, pendant plusieurs années les pêcheurs ont tendu leurs filets en vain: les petits poissons ne passaient plus dans les chenaux.

En 1864, un autre curé a pensé que c'était dommage qu'ils étaient disparus (sic) tout-a-fait (sic) et il a suggéré aux paroissiens de demander leur retour.

Le bon Dieu s'est fait prier plusieurs années avant d'accorder cette faveur. Maintenant, il en vient (sic) tous les ans, mais plus tard, après Noël, de sorte que personne ne soit tenté de manquer la messe de minuit pour aller à la pêche."

Et l'on pourrait ainsi résumer le texte précédant:

a) Pourquoi a-t-on manqué de poissons à Trois-Rivières après 1856? Parce que les hommes allaient à la pêche pendant la messe de minuit.

b) Pourquoi les poissons sont-ils revenus après 1864? Parce qu'on demanda leur retour. [47]

c) Enfin, les poissons reviennent maintenant après Noël pour que personne ne soit tenté de manquer la messe de minuit pour aller à la pêche.

Combien d'autres textes pourrions-nous citer! Il est navrant que les petits Canadiens-français n'aient que cela comme aliment intellectuel jusqu'à leur quatrième année. De plus, ce qu'on leur présentera par la suite ressemblera beaucoup à ce que nous venons de lire.

Au niveau de notre quatrième année, les petits Français ont, en plus de leur grammaire, de leur vocabulaire, de leurs livres de lecture courante, un livre de rédaction dont nous citons plus bas des titres de textes et noms d'auteurs.

Ce manuel, débordant de culture littéraire française, à l'intention des enfants de 9 à 10 ans, intitulé "Rédigeons" de J. Palmero et A. Félix, contient vingt-neuf centres de recherche, vingt-neuf dictées de contrôle et quinze lectures à résumer.

Ce livre nous révèle l'existence d'un cahier de travaux libres et d'enquêtes qui met l'activité créatrice de l'enfant au service de l'acquisition de sa langue maternelle et de sa culture.

En effet, on trouve au début de "Rédigeons", un exemple de la raison d'être du cahier de travaux libres et d'enquêtes, lequel nous citons ci-après. Le sujet à traiter: le printemps, d'abord illustré par une image accompagnée d'une petite poésie, en l'occurrence "Le printemps" de Philéas LeBègue: [48]

"Le Printemps

Le fluide arc-en-ciel
Sur le cerisier blanc a jeté son écharpe,
Sur le cerisier blanc d'où sort un son de harpe,
Et qui vibre au soleil;
Dans la gaze éblouissante
Du fluide arc-en-ciel
Vont et viennent les abeilles;
Au coeur des fleurs tremblantes,
Elles chantent,
En quêtant leur miel ...

(La Bûche dans l'âtre)"

A la suite de ce poème, vient un compte rendu "Mes enquêtes":

"Dans mon jardin, j'ai vu fleurir avant le 1er mai des violettes, des tulipes, du myosotis et des pensées"

puis suivent des observations météorologiques, un dessin personnel et un texte, rédigé par l'enfant et commentant le dessin: "J'ai écrit":

"Déjà la vaste prairie a mis sa toilette des beaux jours. Son herbe courte encore, est d'un vert délicat. Ici et là, des pâquerettes voisinent avec des primevères. Plus loin, des fleurs de narcisse se haussent sur leur tige pour se faire admirer. Et, là-bas, cerisiers et pêchers, qui dominent la nappe verte, que la brise fait trembler, jettent des taches blanches et roses ...

Ma jeune soeur cueille, pour les offrir à maman, ces fleurs printanières, dans le champ immense qui rejoint le ciel."

Enfin, l'exercice "J'ai découpé et collé", toujours sur le même sujet est illustré par la représentation d'une branche d'églantier avec un papillon et un commentaire, et par l'image d'un poirier avec commentaire également. [49]

Cette méthode nous plaît surtout parce que l'activité créatrice de l'enfant, si importante au cours primaire, est mobilisée, employée, canalisée vers l'apprentissage et la maîtrise de la langue et l'intériorisation de la culture.

Comme nous l'avons déjà indiqué, ce livre présente vingt-neuf centres de recherche, chacun partant d'un texte d'un bon auteur, et dont le but est d'enseigner un sujet bien déterminé, à savoir: les synonymes, les contraires, les familles de mots, les homonymes, les mots associés, les préfixes. Il contient aussi un cours d'éléments de style proprement dit et, enfin, des dictées complémentaires qui sont à la fois des lectures à résumer.

Et nous citons quelques auteurs dont s'inspire "Rédigeons": G. Puissant, Marcelle Tynayre, G. Duhamel, R. Charmy, Loti, Ernest Pérochon, R. Pichard, L. Pergaud, Davesne, Anatole France, Lucie Delarue-Mardrus, Soupault, Marouzeau, André Gide, J. Claretie, A. Huxley, Maurice Genevoix, Paul Arène, A. Lafon, Emile Zola, Henri Pourrat, Joseph de Pesquidoux, Michelet, Jules Verne, Audoux, Troyat, Reboul, Paul Bourget, Chateaubriand, Selma Lagerlöf, A. Theuriet, Alexandre Dumas, André Lichtenberger, Albert Camus, Hector Malot.

Au programme, pour les petits Canadiens de 4ème année, un livre de français et un livre de lecture courante, lequel d'ailleurs est froidement illustré de photos en couleurs ayant un vague rapport avec le sujet traité. Ce livre de lecture, de plus, contient des fautes telles que "Gulliver et Lilliput" au lieu de "Gulliver à Lilliput" et les textes choisis sont souvent d'une qualité discutable et ne s'intègrent d'aucune manière à l'enseignement. [50]

Il y a plusieurs manuels en usage dans la Province. Se ressemblent-ils-tous? Ceux que nous avons revus sont les manuels édités par les frères du Sacré-Coeur (Arithmétique, 4e année; Mon livre de français - Série A - Quatrième année; Cinquième année; Sixième année; Septième année). Ils sont très pauvrement et fort mal illustrés. La lecture de ces manuels donne l'impression qu'ils reflètent, sans doute, des aspects de la vie canadienne mais ne transmettent à peu près aucune culture. Ce qu'ils contiennent de mieux, ce sont de petits poèmes qui terminent certaines leçons, en particulier, ceux d'Octave Crémazie, de William Chapman, de Louis Fréchette et d'Albert Lozeau. Malheureusement ce n'est pas sur ces textes que les petits cdanadiens-Français travaillent.

Nous citons ci-après un exemple de mauvais texte, mauvais à plusieurs points de vue. Il s'agit de "Religion et Travail" (F.S.C., Manuel de 4ème année, p. 239):

"Religion et Travail

Jean-Pierre marche au catéchisme, six milles de marche qu'il fait (sic) tous les matins, l'enfant pauvre, fils de cultivateur. De leur fenêtre, les vieux le regardent passer et ne disent rien. Jean-Pierre se rend au catéchisme. Il prépare sa communion solennelle.

Et c'est solennel de le voir aller dans le printemps, sous l'aurore neuve et le verglas des branches, entre les chansons des rigoles. Il écrase les petits soleils qui filtrent dans la glace. L'infini allumé donne déjà un goût de prière, et lui, il repasse dans sa tête une leçon de catéchisme.

Ce matin, pendant le sommeil des hommes, il était dans l'étable, assis sur le petit blanc à trois pattes et trayait les vaches: vaches au poil tiède, à l'odeur forte et aux naseaux humides. [51]

Il était là, sa chaudière (sic) entre les mollets, et zé, zé, zé, le lait chantait en s'écrasant, en faisant (sic) la broue blanche qui gonfle l'écume des chutes.

A travers la tôle, il sentait sur ses jambes la chaleur du lait. Mais il n'a pas bu à même la chaudière, les cinq ou six grandes gorgées qu'il se garde toujours. Non, pas ce matin, à cause de la communion qu'il fera tout à l'heure.

Par le carreau de l'étable, le jour s'étirait, son jour à lui, et il priait.

Soyez assuré qu'il la fit sa communion, et bien, et proprement. Au milieu des cloches et des Alleluia et des cantiques qui sortaient jusque sur le perron de l'église (sic), Jean-Pierre s'était approché, ému, de la table sacrée, pour recevoir sa récompense.

Il était endimanché, avait sa chemise blanche, les mains nettes, et la coupe de cheveux qui lui maigrissait le cou (sic). Au bras, il portait le brassard immaculé, avec la frange dorée, et la large boucle défaite à cause du vent...

Les vieux, de leur fenêtre, l'avaient vu passer au réveil et, sans dire un mot, avaient approuvé de la tête que (sic) la race vivait encore."

Cette page appartient peut-être au nouveau folklore canadien, mais elle ne saurait être proposée comme modèle de style.

Et nous donnons encore quelques exemples de cette langue toujours profondément ennuyeuse qui, nous semble-t-il doit endormir l'élève:

"1. Exercice de grammaire et d'analyse

Mon école

Mon école est située sur la rue Saint-Joseph, tout près de l'église paroissiale. C'est un édifice neuf, très grand, simple mais joli d'apparence. Mon école compte deux étages et renferme huit classes spacieuses et bien éclairées. A l'avant, une statue du Sacré-Coeur domine les [52] couronnes de fleurs et les tapis de verdure. A l'arrière, une vaste cour de récréation permet aux élèves de prendre librement leurs ébats.

2. Exercice: Écrire et souligner les noms:

Ma classe

Ma classe est au deuxième étage, du côté du soleil levant. Quatre fenêtres l'éclairent; l'air pur y entre en abondance. Les pupîtres [sic] reluisent de propreté. Deux grands tableaux noirs courent le long des murs. On ne voit aucune tache d'encre sur le plancher. Un crucifix, une statue de Marie et des images pieuses ornent les murs. Ma classe est attrayante et je l'aime.

3. Exercice:

Une élève modèle

Jeanne est une élève modèle. Elle porte toujours un costume très propre; elle prend un soin plus grand, je dirais (sic) de ses livres usagés que de ses livres neufs. En classe, elle est toujours attentive, studieuse et laborieuse. Sa maîtresse admire ses manières polies, son langage soigné et sa bonne tenue. Jeanne fera de grands progrès cette année car elle est (sic) une élève appliquée.

4. Exercice:

Jour de fête

Quel beau jour que le Jour de l'An dans nos bonnes familles canadiennes et catholiques! C'est le jour de la bénédiction paternelle; c'est le jour des larges sourires et des paroles accueillantes; c'est le jour des joyeuses poignées de mains, chaque fois que la porte s'ouvre à de nouveaux visiteurs; c'est un grand jour, c'est une fête qui réunit dans une belle gaieté toutes les familles amies." (Les Frères du Sacré-Coeur, Mon livre de Français. Série A - Quatrième année, 1949).

A l'occasion, toutefois, on glisse un petit poème venu de France, tel "Le Bourgeon" de Paul Géraldy (p. 220): [53]

"Le Bourgeon

Tout comme un diable dans sa boîte,
Le bourgeon s'est tenu caché...
Mais dans sa prison trop étroite
Il bâille et voudrait respirer.

Il entend des chants, des bruits d'ailes,
Il a soif de grand jour et d'air.
Il voudrait savoir les nouvelles,
Faire craquer son corset vert.

Puis, d'un geste brusque, il déchire
Son habit étroit et trop court:
Enfin, se dit-il, je respire,
Je vis, je suis libre ... Bonjour!"

Ce poème "reposant" parmi les textes déjà cités, nous paraît exprimer l'état d'âme des petits Canadiens-Français étouffés dans un "corset" de conventions et de conformisme.

De ce très bref aperçu des manuels du cours primaire public français et canadien-français, nous pouvons tirer les conclusions suivantes, que nous faisons suivre de recommandations.

CONCLUSIONS

1. Le MANUEL FRANÇAIS est supérieur, mieux illustré et mieux typographié que le manuel canadien. Il véhicule beaucoup plus de culture littéraire. Il est psychologiquement plus juste. Il achemine l'élève vers une saine maturité. Il est exempt d'erreurs et le rythme d'apprentissage y est à la fois plus ferme et plus rapide.

En un mot, la grammaire est, dans le MANUEL FRANÇAIS, au service de la langue. [54]

2. Le MANUEL CANADIEN est pauvre est et lourd. Il ne véhicule presque aucune culture littéraire. Il transmet une mentalité proche du mythe et du folklore. Il est plus sentimentalement imaginaire que réaliste. Il ne favorise pas la maturité intellectuelle; le rythme d'apprentissage y est plus lent. Il moralise beaucoup et peut, sur ce point, se comparer au manuel français d'il y a cent ans. Les erreurs psychologiques, erreurs de jugement, erreurs de français, erreurs scientifiques, fautes de typographie fourmillent tandis que les illustrations sont trop souvent mornes et commerciales.

Il existe de petites revues destinées à compléter le manuel canadien; elles sont laides, remplies d'erreurs et culturellement américanisantes. Leurs illustrations, de fort mauvais goût, viennent des Etats-Unis et parfois la légende même est en anglais. Ces revues sont: l'Escholier, le Stella Maris, Hérault (sic), l'Elève.

En un mot, la langue dans le MANUEL CANADIEN, est au service de la grammaire.

RECOMMANDATIONS

À cause de toutes les raisons que nous avons énumérées, nous recommandons:

1. Que les manuels canadiens soient retirés des écoles et qu'on leur substitue les meilleurs manuels français, lesquels pourraient être complétés par un petit livre de lectures canadiennes, scrupuleusement choisies. [55]

2. Que l'on mette entre les mains des élèves des revues européennes qui offrent davantage au point de vue "culture" que dans les petites revues citées plus haut; mentionnons "Tintin" et "Spirou", toutes deux publiées en Belgique.

[...]

Françoise Maillet-Lavigne
Lic., Psy. (Montréal) [56]
[...]

L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE

Nous voudrions amener notre lecteur à tirer de lui-même les conclusions qui s'imposent après une étude sérieuse des manuels d'histoire dont nous allons faire l'analyse. Il faudrait, en effet, que tous les manuels en usage actuellement, de la 1 ère à la 7e année, soient totalement refaits ou remplacés et que le programme d'histoire soit entièrement repensé. Il est indispensable pour sauver la culture française au Canada de s'alimenter aux origines de notre peuple. Pour cela, il faut retourner à l'école de l'histoire au moyen de manuels rédigés avec objectivité par des personnes ayant le souci de respecter les exigences de la discipline historique.

On se fera facilement une idée de la valeur de nos manuels d'histoire du Canada (d'ailleurs en accord avec le programme du D.IP.) en lisant quelques extraits des conclusions ou introductions déclamatoires de ces manuels romantiques:

1. Mon second album d'histoire du Canada - Guy Laviolette. "Qu'il y a du bon monde chez nous, chez nos gens!" (légende d'une illustration banale représentant un couple de moissonneurs radieux occupés à couper leur champ de blé à la faux et à lier les gerbes à la main). [64]

2. F.E.C., Ils ont fait notre pays, 3e année. En frontispice, une immense croix, apparemment le signe distinctif des seuls Canadiens-Français, à en juger par l'abus d'illustrations sur ce thème. On raconte l'histoire idyllique d'une famille de colons dans un style enfantin dont nous citons le couplet final: "Honneur à toutes les personnes qui ont fait notre pays! Honneur aux missionnaires, aux colons et à tous ceux qui continuent encore aujourd'hui à travailler pour notre Canada."

Sur 88 pauvres petites pages abondamment illustrées, la moitié (35, plus les dessins) porte sur des thèmes qui relèvent plutôt du catéchisme, et cinq sur les "braves" colons. Le premier album de cette collection ne parle que de martyrs et finit par une prière.

3. Découvreurs et pionniers, 4ème et 5ème années, Guy Laviolette. Dans son introduction l'auteur s'enthousiasme:

"Nous dirons
J'ai un pays à moi!
J'ai un très beau pays!
J'ai un immense pays!
Un pays qui fut jadis découvert et colonisé par des hommes courageux"

4. L'épopée canadienne, F.E.C., 6ème et 7ème années. "C'est vraiment un beau pays que vous nous avec laissé, ô vous tous, ancêtres vénérés! Notre tâche à nous sera de conserver précieusement ce pour quoi vous avez lutté: notre sol, notre foi, notre langue, nos droits ... De tout coeur, nous chanterons à votre gloire, héros de notre pays: O Canada!..." [65]

En revanche, Donalda Dickie dans l'introduction de My first history of Canada présente une version bien différente: "Canada's story does not end with the last chapter in this book. Her story is still going on, and, of course, there are people in the story today, just as there always have been."

Et le même auteur, après un bon tour d'horizon international, conclut:

"Today Canada stands between the two strongest nations in the world, the U.S. in the South and Russia just on the other side of her Arctic islands..."

Beaucoup de sujets qu'on aimerait voir traités dans nos manuels y sont; mais malheureusement Donalda Dickie n'échappe pas à la règle: elle manque de courage et de réalisme pour présenter avec honnêteté les rapports entre Anglais et Français après la conquête. C'est la loi du silence. Surtout, l'auteur se croit obligé de s'exprimer dans un langage enfantin et d'employer de petits contes. On ne trouvera ni dates, ni résumés, ni exercices, ni documents; les faits ou les noms importants ne sont pas mis en évidence et on néglige tout à fait d'ajouter une bibliographie.

Tels sont les défauts qui sautent aux yeux, même si on ne fait que feuilleter les manuels d'histoire recommandés par la Commission scolaire. [66]

[...]

2 - Glorification maladroite du passé

De manière tout à fait contradictoire, nos manuels qui ont pour seul but la glorification du passé ne savent même pas se servir de cette conception étroite de l'histoire pour rechercher tout ce qui pourrait enrichir nos enfants. Non seulement on arrête le passé à l'arrivée de Jacques Cartier, mais c'est toujours, rabâchées d'année en année, les mêmes anecdotes sans intérêt culturel. On dirait qu'on n'a rien à dire et qu'on se donne du mal pour enfler le sujet. En effet, les moindres détails de la vie de tous les jours de personnages ordinaires sont racontés avec sérieux et dans la leçon. On se perd dans ce dédale où sont incorporés aux véritables faits historiques, des faits qui devraient être seulement de simples anecdotes. Il en résulte que nos compatriotes qui ont pourtant appris pendant sept années [72] le régime français, on l'histoire des Canadiens-Français sous le régime anglais, ne peuvent pas situer sans hésitation les grands évènements [sic] de notre courte mais passionnante histoire.

3 - Abandon des dates Une des raisons de ce manque de clarté d'esprit s'explique par le fait que, malgré le petit nombre de dates dites importantes de notre histoire, on n'en pas appris. Pourtant, tout le monde sait bien que les dates essentielles de l'histoire sont acquises au cours de la formation primaire où tout s'inscrit de manière indélébile dans les cerveaux neufs.

Si nous comparons nos manuels à un manuel de 1ère année du programme français (Jean Brunhes-Delamarre et Pierre Deffontaines, Petite histoire de la France, Mame, 1955), cette lacune est évidente. Un manuel qui n'insiste pas sur les dates ne peut prétendre être un manuel d'histoire car on ne peut faire de l'histoire sans dates. Un de nos manuels de 3ème année contient en tout trois dates: l'arrivée de Jacques Cartier, la fondation de Ville Marie et la bataille de Châteauguay (F.E.C., 3ème année, Histoire du Canada, Ils ont fait notre pays).

En revanche, dans un manuel français, il y a que quarantaine de dates dites essentielles à retenir (écrites en caractères gras et rappelés à la fin des leçons) et une cinquantaine d'autres citées dans ce que les auteurs appellent avec humilité "Petite Histoire de France" (Jean Brunhes-Delamarre et Pierre Deffontaines, Petite histoire de la France, Mame, 1955), utilisée en France au même âge. Dès les premières pages de ce charmant petit livre français, on utilise la géographie et les illustrations des faits essentiels [73] pour expliquer le but de l'histoire: la progression entre autrefois et aujourd'hui, puis, ce qui aide à comprendre cet "autrefois" préhistorique qui échappe aux chiffres. On explique alors le contenu du livre: "Nous allons revenir maintenant plus lentement vers aujourd'hui". On n'hésite pas ensuite à tout encadrer de dates précises que tous les peuples d'origine française devraient savoir par coeur aussi bien que les petits écoliers français. [74]

[...]

5. Thèmes religieux

Il est évident aussi qu'il serait bien difficile de faire cadrer les faits de l'histoire avec cette volonté acharnée de lier indissolublement les termes "catholique" et de "grandeur d'âme" avec les seuls Canadiens-Français. Nos manuels ne séparent pas la religion catholique des missions et de la politique canadienne-française. Il est excellent de parler à l'occasion des vertus et du courage des missionnaires et de l'importance du catholicisme dans l'histoire des Canadiens-Français. Mais les premiers albums d'histoire centrés uniquement sur ces phénomènes sociaux ne sont plus qu'une histoire religieuse. Ils ne présentent que croix, crucifix, religieuses, prêtres, convertis, messes, évêques, églises, etc. On dirait, en particulier, qu'il ne peut y avoir d'autres thèmes à illustrer.

6. Illustrations.

L'illustration d'un manuel d'histoire est aussi importante que le texte. C'est elle qui le rend vivant.

Comme elle doit montrer la matière d'histoire, l'illustration doit donc être le plus fidèle possible aux documents de l'époque envisagée. Elle doit rester précise, claire et de bon goût. [75] Elle doit être authentique et permettre au maître et aux élèves de faire mieux ressortir les faits historiques importants de la leçon du jour. Elle atteindra d'autant mieux son but qu'elle sera accompagnée d'un commentaire approprié.

Les F.E.C. (6ème et 7e années, Histoire du Canada. L'épopée canadienne) sont les seuls à avoir fart des efforts dans ce sens. Mais ils ont laissé encore ça et là des dessins de mauvais goût (pages 8, 29, 53, 96, 138). S'il est difficile de trouver une reproduction ou un croquis de l'époque des coureurs de bois, l'artiste devrait alors se faire conseiller par l'historien de manière à reconstituer le fait historique suivant le goût et l'atmosphère de l'époque. Il y a surtout dans ce manuel de belles photographies qui sont parfois intéressantes et très appropriées (pages 174, 202). Cependant, il n'y a en pas assez et surtout trop se rapportent à des monuments modernes ou à l'aspect trop actuel de certaines choses telles que les ruines des forts.

Il est impératif que l'on fasse des recherches dans les archives et dans les musées pour découvrir les témoignages de notre passé. On devrait s'efforcer de retracer ces documents jusqu'en France et aux Etats-Unis pour moderniser la présentation de nos manuels d'histoire.

Les manuels de Guy Laviolette (Mon premier album d'histoire du Canada, Mon second album d'histoire du Canada (1952), Découvreurs et pionniers (1958), Mon pays (1954)) sont loin de répondre aux buts de l'enseignement de l'histoire. Ils visent à la facilité en utilisant surtout les illustrations. Il est décourageant de constater que les enfants ont en mains de si vilaines images. On pourra objecter que les crédits étaient limités et qu'on [76] n'avait pas assez de couleurs. Mais on ne doit jamais économiser sur cet aspect essentiel de tout livre scolaire et, tout spécialement, des livres d'histoire. Même sans couleur, on peut faire beaucoup mieux. Par exemple, les cartes et les illustrations en noir et blanc qui illustrent le texte de l'Histoire du Canada de Donalda Dickie My First History of Canada sont charmants.

Nos manuels destinés aux élèves plus avancés sont cartonnées et mieux imprimés, mais restent plus décourageants encore par le fond que par la forme. Les albums, eux, s'adressent aux plus jeunes, donc à l'âge où l'esprit critique est moins développé. Cependant, le goût des enfants sera à jamais déformé par ces petites histoires genre "comics" dont nos kiosques à journaux sont infectés. Loin de protéger nos enfants contre ce genre de littérature, on leur en fournit à l'école!

Le plus triste exemple du genre est sans contredit Mon second Album d'Histoire du Canada de Guy Laviolette, moitié sur fond vert, moitié sur fond rosé. La couverture, de mauvaise qualité, représentant des Indiens musclés aux mines patibulaires, regardant un bateau passer sur le fleuve, donne le ton. Tout est quelconque. Ensuite, on y fait la "leçon de choses": présentation de toute la faune, pour commencer. Il y a au moins quatre grandes images par page dont certaines sont, pour ainsi dire, sadiques. Il ne s'agit que de massacres, enlèvements, scènes de torture, assassinats, noyades. Sur une des pages (p. 44), il y a trois massacres.

Dans l'album Ils ont fait notre pays, on n'omet aucun détail des tortures infligées aux martyrs canadiens: coups de [77] couteau, de hache, ou de bâton, les doigts, le nez, la langue coupés, les yeux crevés, etc. On insiste sur les cènes violentes et, par contre, on essaie d'introduire la note religieuse: "Il était toujours aussi brave et priait la très sainte Vierge, sa protectrice et sa patronne".

De la même manière, l'album de Laviolette insiste, parallèlement à [sic] la violence des scènes, sur la "piété" des "blancs". On y illustre abondamment des scènes de bénédictions, de prières, de baptêmes, etc. La vie pastorale de colons y est à l'honneur. Au lieu d'exalter l'aspect courageux de la vie de madame Hébert, on en montre l'aspect idyllique (elle donne à manger à ses poules). Il est inutile de s'attarder sur les légendes qui accompagnent ces gravures: l'auteur se borne à des phrases incomplètes, de style télégraphique. Un exemple suffit, page 33:

1ère image: "Un soir ..."
2ème image: "Avant le combat ..."
3ème image: "Pan!"

A la fin, un dessin illustre l'histoire du colon courageux, Anselme, qui dit à son notaire: "On fatigue trop ; ne rien faire" (page 63). On rencontre aussi les phrases suivantes: "Les Français ne croyaient pas que les Iroquois étaient pour être si nombreux". "Les colons avaient parfois bien de la misère". "Un colon a son char devant la porte".

7. Inconscience patriotique.

Dans tous ces manuels, la contradiction la plus nocive pour les Canadiens-Français est la fausse note pancanadienne de [78] rigueur dans le derniers chapitres ou parfois seulement dans la conclusion. Ce mythe de l'unité s'exprime par exemple dans L'Épopée canadienne des F.E.C. (p. 255): "De l'est à l'ouest, c'est avec la même fierté que chacun de nous doit répéter: je suis canadien!"; ou dans Le voyage à travers le Canada, de Guy Laviolette, p. 266.

Ces derniers chapitres sont illogiques, étant donné que les chapitres précédents sont une exhaltation [sic] des seuls Canadiens-Français.

Le volume se termine par des affirmations d'un optimisme béat sur l'avenir du Québec, de son peuple et sur celui du Canada tout entier.

Pour survivre et prendre la place qui nous revient au Canada, il va falloir d'abord que nos jeunes connaissent objectivement l'histoire des deux Canadas et celle du reste du monde. "Une meilleure connaissance de leur pénible évolution historique depuis la conquête et une plus grande maturité intellectuelle devraient leur permettre, en cette deuxième moitié du vingtième siècle de faire leur option avec une plus grande lucidité." C'est ce que Michel Brunet souhaite aux Canadiens-Français dans son ouvrage intitulé La présence anglaise et les Canadiens page 209.

REMÈDES ET RECOMMANDATIONS [79]

[...]

2. Des manuels enrichissants.

Utilisation de termes précis et de références scientifiques. Il est indéniable que l'histoire et la géographie devraient jouer un rôle immense dans la possession et la compréhension de notre langue. Ces matières font appel à des termes très précis qui doivent être expliqués et compris. Il faudrait obliger les élèves à exposer leurs leçons devant la classe, comme en France. Ils seraient [80] ainsi habitués à s'exprimer clairement à l'aide de mots appropriés seuls capables de rendre intelligibles les notions expliquées. C'est pourquoi les manuels d'histoire et de géographie doivent toujours contenir des explications de mots, avec vocabulaire ou lexique.

En géographie, les manuels de la Commission sont plus à la page et tiennent compte de cet impératif. Pourtant, ni les F.E.C., ni Guy Laviolette n'ont pensé à travailler la question du vocabulaire. En réalité, il n'y a rien à expliquer puisque toutes les difficultés d'expression sont supprimées à dessein, au point qu'on altère les documents: discours, conversations, lettres, rapports, etc.

Guy Laviolette est en effet le grand spécialiste de ces reconstitutions fantaisistes de dialogues qui perdent alors toute authenticité et ne demandent plus d'efforts personnels. On a l'embarras du choix pour les références de ce genre: 4ème, 5ème années (Mon pays); p. 78 et suivantes, p. 124, 133, 144, 169, 171, 175, 180, 205, 215, 217, 229, 242, 235 [sic], 245.

En 6ème et 7ème années (Mon pays), on donne comme preuve historique de la grande peine ressentie par les officiers anglais lors de la déportation des Acadiens, une lettre tirée d'Evangéline (p. 155). Faute de référence, pour les citations entre guillements [sic], on ne sait jamais si cd'est l'auteur qui parle ou s'il s'agit d'une véritable citation: cf. page 89.

Pour rendre plus vivant, les auteurs se font trop personnels. Ces reconstituions littéraires côtoient souvent le ridicule. Par exemple, dans les F.E.C. (L'épopée canadienne) pages 19, 36, 42, 48, 70, 107, 118, [81] 202, 210, 211, 217, 219, 233. Le dernier chapitre sur Monseigneur Labelle est un chef-d'oeuvre du genre... Les chants et poésies citées de l'"époque 1900" ne risquent pas non plus d'aider à l'enrichissement de notre langue.

On retrouve ces défauts dans toutes les pages des manuels de Guy Laviolette. Tous abusent des exclamations, des louanges démesurées, des réflexions déplacées ("rêve grandiose!", "quel courage", "quel zèle", "quelle joie", "hélas!", etc...).

Exercices, style, procédés littéraires, chansons, dialogues inventés, humour, tout concorde à supprimer le dur apprentissage de l'expression simple et précise de la pensée ou des faits. Il y a même de petits contes enfantins: histoires de chiens et chats, de bons colons, de bons petits indiens, de bonnes soeurs. Donalda Dickie, aussi, dans My first history of Canada, gâche tout par ce procédé.

Il faut reconnaître que l'intention était bonne. On a cherché à moderniser l'enseignement pour le mettre à la portée des enfants en s'inspirant des dernières découvertes pédagogiques. On les a mal comprises, le procédé a été poussé trop loin et les résultats sont déplorables.

Évidemment, on trouvait les anciens manuels (F.E.C. et Clercs de Saint-Viateur, 1915, Histoire du Canada cours élémentaire 1916, Histoire du Canada cours intermédiaire 1915) beaucoup trop arides. En effet, ils manquaient de documents photographiques agréables à la vue, leur format et leur présentation étaient secs, mais au moins ils méritaient le nom de manuels d'histoire; ils étaient clairs, divisée en petits paragraphes très courts où n'apparaissait que l'essentiel, quitte à insister sur certains détails dans les [82]récits souvent puisés à même les documents. On n'y écrivait pas de romans sur la vie de nos évêques ou du curé Labelle et on y traitait convenablement l'insurrection de 1837 et la révolte des Métis. On parlait autant de Baldwin que de Lafontaine. On prenait grand soin d'expliquer les mots de la leçon par des lexiques très bien faits. Quand on a vu l'explication des mots tels que: conseil législatif, despotique, suprématie, orgie, session, pétition, réciprocité, confédération "alliance de famille", ordonnance, gouvernement représentatif, etc..., on comprend alors pourquoi les générations qui nous ont précédés avaient plus de facilité à s'exprimer et possédaient une culture plus riche et plus pure que la nôtre.

Dans le manuel des Clercs de Saint-Viateur (Histoire du Canada cours élémentaire 1915), les résumés étaient bien supérieurs à ceux donnés par Guy Laviolette, lesquels sont trop détaillés et dont la présentation est confuse. Pour s'en faire une idée, il suffit de comparer, par exemple, un résumé comme celui de page 140 du vieux manuel avec le résumé de Guy Laviolette (Mon devoir d'histoire du Canada), page 178, et (Découvreurs et pionniers) page 184. Il faut reconnaître que les F.E.C. (L'épopée canadienne) ont essayé de faire de bons résumés, exemple page 170. On ne parle plus aujourd'hui de résumé, mais on écrit: "Avez-vous retenu ceci?", "Vous savez maintenant que ...", ou "En cinq lignes." Ces innovations apparaissent aussi dans les manuels français. Elles s'expliquent mal. Il faudrait revenir à la pureté de nos anciens manuels en se débarrassant du verbiage et de l'enfantillage de tous les manuels d'histoire actuels, démodés malgré leurs prétentions contraires. [83]

Enfin, parce qu'il semble essentiel à une compréhension intelligente de l'histoire du Canada et de notre âme française, de connaître l'histoire de France, nous suggérons, dans un cours primaire de six ans, en attendant la parution d'un manuel-synthèse, l'enseignement chronologique de l'histoire de France en y introduisant l'histoire du Canada.

Hélène Pardé-Couillard
B. ès-lettres, LL.L. (Grenoble) [84]

[...]

L'ENSEIGNEMENT DE LA GÉOGRAPHIE À L'ÉCOLE PRIMAIRE

[...]

II - Critique des manuels de géographie

Nous avons pris connaissance de deux collections de géographies élémentaires. Celle des Frères Maristes, et la collection Dagenais.

Si le programme avait été bien pensé, nos enfants n'auraient pas trop souffert de l'incurie en la matière, surtout ceux qui auraient eu en mains la collection Dagenais. Ces livres sont faits par des universitaires qui dominent leur sujet et qui sont au courant de méthodes actives modernes recommandées pour cet enseignement spécialisé. Cependant, nous n'aimions pas du tout les manuels des Frères Maristes et on nous comprendra tout de suit [sic] rien qu'à l'examen de la présentation de ces manuels.

On n'hésite pas une seconde à préférer le bon goût, la clarté et la simplicité des manuels Dagenais ou des petits manuels français que nous avons examinés. Les manuels des Frères Maristes sont présentés comme de simples cahiers. C'est une solution, mais il faudrait alors que le papier et la présentation fussent propres et de bonne qualité.

On pourrait, en effet, adopter avec grand profit une présentation de ce type, qui permettrait aux enfants d'incorporer entre les chapitres, leurs recherches et leurs travaux personnels. Si l'on veut avoir une idée de ce que peut donner un manuel destiné [98] à être employé conjointement avec un cahier, on pourrait avec grand avantage se guider sur les manuels de Sciences naturelles, Botanique et Biologie du Frère Brassard du Séminaire de Joliette, manuels qui dont d'ailleurs acceptés par la Commission Scolaire. Le manuel de Botanique a été amélioré et est plus soigné. On verrait tout de suite comment les uns sont agréables à feuilleter, riches et pourtant simples, alors que les autres sont un fouillis qui rebute.

Une bonne géographie doit présenter des documents photographiques, des schémas explicatifs aussi scientifiques et clairs que possible et des cartes de toutes sortes.

Les Frères Maristes inondent en effet leurs manuels de photos, mais elles sont entassées souvent les unes sur les autres, sont parfois laides et surtout souvent sans intérêt géographique. Elles sont mal imprimées et mal colorées. On a voulu l'originalité et on abouti à la vulgarité faute d'argent, d'artistes spécialistes et de bons documents.

En recherchant ainsi à bourrer les pages de photos et à les laisser parfois le plus grandes possible, quitte à les découper de manière plus ou moins originale, on a nui considérablement à la présentation du texte. Beaucoup trop de ces photos sont sans aucune valeur documentaire et au contraire souvent trahissent le pays, la ville ou la région qu'elles voudraient représenter. Elles sont très rarement accompagnées d'une explication sérieuse, preuve même qu'elles ne sont pas essentielles.

On trouve ainsi la photo du pape à la télévision et chez lui (Frères maristes, Géographie, 4e et 5e, p. 49), de plusieurs Excellences (p. 62), [99] du Premier Ministre, p. 64, 130), des photos de Montréal pour touristes et non pour géographes. On a surtout pléthore de photos représentant des enfants ou des adolescents, avec leur petit veau (p. 67) et leurs noms: Marcel et Lucienne, Georges et Gérard ou Yves et Denise. On y trouve aussi abondance de chapelles, églises, sanctuaires, etc ... toutes ces choses ont une valeur touristique, mais sont certainement encombrantes dans un Manuel de géographie.

Les schémas et illustrations de très mauvaise qualité aggravent cet aspect mal soigné (Frères maristes, Géographie, 4e et 5e, pages 31, 21, 21 [sic]; Frères maristes, Géographie, 6e et 7e, pages 11, 12 et 13).

Enfin, les cartes de ces manuels sont nombreuses et même excellentes en 6ème et 7ème années où elles sont variées, vivantes et accompagnées de nombreux diagrammes très bien faits. Mais il y en a trop, de toutes les tailles, de toutes les couleurs et de toutes les formes. Le dessinateur des cartes en relief projetées de plein ciel sur la carte du monde n'était décidément pas à la hauteur de cette idée de génie (Frères maristes, Géographie, 6e et 7e, page 38).

La présentation est tellement touffue que la plupart du temps les illustrations remplissent tout le bas de la page et on ne sait plus à quel numéro on en est. Le texte s'insinue comme il peut entre tous ces dessins, si bien que malgré les titres roses en grosses lettres et les faits essentiels soulignés grâce à l'emploi de caractères gras, on ne s'y retrouve plus. De plus dans les nouvelles éditions, les résumés récapitulatifs de la leçon font place à des questionnaires très détaillés; c'est regrettable, car pour savoir sa leçon l'enfant a besoin des deux. [100]

Il y aurait d'autant plus besoin de résumés que le texte est très chargé. On ne peut pas reprocher à ces manuels d'être simplifiés. Au contraire, ils sont presque trop détaillés. On y pèche par excès de zèle: on a trop voulu en dire et si le maître n'a pas l'esprit clair et ne fait pas régulièrement la synthèse, les enfants risquent de ne pouvoir retenir l'essentiel. Le zèle religieux de auteurs est aussi trop poussé: outre les photos innombrables portant sur des thèmes religieux (comme l'évêque missionnaire canadien bénissant ses parents avant son départ (Frères maristes, Géographie, 6e et 7e, page 28), le géographe n'a aucune raison de laisser passer dans son manuel les phrases suivantes: "le paysage montre l'oeuvre du Bon Dieu qui est un artiste parfait" (Frères maristes, Géographie, 4e et 5e, p. 26). En 6ème et 7ème années, l'auteur qui compte les catholiques minutieusement partout où il peut, affirme: "Il n'y a qu'un seul Dieu, et Il ne peut reconnaître comme vraie que la religion qu'Il a Lui-même instituée" (Frères maristes, Géographie, 6e et 7e, page 19) et sur la même page "Le christianisme catholique constitue la seule vraie Église". C'est une manière peu objective de faire connaître les autres religions.

Dans la même veine, on trouve un paragraphe sous le titre "La vie heureuse du cultivateur" (Frères maristes, Géographie, 4e et 5e, p. 36) et un tableau [101] de la maison familiale (Frères maristes, Géographie, 4e et 5e, p. 43). A la page 46 du même manuel on affirme que la profession la plus nécessaire est celle de l'évêque.

Et dans un des exercices, lesquels en général sont très bien dirigés, on demande à la page 46 du manuel précité au no 5: "Priez la Sainte Vierge pour connaître votre vocation". Pour établir des itinéraires sur les cartes, on conseille de faire un pèlerinage ou de partir en mission.

Quand l'auteur fait de la géographie, il a tendance à ne pas parler souvent de problèmes essentiels à la compréhension des pays étudiés et se refuse à faire une étude critique de la situation économique de notre province. Il se félicite de toutes les richesses du sol, du sous-sol et des eaux et conclut que tout est "florissant" chez nous. Par contre, il n'entreprend pas une étude approfondie du rôle économique, social et politique que la Voie Maritime du Saint-Laurent va être amenée à jouer. On en parle à peine.

La formation géologique du sol n'est pas non plus expliquée sérieusement et si on prononce le mot de "bouclier canadien", les enfants ne sauront pas à quoi il correspond du point de vue histoire géologique. En revanche, on fait autant qu'on peut le résumé de l'histoire de chaque région; on retrouve dans ce résumé tous les défauts relevés et signalés dans notre chapitre réservé à l'étude de l'histoire.

Enfin, l'auteur semble être satisfait du programme puisqu'il dit dans sa préface, à côté de très belles remarques sur l'enseignement de la géographie: Le programme "peut sembler [102] excessif; il embrasse le monde entier. Qu'on se rassure toutefois: seul le Canada demande une étude systématique et approfondie". (Frères maristes, Géographie, 6e et 7e) Pourtant, alors que plus loin l'auteur émet l'opinion que l'Europe "a été longtemps considérée comme la métropole du genre humain", il ne l'étudie pas ou presque pas, et en tout cas très mal, car il en donne une idée fausse, démodée et non géographique. L'auteur est donc la preuve vivante du fait que nous regrettons: à savoir, que trop de Canadiens-Français ne connaissent pas l'Europe, ne sont pas intéressés par la France, ce qui pourtant leur permettrait de contrecarrer la fascination exercée par les États-Unis.

En effet, l'auteur étudie les États-Unis de manière aussi détaillée que le Canada, puisqu'après une étude générale qui aurait pu suffire il se lance dans une longue étude régionale. On perd de vue la géographie générale et on dresse une véritable nomenclature de toutes les richesses économiques de ce fabuleux continent. On st écrasé par tous ces chiffres, malgré les nombreux graphiques. En revanche, on ira de surprise en surprise si on voyage aux Etats-Unis, car des aspects humains essentiels sont passés sous silence. En particulier, on ne parle pas du problème noir. On ne fait pas assez ressortir les facteurs qui ont joué favorablement dans le sens de cette expansion économique prodigieuse. On ne parle pas des crises économiques ni des caractéristiques de ce régime capitaliste qui a dû être corrigé plusieurs fois par le gouvernement. On passe sous silence son influence dans notre économie.

En résumé, ces manuels ne sont pas mauvais. Ils ont même beaucoup de bon: des références à des lectures, des exercices [103] inspirés par les méthodes actives, des tableaux frappants, un lexique pour l'explication des mots marqués d'un astérisque, par exemple. Mais tel qu'il est présent actuellement, nous pensons qu'il serait préférable de lui substituer les manuels de la collection Dagenais, s'il fallait encore continuer à enseigner dans le cadre d'un programme aussi pauvrement tracé.

La collection Dagenais est loin d'être parfaite dans son ensemble, mais on pourrait arriver au but en travaillant certains manuels plus intensément dans le sens tout à fait scientifique et méthodique qui les inspire. Le modèle de cette collection est sans contredit le manuel de 4ème et 5ème années (Géographie 4e et 5e, 1960). Le seul reproche que nous faisons à ce manuel découle des déficiences du programme, de l'insuffisance du temps départi à la géographie et de l'absence d'heures spéciales laissées à la leçon de choses. Pour toutes ces raisons, on ne fait pas de géographie pendant les trois premières années du cours primaire, et en 4ème année, alors qu'on a moins de temps encore qu'auparavant, on est obligé de former l'esprit géographique des enfants pendant presque le tiers du volume. C'est d'autant plus ridicule que ces notions sont extrêmement simplifiées par rapport aux premiers livres des écoliers français et qu'on pourrait très bien les avoir vues à fond en troisième année où on a perdu son temps.

Cette révision reprend d'ailleurs les lignes essentielles du livre de cette collection qui s'adressait à la 4ème année avant le changement de programme que nous avons déjà déploré (Brouillette, Dagenais et Faucher, Géographie 4e, 1935). Ce petit cahier était très satisfaisant même s'il était simple pour [104] quatrième année. Les illustrations très stylisées étaient peut-être discutables surtout parce qu'elles ne s'appuyaient sur aucun document photographique. Ce manuel serait tout à fait à la portée d'élèves plus jeunes ayant une bonne formation en leçon de choses qui reste la base scientifique et concrète de toutes les années du cours primaire.

Le guide du Maître de Dagenais pour la 1ère année est précédé d'une étude des programmes des trois années. Ses conseils prouvent qu'il s'agit bien là de leçons de choses, géographiques bien sûr, mais leçons de choses seulement. On va apprendre à l'enfant "à voir et à comprendre, dans la mesure de ses moyens les réalités concrètes du petit monde qui l'entoure, de lui donner une connaissance consciente des choses et des phénomènes qui tissent sa vie quotidienne". C'est la définition de toute leçon de choses bien comprises. Si on pouvait aller plus vite, les enfants de troisième année seraient même prêts à dépasser les limites de l'ancien livre de Brouillette de quatrième année et auraient certainement grand plaisir à entendre déjà appliquer ces premières notions géographiques dans les différents pays et dans leur province.

S'ils étaient ainsi formés, le manuel suivant pourrait être plus approfondi et surtout plus rapide. On pourrait peut-être alors y inclure quelques chapitres sur la France. Si les cartes étaient toutes aussi parlantes, et la documentation aussi soignée et enrichissante, nos enfants sortiraient de leur quatrième année avec des bases très solides en géographie et la possibilité de profiter pleinement des heures consacrées à l'histoire de France. [105]

Le manuel de 6ème et 8ème années nous plait [sic] moins à cause de ses cartes. Il est infiniment regrettable que, justement pour les provinces moins connues que la nôtre, les cartes soient le plus souvent quelconques, surtout si on les compare avec les cartes du manuel précédent qui sont ce qu'elles doivent être. Il y a manque aussi beaucoup [sic] de schémas comparatifs: tous les tableaux documentaires contenant les chiffres de population, superficie, productions, commerce, etc... devraient être des dessins vivants et si possible amusants de manière à frapper l'imagination de l'enfant. Ces tableaux de chiffres ne seront pas retenus sans cette aide indispensable à tout géographe, et à plus forte raison aux enfants. Il y a un schéma de ce genre illustrant magistralement le progrès du peuplement américain à la page 106. Il faudrait qu'il y en eût beaucoup plus.

Les chapitres traitant des Etats-Unis ne disent que l'essentiel, mais ils le disent bien et tout y est. On ne s'y attarde pas inutilement sur l'Amérique du sud, mais malheureusement l'Europe est parcourue à toute allure et on ne s'arrête pour ainsi dire pas en France. Le style est aussi moins simple que dans le manuel précédent, car l'auteur a cru bon d'imaginer un voyage qu'il raconte aux enfants. C'est le Maître qui devrait inventer ces histoires et non le manuel.

Il y a dans cette collection une géographie générale assez simplifiée (pour la 8ème année) qu'il serait bon d'intégrer au programme de la manière très simple qui consiste à se servir de l'étude de chaque région pour apprendre sa géographie générale. On pourrait [106] revoir la géographie générale de manière beaucoup plus scientifique, un peu plus tard.

Nous avons en somme des auteurs consciencieux, mais soumis à un mauvais programme et qui ont dû travailler trop vite. Il faut beaucoup de temps, de spécialistes, et de moyens financiers pour composer un manuel de grande valeur. Ce principe vaut pour toutes les matières du programme. Au cours primaire, il est essentiel que le grand spécialiste du sujet soit conseillé par des experts en pédagogie ou en méthodologie, ou par une personne ayant elle-même l'expérience de l'enseignement primaire.

Il faudra savoir trouver toutes ces compétences et discuter avec elles des changements à apporter de toute urgence au programme.

III - Recommandations

En résumé, nous recommandons;

QUE la France soit incluse au programme de géographie et que le reste du monde y soit vu rapidement.

QUE l'étude de la géographie soit intensifiée dans toutes les années et en particulier dans les trois premières.

QUE les manuels tiennent compte davantage de la dimension terrestre et des notions fondamentales de géographie générale.

QUE la cartographie de nos régions soit complétée de manière qu'il puisse y avoir dans toutes les écoles et à la disposition des élèves des cartes de leur municipalité et de ses environs, du genre des cartes d'état-major françaises.

Nos écoliers doivent non seulement se préparer à l'accomplissement de leur tâche quotidienne par une étude de leur milieu [107] mais ils doivent garder une formation de leur programme de géographie. Leur esprit devra être ouvert au monde pour être à même de comprendre et d'aimer la lecture des nouvelles nationales et internationales. Leur patriotisme devra être retrempé à ses sources françaises si l'on veut que le citoyen de demain prenne conscience de ses devoirs et de ses droits.

Enfin, on devra penser à faire éclore des vocations de géographes, car notre pays devrait pouvoir trouver sur son propre terrain les spécialistes de géographie régionale dont il a besoin pour organiser et développer rationnellement son immense territoire.

Hélène Pardé-Couillard
B. ès-lettres, LL.L. (Grenoble) [108]

UN ENSEIGNEMENT À REPENSER: LA LEÇON DE CHOSES.

L'une de nos membres qui passe l'année scolaire en France avec ses enfants nous adresse le témoignage suivant: "La leçon de choses intéresse Claire énormément. Je crois que nous ne devrions pas sous-estimer l'importance de ces leçons. Les élèves ont même appris à faire du vin en classe en apportant chacune sa grappe de raisins. Ces leçons sont vraiment un élément culturel important car Claire y fait souvent allusion".

En effet, dans le programme français, on a toujours accordé une place importante à la leçon de choses pour laquelle une grande liberté est accordée au maître.

C'est à l'aide d'observations personnelles convenablement dirigées qu'on développe un véritable esprit scientifique capable d'objectivité. Un instituteur français nous explique: "Ce qui importe avant tout c'est d'éduquer l'observation, ce qui entraîne le développement d'autres facultés (raisonnement, mémoire, expression) et de qualités morales (souci de respecter la vérité) et intellectuelles (ordre). Ces leçons constituent, d'autre part, un excellent moyen d'acquisition du vocabulaire et d'expression d'abord orale puis écrite".

Il est certain qu'une telle formation est infiniment souhaitable pour les enfants. On leur donne ainsi les moyens de garder un esprit ouvert et une méthode simple et réfléchie qui leur servira toute leur vie.

Au cours primaire canadien-français, on fait certes de la leçon de choses, mais d'une manière peut-être trop dispersée. [109] On fait de l'hygiène à l'aide de manuels mal composés. L'enseignement de la géographie est retardé et ralenti à cause de la nécessité de former d'abord l'esprit d'observation des élèves. En histoire, on apprend le nom des plantes et des animaux du Québec. Il y a enfin le cours de "connaissances usuelles" qui se veut l'équivalent de la leçons de choses française.

D'après l'étude menée par le Dr Katherine Berdnikoff, membre de notre association, il ne semble pas exister un seul manuel canadien-français sur le sujet. On se réfère pour les besoins du moment à des fascicules publiés par les Frères de l'Instruction Chrétienne, traitant de diverses notions fondamentales: plantes, blé, animaux, transports, postes, laine, maisons, etc. Ces fascicules ne sont pas d'un usage courant et régulier. Les publications du "Jeune Naturaliste" parfois distribuées au niveau primaire ne sont pas faites pour des enfants aussi jeunes. Elles sont très scientifiques et très spécialisées et s'adressent aux élèves du cours secondaire. Elles vont, en outre, dépasser le cadre de l'histoire naturelle et seront toujours destinées à la documentation scientifique des plus grands. En conséquence, nous ne devrions pas en tenir compte dans notre étude.

Il est surprenant aussi que l'on utilise, en sixième et septième années, cette petite revue dans laquelle on peut lire des textes comme celui-ci: "Qu'est-ce que l'hérédité? (Sept., Oct., 1961) On possède aujourd'hui de nombreuses raisons de croire que deux chaînes comme celle de la figure 1 (dans lesquelles cependant le ribose est remplacé par le désoxybose [110] et l'uracile par le thymine) sont enroulées l'une autour de l'autre par l'intermédiaire de leurs bases azotées: l'adénine étant toujours reliée à la thymine et la guanidine à la cysosine..."

Les sujets traités dans les fascicules des Frères de l'Instruction Chrétienne sont, en général, replacés dans leur cadre historique et reliées à d'autres problèmes connexes, mais ces brochures se présentent comme des annonces publicitaires. Leur contenu est délayé, mal écrit et mal composé: "Le sucre. - p. 29... Il suffit de faire bouillir du sirop jusqu'à ce que le thermomètre ci-dessus marque (sic)_18 degrés de plus que l'eau bouillante ordinaire; pour le sucre, on laisse monter jusqu'à environ 30 degrés au-dessus de l'eau bouillante..."

Les photographies choisies ne présentent souvent aucun intérêt. Pour illustrer les "plantes alimentaires", on présente cinq photos de marché, deux photos d'enfants qui mangent, quelques vues de fermes. Pour les "machines simples", six photos de levier; pour la "laine", quatre photos et deux dessins de moutons, un dessin et une photo de rouet. La transition du "cheval à l'auto" est illustrée par neuf photos de chevaux. Parfois, ces illustrations sont accompagnées de chansons comme "Meunier, tu dors" pour le blé, ou "La petite diligence", pour les transports.

Enfin, le fascicule sert à l'occasion à des leçons de morale souvent très discutables, et certainement nuisibles à la bonne formation scientifique et à la religion. Il est maladroit de parler de Dieu sans tenir compte de l'enchaînement logique des [111] causes secondes et en se laissant entraîner à un véritable anthropomorphisme. Ces explications "providentielles" sont courantes dans le manuel anglais (Christian social living science series, Science committee of Franciscan sisters of christian charity, Wisonsin, U.S.A., 1ère à 5e année): "Les aimants n'obéiraient pas aux lois de Dieu s'ils attiraient la papier, le bois ou le caoutchouc ." (3ème année, p. 84) "... des substances chimiques auxquelles Dieu a donné le pouvoir de changer le zinc". (6ème année, p. 97)

Cette pratique détournera les adolescents avertis de la religion, si l'on n'y prend garde. En évoquant Dieu comme la raison d'être immédiate de tous les faits étudiés, on diminue la curiosité naturelle des enfants. Il est très facile de décider que "Dieu le veut ainsi", ce qui permettra de vivre confortablement à l'abri de tout problème. De plus, il est présomptueux de faire intervenir Dieu pour des motifs souvent mesquins comme on le fait dans tous ces manuels, par ailleurs, remplis de bonnes intentions. On arrivera à "déspiritualiser" l'idée de Dieu. A force d'abuser du vocabulaire religieux, les mots finiront par perdre leur sens véritable. C'est d'ailleurs un principe de la publicité moderne de toujours recourir à de nouveaux procédés pour continuer à capter l'intérêt du public; ainsi, les mêmes choses trop souvent répétées aux enfants deviendront lettre morte. Il ne faut pas ramener le sentiment religieux à de simples réflexes conditionnés.

Les manuels de la Commission catholiques [sic], quoique catéchisants, ont au moins le mérite d'exister. Il y a un [112] manuel pour chaque année, et l'on s'en sert une demi-heure par semaine à partir de la première année. Ces manuels sont très convenables. Les dessins sont vivants et riches à observer. Le texte n'est pas dilué. On propose des travaux à faire en équipe ou à la maison (Christian social living science series, Science committee of Franciscan sisters of christian charity, Wisonsin, U.S.A., 5e année, p. 40 à 50). Les difficultés de détail sont graduées progressivement selon les années, alors que le plan suivi reste identique: l'univers - les plantes - les animaux - éléments d'électromagnétisme - hygiène physique et mentale. Les déduction sont faires [sic] dans un ordre logique et les questions posées font appel au raisonnement et non à la seule mémoire des élèves.

Nous avons examiné le manuel de la Commission protestante pour la 6ème année (Gerald S. Craig, Ruth Lippenberg Roch et John Gabriel, Navarra - Experimenting in Science, Ginn & Co., Toronto, 6ème année). Il est excellent et complet. La leçon de choses est au programme à partir de la troisième année pour une demi-heure à une heure par semaine. Le manuel traite des sujets suivants: l'énergie, les changements de saisons, la croissance des plantes, l'adaptation des animaux aux changements saisonniers, la voie lactée, l'énergie lumineuse; la vie en communauté des plantes et des animaux, la conservation de ressources naturelles, le magnétisme, les machines, l'espace, l'hygiène publique. En somme, le manuel est très bien illustré et progresse logiquement. On tâche de rester aussi près que possible de l'observation directe et les descriptions sont très claires; on pose ensuite des questions pour en tirer enfin des conclusions. En cherchant les causes et les conséquences des faits observés, on examine les inter-relations des objets entre eux et celles de l'homme avec son milieu. [113]

Nous croyons qu'il faudrait pour la leçon de choses un programme de base et des manuels agréablement présentés, clairs et utiles.

Il faut développer l'esprit d'observation de l'enfant dès la première année. Un temps précieux est irrémédiablement perdu si l'on commence en troisième année seulement. On doit profiter du fait que la curiosité, qualité indispensable aux écoliers, est très marquée chez les plus jeunes. Si l'on a su les intéresser à l'étude du monde qui les entoure, on n'aura aucun mal plus tard à initier ces mêmes écoliers aux sciences physiques, chimiques ou biologiques et cette qualité sera particulièrement apprécie des professeurs de l'enseignement supérieur. Le champ d'intérêt des enfants de l'âge du cours primaire est très vaste et permet de traiter d'un grand nombre de phénomènes. Les réflexions que le maître devra susciter seront ensuite rédigées ou expliquées oralement devant la classe. L'élève apprendra ainsi à éviter les styles et les idées flous, l'affirmation de faits inexacts, les explications vagues et incomplètes. Ce manque de vigueur dans l'expression se retrouve au degré secondaire et encore plus gravement au degré supérieur. Si tune telle gymnastique mentale se pratiquait régulièrement dès les premières années d'école, nos compatriotes cesseraient de souffrir d'un véritable complexe dans l'expression de leurs idées.

Les jeunes enfants ont, contrairement à ce que l'on pense, une soif et un besoin d'explications précises et une grande [114] capacité de compréhension pour les réponses scientifiques et synthétiques qu'on aura su leur donner. Toute conclusion déduite devra être vraie et exacte, ce qui enseignera aux enfants un grand respect pour la vérité et la précision en même temps qu'ils en acquerront l'habitude.

En principe, le maître devrait pouvir se passer de manuel et se borner à faire observer les phénomènes courants à la ville et à la campagne, dans le ciel et sur la terre. Il pourrait attirer l'attention des élèves au moment propice. Cependant, en pratique, on ne peut pas toujours interrompre une leçon ou un devoir. Dans les grandes villes, on ne peut pas facilement mener des dizaines d'enfants dans les musées ou dans les jardins botaniques; à la campagne, il n'y a pas de musées, ni d'usines. Comme il faut unifier les connaissances acquises à l'échelle nationale, et que les enfants doivent pouvoir se référer à du concret pour apprendre leurs leçons, en pratique, il est quasi impossible de se passer de manuel.

Il faudrait un manuel pour chaque année. Les petites revues ne peuvent servir que d'à-côté, mais les manuels pourraient leur emprunter l'idée d'une présentation moins livresque. Il serait excellent que les élèves puissent intercaler leurs travaux personnels et les observations de leur professeur entre les pages d'explications théoriques du livre. C'est pourquoi nous croyons que la formule des manuels de Physiologie et de Botanique telle que conçue par le Frères Brassard (du collège de Joliette) serait intéressante à utiliser (Les plantes, Manuel de botanique pourn8e et 9e années) [115]

En attendant la composition d'un bon manuel, il serait souhaitable d'adopter les manuels utilisés dans l'enseignement français, quitte à laisser au maître toute latitude pour ignorer certains chapîtres [sic] ou en ajouter d'autres. Ces livres sont clairs et précis. Ils entrainent [sic] les enfants assez loin, ce qui est une qualité souvent introuvable dans nos manuels. Il en existe deux excellents publiés par Hachette et Nathan (Orieux, Everarere, Leçons de choses, Hachette; A. Godier, Mme S. Moreau & N. Moreau, Exercices d'observation, C.M. & C.S. Nathan) et on peut également se procurer des gravures qui aideraient beaucoup aux explications scolaires du maître (Anscombre, 29, rue de Fourgneux, St-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise, France, Grandes gravures destinées à l'illustration des cours de leçons de choses).

Il va sans dire que le manuel ne devra pas se substituer au maître qui restera le directeur de la leçon de choses. C'est lui qui aidera l'enfant à passer de la vérité subjective à la vérité objective. Le professeur devra faire appel le plus possible à l'étude directe chaque fois qu'il le pourra: promenades dans les jardins, à la campagne, au zoo; visites de musées, d'usines, de fermes, de laboratoires. L'emploi des films et la télévision pourront être d'un précieux secours pour suppléer à l'impossibilité des observations extérieures.

Il y aurait lieu, alors, d'encourager l'organisation de salles de musées spécialisées dans l'éducation. A New York, au musée d'Histoire Naturelle, à Philadelphie, au Franklin Insittute, à Paris, au Palais de la Découverte, les enfants peuvent observer le processus de l'évolution, l'univers, certaines grandes découvertes, le tout représenté de manière vivante et intelligente. [116]

A l'occasion de ces visites aux musées, les enfants apprendront en un seul après-midi, ce que le maître aurait du mal à leur faire comprendre en une année d'explications scolaires.

La participation personnelle des élèves aux recherches et aux observations est aussi très profitable. On doit susciter l'initiative des projets individuels et collectifs, tels qu'ils sont suggérés dans les manuels anglais (Christian social living science series, Science committee of Franciscan sisters of christian charity, Wisonsin, U.S.A., 1ère à 5e année) où l'on explique, par exemple, comment faire un aquarium et un terrarium.

Il faut également habituer les élèves à discuter entre eux, ce qui les habituera à penser logiquement, à exprimer clairement leurs idées et à discuter en public. Dans le manuel précité, on trouve des sujets de discussion à la fin de chaque leçon.

Il est évident que c'est seulement dans la mesure où les élèves auront participé activement à la leçon de choses que les faits étudiés resteront acquis.

Recommandations:

Nous recommandons donc:

1º Que le programme de la leçon de choses soit repensé et unifié.

2º Que la leçon de choses s'enseigne dès la première année.

3º Que les maîtres reçoivent la formation pédagogique spéciale susceptible de leur permettre de diriger efficacement la leçon de choses. [117]

4º Que, en attendant la création de manuels canadiens-français acceptables, l'on adopte les deux meilleurs manuels français mentionnés dans notre bibliographie (Orieux, Everarere, Leçons de choses, Hachette; A. Godier, Mme S. Moreau & N. Moreau, Exercices d'observation, C.M. & C.S. Nathan)

5º En outre, chaque classe de la Province devrait être en mesure de se procurer les séries de grandes gravures très utiles et fort bien faites, dont nous avons parlé précédemment; on pourrait certes se les procurer facilement et à peu de frais. (Anscombre, 29, rue de Fourgneux, St-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise, France, Grandes gravures destinées à l'illustration des cours de leçons de choses).

Rédigé en collaboration par:
Katherine Berdnikoff, M.D.
Hélène Pardé-Couillard
B. ès-lettres, LL.L. (Grenoble) [118]

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L'ENSEIGNEMENT DE L'ARITHMÉTIQUE

1. La langue des manuels et leur contenu culturel.

L'enseignement de l'arithmétique au cours primaire canadien-français pose plus d'un problème, et en premier lieu, celui de la langue et de la culture. Encore une fois, la comparaison de nos manuels avec les manuels français est très révélatrice.

Si nous feuilletons, par exemple, le premier livre d'arithmétique français de Delfaud et Millet (Arithmétique - Premier livre, Paris, Hachette, 1936), nous voyons que l'enseignement de cette matière y est tout tissé de culture littéraire française et demeure fidèle aux qualités de l'esprit français: clarté, netteté, vivacité.

Ainsi, l'unité y est expliquée à l'aide du conte de Perrault, "Le petit Chaperon rouge": "Je vois une petite fille, un loup, un bûcheron, une maison, ..." et on y compte des galettes. Et cela continue joyeusement avec "Compère Guilleri", comptez les chiens, les arbres, les pommes, les maisons de la gravure. Le nombre trois est illustré par "Cadet Rousselle" et il faut compter les hirondelles. A travers cela, est intégrée la leçon de choses et l'exercice de vocabulaire: [120]

Vocabulaire:

"Trois pommes, cinq poires, neuf prunes, quatre pêches, six abricots, deux amandes, sept figues, huit noix".

Extraordinaire avantage: dès la quatrième leçon, l'écolier français est initié au système métrique. Plus tard, il n'aura pas à s'adapter à un nouveau système. Les mesures sont enseignées au début: le mètre, le litre, le gramme. Dès la septième leçon, on traite des lignes: ligne droite, brisée, courbe, angle droit, aigu et obtus. Puis, l'apprentissage des chiffres continue, toujours dans un contexte culturel: on travaille les dizaine avec les dindons de Peau d'Âne, et les autres chiffres jusqu'à vingt, avec le pont d'Avignon: "Sur le pont d'Avignon, dix enfants dansent. Un enfant est entré dans la ronde. Cela fait onze enfants". Et puis, les allusions aux contes, aux chansons, aux fables de La Fontaine "Le héron difficile", ou à la leçon de choses: "Le changement du bateau".

Les mesures sont illustrées par leur "utilité", si l'on peut dire: le décamètre, par la chaîne d'arpenteur; le décalitre, par le grainetier et le vigneron; le décagramme, par le pharmacien, et ainsi de suite. En résumé, nous avons là un petit livre extrêmement intelligent.

Les données des problèmes sont rédigées avec soin et avec toute la richesse de vocabulaire possible. (On nous a dit qu'un petit élève canadien-français passant à l'école française avait de la difficulté à comprendre les données des problèmes. [121]

Un brasseur livre à un cafetier...
Un cycliste achète une enveloppe de pneumatique...
Un brocanteur a acheté une vieille table...
J'ai acheté une barrique de vin de 225 livres chez un viticulteur du Midi...

Tous les métiers y passent:

Un marchand de jouets.
Un chemisier.
Un horloger.
Un quincaillier.
Un armurier.
Une marchande de fruits a payé des raisins muscats...
Un épicier.

Il faudrait citer au complet ce premier livre d'arithmétique de Delfaud et Millet (Arithmétique - Premier livre, Paris, Hachette, 1936), comme exemple de manuel qui cultive en instruisant. On y relève aussi des exemples de "culture des sentiments", telle cette phrase douce: "Une maman achète à son petit garçon..."

Dans les livres plus avancés, il est intéressant de découvrir des préoccupations sociales: "Questionnez votre mère, si elle reste au foyer, sur le nombre d'heures qu'elle emploie chaque jour pour les soins du ménage: nettoyage, lavage, raccommodage, cuisine. D'après le salaire horaire des femmes de ménage et ajoutant, s'il y a lieu, l'allocation de salaire unique, calculez le gain journalier et mensuel de votre mère." (Arithmétique - Premier livre, Paris, Hachette, 1936)

Voilà un problème qui fait réfléchir l'enfant et le fait chercher. En voici un autre: "Un père de famille à la suite de l'augmentation du prix de tabac renonce à fumer. Sachant qu'il achetait un paquet de cigarettes par jour et qu'avec l'argent économisé il veut acheter un poste de T.S.F., dire dans combien de temps il pourra réaliser son projet (renseignez-vous sur le prix des cigarettes et sur celui d'un poste de T.S.F.)" [122] Ce problème place l'enfant (de dix ou onze ans) en face de la réalité, l'amène à sortir de son livre pour regarder autour de lui, recueillir les éléments dont il a besoin, et les introduire dans l'arithmétique.

Il ne fait pas de doute qu'un spécialiste de la pédagogie des mathématiques trouverait bien d'autres avantages au manuel français. Nous avons voulu simplement souligner l'aspect qui nous préoccupe, c'est-à-dire la communication d'une culture française et d'une culture humaine par les disciplines de l'enseignement primaire.

Toujours, dans les manuels canadiens, nous retrouvons cette lenteur dans la démarche, cet ennui et cette incertitude linguistique. "Est-ce correct?" Nous demandons-nous! Et ce ne l'est pas toujours. Dans le "Calcul vivant" (Gérard Beaudry, Calcul vivant - 3e année) de troisième année, nous lisons à la page 97: "J'achète quatre wagons à l'huile". N'y aurait-il pas lieu de parler plutôt de "wagons-citernes"? Constatation amusante: on ne trouve pas, dans les manuels français de noms de familles comme dans les livres canadiens:

Monsieur Boudrias va à New York...
La famille Gendron...
M. Douville a une auto...

Nous relevons aussi dans l'Arithmétique de 4ème année des Frères du Sacré-Coeur (Arithmétique - 4e année, 1952):

Bouteille de liqueur (p. 123)
Rose a $2.10 dans sa banque (p. 180)
Patates (p. 188) [123]
Sa boîte d'ouvrage (p. 196)
Liqueur froide (p. 198)
Votre père a dépensé huit gallons de gazoline (p. 199)

Dans un dollar ou une piastre (p. 215)

Un des problèmes de l'enseignement de l'arithmétique au cours primaire canadien-français est donc le grand problème général de la langue. Doit-on enseigner l'arithmétique - et les autres matières - en français international ou en français "marginal"? [124]

[...]

Recommandations:

[...]

2. Que les manuels d'arithmétique soient appréciés en fonction de l'aide qu'ils peuvent apporter à d'autres disciplines telles que l'acquisition du vocabulaire, sa précision, sa correction, aussi bien qu'en fonction de leur valeur pour l'enseignement de l'arithmétique proprement dite. [129]

[...]

Ce texte a été rédigé par mesdames:
Françoise Maillet-Lavigne
Colette Fortier-Lépine [130]

[...]

L'ENSEIGNEMENT DE LA RELIGION AU COURS PRIMAIRE

[...]

Les manuels, les méthodes, les professeurs.

Nous recommandons que le même manuel de catéchisme ne soit pas en usage de la 3ème à la 7ème année inclusivement. Qu'on adopte plutôt un manuel pour les besoins de deux années du cours primaire, soit la 3ème et la 4ème, la 5ème et la 6ème années. [166]

[...]

Recommandations:

[...]

2º Que le ou les manuels utilisés pou l'étude du catéchisme soient rédigés par des catéchistes compétents et soient mis au point soigneusement avant d'être lancés sur le marché et adoptés. [172]

[...]

Rédigé en collaboration par Mesdames:
Françoise Lavigne
Louise Lefebvre

J.P. Parent [172]

[...]

LE RÔLE DES ÉDUCATEURS

1. Le droit à l'expression.

[...]

Les manuels doivent être non seulement attrayants, mais il importe que leur texte soit littéraire. C'est l'avancement culturel de la communauté canadienne-française qui compte et non l'encouragement, les intérêts d'un individu ou d'un groupe d'individus. Que la rédaction de ces manuels soit confiée à des personnes qui ont vraiment appris leur métier. On ne s'improvise pas auteur en ce domaine. S'il est impossible de trouver les personnes voulues pour rédiger d'excellents manuels, en attendant que les auteurs surgissent, utilisons des livres importés comme la chose se pratique dans les cours secondaire et universitaire. [176]

[...]

Gabrielle Labbé [184]

[...]

RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES

[...]

3. Que l'on emploie les manuels français en obtenant, sil le faut, la permission de rééditer ces manuels chez nous pourvu que la qualité demeure la même. Il est bien entendu que toute importation de manuels français doit se faire par accords entre les gouvernements intéressés et par leur intermédiaire de manière à éviter que les entreprises privées spécialisées dans de telles opérations ne rendent les prix de ces manuels inabordables, alors qu'en France ils sont relativement bon marché.

[...]

7. Que les manuels canadiens, si nous en conservons quelques-uns, soient rédigés soigneusement en français universel. [194]

[...]

Langue française À cause de toutes les raison que nous avons énumérées au cours de ce mémoire, nous recommandons:

1. Que les manuels canadiens soient retirés des écoles et qu'on leur substitue les meilleurs manuels français, lesquels pourraient être complétés par un livre de lectures canadiennes scrupuleusement choisies.

[...]

Histoire

1. Le programme d'histoire doit être repensé. Il doit inclure l'histoire de France. L'histoire du Canada devra dépasser le cadre unique de la province de Québec et traiter de tous les évènements [sic] nationaux depuis la découverte du Canada jusqu'à nos jours.

2. Tous les manuels d'Histoire du Canada, en usage actuellement, de la première à la septième année (même en 8ème et en 9ème) doivent être retirés de la circulation.

3. Les manuels d'Histoire du Canada devront être rédigés par des historiens reconnus et en collaboration avec des personnes compétentes en méthodologie de l'histoire.

4. Les illustrations devraient être judicieusement choisies et commentées. Dans ce but, il est urgent que des recherches soient entreprises immédiatement pour retracer de manière [195] systématique tous les genres de documents historiques: gravures, croquis, récits, armoiries, médaillons, caricatures, etc.

5. Pour le moment, du moins, on devra adopter les manuels d'Histoire de France utilisés en ce pays dans les classes correspondantes, quitte à laisser aux instituteurs la liberté de ne pas les suivre à la lettre, à condition que les instituteurs aient une formation adéquate.

Géographie

Nous recommandons:

[...]

3. Que les manuels tiennent compte davantage des notions fondamentales de géographie générale.

[...]

Leçons de choses

Nous recommandons:

[...]

4. Que, en attendant la création de manuels canadiens-français acceptables, on adopte les deux meilleurs manuels français mentionnés dans notre bibliographie. (Everaere Orieux, Leçons de choses, Hachette; A. Godier, S. Moreau et N. Moreau, Exercices d'observation, Nathan)

5. En outre, chaque classe de la Province devrait être en mesure de se procurer les séries de grandes gravures très utiles et fort bien faites, dont nous avons parlé dans le mémoire. On pourrait certainement se les procurer sans difficulté et à peu de frais. (Anscombre, 29, rue de Fourgneux, St-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise, France, Grandes gravures destinées à l'illustration des cours de leçons de choses). [196]

[...]

Mathématiques

Nous recommandons:

[...]

2. Que les manuels d'arithmétique soient appréciés en fonction de l'aide qu'ils peuvent apporter à d'autres disciplines telles que l'acquisition du vocabulaire, sa précision, sa correction, aussi bien qu'en fonction de leur valeur pour l'enseignement de l'arithmétique proprement dite. [197]

[...]

Religion

Nous recommandons:

[...]

4. Que le ou les manuels utilisés pour l'étude du catéchisme soient rédigés par des catéchistes compétents et mis au point soigneusement avant d'être adoptés et lancés sur le marché.

5. Qu'une commission permanente de catéchistes, activement engagés dans l'enseignement de la religion, soit établie dans le but de revoir et de mettre constamment au point les manuels et les méthodes utilisés pour cet enseignement. [199]

[...]

LA RÉFORME DES STRUCTURES DE NOTRE ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

[...] Règlements du comité catholique de l'instruction publique

[...]

142 à 156: Approbation des livres de classe Il est évident que ce court chapitre devra être remplacé par des règlements précis qui donneront à des personnes compétentes cette lourde responsabilité du choix des manuels scolaires. Aucun article ne se réfère à des exigences précises sur les qualités des auteurs, sur le contenu et sur la présentation des manuels.

La méthode d'approbation des manuels pourrait donner satisfaction si l'on créait un ministère de l'éducation auquel serait attaché un service spécial composé d'experts qui s'occuperaient, à temps complet, de cette importante question; ceux-ci pourraient s'adjoindre des comités consultatifs. Nous ne saurions trop insister sur l'urgence d'une réforme immédiate et complète de la procédure actuelle. [206]

[...]

AUTRES RECOMMANDATIONS

[...]

II. Manuels scolaires

Nous recommandons:

1) que le public connaisse les noms de ceux qui composent les divers comités de lecture du DIP afin que l'on sache qui a lu les manuels et recommandé leur adoption. L'anonymat et l'irresponsabilité ne profitent qu'aux marchands de manuels;

2) que les manuels, une fois distribués gratuitement, restent la propriété des élèves; [...]" (p. 215).

1962
xxx. Les commissaires d'écoles catholiques pour la municipalité de Val d'Or - Mémoire soumis à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 39, 11 p.

"3. - Les manuels d'enseignement:

Nous constatons d'abord un changement trop fréquent des manuels d'enseigne-ment. Réalise-t-on en hauts lieux les fortunes qui s'engloutissent à cause de ce besoin constant de prétendues améliorations?

Nous avons fait un relevé des livres en usage dans nos écoles pendant les quatre dernières années. Nous vous en donnons ici les conclusions sous forme d'exemples:

1959-60: Méthode de composition française IV, Le plan, (Édition française): par Geslin.
1960-61: Méthode de composition française IV, Le Plan, (Édition canadienne): par Gesln.
1961-62: Méthode de composition française IV, Le Plan, (Édition canadienne 196 [sic]): par L. Geslin et J.-M. Laurence.
L'édition canadienne de l'édition française précédente l'a-t-telle améliorée? On y a ajouté quelques pages qui [7] auraient pu facilement être reliées en un petit feuillet que l'élève aurait collé dans son volume.

Nous dira-t-on en quoi l'addition du nom de M. J.-M. Laurence à celui de Geslin a pu améliorer l'édition canadienne au point de nous obliger à rejeter les deux premiers volumes?

Autre exemple:

1) Lectures littéraires, Tome I: F.I.C.

2) Lectures littéraires, tome II: F.IC.

Ces deux volumes utilisés au cours des trois dernières années seront remplacées en septembre 1962 par:

1) Lectures littéraires, Tome I: F.I.C.

2) Lectures littéraires, Tome II: F.I.C.

3) Lectures littéraires, tome III: F.I.C.

3) Lectures littéraires, tome IV: F.I.C.

Quatre volumes différents, c'est plus payant que deux vieux volumes qui ont pourtant bien servi la gent étudiante pendant quelques années.

4e année:

1959-60: Géographie, 4e année par Frères Maristes
1960-61)
1961-62)
Géographie, 4e & 5e années par Frères Maristes

En septembre 1960, nous avons dû remplacer au complet le 1er volume par l'autre. [8]

Les premiers, encore en bon ordre, dorment dans nos tablettes.

5e année: même problème pour la Géographie de 5e pour 4e et 5e

6e année: même problème pour la Géographie de 6e pour 6e et 7e

7e année: même problème pour la Géographie de 7e pour 6e et 7e

Des changement analogues ont été imposés pour l"Initiation à la musique", mais ça se rend cette fois en 9ième année.

1959-60: Étude de la comptabilité - Centre de pédagogie remplacée par
1960-61)
1961-62)
Comptabilité: Gosselin et Bélisle.

9ième année:

1959-60: Méthode de Composition française III La Narration (Geslin) remplaçée [sic] par
1960-61)
1961-62)
Édition canadienne et le nom de M. J.-M. Laurence.
1959-60: Filles: Économie domestique 8e et 9e C.N.D. remplaçée [sic] par
1960-61)
1961-62)
L'enseignement ménager 8e et 9e C.N.D.

Probablement qu'on a trouvé de nouvelles recettes.

1959-60: Étude de la comptabilité (Fr. Irénée) Centre de Pédagogie, remplaçée [sic] par
1960-61)
1961-62)
Comptabilité: Gosselin & Bélisle. [9]

10ième année:

1959-60: Questions de vie familiale: Lemoine.
1960-61: (filles) Éducation familiale C.N.D.

Volume impossible à trouver au moment du changement car il était déjà épuisé en librairie.

1961-62: Éducation familiale de la jeune (Marthe St-Pierre)

10iè3me et 11ième années:

1959-60: L'économie domestique à l'école supérieure C.N.D. remplaçée [sic] par
1960-61)
1961-62)
L'Enseignement ménager au cours secondaire C.N.D.

Matières commerciales:

1959-60: Étude de la comptabilité: Centre de Pédagogie remplaçée [sic] par
1960-61)
1961-62)
Comptabilité: Gosselin et Bélisle

11ième année - anglais - 11e et 12e

1959-60: Improve your English: M. West remplaçé [sic]
1960-11)
1961-62)
Improve your english (Ed. can.) M. West
1959-60: Living English Structure: W. S. Allen remplaçé [sic] par
1960-61)
1961-62)
Living English Structure (Nouvelle édition) W. S. Allen [10]

Cette triste énumération prouve assez que cette méthode est néfaste surtout au point de vue pécunier [sic] pour les commissions scolaires. Ces seuls changements représentent un montant élevé que nous n'avons pas besoin de prouver par chiffres. Pourtant on nous promet d'autres changements pour bientôt.

Nous proposons que le Département de l'Instruction publique porte une attention très sérieuse à ce problème. Si de tels changements doivent être absolument faits, nous n'avons aucune objection pourvu que le Ministère de la Jeunesse nous accorde un octroi de compensation.

Les libraires, nos fournisseurs, doivent chaque année brûler de pleins camions de ces livres enlevés on ne sait trop pourquoi, du marché. L'éditeur est toujours gagnant, ca il ne reprend pas du libraire les livres non vendus. N'y aurait-il pas une mise au point très sérieuse à faire de votre part à ce sujet? Nous espérons du moins que l'assurance-édition du Ministère des Affaires Culturelles ne se tournera pas de ce côté!

Puisqu'on semble ne pouvoir pas se fixer sur le meilleur manuel et que d'autres facteurs entrent certainement en jeu dans ces changements continuels qui coûtent terriblement cher aux commissions scolaires, nous suggérons ce qui suit pour le cours primaire: [11]

Que tous les manuels soient supprimés et qu''ils soient remplaçés [sic] par un feuillet mensuel, genre revues "L'Élève", et "L'École" améliorées.

Le département de l'Instruction a toujours tenu des comités chargés de la revision [sic] des manuels soumis à son approbation. Qu'il en forme plutôt pour préparer ces fascicules que nous proposons.

Ces comités seraient formés de professeurs compétents et expérimentés dans l'enseignement au cours primaire.

En suivant exactement le programme établi par le département de l'Instruction publique et que nous croyons bien fait, un comité de 3 ou 5 membres serait chargé de fournir la matière à l'enseignement du mois sur la religion, le français, l'arithmétique et les matières diverses, soit en tout, 4 comités pour préparer 4 feuillets présentés avec goût.

Pour chaque matière, le comité ferait des suggestions au professeur sur la méthodologie à suivre. En l'aidant dans la préparation de classe, il s'épuiserait moins vite et pourrait accorder à la lecture dirigée, aux activités dirigées le temps précieux qui devrait être donné à ces matières.

On établirait d'abord un résumé du programme du mois, on présenterait ensuite la matière: v.g., règle de grammaire, formules arithmétiques, connaissances usuelles, etc., le tout complété par des exercices et surtout par de nombreuses questions [12] sur la matière enseignée, des problèmes, des sujets de rédaction, le tout dirigé vers un Centre d'intérêt pour chaque semaine. Chaque mois, on pourrait établir environ 2,000 questions sur l'ensemble des matières du programme.

L'élève serait toujours en éveil car le professeur, au moyen de ce questionnaire, pourrait mieux graver dans l'intelligence de l'enfant tout ce qu'il doit mémoriser.

Ce système serait le même partout, que l'enfant soit à Montréal, Sherbrooke, dans la Beauce ou dans l'Abitibi.

Quand les professeurs prépareront leurs élèves pour un examen de promotion ou de certificat d'études primaires, il n'aurait [sic] pas à fouiller tous les livres en usage dans la province pour savoir si tel fait d'histoire du Canada a été étudié par ses élèves dans leur manuel parce que deux manuels sont autorisés et qu'il manque à l'un ou l'autre certains faits qui sont pourtant dans la matière du programme.

Ainsi, avec des fascicules, les mêmes partout, tous les élèves de la province seront certains d'avoir appris tout ce que le programme contient, il l'aura mémorisé. On semble oublier aujourd'hui que la mémoire a encore sa place à l'école. On demande à l'enfant de 8 ans de raisonner comme un étudiant de 16 ou 17 ans et même très souvent comme un adulte. Laissons l'enfant à son âge, faisons travailler plus sa mémoire. L'enfant veut jouer, jouons à l'école avec [13] lui, ressuscitons ces combats entre deux camps dans la classe au moyen de questions de catéchisme, de grammaire, verbes, vocabulaires, de calcul mental et rapide. Revenons à la carte géographique ou l'élève va pointer sur la carte les principales villes de sa région, de sa province, de son pays; les cours d'eau, les chaînes de montagne, etc. Heureux temps où la classe était vivante, active et où nous apprenions quelque chose sans avoir à recommencer le soir à la maison une journée de travail. Nous n'étions pas obligés de lire tout un chapitre pour trouver la réponse aux questions mal posées d'une Histoire du Canada.

La matière enseignée, les questionnaires, les exercices étant partout les mêmes, l'enseignement du professeur sera plus facilement contrôlable, plus facile à corriger et de plus, l'élève n'aura aucune excuse à offrir pour ne pas assimiler au moins les grandes lignes du programme.

Un autre grand avantage de cette méthode et non le moindre, c'est que les parents pourront recommencer de s'intéresser au travail de leurs enfants. Le papa, après le souper, plutôt que de se plonger dans son journal ou de s'enfuir dans sa cave, trouvera plaisir à questionner son enfant car il comprendra enfin quelque chose à tout ce que son enfant doit étudier. Il est très difficile au papa et à la maman qui ont quitté l'école depuis plusieurs années de [14] se retrouver dans ces volumes que nos enfants ont en leur possession. L'Histoire du Canada est un exemple frappant. D'abord, ce manuel ne relate plus hauts faits de notre glorieuse histoire mais plutôt la petite histoire. Nos héros sont souvent remplaçés [sic] par des gens dont nous n'avons jamais entendu parler auparavant.

Ces fascicules seraient conservés dans un cartable, à la fin de l'année, le volume complet serait placé dans la bibliothèque familiale. On pourrait ainsi continuer de jouer à l'école même pendant les vacances.

Vous demanderez sûrement comment financer une telle entreprise. Le calcul serait simple: Prenons comme base 2,000 élèves du cours primaire comme à Val d'Or. Les fascicules, parce qu'édités en très grande quantité, pourraient coûter environ $1.00 la série chaque mois donc $2,000. par mois et $18,000. par année, parce qu'en juin, les 9 séries serviraient à la revision [sic] de l'année. Le Ministère de la Jeunesse paierait la demie du coût total et la Commission scolaire l'autre demie. Si ça existait chez nous cette année, le Ministère paierait $1,000. de plus et la Commission scolaire économiserait au moins $10,000. On ajouterait quelques cahiers d'exercices, pour l'élève et une série de cartes de questions à l'usage du professeur. [15]

La plus grosse économie du système serait le temps qui se perd par le professeur qui doit continuellement travailler à la place de l'élève pour remplir le programme fixé, pour le mois. Il se plaint qu'il ne lui reste que très peu de temps pour la lecture et pourtant s'il y a quelque chose qui manque chez nos élèves, c'est bien la lecture. Nos enfants ne savent pas lire, comment peuvent-ils comprendre ce qu'ils étudient? Ils ne savent même pas l'ordre des lettres de l'alphabet. Le jeune homme ou la jeune fille qui entrent dans un bureau où on leur demande de faire de la classification doivent commencer à apprendre l'ordre des lettres de l'alphabet. On aurait dû, comme autrefois, leur enseigner cela en 1ère année.

Disons, en terminant ce chapitre, que cette méthode que nous préconisons aboutirait un jour, après une expérience d'environ 5 ans, à la préparation d'excellents manuels d'enseignement, parfaitement greffés sur les programmes et parfaitement adaptés à nos jeunes écoliers. Le Département de l'Instruction Publique aurait fait oeuvre très utile, évité la critique qu'on lui fait aujourd'hui de favoriser tel auteur, telle communauté, tel éditeur. Un tel travail demanderait la coopération des compétences les meilleurs du personnel enseignant de notre province.

Autre proposition: Que ces comités chargés de la revision [sic] [16] des manuels procèdent à un inventaire de tout ce qui s'est écrit sur une matière en fait de manuels d'enseignement. En se guidant toujours sur le programme, qu'on extraie le meilleur de chacun même si pour cela on devait payer les droits d'auteurs de ces volumes. De grâce surtout, qu'on donne à nos enfants des manuels à la portée de leur intelligence. Qu'on multiplie les exemples, les exercices et surtout les questions sensées. "C'est en forgeant qu'on devient forgeron"." (p. 17).

1962
xxx. Manuels et matériel didactique autorisés pour l'année scolaire 1962-1963. S.l., Département de l'instruction publique, 1962. 175 p.
1962
xxx. Mémoire à la commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec présenté par l'association des parents-maîtres du parc de la montagne. Hull, sn., 1962. 35 p.

"PROGRAMME SCOLAIRE ET MANUELS

Il faudrait n'avoir point du tout suivi par la lecture de journaux les séances de la Commission pour croire qu'il est encore possible d'ajouter de nouvelles preuves aux accusations portées contre les manuels scolaires. Pourtant, il s'en trouve encore pour prendre leur défense.

La composition du programme lui-même fera l'objet de quelques observations. Si l'on parcourt le Programme d'études des écoles élémentaires (1959), il est facile de se convaincre des efforts méritants et des bonnes intentions de ceux qui l'ont composé. Ce programme remplit un rôle essentiel en assurant une certaine uniformité dans l'enseignement et en fournissant aux instituteurs les mieux préparés, comme à ceux qui le sont moins, des directives précises quant aux progrès auxquels il faut viser d'une promotion à l'autre. Peut-on cependant ne pas remarquer qu'un volume qui consacre au programme scolaire au niveau élémentaire 700 pages, en contient la moitié, à peu près exactement, à l'enseignement formel de la religion par le catéchisme, la liturgie et l'Ecriture sainte. On aurait souhaité que le même soin fût apporté à las répartition des autres matières, telles que la langue [18] française, l'arithmétique, l'histoire et la géographie.

Cette impression qu'on obtient par la seule comparaison matérielle des parties composant le programme n'est pas strictement conforme à la réalité si l'on tient compte de toutes les circonstances: d'abord que l'enseignement de la religion se donne à partir de deux ouvrages coordonnés, soit le catéchisme et la Bible, alors que les autres sujets dans la majorité des cas s'enseignent à partir d'un manuel unique; en deuxième lieu la description de la matière à enseigner d'un mois à l'autre ou d'une semaine à l'autre dans les autres sujets est fournie dans des publications séparées du département de l'Instruction publique.

Sans entrer dans plus détail, nous aimerions faire immédiatement la recommandation suivante relativement au programme, afin d'assurer que celui-ci sera lu par les instituteurs et les institutrices avec plus de facilité et avec plus grand profit. Le gros livre qu'on met entre les mains des professeurs à l'heure actuelle fait peur aux plus braves d'entre eux à cause de son volume précisément. Si le programme était divisé en deux parties, soit une [19] première partie traitant des objectifs et de la méthodologie des diverses matières, et un deuxième volume fournissant la répartition de la matière, il nous semble que le programme conçu de la sorte deviendrait un outil facile à utiliser et plus profitable aussi, tout en permettant à un directeur d'école ou à un inspecteur de contrôler si en réalité le programme est consulté ou non.

Au fait, ce dont on se rend compte pour peu qu'on observe ce qui se passe dans nos écoles, est [sic] que le programme actuel n'est pas toujours suivi fidèlement par des professeurs formés à des programmes plus anciens qu'ils préfèrent aux programmes modernes, surtout en ce qui concerne la méthodologie. Pour beaucoup, le programme scolaire comme outil de travail n'est qu'un ramasse-poussière au fond d'un tiroir et qu'on ne consulte à peu près jamais.

Pour parer à cette difficulté, ne pourrait-on pas instituer un régime d'examens, par exemple tous les cinq ans, auxquels se présenteraient tous les professeurs afin de soumettre à un jury d'examen oral leurs connaissances et leurs conceptions du programme d'enseignement et de son application. [20]

Abordons l'enseignement de la religion, afin de risquer quelques observations tirées de notre expérience de parents. Des enseignants trouvent encore le moyen d'introduire dans leurs propres textes, préparés sans doute pour faciliter leur tâche et celle des enfants, des erreurs aussi grossières que celle-ci: l'encensoir et les burettes sont énumérés parmi les vases sacrés.

Les catéchismes eux-mêmes, c'est-à-dire les manuels dans lesquels les enfants apprennent la religion par questions et réponses, ne sont pas exempts de défauts pédagogiques. On enseigne, par exemple, à un élève de 1re année qui se prépare à la Première communion que la raison pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ se rend présent à l'autel c'est pour s'offrir à son Père. Vérité totale, facile à retenir pour une mémoire de six ans. Cette réponse parle-t-elle, cependant à l'intelligence et à l'imagination d'un enfant de cet âge?

Le catéchisme est-il exempt d'erreurs doctrinales? Nous reproduisions au long une leçon du catéchisme de la 2e année [21]

Mon livre d'enfant de Dieu, p. 97, c. III. Je dois aimer et servir mon Père du ciel. 1. Ce que le Bon Dieu commande à tous ses enfants.

"La Justice et la Franchise.

Le papa d'André a de gros plis dans le front. Il passe de longs jours sans sourire, même une fois. Qu'y a-t-il?

Très souvent, on peut voir une larme qui traîne sur la figure de la maman d'André.

Les mamans ont bien d'autres choses à faire qu'à essuyer leurs larmes. Leur gros chagrin, le papa et la maman d'André n'en parlent avec personne, excepté avec le Bon Dieu dans leurs prières. Leur gros chagrin, c'est que leur petit André ne comprend pas le beau devoir de la justice ni celui de la franchise.

Sur le chemin de l'école, il trouve cinquante cents. Il regarde tout autour de lui et, vite il glisse le cinquante cents dans la poche de son veston. Ce sera pour s'acheter un canif.

Le lendemain, la maman reçoit un billet. Mademoiselle l'institutrice l'avertit qu'André a gravé son nom sur un beau pupitre fraîchement verni. Cela coûtera un dollar [22] pour faire réparer le pupitre.

"Où as-tu pris ton canif?" demande la maman. André répond: "C'est mon oncle qui me l'a donné."

Pauvre André! Ce ne serait pas surprenant qu'il finisse ses jours à la prison. Et après?... On aime mieux ne pas penser à cela." (Le souligné est de nous.)

Combien plus humaine [sic], plus conformes à la réalité enfantine et plus près de la religion de confiance et d'espoir de Jésus-Christ sont les leçons qui se dégagent des ouvrages de la Comtesse de Ségur qui a écrit Les Malheurs de Sophie, petite fille méchante, menteuse, voleuse, cruelle, qui, avec l'aide de ses parents et de ses maîtres, est devenue une femme vertueuse et exemplaire.

Nous n'insistons pas sur l'enseignement de la religion, car s'il est bien une matière où le Comité catholique de l'Instruction publique est plus compétent que quiconque, c'est bien celle-là.

Nous, les parents, qui devons faire répéter à nos enfants leurs leçons de catéchisme, souhaiterions tout de même qu'en plus de veiller à la doctrine qui constitue le fond de le'enseignement religieux, l'on fasse usage dans les [23] écoles de meilleures méthodes d'enseignement, de sorte que nos enfants comprennent mieux ce qu'ils apprennent et retiennent des leçons de vie au lieu de tableaux schématiques et systématisés, incrustés dans la mémoire par la répétition des questions et réponses à apprendre par coeur, mais qui ne sont pas assimilés d'une façon personnelle.

Quelle est donc cette nouvelle religion que l'on enseigne à nos enfants en fonction de l'oeuvre missionnaire? Il existe chez nous, - et nous supposons que ceci se répète dans toutes les écoles, - un programme missionnaire en vertu duquel nos enfants, moyennant une contribution de .25, font baptiser des petits païens et en deviennent le parrain ou la marraine avec privilège de choisir le nom du baptisé. La grâce de conversion n'est-elle plus l'affaire du bon dieu? Faut-il estimer le don de la foi à prix, comme une vulgaire marchandise? Les contributions missionnaires ont-elles besoin d'une pareille fantaisie, qui nous paraît injurieuse à la foi?

Venons-en à l'enseignement du français. Nous ne saurions trop déplorer la pauvreté des manuels scolaires à tous les niveaux. Nous ne cherchons pas à faire un exposé détaillé des défauts et des lacunes comme aussi des erreurs [24] qui s'y retrouvent, cette question ayant été plus d'une fois traitée devant vous. L'enseignement de la langue exige, en plus de professeurs compétents, des manuels bien faits, l'importance de ces derniers croissant en proportion de l'incompétence du personnel enseignant. Bien intentionnés sans doute, puisqu'ils voulaient mettre entre les mains de nos enfants des manuels canadiens qui allaient les familiariser avec la littérature canadienne-française, ceux qui ont composé ces manuels de français ont produit le pire gâchis que l'on puisse imaginer. M. Victor Barbeau, dans un article éditorial qui a paru dans le Nouveau Journal du 22 mars, disait qu'il était partagé entre la honte et l'affliction. Il ajoute encore: "Un [sic] élite a permis que l'ignorance, la niaiserie, la bêtise deviennent obligatoirement matière d'étude et de foi pour nos enfants." A ces sentiments, nous ajoutons une irritation profonde à l'égard de toutes ces personnes qui ont rédigé ces manuels comme aussi de celles qui ont permis leur utilisation dans les écoles, parce qu'elles n'ont pas eu les connaissances qu'exigeaient [sic] d'eux leur profession d'éducateurs pour reconnaître la pauvreté et les erreurs de français là où elles existent. Si on ne veut pas se donner la peine de composer de bons manuels canadiens, mieux vaudrait cent fois pour [25] l'enseignement du français des manuels de France, car quelle fierté nationale y a-t-il à enseigner et à apprendre une langue desséchée, appauvrie, rustique, chez des auteurs d'occasion sans mérite et sans renom? Nos vrais auteurs canadiens-français sont-ils tous tellement suspects aux autorités qu'ils ne puissent trouver place dans les livres de classe? Sont-ils ces méchants hommes et ces méchantes femmes dont il faut tenir nos enfants éloignés par crainte de contamination et à qui il faut substituer comme modèle un auteur d'occasion qui a cherché à illustrer une leçon de grammaire par un texte malheureusement sans mérite littéraire dans la plupart des cas?

A part la pauvreté de la langue utilisée dans ces manuels, nous faisons grief également à leurs auteurs d'avoir cherché partout et toujours des sujets édifiants, des textes sur la vie rurale, une peinture de la vie en blanc et noir d'un monde composé de bons et de méchants.

Nous nous scandalisons de constater, par exemple, que le manuel de français de la 5e année, rédigé par les Frères de l'Instruction chrétienne comporte 20 leçons, c'est-à-dire 20 exercices de lecture obligatoire, soit un [26] peu moins de 2 textes de lecture par mois. Les quelques beaux textes qui existent dans ce manuel sont en petit caractère [sic] et la pratique, du moins dans nos écoles, c'est que les enfants ne lisent pas ces textes de valeur, leur préférant ceux qui sont composés par des auteurs anonymes, - et l'anonymat est de règle, - ou bien alors les auteurs s'appellent Sylvain, Adélard Dugré, s.j., Ernest Bilodeau et d'autres encore.

Après avoir écrit les lignes qui précèdent, nous avons appris qu'il existe également des recueils de morceaux choisis à l'intention des élèves du cours primaire à partir de le [sic] 3e année et que, d'autre part, le programme exige du professeur qu'il consacre une heure par semaine à la lecture intégrale. Ces recueils, nous dit-on, sont composés avec grand soin, mais encore faudrait-il qu'ils soient disponibles et qu'ils soient utilisés chez nous; ils ne le sont pas, de sorte que c'est tout comme s'ils n'existaient pas.

On a adopté comme principe de faire coïncider le sujet des leçons au développement de l'année liturgique ou des saisons. Ce principe peut bien servir une fois, mais on a certainement manqué d'imagination en l'utilisant année après [27] année. Voici une énumération des titres de ces leçons de lecture du manuel de 5e année:

Premier jour de classe - Anonyme
Le blé - Anonyme
La maison du Bon Dieu - Monseigneur Tessier
Emploi d'une après-midi - Anonyme
La poule et ses poussins - Anonyme
Animaux, végétaux, minéraux - Anonyme
Poudrerie - d'après Monique
Avant la messe de minuit - Ernest Bilodeau
Plaisirs d'hiver - anonyme
Le sanctus à la maison - Le chanoine Groulx
La grande horloge - anonyme
Mon repas aux chantiers - Sylvain
Une veillée canadienne - Adélard Dugré, s.j.
Major au service de la ferme - Sylvain
Avec tous ses yeux - Monseigneur Tessier
Du haut des airs - Guy Laviolette

et le cycle se continue avec les quatre suivants:

Les sucres
Un ourson amusant [28]
Le retour du printemps
Le chardonneret

Nous trouvons enfouis dans ce gros livre quelques beaux textes illustrant des leçon de grammaire, un petit texte très court de Gabrielle Roy, deux ou trois vers de Lafontaine et un court poème de François Coppée. C'est tout. Peut-on s'étonner que nos enfants ne sachent pas lire!

Nous reconnaissons que la responsabilité appartient aux experts de composer ou de choisir de meilleurs manuels, mais nous nous reconnaissons à nous-mêmes, sans être des experts, la compétence de porter un jugement d'ensemble sur les manuels et de recommander à votre commission de faire la plus verte condamnation des manuels existants qu'il faut sans plus de délai remplacer par du meilleur où qu'on aille le chercher.

Le cartel des manuels dans la province de Québec est un sujet de scandale et nous sommes bien convaincus qu'il n'est pas nécessaire de vous le décrire puisque vous en connaissez les dessous mieux que nous-mêmes. Il est plus que temps de confier la préparation des manuels scolaires à des experts, de rétablir une vraie concurrence, si la chose est [29] possible ou, ce qui semblerait préférable dans les circonstances actuelles, de nommer d'autorité des personnes compétentes pour établir et composer des manuels de français à la hauteur des besoins. Nous avons entendu la remarque suivante: "le volume d'hygiène n'est pas en santé".

L'importance d'un bon manuel de français est reconnue dans le texte suivant tiré du programme lui-même à la page 341:

"C'est dans ce texte que sont puisées les petites phrases qui servent aux leçons de grammaire et aux exercices d'analyse. L'étude de la grammaire ne s'embarrasse pas d'une multitude d'exceptions ou de difficultés inutiles; elle s'en tient aux règles essentielles, non pas apprises dans l'ordre logique des grammairiens, mais dans l'ordre psychologique des besoins de l'enfant et graduées selon son âge. L'analyse n'est pan un étiquetage savant, mais une observation constante de la fonction des mots et des propositions, pour en faire découvrir facilement la nature, pour faciliter la compréhension et l'application des règles de grammaire. Les exercices orthographiques et la dictée, toujours puisés dans le texte ou inspirés de lui, terminent la [30] leçon de grammaire et d'analyse."

Les autres matièrres d'enseignement mériteraient aussi qu'on s'y arrête quelques instants, ne serait-ce que pour reconnaître le progrès qui s'y accomplit depuis quelques années pour ce qui est de l'élaboration du programme. Mais en ajoutant matière par-dessus matière, il nous semble qu'on a surchargé le programme au point qu'il est devenu impossible à un professeur de le couvrir en entier et qu'il doive souvent sacrifier l'enseignement essentiel pour des choses de peu d'importance et qui, si elles ont une importance, devraient s'enseigner à l'occasion d'une leçon de français plutôt que comme sujet séparé. Nous pensons ici à toutes ces brochures qui traitent des connaissances usuelles.

Si, d'autre part, ces connaissances usuelles sont une matière d'enseignement d'une importance suffisante pour qu'on en traite séparément, alors qu'on soit au moins suffisamment convaincu de cette importance pour adopter le programme au besoin. On nous a affirmé, par exemple, que dans une classe donnée, mettons une 3e année, il y a huit matières à traiter dans la série des connaissances usuelles, que chacune de ces catégories fait l'objet d'un fascicule ou d'une brochure, que pour chacune de ces catégories il n'existe pour [31] toute la classe qu'un exemplaire par quatre élèves. Quel contrôle voulez-vous qu'un instituteur exerce en pareille circonstance!

L'enseignement de'histoire est important, tout le monde en convient. Or, les manuels d'histoire ne sont pas scientifiques et l'histoire qu'on y raconte bien souvent n'est pas exacte. Parce qu'on cherche trop souvent à édifier l'enfant au préjudice de la vérité, le but de l'enseignement de l'histoire est manqué. Nous retrouvons, par exemple, dans une page du manuel d'histoire de la 3e année, l'affirmation selon laquelle les Indiens du Canada ne prenaient pas soin des enfants malades qu'ils abandonnaient dans les bois et que les Canadiens, c'est-à-dire les religieuses missionnaires, recueillaient pour en faire des petits chrétiens. Peut-on prétendre encore au 20e siècle qu'il faille ainsi déformer les faits de la nature pour l'édification des tout-petits. Les mères indiennes avaient autant de coeur que bien des blanches et il nous semble rien moins qu'un péché contre le prochain que d'affirmer des sottises pareilles.

D'autre part, l'instituteur souvent substitue au manuel d'histoire des feuilles polycopiées qui ne comportent que des noms et des dates que l'enfant doit apprendre par [32] coeur. Comme auxiliaires à l'enseignement de l'histoire ces feuilles du maître sont certainement utiles. Ce que l'on observe chez nous et ce qui doit s'observer un peu partout, nous supposons, c'est que de telles auxiliaires trop souvent remplacent le texte essentiel. Quelqu'un nous faisait la remarque suivante ces jours derniers:

"Champlain a bâti un pays. Or, les élèves de 3e année passent des semaines à associer au nom de Champlain en fonction de ces feuillets l'Habitation de Québec uniquement. Demandez à un petit Canadien de 7-8 ans qui était Champlain, il vous répondra que c'est lui qui a bâti l'Habitation à Québec."

Nous passons sur les autres sujets, faute de temps pour les étudier. Il nous semble, toutefois, qu'une conclusion se dégage d'une considération rapide de certaines matières d'enseignement spécialisé telles le dessin, la musique et surtout la langue seconde. Nous croyons que la majorité des instituteurs qui enseignent au niveau primaire à l'heure actuelle ne possèdent pas une connaissance suffisante de l'anglais, l'anglais parlé, pour l'enseigner convenablement.

La solution à ce problème peut prendre deux formes: la première, l'engagement de professeurs spécialisés, solution coûteuse et peut-être difficilement réalisable faute de [33] personnes compétentes. La deuxième solution est celle que nous aimerions proposer et celle-ci serait l'établissement dans les grands centres, comme Hull, par exemple d'un laboratoire de langues, avec comme directeur un professeur spécialisé qui accueillerait tous les instituteurs et les institutrices à tour de rôle, de sorte que sur une période de cinq ans par exemple, il serait possible de formes des instituteurs plus compétents, pourvu qu'on veuille bien prendre les moyens et consentir les sacrifices de temps et d'argent nécessaires. La nécessité de tenir des cours d'été ne devrait échapper à personne. Si, d'une part, l'on convient que notre enseignement pèche parce que le corps est insuffisamment préparé, d'autre part il faut reconnaître qu'on a besoin des titulaires actuels pendant les dix mois que dure l'année scolaire pour assurer l'enseignement à nos élèves. Leur perfectionnement ne saurait avoir lieu qu'à l'occasion de cours d'été et si ces personnes n'ont pas le moyens de se payer des cours de perfectionnement dans les institutions privées, il faudrait alors de toute nécessité établir des cours subventionnés."

1962
xxx. Mémoire de l'association des instituts familiaux de la province de Québec à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. v, 132 p.

"Education religieuse Les livres de formation religieuse les plus récents et les plus à la page sont placés entre les mains des étudiantes non seulement pour leur information personnelle mais aussi en vue de l'éducation chrétienne de leurs futurs enfants. Dans la mesure du possible, elles doivent donner des leçons de catéchisme à de petits enfants afin de mieux remplir plus tard leurs devoirs importants de maternité spirituelle à l'égard des âmes que Dieu leur confiera. Une très large place est faite à la liturgie et aux "liturgies familiales".

Philosophie

Convenablement renseignées sur les choses du royaume de Dieu, les jeunes filles manifestent un appétit remarquable pour les spéculations philosophiques. Elles sont invitées à satisfaire leur curiosité légitime en faisant un voyage autour de leur âme dans un traité de psychologie féminine intitulé: "Qui est Jeannette?" Psychologie rationnelle, logique, ontologie, sont abordées tout [sic] à tour, mais avec la préoccupation d'en tirer des conduites pratiques dans les sphères familiales et féministes. L'auteur du manuel a envisagé la vie plutôt que les perspectives d'examens. Une pensée philosophique ainsi présentée ne peut que former les esprits à la réflexion et ouvrir les voies d'un don de soi plus éclairé et plus total. Cette science fleurit en amour. (p. 49).

[...]

Pédagogie familiale

Le nombre d'heures le plus élevé de l'horaire classique familial est consacré à l'étude de la pédagogie familiale, à la connaissance de l'enfant de 0 à 5 ans, de 5 à 12 ans, de 12 à 18 ans. Des manuels composés par Madame Marie-Paule Vinay, docteur en psychologie, sous les titres de Nos bébés, Nos Enfants, Nos Grands, exposent aux élèves les problèmes posés par le développement physique, affectif, moral, intellectuel, social et religieux des enfants, de la naissance à la fin de l'adolescence et apportent des solutions d'éducation chrétienne appuyée sur des principes sains. (p. 50).

[...]

Cours de littérature française

Mademoiselle Claude Francis a préparé, spécialement à la demande des Instituts familiaux, un traité d'histoire littéraire en trois forts volumes luxueusement illustrés. Ces ouvrages initient les élèves à la littérature, à la civilisation et à l'histoire de France. Un procédé ingénieux d'adaptation à la scène présente les époques, les personnages et les textes, sous forme de trois volumes: Divertissements littéraires. Une Histoire de la littérature canadienne viendra compléter cette série remarquable.

Histoire du Canada

L'enseignement de l'Histoire du Canada s'ajoute tout naturellement au programme pour faire connaître et aimer la Patrie. Une fierté légitime anime les élèves et leur inspire un très grand respect pour ceux qui ont bâti le pays au prix des plus grands sacrifices. Les livres et manuels d'Histoire du Canada, composés avec amour par Mgr Albert Tessier: Canadiennes, Pèlerinages dans le passé, Neuve-France, Québec-Canada, soulignent l'influence féminine, l'action familiale, le rôle des mamans, la part des communautés religieuses féminines, dans la formation de notre race.

Cette façon de présenter l'histoire révèle aux jeunes filles que le sort moral et matériel de la Patrie est entre leurs mains et qu'elles bâtissent l'histoire, jour après jour." (p. 51).

1962
xxx. Mémoire de la commission des écoles catholiques de Québec à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 116 p.

"Manuels.

A) Il devrait y avoir des volumes rédigés en langue française pour toutes les matières du programme. Les élèves doivent se contenter souvent de manuels rédigés en anglais; c'est le cas en particulier pour les matières [51] commerciales de comptabilité. On devrait susciter en cette province des travaux de préparation de manuels appropriés, si nécessaire, pour combler certaines lacunes.

B) Il faudrait que les responsables du choix des manuels s'assurent, avant d'accepter un volume, qu'il sera possible pour les Commissions scolaires de se le procurer.

C) Les Commissions scolaires devraient avoir le droit, lorsqu'elles le jugent nécessaire, d'autoriser les professeurs à se servir de manuels ou de cahiers d'exercices non approuvés par le Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique.

D) Nos adolescents apprécieraient sans doute, autant que leurs confrères de langue anglaise, des volumes du genre de "TEEN AGERS" (publié par W.T. Gage and Company Limited - Toronto), où l'on traite de façon particulièrement vivante tous les problèmes propres à l'adolescence. Un tel volume, qui contiendrait des notions générales et essentielles de morale, sciences, civisme, bienséance, etc, en les rattachant constamment au milieu et à la vie de l'étudiant canadien-français, éviterait la multiplication des manuels scolaires et offrirait plus d'intérêt à l'étudiant qu'une présentation dispersée de connaissances n'offrant aucun lien, les unes avec les autres." (p. 52).

1962
xxx. Mémoire de la faculté des sciences de l'université de Montréal à l'intention de la commission royale d'enquête sur l'enseignement de la province de Québec. S.l., s.n., 1962. 52 p.

"9. Manuels

Lorsqu'un professeur de nos facultés désire utiliser un manuel, il est normal que celui-ci soit écrit en français puisque l'enseignement de nos facultés des sciences se donne en français. Les difficultés qui jusqu'à maintenant se sont présentées en cette matière de deux sortes:

1) La rareté des manuels en France et le coût élevé de ceux qui existent, auxquels s'ajoutent les différences nos programmes universitaires.

2) Le manque de manuels de langue française édités au Québec.

En ce qui concerne le premier point, il est exact qu'en France les "manuels" ont été moins utilisés que dans les pays de langue anglaise ou allemande, à cause de la grande variété des cours faits par les professeurs individuels. Les "polycopiés" y remplacent très souvent les manuels. Jusqu'à un certain point on retrouve la même situation dans nos facultés.

Il n'y a pas de doute, toutefois qu'il existe un bon nombre de livres scientifiques français dont beaucoup de nos professeurs n'ont pas connaissance. Les expositions temporaires et les brochures des maisons d'édition ne suffisent pas à apporter un changement fondamental à cette situation. Il faudrait que ces livres puissent être vus, ici à Montréal et d'une manière permanente. Or, dans la deuxième ville de langue française du monde, il n'y a pas une seule librairie scientifique [27] complète de langue française. Il serait urgent d'un [sic] avoir une. Elle devrait se situer à un endroit que le plus grand nombre des intéressés pourrait atteindre le plus facilement: c'est-à-dire sur le terrain même de l'Université. L'initiative pourrait être laissée à l'entreprise privée mais il est évident qu'au moins au début, des subventions seront nécessaires.

En ce qui concerne le deuxième point, la tâche d'écrire des manuels adaptés aux besoins de nos étudiants incomberait à nos propres professeurs. Or, le marché québécois est trop restreint pour rendre rentable l'édition de livres scientifiques. La solution serait peut-être l'encouragement de presses universitaires qui en établissant des rapports avec d'autres pays de langue française pourraient réaliser l'élargissement du marché local.

D'ici là, des traductions, notes de cours, polycopiés pourraient nous approcher du but.

Toutefois, étant donné le caractère international de la langue anglaise en matière de sciences et notre contexte nord-américain, il faudra toujours prendre soin à ce que nos étudiants maîtrisent suffisamment la langue anglaise pour pouvoir s'exprimer dans cette langue, avec facilité, en matière scientifique. (p. 28).

[...]

Recommandations

[...]

4. Publications

Que l'on fonde à Montréal sur le terrain même de l'Université, une librairie scientifique française complète.

Que l'on encourage fortement les presses universitaires afin de permettre à nos professeurs de publier des ouvrages scientifiques en langue française." (p. 50).

1962
xxx. Mémoire de la fédération des chambres de commerce des jeunes de la province de Québec à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 192 p.

"LE PROBLEME DES MANUELS SCOLAIRES

Nous nous rendons compte que ce sujet suscite un immense malaise dans le public et dans le corps enseignant, et qu'il y a lieu de remédier à la situation au plus tôt. Nous énoncerons rapidement notre point de vue sur quelques aspects du problème: le contenu, la parution, la langue, le cartel et la multiplicté des manuels.

Le contenu

Plusieurs enseignants se sont guère satisfaits de certains manuels mis à leur disposition, qu'il trouvent de valeur pédagogique douteuse. Souvent la langue y est médiocre sinon mauvaise, les exemples simplistes, l'exposé confus, mal adopté [sic], fragmentaire et déroutant. Exemple: l'Histoire Canada des premiers degrés. De plus, dans nombre de manuels, on exploite trop souvent et mal à propos des thèmes pseudo-religieux à l'eau de rose, des thèmes dépassés comme l'agriculturisme, le défrichement, le retour à la terre, etc.

C'est cependant le français qui soulève le plus de plaintes. Dans le livre de lecture de deuxième année, par exemple, on trouve des perles comme celle-ci: "Il a été reçu du scapulaire". Nous pourrions multiplier les exemples, mais nous croyons qu'il serait inutile de reprendre ici une analyse qui a été très bien faite dans le mémoire des Femmes universitaires de Québec concernant les livres de français en usage au primaire. Nous sommes entièrement d'accord pour dire que nombre de ces manuels sont de valeur pédagogique manifestement insuffisante et devraient être remplacés au plus tôt. Quant à la grammaire du cours secondaire, elle est sans doute excellente, mais certains enseignants la jugent trop savante pour des élèves de ce niveau. Où seraient-ce les élèves qui ne sont pas à la hauteur?

En somme, dans l'enseignement public, trop de manuels sont bâclés, insipides, mal adaptés aux élèves pour qui ils sont faits. On peut se demander, en l'absence de qualités intrinsèques indispensables et de critères valables, quels motifs ont amené le comité catholique à approuver ces manuels.

La parution

Il est surprenant de constater combien le comité catholique est insouciant ou mal informé, quand il décide de mettre un manuel au programme. On voit, au secondaire surtout, certains manuels être inscrits au programme, c'est-à-dire qu'à la fin de l'année on y puisera des questions d'examen, et plusieurs mois après le début de l'année scolaire, ces manuels ne sont pas encore disponibles. On ne devrait pas mettre au programme un manuel dont on n'est pas sûr qu'il sera disponible dans un délai raisonnable. [161]

Les manuels de langue anglaise

Nous constatons avec regret que nos universités françaises du Québec fournissent en majeure partie à leurs élèves des manuel rédigés en anglais. Et voilà que maintenant les manuels de langue anglaise sont à envahir nos collèges classiques, nos écoles secondaires ... Voici à ce sujet, les résultats (tirés de l'Action Nationale) d'une récente enquête faite à l'université de Montréal:

Faculté (U. De M.) Manuels employés Manuels français Pourcentage
Chirurgie dentaire 27 3 11
Polytechnique 201 31 15
Optométrie 32 7 21
Sciences 191 47 21
Pharmacie 65 22 34
Médecine 66 26 39
Sciences sociales 252 103 40
Médecine vétérinaire 258 112 43

Nous savons qu'en chirurgie dentaire particulièrement, le fait d'avoir des manuels à peu près exclusivement en anglais a nui à plusieurs élèves qui ne savaient pas cette langue. Pourquoi en aurait-il été autrement dans les autres facultés? La période de guerre a provoqué l'invasion des manuels américains. Mais cette raison n'existe plus aujourd'hui. La science française en général se compare, croyons-nous, à la science anglo-saxonne. On ignore le visage technique de la France. Souvent on emploie des manuels de langue anglaise parce qu'on ne s'est pas donné de peine pour chercher des manuels français qui conviendraient ou qu'on n'a pas osé en faire de proprement canadiens.

On aura beau avancer tous les arguments d'ordre pratique qu'on voudra, nous croirons difficilement que nos étudiants affinent leur culture française en se nourrissant pendant des années de textes anglais. Ne faudrait-il pas plutôt voir là une raison (parmi d'autres) qui expliquerait un peu l'ignorance déconcertante du français chez nos hommes d'affaires, nos professionnels et nos diplômés de tout acabit?

Le cartel des manuels

Les enseignants se rendent graduellement compte et le public commence à soupçonner ce que recouvre cette expression. Le sujet est difficile et délicat, parce qu'il concerne des intérêts puissants, des gens en place qui n'aiment pas les détracteurs ... Aussi manquons-nous de renseignements précis, et surtout de preuves pour appuyer nos avancés. Tout au plus avons-nous pu ici et là recueillir les maigres confidences de quelques gens informés, mais qui sont encore malheureusement forcés de sacrifier à N.-d. De la Trouille (comme disait le Frère Untel). [162]

Il existe un cartel de la vente des manuels scolaires et à certains égards un quasi-monopole de l'édition. On a pu lire dans les journaux et entendre ailleurs la plainte des commissions scolaires, notamment la fédération des commissions scolaires catholiques de Québec et la commission des écoles catholiques de Montréal, qui paient leurs volumes trop cher à cause du cartel des librairies. Certains de ceux-ci se sont même rendus à Paris pour forcer les éditeurs français à refuser de vendre aux libraires qui ne veulent [pas] se conformer aux prix fixés par le cartel et font des escomptes trop généreux. Inutile d'ajouter que les éditeurs canadiens doivent marcher au pas. La Société des Libraires canadiens s'est entendue avec des syndicats d'éditeurs canadiens et étrangers pour geler et plafonner le taux maximum des escomptes dont les acheteurs pourront bénéficier à compte du 1er septembre 1961 sur, entre autres, l'achat de manuels scolaires. La commission des écoles catholiques de Montréal a copie de cette entente.

Selon des experts juridiques, cette entente constitue une infraction à la loi relative à la tenue d'enquêtes sur les coalitions, monopoles, trusts et fusions. Pendant ce temps le comité catholique enquête et annonce qu'il n'a rien relevé d'anormal!

Chez les éditeurs on sait aussi faire des affaires. Il existe du marchandage entre communautés religieuses qui réduit entre elles, par entente, la concurrence et délimite le champ respectif d'activité: zoologie, histoire, algèbre, etc. Cependant une maison laïque a pris la tête de la phalange, si bien qu'aux derniers chiffres connus, elle éditait 70% des manuels dans le Québec.

Mais évidemment ce n'est pas tout de publier un livre; encore faut-il qu'il soit approuvé par le comité catholique. C'est là qu'entrent en jeu les sous-commissions de ce comité, qui sont nommées pour examiner et approuver ou non les nouveaux manuels. Ces sous-commissions sont innombrables et pas nécessairement peuplées de praticiens de l'enseignement...

A partir de ces données, si quelqu'un voulait donner libre cours à sa fantaisie, il pourrait facilement imaginer comment des gens entreprenants pourraient monter un jeu de coulisse fort rentable. Supposons qu'un enseignant a vraiment quelque chose à dire, des idées neuves, et qu'il écrive un manuel; ou qu'un autre, voyant la possibilité de gains pécuniaires, décide lui aussi de noircir du papier. Dans l'un ou l'autre cas, il est concevable que l'auteur estimerait sage de partir avec son manuscrit à la recherche du "bon" éditeur, celui qui ferait "passer" son manuel. Et il ne serait pas surprenant que l'éditeur à son tour recherchât le "bon" membre de la "bonne" sous-commission, afin de faciliter l'approbation du livre. Naturellement la tentation serait grande pour l'éditeur de chercher à peupler les sous-commissions de ses créatures et même de les intéresser financièrement. L'approbation des manuels serait d'autant plus assurée. Dans ces conditions, il n'y aurait plus à s'étonner qu'il y ait tant de mauvais manuels dans nos écoles... [163]

Nous posons là des hypothèses, si plausibles toutefois que nous croyons indispensable qu'une enquête approfondie fasse toute la lumière possible sur l'ensemble de la question des manuels scolaires dans la province.

D'ailleurs on n'en finit plus de trouver des angles singuliers à ce problème. Nous estimons comme tout à fait malsain que tant de gens intéressés directement à l'enseignement: instituteurs, inspecteurs, commissaires d'écoles, fonctionnaires du Département, aient des intérêts financiers dans des maisons d'édition de manuels scolaires. Car alors ils sont dans la situation d'avoir souvent à choisir entre leur devoir et leur intérêt. Il pourrait arriver que le manuel d'une maison rivale ait une valeur didactique supérieure au manuel édité par la maison où l'un de ces personnages a des intérêts personnels? Lequel recommandera-t-il alors? Certes, pas toujours le meilleur. On a vu ce qu'un système semblable, en plus grand, a donné chez les politiciens...

La multiplicité des manuels

Il est bon qu'une saine émulation existe entre les auteurs dans les différentes matières. Mais la multiplicité doit avoir des limites. Nous croyons que nous avons maintenant atteint un point de saturation où la médiocrité générale ne le cède qu'à l'anarchie. Pour des raisons pécuniaires ou de prestige, ou parce qu'on ne réussit pas dans l'enseignement actif, il semble que chacun veuille avoir écrit son manuel; mais quant on arrive aux examens, cette multiplicité rend difficile le choix des questions: telle chose est dans tel manuel et n'est pas dans l'autre, etc. Avec le résultat que certains élèves sont lésés parce que leur manuel ne contenait pas ce que demande l'examen. Exemples: les manuels d'algèbre.

Il faut aussi considérer, pour le payeur de taxes, les frais [?] entraînés par la trop grande abondance de manuels équivalents et leur changement fréquent.

De plus, des élèves qui ont à changer d'école au cours d'année sont facilement déroutés quand les manuels ne sont pas les mêmes. Ainsi l'Estrie, assez fortement industrialisée, est une région où les déménagements sont fréquents. Pour cette raison, les commissions scolaires de Sherbrooke, Asbestos, Richmond, Coaticook et d'autres villes demandèrent, en 1960, par l'intermédiaire de la commission scolaire diocésaine, l'uniformisation des manuels. Le département fournit donc une liste de volumes parmi lesquels les commissions scolaires pourraient choisir leurs manuels. Mais les commissaires constatèrent que la liste était restreinte aux manuels de certaines communautés et du Centre de psychologie et de pédagogie. Or, ils ne voulaient pas de certains volumes de cette liste, qu'ils jugeaient de valeur pédagogique insuffisante, notamment les manuels de français et de catéchisme, qu'ils auraient voulu remplacer par d'autres, jugés supérieurs, mais non inclus dans la liste "de Québec". Mis au courant, le département avertit qu'il ne verserait pas de subventions pour des livres en dehors de sa liste. Les commissaires adoptèrent donc les manuels suggérés... [164]

Les résultats scolaires furent lamentables et, en fin de compte, ce furent les enfants et les contribuables qui firent les frais de la sollicitude départementale de certaines maisons.

Quant aux commissaires, cette expérience leur fit constater que les pouvoirs étendus que la loi leur accorde peuvent facilement être annulés par le bon plaisir de quelques membres d'obscures sous-commissions.

Eléments de solution

a - Le rôle des praticiens

La direction de l'instruction devrait, le plus possible, faire participer les praticiens de l'enseignement, les vrais, à l'élaboration des programmes et de la méthodologie. Au lieu que les idées viennent toujours d'en haut, il faudrait rechercher et évaluer celles qui viennent d'en bas, de ceux qui sont en contact journalier avec les enfants. Que le surintendant demande la collaboration et reçoive avec sympathie les suggestions et trouvailles des enseignants et qu'il accorde même des primes aux idées originales et progressives.

b - Commission des programmes

Déterminer les programmes serait le rôle de cette commission, qui verrait aussi à retracer les normes auxquelles devraient répondre les manuels dans toutes les matières. La rédaction de nouveaux manuels pourrait se faire sous forme de concours, ouverts aux praticiens de l'enseignement. Nous croyons toutefois qu'on devrait faire appel plutôt pour des sections de manuel, vu qu'il est difficile de demander à un auteur de composer tout un manuel sans savoir s'il sera accepté.

Une section choisie sera mise à l'essai; les usagers en décèleront les faiblesses et feront leurs commentaires. L'auteur pourra alors, au besoin, refonder sa section ou la corriger.

c - Approbation

Les manuels devraient être approuvés par le directeur de l'enseignement concerné, c'est-à-dire que le directeur de l'enseignement du français approuvera le manuel de français etc. Il faut éviter que des manuels soient faits inutilement. Si donc un manuel ou une section répond aux normes, qu'on l'accepte. Les usagers feront leur choix et le meilleur volume émergera.

d - Aide de l'Etat.

Puisque nous avons d'une part lieu de nous plaindre de certains éditeurs et que, d'autre part, il arrive que les risques financiers inhérents [165] à la publication d'un manuel empêchent de bons auteurs de paraître, pourquoi le ministre ou le surintendant de l'éducation ne se ferait-il pas éditeur au besoin? C'est-à-dire qu'il demanderait des soumissions pour l'impression des livres, avec le résultat que nombre de manuels coûteraient sans doute moins cher." (p. 166).

1962
xxx. Mémoire de la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. Montréal, s.n., 1962. v, 158 p.

"Nous recommandons donc avec instance:

[...]

10- qu'une étude systématique de tous les manuels en usage, de l'école primaire à l'université, soit entreprise sans délai en vue d'en vérifier la valeur aux points du vue pédagogique, scientifique, artistique [145], littéraire et national; que ceux qui ne répondent pas à desnormes minimales soient écartés;" (p. 146)

1962
xxx. Mémoire du séminaire de Rimouski - Commission royale d'enquête sur l'enseignement. Rimouski, s.n., 1962. 117 p.

"A - L'HISTOIRE AU COURS SECONDAIRE

1. LES MANUELS D'HISTOIRE

Les bons manuels font défaut. Les collections d'histoire générale venant de France sont de plus en plus intéressantes, mais elles offrent de multiples inconvénients. D'abord ces manuels suivent le programme français qui coïncide peu avec notre cours et qui fait s'appuyer sur l'étude de problèmes moins importants pour un étudiant canadien. De plus, à cause du système de l'exclusivité, le prix de ces volumes devient de plus en plus inabordable: chaque manuel vaut de $4. à $6. et il en faut deux, sinon trois par année. Enfin, les approvisionnements ne sont pas toujours faciles ni sans retards ennuyeux. Ces collections cependant sont préférables aux quelques manuels d'histoire générale publiés au Canada.

La situation est-elle meilleure en histoire du Canada? Lalheureusement [sic] non. Au cours secondaire classique, nous connaissons surtout les manuels de Rutché-Forget, de Farley-Lamarche, de Plante-Martel. Or, ils nous semblent contenir tous des défauts graves. Vieillis, les deux premiers ne donnent guère une idée précise du Canada après la Confédération. Mon Pays des abbés Plante et Martel compense pour cette période, mais son illustration [69] est très sommaire et il ne contient aucun texte historique. De plus, plusieurs problèmes ne sont que soulignés. Evidemment, le professeur peut y suppléer par son cours, et l'Histoire du Canada par les textes; toutefois l'élève garde entre les mains un instrument insuffisant.

Quels remèdes peut-on apporter, surtout en Histoire du Canada? Nous croyons que la rédaction d'une série de manuels d'Histoire du Canada s'impose immédiatement, surtout au niveau secondaire. Les manuels devront être conçus et rédigés par des spécialistes, pédagogues et historiens, et édités sous une forme agréable et pédagogique. C'est pourquoi ce travail exigera, nous semble-t-il, un effort commun. Dans les conditions actuelles, une seule personne ne pourrait réussir rapidement un bon manuel. Il faudrait donc faire appel à une équipe de professeurs conseillés par les chercheurs de l'Institut d'Histoire de Québec (qui constituent notre meilleur [sic] équipe d'historiens). Le Conseil de l'Instruction publique pourrait également fournir des spécialistes (dessinateurs, statisticiens...) et contribuer à l'édition. De toute façon, nous croyons que l'aide gouvernementale serait nécessaire pour la recherche et la publication. L'essai en vaut la peine. (p. 69-70).

[...]

B - L'HISTOIRE À L'ÉCOLE NORMALE

[...]

2. LES MANUELS

Les manuels en usage n'aident guère les professeurs d'Ecole normale. Disons d'abord que les manuels d'Histoire générale sont de loin les plus évolués. Depuis deux ans les éditeurs français ont fait de réels efforts pour livrer des manuels plus pédagogiques et mieux adaptés. Il faudrait donc reviser [sic] au plus tôt le choix du manuel de base et exiger celui qui correspond le mieux à l'esprit du programme. Mais même alors il restera le fait que ces manuels s'adressent à des Européens et non à des Canadiens.

En histoire du Canada, la lacune est énorme. On nous propose comme manuel de base Mon pays des abbés Plante et Martel. Si le texte est en général assez bon, il peut servir tout au plus de lecture de référence. La première édition ne comprend, en effet, ni illustration (sauf quelques cartes), ni texte d'époque. Or, à notre avis, ce qui fait la valeur d'un manuel, c'est précisément sa documentation photographique et ses études de textes. "Une Histoire sans textes manque d'assises", disait Louis Halpen. Nous ne voyons pas actuellement de manuel d'Histoire du Canada ayant quelque valeur et pouvant convenir aux Ecoles normales.

Il nous semble donc urgent que des professeurs qualifiés unissent leurs efforts pour écrire un vrai manuel. Et qu'ils ne craignent [76] pas de faire appel aux véritables compétences, comme les professeurs de l'Institut d'Histoire de l'Université Laval. Ce qu'on a réussi assez bien en géographie, il faudrait le faire encore mieux en histoire." (p. 77).

1962
xxx. Mémoire présenté à la commission royale d'enquête sur l'éducation par les instituteurs et institutrices catholiques de Québec. S.l., s.n., 1962. 122 p.

"D/ MANUELS

A la suite des critiques formulées à l'endroit de certains manuels en usage dans les écoles élémentaires, bien des parents se sont demandés comment il se faisait que les éducateurs de carrière n'avaient jamais élevé la voix pour faire connaître leurs idées. Il est vrai que les professeurs laïcs, puisque nous les représentons ici, n'ont pas alerté souvent la population sur les défauts des manuels qu'on leur imposait. Mais nous savons fort pertinemment que dans nos cercles d'études et nos réunions pédagogiques, des protestations énergiques ont été formulées. Des rapports écrits ont été expédiés à de mystérieux personnages "qui n'avaient jamais l'autorité pour changer quoi que ce soit". Dans cette guerre d'usure, il est vrai que nous avons perdu bien des batailles.

Nous partageons l'opinion de ceux qui affirment que la VALEUR INTRINSEQUE d'un manuel doit être le premier critère dans l'acceptation d'un volume de classe. Mais nous croyons qu'à valeur égale - abstraction faite des avantages pécuniaires des éditeurs - le manuel canadien-français, particulièrement dans les disciplines comme la religion et l'histoire, doivent [sic] être préférés aux manuels français. La raison nous en paraît évidente." (p. 45).

1962
xxx. Mémoire présenté à la commission royale d'enquête sur l'enseignement par l'association des principaux de Montréal. S.l., s.n., 1962. 99 p.

"Chapitre III - Les manuels scolaires

Les manuels demeurent des instruments indispensables à nos élèves. C'est dans ses manuels que l'élève peut étudier ce que le maître enseigne.

Aussi il n'y a pas à s'étonner qu'un peuple qui souhaite le meilleur système d'éducation pour ses enfants désire également que les instruments de travail de ces enfants soient les mieux adaptés, les mieux rédigés, les plus à date, en un mot, les meilleurs.

Il faut admettre tout de même que nous n'avons pas toujours été favorisés dans ce domaine. Longtemps, dans notre histoire, le souci d'assurer des conditions [43] matérielles et économiques convenables ont laissé dans l'oubli la question des manuels de classe. Longtemps les élèves ont eu entre les mains des manuels venant de France, manuels loin d'être adaptés à notre milieu et à nos besoins. Ils étaient de beaucoup dépassés par l'évolution de la pédagogie.

Tout de même le besoin a fini par susciter un réveil chez nos concitoyens. Nous devons nous réjouir à la pensée que ce réveil ait suscité chez nous un effort admirable pour la création de manuels scolaires mieux adaptés. Il demeure vrai que dans d'autres pays où ne se sont pas présentées de pareilles difficultés d'organisation à celles rencontrées ici, on en soit arrivé à une technique des manuels scolaires qu'on admire. N'allons pas croire toutefois qu'on ait atteint la publication du manuel idéal.

Les critiques que nous entendons si souvent de nos jours formulées au sujet de nos livres scolaires sont précieuses: elles prouvent l'importance qu'attache notre peuple à l'éducation qu'on donne à nos enfants dans nos écoles. Elles permettent de corriger des lacunes, surtout elles obligent les autorités à garder nos manuels scolaires à date, à suivre l'évolution et l'avancement des nôtres dans ce domaine comme dans les [44] autres.

Nation adulte, il est normal que nos enfants aient entre les mains des manuels composés par des auteurs de chez-nous, bien au courant de notre caractère ethnique.

Les critiques les plus fréquemment formulées au sujet des manuels portent sur le fait que les livres de classe seraient trop nombreux, surtout au cours élémentaire; on déplore également les changements trop fréquents d'une année à l'autre. Nous convenons, ce qui est plus important, que le choix des textes n'est pas toujours heureux.

Nous croyons qu'au cours élémentaire, les résultats de l'expérimentation et l'usage pourraient orienter les auteurs dans la composition d'un ou deux manuels où seraient contenues les notions de base des différentes disciplines.

Quant aux changements fréquents de manuels, il y a lieu de s'arrêter à penser qu'ils sont dictés le plus souvent par le désir de faciliter l'acquisition des connaissances par les élèves. Au rythme où évolue notre société, il devient nécessaire de garder nos manuels à point. [45]

Devrions-nous prendre les meilleurs manuels étrangers, quelles que soient leurs origines, pour les adapter à notre milieu ou ne ferions-nous pas mieux, à titre de peuple conscient de sa valeur, d'encourager les nôtres à rédiger nos propres manuels?

Sans rejeter tout à fait la première proposition, il semble qu'il nous faudrait désirer et souhaiter la deuxième et nous réjouir des efforts généreux que déploient nos auteurs pour rédiger des manuels canadiens.

Nous y arriverons si les résultats de recherche scientifiques conduites dans notre milieu scolaire même viennent guider nos auteurs. La création d'un bureau de recherches dans le domaine des manuels, bureau formé de vrais techniciens de l'enseignement à tous ses niveaux, techniciens expérimentés et compétents, serait fort utile. Les membres de ce bureau pourraient accomplir en équipe un travail indispensable d'analyse, de correction, de création.

Cette équipe de chercheurs s'occuperait:

a) de diagnostiquer les faiblesses des manuels actuellement en usage;

b) d'améliorer, avec le concours de l'auteur, les manuels qui ont une véritable valeur [46]formatrice;

c) d'aider, de conseiller tous les auteurs désireux de bâtir un nouveau manuel, de leur fournir les données utiles pour assurer pleine valeur dans le temps présent à leurs ouvrages.

Cette équipe interprèterait [sic] les résultats des nouveaux manuels à l'essai durant une certaine période, dans diverses classes du même degré, dans différentes régions de la province.

Deux ou plusieurs manuels traîtant [sic] d'un même sujet, au même niveau d'enseignement, pourraient être ainsi expérimentés simultanément: dans un milieu urbain, rural ou de "banlieue".

Les résultats de cette expérimentation pourraient éclairer les autorités sur la valeur des manuels soumis à leur attention et les guider dans l'adoption officielle des manuels.

L'édition définitive qui aurait ainsi subi l'éreuve de la critique des praticiens s''approcherait certainement plus du manuel idéal. Par le fait même disparaîtraient les incorrections, les fautes susceptibles de se glisser dans la composition d'un [47] manuel.

Aux manuels se rattachent les cahiers d'exercices ou cahiers de travail.

Au primaire, on ne doit pas mettre l'enfant en face d'une explication prolongée: on lui donne l'essentiel des directives et c'est au maître, et à l'occasion aux parents, à guider l'enfant. Il ne s'agit pas de diminuer les indications méthodologiques courtes et précises sur la matière étudiée, mais de diminuer la littérature connexe au sujet.

Dans une même classe où les talents des élèves sont variés, le cahier de travail permet à chacun d'appliquer suivant son rythme, sur place, les leçons et les règles expliquées.

Les cahiers de travail permettent également d'utiliser au maximum la nouvelle pédagogie de la découverte. Le manuel, le maître provoquent plus la découverte qu'ils n'expliquent en détail la matière. Développer l'esprit de la recherche, voilà l'essentiel: c'est la nouvelle philosophie qui devra inspirer les manuels des années soixante. Pour ce faire, il faut des instruments intuitifs de travail et des moyens audio-visuels, cinéma et télévision compris. Cependant, ces moyens ne sont pas [48] prêts à remplacer le cahier de travail personnel de l'élève.

On a trop centré l'enseignement sur la classe, et pas assez sur l'individu. "Personnel" veut également dire que le cahier est à lui, qu'il doit en défrayer le coût, qu'il est le fruit de sa recherche personnelle.

Les incidences de cette méthodologie se résument facilement par l'expression suivante: "Eveiller l'intérêt, provoquer l'effort et rendre l'enfant le premier agent de son éducation".

Il nous semble avantageux, dans les circonstances, de suggérer:

a) de recourir aux services de spécialistes en pédagogie, de praticiens expérimentés autant que possible, lorsqu'il s'agit:

1- de choisir les manuels scolaire,

2- d'établir les normes, les exigences à respecter dans la composition des manuels.

b) d'encourager nos auteurs qui veulent, dans le domaine pédagogique, composer des manuels ou préparer tout autre matériel didactique indispensable au succès scolaire de nos élèves. [49]

[...]

Conclusion

Voici, en guise de conclusion, les principales suggestions que nous présentons à l'attention des membres de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement.

Nous recommandons que:

[...]

14 - que l'on confie à un service de recherches pédagogiques, la responsabilité d'assurer aux maîtres et aux élèves les manuels dont ils ont besoin;" (p. 97)

1962
xxx. Mémoire présenté par l'association des professeurs de carrière de l'université de Sherbrooke à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 97 p.

"L'enseignement du français aux cours primaire et secondaire.

[...]

Les manuels scolaires.

Nous ne porterons pas de jugement sur les manuels actuels. Peu d'entre eux nous ont été soumis: des grammaires, des livres de lecture, des collections de composition française. Les uns et les autres s'attirent des appréciations souvent contraires de la part des éducateurs. Si on les critique en mauvaise part, on se contente de répéter les mêmes accusations: langue terne et fautive, images de mauvais goût, fond puéril, typographie incorrecte, couleurs mièvres ou criardes. Il semble que trop de manuels aient été bâclés.

Ici encore, l'à peu près doit être interdit. Aussi croyons-nous judicieux de recommander:

VINGTIÈME RECOMMANDATION

Que, pour chacun des niveaux suivants: primaire, premier et second cycles du secondaire, le ministère de l'Education (ou celui qui en tiendra lieu) organise:

Premièrement: un tribunal composé de spécialistes chargés de passer en revue chacun des manuels utilisés présentement et faire connaître au personnel enseignant leur valeur respective.

Deuxièmement: ou bien, un comité d'études formé de pédagogues, de psychologues et de professeurs d'expérience dont la seule fonction consisterait à rédiger, en étroite collaboration et sans précipitation, des manuels de remplacement en tous points conformes aux exigences nouvelles de l'enseignement du français au pays; ou bien, l'institution de concours auxquels participeraient tous les professeurs (seuls ou en équipe) désireux de composer des manuels; [27]

Troisièmement: l'édition de ces manuels soit par des maisons qui lui appartiendraient, soit par des maisons dont le premier but ne serait pas lucratif. (Les Presses universitaires Laval, par exemple).

VINGT ET UNIÈME RECOMMANDATION

La création d'un centre de recherches pédagogiques dont l'une des tâches (d'autres auront trait aux techniques audio-visuelles, voir la vingt-troisième recommandation) pourrait s'énoncer comme suit: distribuer aux responsables de chaque matière (et surtout en sciences et en mathématiques) des spécimens des manuels scolaires européens de langue française.

VINGT-DEUXIÈME RECOMMANDATION

L'emploi, partout où cela sera nécessaire, de manuels étrangers de langue française pourvu qu'ils n'aient subi aucune espèce de transformation hâtive et non justifiée. (p. 28).

[...]

Géographie

[...]

LE PROBLÈME DES MANUELS

Des jugements catégoriques et sommaires ont souvent été portés sur ce problème. [56]

Faisons un sort, d'abord à l'opinion selon laquelle notre enseignement, à tous les niveaux manque de manuels Nous avons déjà parlé des "150 manuels (ou livres utilisés comme tels) totalisant 300 éditions ou réimpressions (Louis-Edmond Hamelin)" qui sont, depuis près d'un siècle et demi, au service de l'enseignement géographique. Beaucoup de ces manuels sont récents: ceux des collections "Dagenais" et "Frères maristes" datent des dix dernières années; ils couvrent l'ensemble du programme, de la 3e à la 11e année. La collection Dagenais répond aussi aux besoins des quatres [sic] années du secondaire classique.

De féroces critiques se sont élevées fréquemment contre ces manuels. L'opinion des spécialistes est fort nuancée.

"A côté d'inconvénients regrettables - nomenclature assommante, absence de cartes, illustrations de mauvais goût, recherches de l'anecdote et du spectaculaire, absence de géographie économique - il faut mentionner parfois des qualités certaines: éclectisme relatif des sources (par exemple dans Garneau), efforts pour parler du Canada, ébauches de travaux pratiques, atlas complémentaires et, à partir de 1900, photos et clefs d'interprétation de cartes du relief." (Louis-Edmond Hamelin).

Il est certain que certaines collections sont de piètre qualité: géographie énumératrice, méconnaissance des principes de base de la géographie, données statistiques périmées, faiblesse de la langue ... Mais il est faux de déclarer que tout est à rejeter. La collection Dagenais, oeuvre de géographes universitaires, nous semble scientifiquement et pédagogiquement excellente; elle peut être encore améliorée; il conviendrait d'en recommander l'adoption généralisée, provisoirement tout au moins, en attendant la refonte de leurs manuels par la plupart des communautés. Il conviendrait surtout de soumettre la rédaction de manuels à ces règles nouvelles qui en assureraient la qualité scientifique et pédagogique; la composition et la rédaction des ouvrages par des commissions mixtes (universitaires, professeurs du secondaire, instituteurs, psychologue) offrirait [sic] les garanties requises.

En résumé, quelques mesures simples pourraient améliorer la situation immédiate aux niveaux du primaire et du secondaire (1er cycle):

- retrait de la circulation des livres jugés (par une commission mixte spécialisée) de qualité insuffisante, et refonte éventuelle par leurs auteurs;

- adoption dans toutes les écoles de la (ou des) collection(s) jugée(s) par la même commission la plus adéquate;

- rédaction de nouvelles collections par les mêmes commissions mixtes. [57]

Le problème est plus grave au niveau des dernières années du secondaire. A l'exception du livre peu "accessible" de Raoul Blanchard, dont il a déjà été question, il n'existe aucun manuel canadien utilisable en géographie générale ou en géographie régionale. Les collèges et les écoles normales qui ont introduit la géographie dans leurs programmes (obligatoires pour ces dernières) ont adopté des manuels français, remarquables souvent (cf. les récentes collections: Nathan, Masson) mais conçus en fonction de centres d'intérêt français.

Deux mesures doivent être prises pour remédier à des [sic] lacunes:

- les facultés des arts doivent adopter un programme commun respectant les normes définies par la commission pédagogique de l'U.G.L.;

- des professeurs universitaires et collégiaux auront ensuite à rédiger les manuels indispensables.

Des mesures identiques s'imposent pour les Écoles normales;

- revision [sic] des programmes actuels (programmes des Facultés des Arts et méthodologie)

- rédaction de manuels pour la méthodologie et les travaux pratiques plus particulièrement." (p. 58).

[...]

L'enseignement des mathématiques

[...]

Comme nous l'avons déjà signalé, la commission d'experts formée à l'occasion du Colloque de Royaumont, a présenté un programme très détaillé correspondant aux suggestions de ce colloque. Elle même rédigé de longues indications relatives aux parties les moins connues de ce programme. Il reste qu'il lui était impossible, étant donné le temps assez bref qui lui était alloué, de mettre sur pied une série de manuels qui puisse couvrir l'ensemble du cours secondaire.

Il y a donc lieu d'examiner s'il existe présentement des manuels qui répondent à ces exigences. Des projets assez nombreux sont un peu partout sur le chantier. Actuellement, deux de ces projets ont particulièrement attiré l'attention: en France, la série des manuels de Bréard, aux Etats-Unis, ceux du School Mathematics Study Group (SMSG). Nous avons aussi, mais vaguement, entendu parler d'un projet des professeurs belges, mais nous n'avons pu réunir suffisamment de documentation pour en parler ici d'une manière appropriée ** Il ne faudrait pas croire que les publications de Bréard et du SMSG soient les seules qui aient quelque valeur. En France, le cours de J. Marvillet, publié chez Armand Colin, manifeste de grandes qualités; aux Etats-Unis, on peut mentionner parmi d'autres les travaux de l'University of Illinois Committee on School Mathematics (UICSM), ceux de l'University of Maryland Project, ceux du Boston College Mathematics Institute Program.

Les manuels de Bréard ** La publication de cette série a été assurée par les Éditions de l'École ** sont malheureusement si poussés, surtout dans les classes les plus avancées du cours, qu'ils paraissent trop difficiles pour pouvoir, à l'heure actuelle, être utilisés dans la moyenne des lycées français. A fortiori, seraient-ils inutilisables au Canada français, pour lequel nous pourrions presque parler de sous-développement intellectuel. Selon les informations que nous avons pou recueillir, les travaux des professeurs belges seraient encore plus difficiles que les manuels de Bréard. Il n'y aurait donc pas lieu, semble-t-il du moins, de songer à les utiliser chez nous. [72]

Il reste les publications du School Mathematics Study Group. ** Les travaux du School Mathematics Study Group ont été publiés par Yale University Press. ** Le programme adopté dans ce projet de travail constitue un moyen terme entre les programmes traditionnels et le programme de Royaumont. Il nous paraîtrait, dans les circonstances actuelles, le mieux adapté aux conditions de notre milieu. C'est donc ces manuels, traduits en français bien entendu, qu'il serait souhaitable de voir le plus tôt possible entre les mains des étudiants de nos cours secondaires. Si un tel geste était accompli bientôt, ce serait effectuer un premier pas dans une direction qu'il importe de prendre, à moins que l'on n'estime [sic], ce qui serait quelque peu présomptueux, que les idées de Royaumont ne soient pas fondées.

Mais nous voudrions tout de suite écarter une objection qui ne manquera pas de s'élever. Ne serait-il pas, diront certains, néfaste à la sauvegarde de notre culture française, d'introduire chez nous une fois de plus des manuels américains? Nous serions prêts à partager ces réticences, s'il s'agissait d'introduire des manuels d'une discipline particulièrement liée à la culture nationale, comme la littérature ou l'histoire, mais nous ne pensons pas que, dans le cas des mathématiques, il faille éprouver de pareilles hésitations. D'ailleurs, on aurait tort de croire que les Etats-Unis ne peuvent être que la patrie du superficiel et du tape-à-l'oeil. Il se poursuit dans les universités américaines une vie intellectuelle qui n'a rien à envier à celles des grands pays européens.

Les manuels du School Mathematics Study Group pour le cours secondaire ne sont pas en voie de rédaction. Ils sont déjà terminés et mis sur le marché depuis quelque temps. Ils ont subi pendant plusieurs années des essais de rodage (field testing) dans un grand nombre de maisons d'enseignement secondaire américaines. Nous ne croyons pas qu'il existe actuellement dans le monde des manuels conçus dans cet esprit nouveau et qui aient subi un rodage aussi intense et aussi vaste que ceux-là. Cette avance vient de ce que les travaux du SMSG étaient amorcés, bien avant la tenue du Colloque de Royaumont. Cela explique aussi les différences qui peuvent exister entre le programme du groupe américain et celui qu'a constitué le comité d'experts dont nous avons parlé. On aurait tort de croire, cependant, que ces différences soient très appréciables; c'est tout à fait le même esprit que l'on retrouvera dans les deux cas. D'ailleurs, il est certain que les idées du professeur E.G. Begle de l'université Stanford, directeur du School Mathematics Study Group, qui était présent à Royaumont, ont eu quelque influence sur les conclusions de ce colloque.

Un autre avantage des manuels que nous proposons est, qu'à côté des manuels destinés aux étudiants, on a rédigé des manuels pour les professeurs. Ces manuels ne sont pas du type des traditionnels "livres du maître" où l'on trouve seulement les solutions aux exercices proposés dans le livre de l'élève. Bien sûr, ces solutions s'y trouvent; mais en plus, on y a présenté des indications très détaillées quant aux problèmes pédagogiques qui sont liés à l'enseignement de ces matières et des approfondissements sur la théorie enseignée elle-même. Ceci permet de briser le paradoxe qui veut que dans certains [73] cas le professeur n'en sache vraiment pas plus que l'élève. On a aussi constaté qu'il était souhaitable, si l'on voulait que l'enseignement donné à partir de ces manuels soit vraiment efficace, de faire suivre aux professeurs pendant l'été des cours qui les préparent à utiliser ces publications.

Il serait peut-être utile, à ce point-ci de notre exposé, de dire un mot d'une technique pédagogique qui commence à se répandre aux Etats-Unis: l'enseignement micro-gradué qui porte en anglais le nom de programmed learning. Cette technique est née du souci que cause chez nos voisins la pénurie de professeurs de mathématiques compétents. Si cela peut nous consoler, disons que nous ne sommes pas les seuls qui soyons affectés par de tels problèmes.

L'enseignement micro-gradué consiste à mettre entre les mains des élèves des cahiers imprimés où la matière à enseigner a été découpée en un grand nombre de petites parcelles appelées cadres. Chaque cadre fournit à l'étudiant des éléments d'information dont certaines parties ont été délibérément laissées en blanc. L'élève est invité à compléter ces vides; il peut alors vérifier si ce qu'il a deviné est exact en déplaçant une languette de cuir qui recouvre la marge du cahier où sont imprimées les parties du cadre qui avaient été laissées en blanc. A la longue, le recoupement des informations données par les cadres permet à l'étudiant d'acquérir les connaissances que l'on désirait lui inculquer. Le maître peut alors, durant ces séances d'étude que deviennent les cours, aider individuellement les étudiants les plus embarrassés. On considère malgré tout souhaitable que l'étude effectuée suivant ce procédé soit brièvement préparée par des laïus donnés par le professeur et que soient périodiquement prévus des cours destinés à répondre aux questions des élèves.

Un avantage certain de l'enseignement micro-gradué est qu'il permet à chaque étudiant de progresser au rythme qui convient à ses capacités intellectuelles. Nous pensons cependant que, si l'enseignement micro-gradué vaut mieux qu'un mauvais professeur, il ne saurait remplacer un professeur vraiment compétent.

Cependant, à cause des difficultés auxquelles nous avons présentement à faire face, il y aurait lieu d'examiner l'opportunité d'introduire chez nous une telle technique pédagogique.

Aux Etats-Unis, on nombre déjà important d'organismes privés et de maisons d'éditions s'occupent de ces questions. En mathématiques, discipline qui semble se prêter particulièrement bien à l'enseignement micro-gradué, les programmes édités sont déjà nombreux. Tous n'ont évidemment pas la même qualité. Un organisme américain, la National Education Association, publiera bientôt un catalogue qui ferait une analyse des programmes mis sur le marché, afin de guider les éducateurs dans le choix des programmes les mieux appropriés. [74]

D'autre part, nous apprenons que la National Science Foundation aurait accordé récemment au School Mathematics Study Group une somme importante pour lui permettre de mettre en programmes d'enseignement micro-gradué l'ensemble des ses travaux de mathématiques." (p. 75)

1962
xxx. Mémoire présenté par le conseil supérieur du livre à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., [1962] 7, 6 p.

"Le Conseil supérieur du livre est un organisme groupant les Associations, les Sociétés ou les Groupements de personnes, de maisons et de collectivités qui concourent activement à la publication (Auteurs et Editeurs), à la distribution (Libraires) où [sic] à la propagation du livre français, c'est-à-dire:

La Société des écrivains canadiens; les deux associations d'éditeurs, l'Association des éditeurs canadiens et la Société des éditeurs de manuels scolaires; les deux sociétés de libraires, la Société des libraires grossistes et la Société des bibliothécaires du Québec et l'Association des bibliothécaires de langue française. [1]

[...] nous avons été chargés par la Société des Editeurs de Manuels Scolaires et par l'Association des Editeurs Canadiens de vous présenter les voeux suivants:

Société des éditeurs de manuels scolaires

La Société des Editeurs de Manuels Scolaires souhaite que nos maisons d'enseignements [sic] emploient de plus en plus des manuels canadiens et cela, non par amour propre ou nationalisme, mais parce qu'elle considère qu'un manuel rédigé par un canadien, pour des enfants canadiens, est plus proche d'eux et, par conséquent, plus assimilable qu'un manuel étranger.

Elle est opposée, par contre, au manuel unique qui mettrait fin à une saine émulation entre les auteurs. La formule actuelle qui prévoit trois manuels pour chaque sujet devrait être maintenue mais, lorsqu'un manuel est adopté, il faudrait que ce soit pour une durée de cinq ans. Cette période est nécessaire pour inciter les auteurs et les éditeurs à préparer des manuels qui exigent, aussi bien de la part des auteurs que de celle des éditeurs, de longs travaux et de coûteux investissements.

Il est souhaitable également qu'il s'écoule au moins six mois entre l'approbation d'un manuel et sa mise en service. C'est en février, au plus tard, que devrait intervenir l'approbation d'un manuel destiné à être utilisé à l'automne. Une approbation tardive impose à l'éditeur une précipitation difficilement compatible avec l'excellence de la réalisation.

La Société des Editeurs de Manuels Scolaires souhaite enfin que le Département de l'Instruction Publique assume de plus grandes responsabilités, aussi bien en qui concerne les programmes qu'en ce qui concerne la fabrication des manuels.

Des programmes précis, détaillés, permettent la réalisation de manuels meilleurs et plus efficaces, parce que suivant très exactement le programme, que ceux qui sont préparés en partant d'indications plus vagues et plus générales. [2]

Des normes de fabrication précises concernant la qualité du papier, le caractère d'imprimerie à utiliser, la reliure, déterminant non seulement l'aspect physique du manuel mais son prix, simplifieraient considérablement la tâche des éditeurs et permettraient une plus étroite collaboration avec le Département de l'Instruction Publique. [3]

[...]

Association des éditeurs canadiens

[Après avoir constaté l'ignorance des élèves en littérature canadienne, l'association suggère]:

Parmi les projets étudiés par l'Association des Editeurs Canadiens, il es est un fort simple qui modifierait du tout au tout, en quelques années, la situation actuelle pour notre jeunesse étudiante. Il suffirait, en effet, qu'un comité de professeurs prépare, chaque mois, une étude approfondie de l'oeuvre d'un écrivain en analysant particulièrement l'un de ses ouvrages. Une édition spéciale de son livre, au prix le plus bas possible, serait alors publiée à l'usage exclusif des étudiants. Les professeurs qui commenceraient l'étude préparée par le Comité demanderaient à leurs élèves de rédiger un court essai sur le livre choisi, les obligeant ainsi à le lire. En une seule année scolaire, 9 auteurs et 9 livres auraient ainsi brisé le mur d'indifférence et d'ignorance qui les entoure et des milliers d'adolescents auraient pris conscience de l'importance et de la qualité des oeuvres de nos écrivains.

[...]

La partie suivante de ce Mémoire a été rédigée par le Conseil Supérieur du Livre à la demande de la Société des Libraires Canadiens [...]. [4]

[...]

C'est pourquoi le Conseil Supérieur du Livre, au nom de la Société des Libraires Canadiens, a l'honneur de vous présenter les voeux suivants:

En ce qui concerne les manuels scolaires canadiens -

Que la commission des Prix du Département de l'instruction Publique fixe un prix net qui mettra un terme aux pressions qu s'exercent sur les libraires pour diminuer leur marge traditionnelle de 13 1/3%. En ce qui concerne les livres importés -

Que toutes les collectivités bénéficiant d'octrois gouvernementaux reçoivent des directives au sujet de leurs achats de livres, et, en particulier, que le Ministre de la Jeunesse, pour rembourser 75% du coût des livres achetés par les Commissions Scolaires pour les bibliothèques scolaires et pour les manuels, exige que soient produites des factures de libraires canadiens. [6]

Enfin, pour protéger la profession toute entière, que les prix des livres importés, pour les collectivités recevant des octrois gouvernementaux, soient établis d'un commun accord entre les représentants du Gouvernement, des collectivités et de la profession. [7]

[...]

Mémoire soumis par le Conseil du Livre à Messieurs les commissaires de la Commission des Ecoles Catholiques de Montréal

L'automne dernier, des bruits circulèrent sur les intentions des Commissaires de la Commission des Ecoles Catholiques de Montréal, relativement à leur méthode d'achat de manuels scolaires, bruits suivant lesquels la C.E.C.M. aurait eu l'intention d'acheter directement des éditeurs, bouleversant ainsi les méthodes en usage depuis plusieurs générations dans la Province de Québec.

Le Conseil Supérieur du Livre, que représente la Société des Ecrivains Canadiens, la Société des Editeurs de Manuels Scolaires, l'Association des Editeurs Canadiens, la Société des Libraires Canadiens et la Société des Libraires Grossistes, présenta alors un Mémoire aux Commissaires. Dans ce Mémoire, le Conseil Supérieur du Livre s'attacha à démontrer que les libraires jouent un rôle d'une importance capitale sur le plan culturel et qu'ayant besoin pour vivre des commandes des collectivités, l'achat direct chez l'éditeur entraînerait la disparition d'un nombre important de libraires. Ces arguments furent retenus par les Commissaires qui abandonnèrent l'idée de l'achat direct chez l'éditeur.

Ils envisagèrent alors un régime de soumissions qui aurait mis en concurrence les dix-huit fournisseurs de la C.E.C.M., système en vertu duquel le plus bas soumissionnaire aurait bénéficié de la totalité de la commande de manuels scolaires qui peut atteindre un million cinq cent mille dollars. Pour éviter que le nombre de fournisseurs soit ainsi réduit brusquement de dix-huit à un, cette idée fut également abandonnée.

Le 5 avril, la C.E.C.M. prit la décision de diviser Montréal en sept districts et de demander des soumissions à quelques libraires, laïcs ou religieux, dans chaque district. Cette décision n'aurait pour effet que de réduire des dix-huit à sept le nombre des fournisseurs de la C.E.C.M. [1]

Lorsque le 4 mai 1962, le Conseil Supérieur du Livre eut connaissance de cette décision, il demanda au Président de la C.E.C.M. de bien vouloir le recevoir. Deux conférences en résultèrent au cours desquelles le Conseil Supérieur du Livre, tout en reconnaissant qu'en principe le système des soumissions est le meilleur possible pour la quasi totalité des marchandises, déclara qu'il ne saurait s'appliquer aux livres. Après avoir écouté les délégués du Conseil Supérieur du Livre, le Président leur demanda de bien vouloir soumettre leurs arguments par écrit afin que les Commissaires, lors de leur assemblée du début de juin, puissent considérer et juger s'ils doivent ou non surseoir à l'exécution de leur décision du 5 avril.

Le Conseil Supérieur du Livre est opposé au régime des soumissions dans le domaine du livre pour deux raisons:

a) parce qu'il est profondément injuste
b) parce qu'il provoquerait la destruction du réseau de distribution du livre.

Premier Argument

Le Conseil Supérieur du Livre considère qu'il serait injuste de demander à des libraires fournisseurs de manuels scolaires de se soumettre au régime des soumissions:

1- Le libraire, en effet, achète les manuels scolaires de l'éditeur avec une remise de 33 1/%. Il les vend aux collectivités avec une remise de 20%, ce qui lui laisse une marge de 13 1/%. C'est une des marges les plus basses en usage dans le commerce.

Cette marge n'est pas élastique. Le prix de détail des manuels scolaires ainsi que la remise aux libraires et, implicitement, la remise aux collectivités, sont fixés par la Commission des Prix du Département de l'Instruction Publique.

Dans ces conditions, vouloir que le prix de vente du libraire soit libre et régi par la concurrence, alors que son prix d'achat est fixe et que ni sa diligence, ni son habileté ne peuvent le modifier, c'est placer le libraire dans une situation intenable et profondément injuste. [2]

Et pourtant on accuse parfois, chez nous, les libraires de faire des bénéfices exagérés. Ces accusations sont sans fondement et les libraires canadiens accepteraient avec joie la nomination d'une commission d'enquête pour liquider cette question une fois pour toutes.

2 - Nous affirmons que le libraire n'est pas un intermédiaire abusif et que le fait, pour les collectivités, d'acheter chez lui avec une remise de 20% leurs manuels scolaires est un acte de saine administration.

Les innombrables services que le libraire rend aux collectivités, en particulier aux commissions Scolaires, ont été décrits dans notre Mémoire précédent (stock important qui tourne lentement, livraisons gratuites, service de commandes spéciales, service de documentation, crédit à long terme, centralisation de la production de cinquante éditeurs scolaires, canadiens ou européens, etc... etc...). Aucune commission Scolaire, aussi importante soit-elle, ne pourrait se procurer ces services à un coût inférieur aux 13 1/3% qui constituent la rémunération du libraire.

3 - Par u régime de soumissions, amputer cette marge reviendrait même, en définitive, à nuire aux Commissions Scolaires elles-mêmes qui ne pourraient plus compter sur des services aussi efficaces et aussi complets que ceux qu'elles reçoivent actuellement de la part des libraires.

Deuxième argument

Le Conseil Supérieur du Livre affirme que l'adoption par la C.E.C.M. d'un régime de soumissions entraînerait inévitablement, à brève échéance, la disparition d'un nombre considérable de libraires, et, par conséquent, la destructikoon du réseau de distribution du livre, pour le plus grand dommage de la diffusion de la littérature canadienne et de la culture en général.

En effet, mathématiquement parlant, le système des soumissions revient à réduire le nombre des fournisseurs, puisque pour trois, quatre, cinq ou plus soumissionnaires, il n'y a qu'un seul gagnant: le plus bas soumissionnaire. Qu'advient-il des libraires qui se trouvent ainsi évincés? Dans la situation actuelle de la profession, nous affirmons que la plupart d'entre eux n'ont pas la possibilité d'attendre l'année suivante pour soumissionner à des conditions qui ne leur permettraient pas, d'ailleurs, de faire face à leurs obligations. Ils seraient par conséquent forcés de disparaître. [3]

La décision du 5 avril tient d'ailleurs compte de cette conséquence puisqu'elle a tenu à diviser Montréal en plusieurs districts afin d'éviter de substituer aux 18 fournisseurs de la C.E.C.M. un fournisseur unique.

Si les effets de cette décision pouvaient être limités à Montréal, nous reconnaissons qu''ils seraient effectivement atténués. Malheureusement, nous affirmons que la généralisation serait quasi instantanée:

1 - Dans le passé, il y a eu quelques tentatives isolées pour adopter le régime des soumissions (Sherbrooke, Pont Viau). Elles n'ont pas eu d'imitateurs, en grande partie, croyons-nous, parce que la plus importante des Commissions Scolaires de la province donnait l'exemple en ne traitant avec les libraires que sur les bases individuelles.

2 - Après la publicité donnée par les journaux aux intentions de la C.E.C.M., il est impossible de douter que toute la Province a les yeux tournés vers la C.E.C.M. pour copier la formule qui sera finalement adoptée par elle. Le Conseil Supérieur du Livre en a chaque jour des preuves par les coups de téléphone reçus par son secrétariat et émanant de tous les coins de la Province.

Or, les conséquences de la disparition d'un nombre important de libraires (95 maisons au moins seront très gravement atteintes) seraient désastreuses parce que la Province de Québec ne dispose que de 142 librairies pour diffuser le livre en général et la littérature canadienne en particulier, alors que la France, pour une population dix fois supérieure, en a 8 000.

Pour donner une idée de l'importance des manuels scolaires dans le commerce de librairie, il suffit de noter que le montant total des achats faits par les Commissions Scolaires de la Province en manuels de classe représente plus de six millions de dollars (6.000.000).

La C.E.C.M. peut-elle se désintéresser des conséquences d'une décision qui bouleverserait toute une profession au service de l'éducation et de la culture? [4]

Conclusions

I

Le Conseil Supérieur du Livre vient de rencontrer les fournisseurs actuels de la C.E.C.M. pour les mettre au courant de leurs derniers entretiens. Au cours de cette rencontre ils ont en particulier souligné aux libraires la remarque qui leur a été faite par la C.E.C.M. à l'effet que, si la C.E.C.M. a déjà plusieurs fois modifié son attitude initiale concernant ses méthodes d'achat, les libraires, eux, n'ont encore fait aucune concession.

Après une longue discussion, pour prouver leur bonne volonté en considération de la situation actuelle et pour servir l'intérêt général de leurs confrères du reste de la Province, les libraires fournisseurs de la C.E.C.M. se dont déclarés prêts à consentir à la C.E.C.M. une surremise exceptionnelle de 1% du montant des commandes (égale à 6% de leur marge), si la C.E.C.M. renonce au régime des soumissions.

Psr conséquent, le Conseil Supérieur du Livre a l'honneur de demander à la C.E.C.M. de bien vouloir acheter ses manuels scolaires des libraires de Montréal (ses fournisseurs) sans recourir à des soumissions.

II

En ce qui concerne la volonté d'éliminer toute patronage, volonté exprimée par les Commissaires de la C.E.C.M., le Conseil Supérieur du Livre ne peut que féliciter la C.E.C.M. Il s'en remet aux commissaires pour diviser équitablement les commandes entre les libraires. Il lui paraît cependant que le tirage au sort pourrait être un moyen simple d'éviter toute accusation de patronage et il suggère par conséquent que soient tirées au sort, entre les fournisseurs de la C.E.C.M., des commandes d'importance inégales correspondant à des groupements d'écoles ou à toute autre méthode pratique d'établissement de ces lots inégaux.

Ce tirage au sort pourrait d'ailleurs, l'année suivante, tenir compte du service donné à la C.E.C.M. Les fournisseurs seraient alors classés d'après l'excellence et la qualité de leurs services. Aux maisons ayant donné un excellent service iraient, par tirage au sort, les lots les plus importants. Aux maisons ayant donné un bon service iraient, par tirage au sort, des lots moins importants et les maisons dont le service n'aurait pas été satisfaisant seraient écartées. [5]

III

Le Conseil Supérieur du Livre tient à mettre les Commissaires au courant du fait que l'ensemble du problème posé par la diffusion du livre dans la Province de Québec est étudié actuellement par le gouvernement.

Le Conseil Supérieur du Livre a présenté trois Mémoires:

a) Un Mémoire, exposant les dangers qui menacent le réseau de librairie de la Province de Québec et suggérant des moyens pour le protéger et lui permettre de se développer, est entre les mains du Ministre des Affaires Culturelles qui se propose de recevoir une délégation du Conseil Supérieur du Livre dès son retour de France.

b) Un Mémoire, exposant la situation dans le domaine du manuel scolaire où les libraires sont écrasés entre le mur que constitue leur prix d'achat fixé par la commission des Prix du Département de l'Instruction Publique et les pressions que les collectivités exercent sur eux pour dépasser la remise traditionnelle de 20%, et suggérant des solutions, est entre les mains du Ministre de la Jeunesse qui doit, lui aussi, recevoir prochainement une délégation du Conseil Supérieur du Livre pour en discuter.

c) Un troisième Mémoire traitant des rapports du livre et de l'éducation, soulignant l'importance du réseau de librairie et suggérant des méthodes pour le développer, est entre les mains de la Commission Parent, devant laquelle il sera plaidé dans les semaines à venir.

Pour éviter de mettre le Gouvernement devant un fait accomplit et préjuger ainsi de ses décisions, le Conseil Supérieur du Livre demande à MM. les Commissaires de la C.E.C.M. de bien vouloir, en tout état de cause, surseoir à l'exécution de leur décision du 5 avril dernier jusqu'à ce que le gouvernement ait pu se prononcer sur l'ensemble de la question." (p. 6)

1962
xxx. Notes à la commission royale d'enquête sur l'enseignement - Les commissaires d'écoles de Marieville. S.l., s.n., 1962. [2] p.

"Revue l'élève

3.- Si l'on continue à approuver la revue l'Élève, il faudrait améliorer sa pauvre tenue typographique et sa mise en page déficiente." (p. 1).

1962
xxx. Rapport du surintendant de l'instruction publique - Report of the Superintendent of Education - 1961-62. Imprimé par ordre de la législature. Québec, Rédempti Paradis, 1962. xxxv, 475 p.

"Rapport du Secrétaire du Comité catholique

[...]

A - 1 Manuels étudiés pour les
Ecoles Elèves Maîtres Nombres de rapports soumis
Elémentaires 38 8 33
Secondaires 70 15 56
Normales 5 1 6
Familiales 3 1 4
--- 116 25 99

2. Nature de la décision du Comité catholique
Ecoles
Pour les élèves
Pour les maîtres
app. refusés différés app. refusés différés
Elémentaires 12 14 12 5 3
Secondaires 28 36 6 13 2
Normales 1 4 1
Familiales 3 1
44 54 18 20 3 2
(37.9%) (80%)

Des 141 manuels soumis (élèves + maîtres), 130 étaient entièrement nouveaux; les 11 autres étaient des projets d'éditions revisées [sic] de manuels déjà approuvés. De plus, des 64 manuels approuvés, 20 l'ont été à titre de livre de référence pour les maîtres.

Dans ce rapport, il n'est pas tenu compte des manuels approuvés pour l'application des programmes revisés [sic] des écoles normales.

B - 1. Projets de matériel étudiés pour les écoles
Elémentaires: 37 Secondaires: 26 Nombre de rapports: 45

2. Nature de la décision du Comité catholique
Ecoles
approuvés refusés différés
Elémentaires 21 13 3
Secondaires 15 8 3
Total 36 (57.1%) 21 6 (p. 15)

Comme vous le savez, monsieur le Surintendant, chaque projet soumis à l'approbation est l'objet d'une étude faite successivement par un comité, une sous-commission et une commission avant que le Comité catholique ne soit appelé à se prononcer.

C'est une preuve qu'aucune décision n'est prise à la légère; et, le fait que moins de cinquante pour cent - 100 seulement sur 204 - des demandes d'approbation de manuels et de matériel aient été acceptés le montre bien.

Les quelques chiffres cités ci-haut laissent simplement pressentir l'immense besogne accomplie par les divers organismes, particulièrement les sous-comités.

En effet, ces derniers ont dû se pencher sur d'autres problèmes d'importance comme ceux qui suivent." (p. 16)

[Le texte est disposé sur deux colonnes, une en français et l'autre en anglais].

1962
xxx. Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique de la province de Québec - Juillet 1961 Avec amendements au 1er janvier 1962. S.l., s.n., n.d. 234 p.

"Règlements concernant les instituteurs

[...]

8. De ne permettre que l'usage des livres autorisés; (p. 26)

[...]

Devoirs des inspecteurs d'écoles

145. - Les inspecteurs d'école doivent:

[...]

14. Transmettre un rapport de leurs visites aux secrétaires-trésoriers des municipalités scolaires visitées.

[...]

Dans ces rapports, ils doivent particulièrement appeler l'attention des commissaires ou des syndics d'écoles

1. sur

[...]

b) L'emploi des livres de classe autorisés. (p. 54)

[...]

18. N'avoir aucun intérêt direct ou indirect dans la vente des livres ou autres fournitures d'écoles dans leur district d'inspection. (p. 55).

[...]

Devoirs des inspecteurs régionaux

147. - Il est du devoir des inspecteurs régionaux, sur les instructions du Surintendant de l'Instruction publique et sous la direction de l'Inspecteur général des écoles catholiques:

[...]

13. De n'avoir aucun intérêt direct ou indirect dans la vente des livres ou autres fournitures d'école dans leur région; (p. 56)

[...]

Chapitre VII

Approbation des livres de classe

157. - Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique doit, deux mois au moins avant que celui-ci soit appelé à se prononcer, envoyer au Département de l'Instruction publique une quantité suffisante de cet ouvrage pour que le Surintendant puisse en faire parvenir un exemplaire à chacun des membres du Comité catholique et en conserver six pour examen et consultation. Ces exemplaires doivent être sous forme imprimée ou dactylographiée. L'éditeur doit indiquer en même temps le prix de l'unité et de la douzaine et faire connaître les années du cours auxquelles l'ouvrage est destiné.

158. - Lorsque l'examen d'un ouvrage soumis à l'approbation du Comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le Surintendant doit exiger de celui qui demande l'approbation une somme suffisante pour rémunérer ce spécialiste.

159. - L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au Département de l'Instruction publique et obtenir du Surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et, chaque fois qu'il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du Surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

160. - Le Comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage qu'il aura autorisé.

A l'avenir, tout ouvrage qui recevra l'approbation du Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique devra porter, avec la mention de cette approbation, la date à laquelle elle a été accordée et indiquer le cours auquel il est destiné. Le défaut de se conformer à cette injonction fera perdre à l'auteur de tel ouvrage l'approbation obtenue.

161. - Tout ouvrage doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page de titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement du Surintendant de l'Instruction publique.

162. - Il faut l'approbation du Comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé. Telle approbation ne pourra être accordée que sur présentation

[59]

au Comité catholique d'un sommaire indiquant les changements apportés.

163. - Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe.

164. - Tout livre classique devra être imprimé en caractères suffisamment gros et interlignés, et toute gravure devra être faite avec soin et sur papier de très bonne qualité.

Toute carte géographique dont on demande l'approbation doit être préalablement soumise à la Commission de Géographie de Québec, pour examen et rapport au Comité catholique.

165. - Les commissaires ou les syndics d'école ne feront usage, pour toutes les écoles de leurs municipalités, que de la même série des livres classiques approuvés. Ils en feront une liste qui sera déposée dans chacune des écoles sous leur contrôle.

166. - Tout film à être montré dan les écoles sous la juridiction du Comité catholique devra avoir reçu l'approbation du surintendant.

167. - Seuls les films d'enseignement et les films documentaires pouvant servir à illustrer et enrichir le programme d'études peuvent être montrés durant les heures de classe. Les films désignés comme récréatifs ne peuvent être montrés qu'après les heures de classe ou les jours de congé.

Toute projection de films devra se faire conformément aux lois existantes.

168. - Toute demande d'approbation de films devra être faite au Surintendant ou à son représentant et être accompagnée d'une copie du film dont on désire l'approbation.

L'examen des films se fait par un comité d'au moins trois membres, choisis dans une liste établie par le Surintendant. Le Comité est présidé par le Surintendant ou son représentant.

Le Surintendant dressera une liste des films ainsi autorisé pour les écoles.

169. - L'inobservance de ces règlements entraînera sanction à la discrétion du Surintendant.

170. - Les mêmes règlements s'appliquent également pour les films à vues fixes." (60)

1962
xxx. Résumé du mémoire de la commission des écoles catholiques de Québec à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 20 p.

"41. - Manuels.

a) Il devrait y avoir des volumes rédigés en français pour toutes les matières du programme.

b) Certaines matières auraient intérêt à être condensées en un seul volume.

c) Les responsables du choix des manuels s'assureront qu'il sera possible pour les commissions scolaires de se procurer les volumes approuvés." (p. 12)

1962
xxx. Résumé du mémoire de la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à la commission royale d'enquête sur l'enseignement. Montréal, s.n., 1962. v, 23 p.

"Nous recommandons donc avec instance:

[...]

10- qu'une étude systématique de tous les manuels en usage, de l'école primaire à l'université, soit entreprise sans délai en vue d'en vérifier la valeur aux points du vue pédagogique, scientifique, artistique [10], littéraire et national; que ceux qui ne répondent pas à des normes minimales soient écartés;" (p. 11)

1962
Béchard-Deslandes, Monique. Mémoire sur la formation psychologique des étudiants d'écoles normales présenté à la commission d'enquête sur l'enseignement. S.l., s.n., 1962. 12 p.

"II - MANUEL, MANUSCRITS, TRAVAUX PERSONNELS.

Nous sommes opposée [sic] à l'usage d'un manuel, mais le programme provisoire nous en impose un: "L'éducation, direction de la croissance", par Jean Rimaud.

Nous avons beaucoup de respect pour ce vénérable jésuite français qu'est Jean Rimaud. Nous n'osons même pas lui faire de reproches: nous sommes assurés [sic] qu'il n'a jamais eu la prétention d'écrire un manuel officiel d'études psychologiques pour étudiants d'écoles normales. En réalité, son volume est un magnifique livre de lecture que tous les éducateurs devraient avoir dans leur bibliothèque...

Mais, ces réserves étant faites, nous sommes convaincus [sic] que jamais manuel ne fut plus mal choisi pour enseigner la psychologie à des normaliens. Et ce, quant à la forme et quant au fond.

a) La présentation est pauvre (souvenons-nous qu'il s'agit d'un manuel scolaire). Divisions peu claires, chapitres trop longs, pas de table analytique, ni bibliographie, ni résumé. Les phrases ne finissent plus. C'est un fouillis dans lequel les plus avertis se perdent.

b) Nous avons relevé des contradictions, et très souvent des répétitions obscures. Le pire, c'est qu'un tel livre n'est pas scientifique, ou à peine. L'auteur suit son inspiration [4] (qui la plupart du temps est bonne) mais on sent l'ignorance des découvertes modernes notamment de la psychologie dynamique. De plus l'auteur étant Français, n'est pas en mesure de décrire la psychologie des jeunes Canadiens Français. Et étant homme, réussit très mal expliquer la psychologie féminine ... (à notre avis, il eut mieux fait de n'en pas parler du tout!)

Ses descriptions sont la plupart du temps très au point (et surtout très littéraires!), toutefois ses interprétations sont parfois erronées quand elles ne sont pas complètement absentes. Cela, au point que nous sommes obligée [sic] de dire aux élèves: "Apprenez par coeur le texte pour l'examen, mais oubliez-le ensuite et ne retenez que ce que je vous dis". Drôle d'enseignement, tout de même!

Bref, avec un tel volume entre les mains, les élèves sortent des écoles normales sans connaître les aspects les plus importants de la psychologie de leurs futurs élèves. Et surtout avec une fausse notion de la psychologie.

L'autre manuel obligatoire pour l'étude des "Lois et facteurs du développement de la personnalité" est sûrement mieux adapté, du moins au point de vue scientifique. Toutefois, nous le préfèrerions [sic] moins compliqué et surtout écrit dans un français plus littéraire.

Un bon manuel, pour être satisfaisant, devrait avoir trois qualités principales: être scientifique, être écrit en excellent français, et offrir une présentation pédagogique (i.e. être clair, précis, pourvu de résumés, de questionnaires, de table analytique, de bibliographie).

Puisqu'il faut absolument un "manuel officiel", exigeons au moins que ce manuel possède toutes ces qualités.

Actuellement, aux professeurs qui critiquent le manuel de Rimaud, on répond: "Choisissez-en un autre que tout le monde acceptera", ou bien "Ecrivez-en un". Or, l'expérience a prouvé que la première solution est utopique. Quant à la seconde, elle ne serait réalisable qu'à certaines conditions que nous résumerions ainsi:

1° - Que l'auteur du livre - lui-même professeur de psychologie à l'Ecole normale - puisse expérimenter un cours personnel à mesure qu'il le rédige; cela afin de pouvoir y apporter les améliorations suggérées par les réactions des élèves (compréhension des cours, questions, commentaires, réponses aux examens, etc.). [5]

2° - Que l'auteur ait l'expérience de l'enseignement à l'Ecole normale, qu'il soit très compétent dans la matière à enseigner (compétence reconnue par une université), qu'il sache écrire en bon français.

3° - Comme il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible de retrouver toutes ces qualités réunies en seul individu (ici, nous ne dirions plus: "Je crains l'homme d'un seul livre", mais "Je crains le livre d'un seul homme..."), une équipe de professeurs-auteurs serait préférable à un auteur unique.

Une équipe réunissant toutes les qualités énoncées - soit: compétence pédagogique, psychologique et littéraire - plus une certaine expérience de ce genre de publication, serait désignée par le Département de l'Instruction publique. Et aucun des membres du comité chargé d'accepter ou de rejeter le volume ne serait autorisé à faire partie de cette équipe.

Voilà pour le manuel. (p. 4-6).

[...]

A titre de chargée de cours de psychologie à l'Ecole normale, nous demandons

1° - Que cesse définitivement l'usage obligatoire du manuel de Rimaud: "L'éducation, direction de la croissance", pour l'enseignement de la psycho-pédagogie de l'enfant et de l'adolescent.

[...]

3° - Que, si l'usage d'un manuel exclusif s'avère indispensable, ce manuel soit composé par une équipe d'auteurs compétents." (p. 11).

1962
Chalvin, Solange et Michel Chalvin. Comment on abrutit nos enfants - La bêtise en 23 manuels scolaires. Montréal, Les éditions du jour, 1962. 139 p.

[L'analyse porte sur 23 manuels utilisés en 1961-1962].

1962
Goulet, Elisée. Mémoire individuel humblement présenté à la commission royale d'enquête sur l'enseignement de la province de Québec. Saint-Casimir (Portneuf), s.n., 1962. 20 p.

"Chapitre X - Les programmes scolaires et les manuels

Constations:

a) Le programme élémentaire actuel ne prépare pas suffisamment les élèves pour qu'ils abordent de façon alerte l'étude du programme secondaire.

b) Le programme secondaire, au niveau de 8e et 9e année, me semble un peu trop substantiel.

c) Un nouveau programme devrait être mis à l'essai avant de le généraliser dans toute la province.

d) Les manuels classiques qui y correspondent devraient contenir toute fla matière de chaque

discipline. e) Les Educateurs devraient avoir le temps de faire une étude sérieuse des programmes et manuels nouveaux avant de les enseigner.

Remèdes suggérés:

a) A mon humble avis, les matières accessoires du programme élémentaire actuel devraient disparaître pour laisser plus de temps à l'enseignement des matières-outils: Français, Mathématiques, Religion. Ainsi, les élèves de 7e année promus en 8e année réussiront davantage et il y aura moins de découragement et de désertions.

b) Je propose l'idée de formation D'ECOLES EXPERIMANTALES, institutions spécialisées qui se révèleraient [sic] assez souples pour corriger au fur et à mesure les erreurs de programmes ou de méthodologie.

c) Refaire certains manuels classiques et les rendre COMPLETS afin que les élèves sachent bien ce qu'ils ont à apprendre et que les Professeurs, surtout ceux qui sont déjà débordés, puissent faire quotidiennement une préparation de classe efficace sans s'éterniser dans des recherches fastidieuses.

d) Que les programmes nouveaux ou substantiellement modifiés soient distribués au personnel enseignant au moins quelques mois avant leur application. Même remarque pour les manuels classiques qui y correspondent." (p. 16)

1962
Hoffman, Beverly. The Teacher and the Student: the Case of Undeveloped Potential - A brief presented to the Royal Commission of Inquiry on Education. S.l., s.n., 1962. 28 p.

"Textbooks in the Protestant School

I find that many textbooks, especially those in the elementary curriculum are of poor quality.

Basic readers in Grade 1, a critical starting point for the child's reading skills, limit, rather than develop, the child's ability. The basic reading for the whole of Grade 1 is centered around stories concerning the limited day-to-day experiences of three unimaginitive children. They play ball, they play house, they play with their pets, they play with their toys. Perhaps, as you listen, you may recognize the same story 9 you read as a child. Dick is playing with his kite:

"Up and Down

Look, Father, said Dick.
See it go up.
See it go.
Oh look.
This is fun.

Go, Dick, go, said Father.
Run, run.

See it go up, said Jane.
Oh, oh,
This is fun.

Down, down, said Sally.
See it come down.
See it come down, down, down."

-----
9. The New Fun with Dick and Jane, (Chicago: Scott, Foresman and Company, 1956 Edition), pp. 9-12. [20]

Help, help, said Dick.
Come, Father, come.
Come and help.

Look, look, said Sally.
See it go up.
See Spot run.

Look, look, said Sally.
See it go up.
See Spot run.
This is fun for Spot.

Oh. Dick said Jane.
Spot can help you.
Funny little Spot can help."

Obvilously, the first criticism of this story from the "new" edition of this reader is that it lacks content, yet surely new words can be learned while new concepts are introduced. It is also monotonously repetitious. A reading series should be fascinating, even to the six year-old and it can be. A series of beginning readers should be used in the schools which, besides telling stories, in simplified form, develop science, history, social science and art concepts. These should be the core of the reading program, as certainly our children deserve, and are capable of more of a challenge than the insipid stories of dull Dick, Jane and Sally, whose lives no longer represent those of the average girls and boy today.

This example illustrates the need for careful re-evaluation of content in textbooks at all levels of the school curriculum. Those texts with material that is not up-t-date, does not [21] challenge or interest the student should be discarded and replaced with recently published, challenging material. It is the school board's duty to see that this is done regularly.

In addition, I feel that too much importance is placed on the given textbooks in the curriculum. Texts should serve only as one reference among the multitude of books available to the student. Teachers should have the freedom to utilize in any approach they find the best, all or any parts of the prescribed texts, which too often are regarded as "the" authority by the administrators and students. In reality, the texts often limit independent thought and research because the school examiners are satisfied with them. Memorize the information in these books, the curriculum says in effect, reproduce it on an examination, and you'll "pass". Teachers should be allowed to use these books simply as one means of stimulating broader reading.

If the quality and influence of textbooks are not re-evaluated, a great deal of intellectual potential will remain untapped." (p. 22).

1962
Meunier, Jean. Mémoire à la commission royale d'enquête sur l'enseignement humblement soumis par Institut Teccart. S.l., s.n., 1962. 6 p.

"Parmi les nombreuses suggestions offertes pour améliorer l'enseignement, l'Institut Teccart voudrait mettre en valeur les suivantes: -

1. Que les manuels scolaires soient des oeuvres du Canada-français.

[...]

1. Que les manuels scolaires soient des oeuvres du Canada-français.

L'Institut Teccart, aux débuts [sic] de son existence, fut frappé par l'absence de manuels en français, propres aux cours qu'il entendait dispenser: l'électronique. Absence totale de textes canadiens-français; d'autre part, textes de France traitant de techniques trop différentes de celles prévalant en Amérique du Nord. [1]

Soucieux de partir sur un bon pied, de donner un enseignement valable à des postulants dont la moyenne d'études était inférieure à la neuvième année, nous sentimes [sic] le devoir de composer et d'illustrer nos cours. Même par la suite, avec une instruction moyenne améliorée, (onzième année scientifique) des textes américains excellents, des livres français influencés par les techniques nord-américaines, rien ne nous parut valoir nos propres publications. Nos compatriotes s'y sentaient plus à l'aise; en acceptaient l'influence sans contrainte, et cherchaient à nous imiter dans leur façon de s'exprimer. Publications attrayantes à prix économiques, tel fut et tel est notre principal objectif, à la fois cause et conséquence de notre survie.

Les revenus de l'Institut Teccart, n'étant constitués que des contributions de ses élèves, devaient être dépensés avec grand soin pour nous permettre un enseignement adéquat à un prix abordable. Nous voulions que nos publications éducatives soient simples, attrayantes, abondamment illustrées. Il fallait éviter d'être terne, il fallait que chaque leçon ait du fini, qu'elle soit le reflet d'une maison sérieuse et compétente. L'édition de luxe était hors de notre portée.

La publication la plus économique nous parut être la brochure mesurant 8 ½" par 5½" et contenant 32 pages en tout, incluant la couverture faite du même papier que l'intérieur.

Ce format permet d'imprimer la leçon en deux coups de presse (recto, verso) sur papier 23" x 25", de simplifier les opérations de pliage brochage et de coupage. La réalisation est économique parce que la machine effectue la totalité des opérations, sous le contrôle de mains habiles. [2]

Si les programmes chargés de nos écoles étaient constitués de telles brochures, on ne serait pas en peine pour les ré-éditions; on n'aurait plus besoin, par esprit d'économie, de prolonger la durée de magnifiques et épais volumes, oeuvres d'artistes chevronnés c'est sûr mais dépassés par le temps.

A chacun de ses élèves, l'Institut Teccart donne les leçons afin qu'il puisse souligner les passages à retenir et griffonner ses propres notes sans remords. La brochure peut être donnée, parce qu'elle est plus économique que l'encombrant livre à couverture solide, qu'il faut réparer tous les ans et répartir, parce que trop volumineux, sur un programme de deux ou trois ans; actuellement, on fait transporter tous les jours à l'élève des pages et des pages qui ne figurent même pas au programme. C'est un gaspillage.

Et combien d'éducateurs se sentent le courage d'écrire un volume de quelques centaines de pages? Un effort concerté pour composer de courtes leçons nous vaudrait une pléiade d'oeuvres qui ne nous laisseraient que l'embarras du choix.

Aux Etats-Unis, la tendance aux brochures à couverture pliable se répand à vive allure, même dans les écoles. Le "pocket-book" s'est gagné la faveur populaire parce qu'il est à la portée de toutes les bourses. On l'achète pour apprendre, pour se délasser, pas pour orner une bibliothèque. Qui ne préférera, au même prix, cinq pocket-books pour s'instruire à un seul volume d'élégante présentation? Pour instruire nos jeunes un peu plus de brochures pour le même prix qu'un beau livre ne serait-ce pas préférable? Cherchons la simplicité, écrivons et réalisons au plus vite, car l'éducation n'attend pas.

Nos autorités pourraient, comme jadis en France, encourager les lettres. Par exemple en primant les meilleurs livres de classe. Qu'on décerne nos prix Goncourt, nos Oscars aux plus méritants! Qu'on les honore et les fête publiquement, comme Holloywood [sic] s'y applique avec tant de soin. Trop longtemps, on a laissé dormir ce potentiel inestimable. Les ressources ne manquent pas. C'est l'exploitation qui fait défaut." (p.1-3).

1962.01
Desaulniers, Omer-Jules. "Manuels scolaires de la province de Québec utilisés au Congo", L'instruction publique, 6, 5(janv. 1962):413.

"Jusqu'à ce que le Congo obtienne son indépendance, ce pays d'Afrique ne pouvait utiliser dans ses écoles que des manuels publiés en Belgique et en France. Plusieurs de ces livres de classe ne donnaient pas, semble-t-il, entière satisfaction. Monsieur H.D. Brown, directeur d'une grande école secondaire située près de Léopoldville et fréquentée par environ un millier de jeunes noirs, était à la recherche d'autres manuels français pour l'enseignement des mathématiques dans son institution. Il a demandé au Département de l'Instruction publique de la province de Québec de lui faire parvenir quelques-uns des manuels en usage dans nos écoles.

Après avoir pris connaissance de ces volumes, la direction de l'école a décidé de les mettre entre les mains des élèves. Le témoignage suivant, que nous a transmis monsieur Brown, constitue un éloge particulièrement intéressant d'un de nos manuels de géométrie: «Un de mes professeurs de mathématiques, citoyen des États-Unis, possédant une maîtrise en pédagogie du Central Washington College, spécialiste dans l'enseignement des mathématiques qui a enseigné dans les high schools avant de venir ici, est si enthousiaste de ce volume qu'il serait difficile pour moi de rapporter toutes ses paroles, mais il affirme que ce manuel est en quelque sorte une "bible" pour son enseignement. Nous avons trouvé ce que nous cherchions. Ce volume présente la géométrie le plus simplement possible au lieu de compliquer les choses simples comme font les Européens... Depuis que nous avons ce manuel et que nous pouvons juger de sa valeur, nous voudrions connaître d'autres livres de classe en usage au Canada français. Nous vous serions reconnaissant de nous en faire parvenir quelques exemplaires pour l'enseignement d'une dizaine de matières.»

Nous sommes très heureux de porter ces commentaires à la connaissance des lecteurs de la revue L'Instruction publique. Ils témoignent de la qualité des manuels en usage dans nos écoles."

1962.02.10
Laurendeau, André. "«En quoi ces livres déforment la jeunesse»", Le devoir (10 février 1962):4.

"M. Victor Barbeau porte un jugement sévère sur l'avant-dernier Premier plan. Je n'ai pas vu ce programme consacré aux manuels scolaires québécois: je ne saurais donc infirmer ni corroborer le jugement de M. Barbeau.

Par contre, je me suis fait peu à peu une opinion sur plusieurs des manuels utilisés dans le Québec. Non comme praticien ou théoricien de l'enseignement, ce que je ne suis pas; mais comme père d'une famille assez nombreuse, à qui il est souvent arrivé, durant les quinze dernières années, de faire réciter des leçons aux enfants.

M. Barbeau demande «en quoi ces livres déforment la jeunesse» et il suggère qu'on produise des exemples. En voici un.

Il s'agit d'un Livre de français utilisé en sixième année. Deux de mes enfants [quelques mots illisibles dans le microfilm] cette dernière il y a vingt mois -. Ce manuel a reçu l'approbation officielle du Comité catholique de l'Instruction publique en 1950. Cette date m'étonne: je me sentirais moins sévère devant un manuel de 1930 ou 1935. On me permettra enfin de ne pas préciser davantage ma référence: je crois qu'il serait vain de jeter l'odieux sur un groupe particulier d'éducateurs.

Ce manuel est à la fois une grammaire française et un livre d'exercices. La matière est groupée en fonction de vingt-huit «centres d'intérêt». Les illustrations sont aussi mauvaises qu'abondantes; le choix des textes est dans l'ensemble malheureux. Quant à la langue ...

Or le monde ouvert aux enfants - de douze ans en moyenne - est un petit monde folklorique et dépassé. Dans l'ensemble, c'eut été désuet il y a trente ou quarante ans; aujourd'hui, cela apparaît agressivement anachronique.

L'auteur confond les genres littéraires: il y fait presque constamment de l'apologétique religieuse et nationale. Or, il se trouve à lier des valeurs sacrées ou respectables à des images d'un autre âge. Cela correspond à la mythologie des vieux romans régionalistes: la nature, c'est la vie agricole comme on la rêvait autrefois avec L'heure des vaches d'Adjutor Rivard, La ceinture fléchée du P. Louis Lalande ou Jean Rivard le défricheur.

On imagine le ton. Je saute par dessus la mort du vieil Anselme ou les poèmes de Crémazie, Fréchette et Chapman. Voici ce que devient, dans cette optique, la thème de la vie familiale:

Et c'est le bon, le joyeux souper de famille où l'on retrouve, dans chaque plat, comme un petit morceau du coeur de la mère... La première leçon porte sur la fenaison, d'après la Campagne canadienne du P. Adélard Dugré. La seconde, sur «l'orage», mais un orage vécu dans un rang à la campagne, «Le feu chez les Saint-Onge»: On signale tantôt l'arrivée du curé; celui-ci constate le danger mais sa pureté [reconstitution possible d'un mot difficile à lire] assurera la protection. Sur son conseil, on fixe un crucifix au pignon du mur, face au danger. Le toit de la grange s'écroule bientôt et ranime l'incendie: des langues de feu lèchent dangereusement le toit le mur. Mais soudain, et comme par miracle, le vent balaie la fumée et repousse les flammes (...), la maison a été épargnée.

Troisième leçon: La pêche aux Iles-de-la-madeleine, d'après La mer qui meurt de Marie LeFranc: on n'arrête pas de mourir dans ces pages destinées à la jeunesse. La cinquième leçon, enfin! a une allure moderne, et porte sur les moyens de transport. Après un regard ému sur L'Épicier un bienfaiteur, l'enfant est entraîné Au cimetière. N'oubliez pas qu'il s'agit d'une leçon de français et que les exemples et les exercices sont en fonction des centres d'intérêt. Exemples de compléments du verbe: «Nous allions au cimetière. - On découvrait des dates lointaines et des noms disparus. - Le vieux curé nous parlait des anciens. - Ils dormaient à l'ombre de l'église paroissiale.» Donnez la fonction des noms en italique: «Novembre est un mois de deuils. - Elle a paru devant son Juge. - On portait un mort en terre. - Elle était Dame de Sainte Anne. - Ce soir, je veillerai la mourante", etc.

Retour au cycle des champs: Le laboureur, puis la Ceinture fléchée, avec des réflexions nostalgiques sur tous les vêtements d'autrefois, aujourd'hui disparus, sans compter le rouet:

C'est le rouet de la grand-mère. Il me semble encore le voir... Les Esquimaux reçoivent un meilleur traitement; encore est-ce là un point de vue de blanc. Noël permet d'évoquer Le temps des fêtes à la campagne, et le Jour de l'An, la bénédiction paternelle à la campagne. Plus loin, La maison canadienne, c'est la vieille maison de ferme: «qu'il faisait bon de vivre chez nos gens». Un exemple, ici, étonne un peu - car n'allez jamais oublier que nous apprenons le français. Voici une proposition subordonnée complémentaire: «Plusieurs ignorent le bonheur que le fermier éprouve». Si ces garçons et filles l'ignorent, c'est qu'ils auront été miraculeusement distraits. Mon garçon et ma fille ont dû apprendre en outre cette «récitation», qui est la morale du livre:

Reste à la terre. Crois-moi, les grandes villes
Ne valent pas les champs si beaux et si fertiles
Que ton père a reçus du sien quand il est mort!
Hélas! ni leur père, ni leurs grands-pères, ni leurs arrière-grands-pères n'ayant reçu ces champs si beaux et si fertiles, mes enfants ont dû se sentir malheureux. Au moins ils apprenaient le français.

La vingt-et-unième leçon installe l'élève dans le temps du carême. Il trouvera des synonymes à chacun des mots écrits in italiques: «Le pécheur avoue ses péchés. - Ces catholiques sont édifiants. - Il consomme des aliments maigres.» En effet. La forme pronominale permet d'agréables variations sur le même thème: «Nous nous mortifions et vous vous sacrifiez durant le carême. - Ils ont mortifié leur orgueil et leurs aises. - Ils se sont mortifiés et ils se sont privés»... Quant à la forme impersonnelle: «L'Église nous rappelle que la pénitence est nécessaire.»

J'aime beaucoup, beaucoup moins ces deux phrases, où l'élève est invité à séparer les propositions:

Nous nous sommes rappelés que le peuple juif est un peuple déicide.
Ils souhaitent que le sang du Sauveur retombe sur eux et leurs enfants
.

Il faut aussi conjuguer au présent: «Je m'humilie et je m'avoue pécheur. - Tu t'humilies et tu t'avoues pécheur». A l'imparfait: «Je m'en retournais repentant». Au passé composé: «Je me suis mortifié et me suis privé souvent». Ainsi de suite.

Ailleurs, je glane: «Mon Dieu! que les hommes sont méchants!» C'est un exemple de locution interjective. Ces enfants auront l'interjection pessimiste. Heureusement, la vie a de bons moments:

Dans ses travaux de défrichement Jean Rivard, l'héroïque colon, avait toujours le soin de se faire accompagner de son fusil...

Il me semble que la cause est entendue: ce manuel et ses pareils sont condamnés.

Comment en est-on venu à les écrire? On se servait jadis de manuels français. Mais, alors les exemples réfèrent à une réalité située ailleurs de sorte que l'enseignement a un caractère plus livresque: mieux vaudraient, a-t-on pensé, des manuels d'ci, avec références et exemples québécois. L'idée était juste. On l'a mal réalisée.

On a construit un univers encore plus artificiel, au moins dans le temps. On a oublié qu'une grammaire n'est ni un catéchisme ni un manuel de patriotisme. Au surplus, la religion, ce n'est pas ces rites souvent désuets, ces faux miracles, cette atmosphère d'irrespirable jansénisme. La nation n'est pas la ceinture fléchée. La vie agricole elle-même n'est pas une églogue, dans quoi je suis sûr que les vrais cultivateurs ne se reconnaîtront pas: car l'agriculture, c'est autre chose que l'agriculturisme. La vision de cet univers fleur bleue et puritain à la fois, n'est donc pas de nature à former la jeunesse: elle crée l'illusion, puis suscitera la désillusion.

Il existe des manuels plus intelligents et mieux adaptés; il faut écarter la pacotille, utiliser ce qui est valable, et créer ce qui manque."

[Laurendeau réfère à: Frères du Sacré-Coeur, Mon livre de français: série A - sixième année, Montréal, Procure des frères du Sacré-Coeur, c 1950, 345 p.]

1962.03
Angers, François-Albert. "André Laurendeau n'a rien prouvé", L'action nationale, 51, 7(mars 1962):624-628.

"Dans un article du Nouveau journal paru dans la semaine du 4 février, Victor Barbeau s'en prenait à un «Premier plan» de Radio-Canada sur les manuels scolaires. Que reprochait-il au réalisateur? Non pas d'avoir prétendu que nos manuels sont criticables [sic], faibles, même souvent techniquement mauvais. Il lui reprochait d'avoir fait de ce «Premier plan» une émission anti-cléricale. D'avoir orienté la discussion de façon à laisser croire que, si nos manuels scolaires sont mauvais, c'est parce qu'ils ont été préparés par des Frères ... comme si nos manuels préparés par des laïques étaient vraiment beaucoup meilleurs. Il lui reprochait au surplus d'avoir conduit l'émission de telle façon que seules des opinions avaient été émises sans aucune preuve apportée des motifs ou raisons de ces opinons.

Dans un premier Montréal du Devoir, le 10 février, André Laurendeau prétend suppléer à la carence de l'émission, et prouver à Barbeau, et surtout à ses lecteurs car il s'imagine bien que Barbeau a déjà tripoté tous ces manuels, "en quoi ces livres déforment la jeunesse". Or, à mon sens, Laurendeau ne prouve rien lui non plus, sauf de nous indiquer - d'une façon qui est sûrement fort injuste pour ses véritables idées - qu'elle est sa conception à lui de la façon dont il faut façonner la mentalité des jeunes. Je veux dire que, scientifiquement, c'est tout ce qu'on peut tirer de son article, et rien qui condamne objectivement le manuel qu'il a choisi. Car il n'y a de soi rien de ridicule ou d'à proprement parler déformateur dans ce qu'il rapporte; ou ce pourrait le devenir, mais en fonction de critères objectifs dont il [p. 624] n'a pas tenu compte.

Laurendeau nous indique lui-même d'abord que le livre dont il parle, un «Livre de français», 6e année, est organisé en fonction de 28 centres d'intérêt, dont un, le cinquième, porte sur les transports et est considéré comme faisant moderne mais sans illustration (un technicien des transports trouverait peut-être que c'est le plus mauvais de tous!). Etant donné la structure du livre, le centre d'intérêt, on peut concéder à Laurendeau que les glanures qu'il nous fournit sont probablement représentatives de tout le chapitre. Mais qu'y a-t-il dans les 20 ou plus autres centres d'intérêt? Sans doute, dans les exemples qui nous sont apportés, tout ce qui concerne l'agriculture, les fêtes à la campagne avec la bénédiction paternelle, etc., a un ton vieillot (y a-t-il d'ailleurs vraiment lieu d'en exclure toute inclusion dans les manuels parce que vieillot?). Mais je ne sache pas que le cimetière et le carême soient moins modernes que les transports: c'est moins nouveau mais non moins actuel. Et d'ailleurs, les transports ne sont même pas encore un bon exemple - il faudrait l'usine hydro-électrique ou la pile atomique pour être bien sûr - car les transports comme tels sont encore plus anciens que le carême!

En définitive, le procès que Laurendeau fait à ce manuel est un procès de tendances très subtiles. Ce qui se dégage de son article - et j'en suis sûr que c'est très injuste pour son esprit habituellement plus nuancé - c'est qu'il ne faudrait pas parler aux enfants, à travers le livre de français, ni d'apologétique religieuse ou nationale, ni d'agriculture, ni des vertus des ancêtres, ni de moeurs campagnardes, ni [p. 625] des pêcheurs des Iles-de-la-Madeleine (sans doute implicitement parce que trop loin de Montréal et pas assez important dans la vie économique de la Province), ni de l'épicier (qui est pourtant la forme de prise de contact avec la vie économique qui tombe le plus sous l'expérience de l'enfant, mais sans doute parce que c'est un type d'organisation trop ancien et que de toute façon, il ne faudrait pas mettre de sentiment dans la façon d'en parler, le qualificatif de "L'épicier, un bienfaiteur" n'ayant pas l'air de lui plaire), ni du cimetière (possiblement parce que c'est trop triste), ni du carême , du péché, de la mortification ou du sacrifice (possiblement parce que c'est trop sévère).

Pour sûr, ce choix de thèmes condamnés indique déjà toute une philosophie de la vie, autant pour celui qui veut les inclure que pour celui qui veut les exclure. Et alors, il devient bien clair qu'on ne peut plus parler dans l'absolu autrement qu'en ayant d'abord explicité son option fondamentale. Il n'y a pas là de critique objective possible; il y a des choix à faire. Et ce qui est déformateur pour l'un devient formateur pour l'autre. Laurendeau conclut son article en portant, par exemple l'accusation de puritanisme e de jansénisme. Et sur quoi? Sur ces phrases comme: «Le pécheur avoue ses péchés. - Ces catholiques sont édifiants. - Il consomme des aliments maigres. - Nous nous mortifions et vous vous sacrifiez durant le carême. - Ils ont mortifié leur orgueil et leurs aises. - Ils se sont mortifiés et ils se sont privés. - L'Église nous rappelle que la pénitence est nécessaire.» Et ces phrases tirées, comme exercices d'un texte sur le carême. Franchement, si c'est du jansénisme, il n'ya plus de religion catholique.

Autrement dit, en termes d'objectivité, il n'y a que si tout le volume ou une majeure partie du volume portait sur ou deux de ces points que la déformation deviendrait évidente. Une fois réglé le problème de l'option fondamentale, le reste est pure question d'équilibre; et seule alors l'analyse du tout prouverait quelque chose. Qu'il y ait de la place, dans une livre de français, pour des choses historiques, sociologiques, religieuses, pittoresques, économiques, etc... etc, il me semble que ce devrait être évident. Ou plutôt, cela soulève en même temps ce fameux problème de la neutralité dont on parle tant à l'heure actuelle; et pour bien montrer son impossibilité.

Le livre de français ou, d'une façon plus générale l'enseignement du français, est d'ailleurs le cas-chef. Des exercices de français ne peuvent être faits qu'avec des phrases et des textes. Ces textes, il faut les choisir. On peut les prendre au hasard chez les bons auteurs; et alors faudra-t-il s'en tenir aux modernes? Bannir Virgile parce qu'il fera agriculturiste, et Villon parce qu'il fera moyen-âgeux et qu'il est, de toute façon, triste avec ses pendus? On peut les établir aussi en fonction d'un programme visant à utiliser les exercices français pour inculquer des idées, des notions historiques, des principes de vie. Il faudra nécessairement qu'un programme soit préféré à un autre. Aucun ne sera neutre; et l'absence même de programme n'établira pas la neutralité, mais seulement des conséquences indéterminées.

Une fois le programme établi, il restera à l'appliquer par des techniques appropriées. Dans les exemples que Laurendeau donne, l'accumulation des phrases sur la mortification, etc., est inhérente à la technique des centres d'intérêt et à l'analyse de tout un texte qui porte, lui, sur le carême. La technique est bonne ou n'est pas bonne. Mais si elle est bonne, il n'est pas plus ridicule de jouer avec plusieurs phrases sur le verbe mortifier que sur le verbe manger. Si elle n'est pas bonne, il faudrait arriver au [p. 627] même but par des phrases détachées, susceptibles d'éviter justement une trop grande concentration sur les mots et les idées semblables. Mais toujours, il faudra bien parler de quelque chose. Et ce qui sera le plus neutre sera le plus insignifiant. Or faire travailler les enfants sur des insignifiances pendant des années, serait-ce de la neutralité?

En définitive, le genre de procès que Laurendeau fait à nos manuels n'est pas un procès de qualité pédagogique, mais de tendance idéologique. Et son article nous montre sans doute jusqu'à un certain point quelles sont les idées qui, selon lui, sont déformatrices de la jeunesse et devraient être mises à l'index (car c'est essentiellement de cela qu'il s'agit) à l'école. Mais sur ce terrain, tous les manuels sont et seront toujours criticables [sic] par quelqu'un. C'est dire qu'ainsi posée, la question est mal posée. Ce n'est plus un problème de manuel; c'est le problème de savoir qu'est-ce qu'on doit enseigner à l'école, et quelles sont les idées qu'on doit inculquer aux enfants pour les bien former.

Tout ce que Laurendeau a prouvé incidemment, c'est l'impossibilité d'une école vraiment neutre. La recherche de la neutralité à l'école n'est, en définitive, qu'une recherche négative en vertu de laquelle on essaie de faire enlever de l'enseignement tout ce qui ne nous plaît pas, pour n'y laisser que ce qui nous plaît. Rien d'autre n'est possible, ni n'existe nulle part au monde."

[Laurendeau réfère à : Frères du Sacré-Coeur, Mon livre de français: série A - sixième année, Montréal, Procure des frères du Sacré-Coeur, c 1950, 345 p.]

1962.03
Poisson, Jacques. "Un «premier plan» sur les manuels", L'action nationale, 51, 7(mars 1962):620-623.

"D'après le mémoire des «femmes universitaires» à la commission Parent, les manuels canadiens seraient de qualité inférieure et farcis de fautes de toutes sortes. Aussi conviendrait-il de leur substituer des ouvrages français.

Cette proposition pouvait-elle être bien accueillie? Difficilement, on le conçoit, des responsables de la faillite actuelle. M. Laurence, quant à lui, a cherché refuge dans un prétexte d'ordre psychologique:

«Je pense qu'il faut craindre chez nous le complexe d'infériorité.»

Clément Locquell, qui n'était pas en cause, s'est montré un peu plus réceptif:

«Je pense que pour un certain temps nous devrions accepter d'être coloniaux.»

L'animateur aurait pu demander au premier si l'infériorité de notre langue d'enseignement est moins à craindre que l'aveu de cette infériorité et au second, comment on pourrait accepter d'être colonial quand on l'est déjà, notamment dans certaine facultés de commerce. Mais lui était-il possible, en quelques minutes, d'orienter ses hôtes vers plus de précision et de vérité, à supposer qu'il l'ait voulu?

Comment Locquell eût constaté, s'il s'en était donné la peine, que la mauvaise rédaction des manuels résulte justement, dans une large mesure, de la colonisation pédagogique du Québec par les Etats-Unis. Saturés de méthodologies et de théories américaines, nos auteurs [p. 620] scolaires ne savent plus ni écrire ni penser en français. Puisque c'est là le noeud du problème pourquoi l' éluder par un anticolonialisme portant à faux ou par des appels à l'esprit de clocher?

En somme, il ne s'agit pas en ce moment de choisir entre la dépendance et l'indépendance, mais d'entrer ou non dans la mouvance française, de nous rattacher culturellement à Paris ou de rester axés sur New-York. D'ici notre siècle de Périclès, je crains que nous ne connaissions pas de plus authentique liberté. C'est que chaque groupe linguistique a sa capitale et sa province, et que nous appartiendrons à la province jusqu'au jour où Montréal supplantera Paris, - ou encore New-York, si le français subit au Québec le même sort qu'en Louisiane.

Bref, notre liberté me paraît bien étroite. Allons-nous accepter les lois implacables de la centralisation intellectuelle ou pratiquer le repliement régionaliste? A cet égard, les attitudes de M. Laurence et de Clément Locquell ne se ressemblent guère.

Nourri d'auteurs français, comme il l'a rappelé aux auditeurs de Radio-Canada, le premier n'en appartient pas moins à la chapelle régionalisante. Au pays de nos ancêtres, il eût fort probablement lutté contre l'unité linguistique et l'enseignement officiel, au profit du provençal, de l'auvergnat, du languedocien, du gascon ou du flamand, selon le lieu de sa naissance. Ayant vu le jour au Canada, il défend le bastion de l'école québécoise contre une pénétration trop rapide du dialecte de l'Île-de-France, de la langue triomphante de Paris. Trois quarts de siècle après Mistral, ce noble combat me paraît des plus futiles: notre petit félibrige succombera sous l'impérialisme culturel des Etats-Unis ou s'effacera devant la nécessité d'un rapprochement avec la France. [p. 621]

Enfin, faut-il, oui ou non, faire venir des manuels de France?

A cette question le grammairien du Département de l'Instruction répond ceci:

«Cette suggestion me fait un peu peur, non pas que je sois hostile à la France ... Voici pourquoi je crains l'invasion (?) des manuels français ... Seulement, je pense qu'il faut craindre chez nous le complexe d'infériorité... Il y a une note régionale à mettre dans les manuels ... Notre niveau linguistique est différent aussi de celui de la France...»

M. Laurence aurait-il soudainement oublié qu'il existe en France toute une gamme de niveaux linguistiques, et malgré cela un seul et même enseignement officiel tant pour les régions où le français se heurte encore à la résistance des dialectes que pour celle où il les a complètement éliminés?

En matière d'enseignement grammatical, M. Laurence est partisan des «exemples fonctionnels», des exemples qui «se rapprochent de la langue quotidienne». Je n'entends pas lui faire de nouveau querelle sur ce point, mais pourquoi faut-il que de tous les pays francophones des cinq continents, seul le Québec résolve le problème de l'adaptation dans le sens de la facilité et de l'appauvrissement?

En effet, au nom de quel principe absolu l'enseignement s'adapterait-il à la langue des élèves plutôt que les élèves à la langue d'enseignement? D'ailleurs, cette doctrine malthusienne ne joue que contre le français au Québec, et à plus forte raison chez nos minorités des autres provinces. Nos pédagogues admettent que l'écolier se dépayse et s'aventure résolument dans la forêt des mots inconnus, s'il s'agit d'apprendre la langue anglaise, mais ils invoquent pieusement la lettre de leur stérilisante orthodoxie dès qu'on leur propose les formules d'abondance qui donnent d'excellents résultats dans tous les autres pays francophones du monde.

Quant à lui, Clément Locquell ne semble nullement attaché au ghetto linguistique:

«Je pense que pour un certain temps nous pourrions accepter d'être coloniaux. Enfin, si nous sommes en présence d'une déficience, d'une faillite, d'une carence, les moyens les plus drastiques doivent être employés. Tant pis pour l'amour-propre! Mais je sais que ce sera là un empêchement formidable... Je comprends bien que pour enseigner l'histoire du Canada on n'ira pas demander aux Noirs francophones de composer des manuels... Je crois que pour la langue, les fondements de notre langue, on pourrait fort bien pour un certain temps s'accommoder de grammaires françaises de France, quitte pour le professeur à choisir des exemples locaux ou nationaux, si le coeur lui en dit. Et d'ailleurs il ne serait pas mauvais non plus que l'on retrempe, trempe l'enfant tout de suite dans un contexte de civilisation française générale, quitte ensuite à nationaliser cet apport-là.»

Mais pourquoi s'en tenir aux programmes? Les enfants apprendront-ils d'une part un français véritable et d'autre part cette langue dégénérée dont un manuel d'arithmétique nous fournira aujourd'hui une triste illustration: «Quel instrument vous dit combien chaud ou froid est l'air du dehors d'un appartement?» (What instrument tells you how warm or cold is the air outside or in an apartment?)

C'est là le drame. Nos auteurs de manuels, influencés par les écoles normales, les instituts pédagogiques et les facultés universitaires, sont en train de perdre le sens du français au contact abusif des méthodologies américaines.

Inutiles les enquêtes, les commissions, les conférences, les colloques et les consultations de toute nature tant qu'on n'aura pas le courage d'ouvrir les yeux à cet aspect fondamental du problème! Mais enfin, la mode est encore aux grandes parlotes!"

1962.03.22
Barbeau, Victor. "L'indissoluble lien", Le nouveau journal, 1, 168(22 mars 1962):6.

"Hier j'étais outré qu'un bigot de Radio-Canada transformât doucereusement, hypocritement, en réquisitoire contre les communautés enseignantes, les conclusions d'une enquête pédagogique comme si, en ce domaine, elles étaient les premières et les seules responsables de notre anémie intellectuelle et de notre délavage national. Je n'innocentais personne; je condamnais le procédé et demandais, avant de juger, les pièces du procès.

On me les a fournies. Je viens de lire le mémoire que les Femmes universitaires de Québec, plus exactement, puisqu'il porte leur signature, le mémoire que Mesdames Jean Coulombe et Gaston Duilong ont rédigé sur les livres de lecture en usage dans les écoles primaires. C'est tout autre chose que ce que m'en avaient laissé croire les résumés que j'en avais lus et, surtout, les commentaires que j'en avais entendus. La présentation en est claire, méthodique; la démonstration convaincante, irréfutable. Ainsi, voilà donc la pâtée indigeste que l'on sert chaque jour aux écoliers du Canada français!

Je suis partagé entre la honte et l'affliction. Autant je ressens de tristesse à la pensée des victimes de ce gâchis, autant je m'indigne à l'idée que, loin d'être un accident, une maladresse, il représente un état d'esprit, un style de vie. Le hasard n'y est pour rien. Des subalternes l'ont créé et leurs supérieurs l'ont instauré. Les grands coupables ne sont pas les pauvres ignares, les cerveaux déshydratés qui ont écrit ces manuels. Ceux-là ne sont que des tâcherons, et tous les métiers ont les leurs. Les coupables se situent plus haut dans la hiérarchie, au niveau du Conseil de l'Instruction publique.

Ma peine se change ici en humiliation. Une élite a permis que l'ignorance, la niaiserie, la bêtise deviennent obligatoirement matière d'étude et de foi pour nos enfants. Ou mon zèle m'égare ou cela s'appelle un abus de confiance. Se fût-il élevé une voix discordante dans cette consécration routinière du médiocre et du pire, que je doute qu'elle eût ébranlé les colonnes du temple. S'y produira-t-il quelques fissures maintenant que quelqu'un a parlé qu'un peu de ciment par-ci, un peu de peinture par-là auront vite fait de rassurer l'opinion sur leur solidité. On ne bâtit plus au Québec, on replâtre.

Le Conseil de l'Instruction publique ne porte pas seul tout l'odieux du décervelage de la jeunesse. Nous en sommes tous, à quelque degré, complices. Nous aussi nous ne sommes qu'une façade. Passée au bleu ou passée aux trois couleurs, ce n'est toujours que du stuc. Nous manquons d'armature, d'ossature. Les maux, par exemple, que nous déplorons en matière d'enseignement, d'où procèdent-ils? Moins des techniques que de notre inconsistance morale. Du point de vue national, nous sommes des invertébrés. Notre langue saigne parce que notre patrimoine saigne. Parler et écrire correctement ne peut pas être pour nous une simple discipline scolaire comme ce l'est pour des Anglo-Canadiens qui se paient le luxe d'apprendre le français. C'est la condition même de notre existence, le mode respiratoire de notre vie intellectuelle. Langue et nationalité ne font qu'un. On se méprend donc quand on soutient qu'il suffirait d'une transfusion de sang pour nous insuffler une vitalité nouvelle.

Non, en admettant qu'il y en ait de disponibles, en admettant qu'ils sachent s'acclimater, en admettant même, car ils en ont sûrement la science, qu'ils réussissent où nous avons en grande partie échoué, des maîtres venus de France seraient impuissants à enrayer l'hémorragie qui nous mine. Ils nous mettraient en possession d'un art abstrait, certes précieux pour quelques natures privilégiées, mais sans résonnance pour la multitude. Les anciens élèves des Jésuites et des Sulpiciens doivent plus qu'ils ne sauraient jamais dire aux professeurs français, ils étaient nombreux au début du siècle, qui les ont tirés de leur cocon. Ils en ont tout appris, sauf l'amour du Canada français.

Sans que je songe à les en blâmer, ces prêtres compétents et dévoués étaient totalement étrangers aux difficultés dans lesquelles nous nous débattions. Sur le plan universel, celui du savoir, peut-être avaient-ils raison; sur le plan national, sur le plan humain, ils avaient tort. Nous ne sommes pas, je le répète, des étrangers à qui on enseigne le français à la seule fin de les polir. Nous sommes des Français hybrides qui ont besoin de plus que de la science des livres pour ne pas dégénérer. Les soins, l'attention, l'amour que requiert notre condition instable, périlleuse débordent la pédagogie. Qui ne ressent pas nos inquiétudes, ne connaît pas non doutes, ne ploie pas sous le faix de notre servitude économique, ne soupçonne pas les occasions de chute qui sont pour nous le succès, l'ambition, la vanité, celui-là, tout savant qu'il est et de quelque nationalité qu'il soit, où puise-t-il la force, la volonté de nous protéger contre nous-mêmes? S'identifiera-t-il à nous? Ce sera, l'expérience m'en est garante, l'exception. Les autres, prudents et circonspects, voyageurs en transit, se tiendront au-dessus de la mêlée. Certes oui, ils nous montreront à parler et à écrire correctement, quelques-uns y sont parvenus, mais pour faire de nous quoi, des apatrides ou des Canadiens?

Eduquer est enraciner. De l'enracinement dépend le sort de notre langue. Aussi longtemps qu'on ne l'aura pas reconnu, le français nous restera extérieur, une matière livresque. Si les textes de nos manuels sont stériles, c'est que notre vie nationale elle-même est stérile."

1962.05
Vinette, Roland. "Extraits du procès-verbal du comité catholique - séance du 14 mars 1962", L'instruction publique, 6, 9(mai 1962):793-795.

"I - Émissions de télévision et de radio scolaires

Le Comité catholique approuvé une recommandation de la Commission de Permanence demandant d'informer les commissions scolaires que seuls peuvent être captés dans les écoles les programmes qui auront reçu l'approbation du Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique.

II - Approbation de manuels et de matériel didactique.

[Liste des manuels et disques] ."

1962.06
Joly, Jean-Marie. "Exercices sur l'usage du dictionnaire", L'instruction publique, 6, 10(juin 1962):841-845.

"Nous présentons aujourd'hui à nos lecteurs deux exercices sur l'usage du dictionnaire, destinés d'abord à amener nos élèves à mieux connaître et à mieux utiliser leurs dictionnaires, mais aussi à introduire certaines réflexions d'ordre plus général, qu'on trouvera à la fin de cet article.

Pourquoi deux exercices? C'est qu'il nous semblerait intéressant, et pédagogiquement valable, de disposer ainsi le travail que l'on pourrait faire dans ce secteur:
1. Exécution du premier exercice.
2. Étude, avec les élèves, des difficultés rencontrées dans l'usage du dictionnaire, et des solutions à apporter.
3. Exécution du second exercice.
4. Mesure du progrès accompli, et nouvel examen des difficultés qui persistent.

Prenons, par exemple, la première section des deux exercices (on notera qu'ils ont exactement la même structure et ne diffèrent donc que quant au contenu), section qui a trait à la vitesse de repérage de mots; on déterminera le nombre de mots repérés correctement en deux minutes lors du premier exercice; on enseignera les techniques, propres à accroître la rapidité, décrites dans l'article précédent: division de l'alphabet en quatre parties, usage des mots-guides ou des lettres-guides, et l'on fera pratiquer ces habiletés; enfin, on administrera le second exercice et l'on comparera les deux scores obtenus.

Quelques remarques s'imposent ici:

a) Nous donnons, pour chaque question, les réponses fournies par deux dictionnaires: le Petit Larousse, tel que revisé [sic] en 1959, et le Dictionnaire usuel Quillet-Flammarion, qui date, lui, de 1957. (Nous utiliserons l'abréviation PL pour le premier, QF pour le second.)

Dans la correction de copies, il faudra évidemment tenir compte du dictionnaire utilisé par chaque élève.

b) On sait que ces deux dictionnaires diffèrent beaucoup quant à l'organisation générale. Le QF n'a qu'un ordre alphabétique, le PL en a trois: un pour la partie langue, un pour les pages roses, un pour la partie Arts, Lettres, Sciences. De même, alors que le QF groupe la plupart de ses observations grammaticales aux pages 600-629, le PL les parsème tout au long de la partie langue, sauf pour quelques tableaux synoptiques: sur le pluriel des noms (pp. 702-703), sur l'accord du participe (p. 755). Le QF insère et définit les préfixes à leur ordre alphabétique, le PL les groupe aux pages 827-829.

c) On notera, dans les exercices, qu'un dictionnaire donne en plus d'un endroit la réponse à certaines des questions posées; il serait bon d'attirer l'attention des élèves sur ce fait, afin qu'ils apprennent à utiliser plus efficacement cet important outil de travail.

d) Nous donnons des directives complètes pour le premier exercice, mais ne les répétons par pour le second, puisqu'elles sont exactement les mêmes. [p. 841]

e) Pour la présentation des exercices aux élèves, on pourra employer deux formes: l'écrite (il faudra alors prévoir des espaces pour les réponses) et l'orale: chaque question sera alors lue à la classe; on devra par contre, pour la première section (rapidité), soit dicter la liste des mots au préalable, soit l'inscrire au tableau, de façon à permettre à chacun de travailler aussi vite qu'il le peut.

Premier exercice
1re section: rapidité

Directives: inscrivez le numéro de la page de votre dictionnaire où est défini chacun des mots suivants: vous n'avez pas à lire la définition, mais seulement à trouver le numéro de la page. Vous aurez deux minutes.

1. pratique QF p. 1095 PL p. 824
2. moisir QF p. 900 PL p. 667
3. clairon QF p. 202 PL p. 217
4. théière QF p. 1339 PL p. 1039
5. bigoudi QF p. 168 PL p. 120
6. jurer QF p. 760 PL p. 579
7. volcan QF p. 1434 PL p. 1109
8. literie QF p. 807 PL p. 606

2e section: grammaire, orthographe, prononciation

Directives: inscrivez la bonne réponse à chacune des questions qui suivent, et la page de votre dictionnaire où vous l'avez trouvée.

9. Faut-il écrire j'espérerai ou j'espèrerai?
(QF: j'espérerai, p. 609) ) (PL: idem, p. 398, renvoi à p. 179)

10. Le mot fat se prononce-t-il fâ ou fatt?
(QF: fatt', p. 515) (PL: fâ, puisqu'on n'indique pas que la prononciation est irrégulière, p. 424)

11. Mademoiselle Lalande a terminé ses études de droit: faut-il l'appeler l'avocat Lalande ou l'avocate Lalande?
(QF: l'avocate, pp. [sic] 601) (PL: idem, p. 92)

12. Comment s'écrit tête-à-tête au pluriel?
(QF: tête-à-tête, pp. 601 et 1336) (PL: idem, pp. 703 et 1038)

13. Faut-il écrire: «les cerises que j'ai vues mûrir» ou «les cerises que vu mûrir?
(QF: vues, p. 618) (PL: idem, p. 755)

14. Doit-on dire «un avant-midi» ou «une avant-midi»?
Le mot «avant-midi» n'apparaît dans aucun des deux dictionnaires; on dira plutôt «matinée».

15. Que signifie l'expression «faiseur d'almanach»?
(QF: auteur prétentieux de prophéties, p. 47); (PL: faiseur de pronostics, p. 34)

16. Que signifie l'abréviation «dimin.»?
(QF: diminutif, deuxième page avant la page 1) (PL: idem, ibid.) [p. 842]

17. Qui a écrit le roman intitulé «Le Juif errant»?
(QF: Eugène Sue, p. 758) (PL: idem, p. 1464)

18. Quelle est la superficie de la Suisse en kilomètres carrés?
(QF: 41, 295km carrés, p. 1302) (PL: idem, p. 1719)

19. Quelle est cette superficie en mille carrés?
QF: 41,295 x .386 (1 km carré = .386 mille carré est donné à la toute dernière page) = 15,940) (PL: 41,295 ÷ 2.589 (on trouvera, à la page 1081, qu'un mille terrestre égale 1.6093 km; 1.6093 km carrés = 2.589) = 15,940

20. L'élément chimique appelé cérium est-il l'une des terres rares?
(QF: oui, pp,. 251, 1335) (PL: idem, p. 361)

21. L'Île-au-Sable est-elle au nord-est, à l'est ou au sud-est d'Halifax?
(QF: est (carte du Canada, dans ,l'Atlas placé à la fin du dictionnaire) (PL: idem (carte Canada Est, dans l'Atlas France-Canada placé à la fin du dictionnaire)

22. Quand la Nouvelle-Zélande devint-elle colonie anglaise?
(QF: 1840, p. 961) (PL: idem, p. 1573)

Deuxième exercice

1re section: rapidité
1. prairie; 2. moineau; 3. clan; 4. théâtre; 5. bifteck; 6. jupe; 7. voix; 8. litige; (Note: les réponses sont les mêmes que pour la section correspondante du premier exercice.)

2e section: grammaire, orghographe, prononciation

9. La forme «je balaye» est-elle correcte?
(QF: oui, p. 609) (PL: idem, p. 97)

10. Comment se prononce le mot «jungle»?
(QF: comme il s'écrit, puisqu'on n'indique pas d'irrégularité, p. 759) (PL: jongl', p. 579)

11. Madame Larose est médecin; peut-on l'appeler «la doctoresse Larose»?
(QF: oui, mais peu usité, p. 601) (PL: oui, p. 332)

12. Doit-on dire «des idéals» ou «des idéaux»?
(QF: les deux formes sont acceptées, pp. 703 et 601) (PL: aucune indication claire sur ce sujet)

13. Faut-il écrire «les trois dollars que ce livre m'a coûté» ou «que ce livre m'a coûtés»? (QF: coûté, p. 618) (PL: idem, p. 755)

14. L'adjectif «fiable» est-il applicable aux personnes autant qu'aux choses?
Ce mot n'apparaît dans aucun des deux dictionnaires; on dira plutôt «sûr», ou «digne de foi, de confiance». [p. 843]

15. Que veut dire l'expression «bête à manger du foin»?
(QF: tout à fait stupide, p. 537) (PL: d'aussi peu d'intelligence que le bétail, p. 422)

16. Que signifie l'abréviation «péjor.»?
(QF: péjoratif, p. qui précède la page 1) (PL: idem, deuxième page avant la page 1)

3e section: histoire, littérature et sciences

17. Qui a écrit le roman «L'assommoir»?
(QF: Émile Zola, p. 108) (PL: idem, p. 1173)

18. Quelle est la hauteur en mètres du mont Everest?
(QF: 8,854 m., p. 501) (PL: 8,882 m., p. 1349)

19. Quelle est la hauteur de cette montagne en pieds?
(QF: 8,854 x 3.281 (1 m. = 3.281 p. est donné à la toute dernière page) = 29,050 pieds) (PL: 8,882 ÷ .3048 (1 p. = .3048 m. est donné à la page 1081) = 29,140 pieds)

20. Quelle est le symbole chimique et le numéro atomique du strontium?
(QF: Sr, 38, p. 1296) (PL: idem, pp. 361 et 997)

21. Le nord de la Colombie-Britannique a-t-il directement accès au Pacifique?
(QF: non, carte du Canada, Atlas) (PL: idem, carte du Canada Ouest, Atlas)

22. Y a-t-il des mines de plomb en Espagne?
(QF: oui, p. 486) (PL: idem, p. 1341)

Commentaires

On nous permettra d'attirer ici l'attention sur certaines des questions rencontrées dans les exercices présentés ci-haut; sauf pour la 1re section, chacune de ces questions a une fin particulière et il serait important d'amener les élèves à remarquer ces particularités après que le premier exercice aura été exécuté.

Question 9. Renseignement d'ordre grammatical, sur la conjugaison des verbes. Chacun des deux dictionnaires utilisés est très complet sur ce point et nos élèves feraient beaucoup moins de fautes s'ils apprenaient à les utiliser. Comme nous le disions plus haut, le Quillet-Flammarion groupe une grande partie de ses renseignements grammaticaux dans la section «grammaire», alors que le Petit Larousse les donne en très grande partie tout au long de sa section Langue. (Dans le premier exercice, on indique pour le PL, à cette question, un renvoi de la page 398 à la page 179. C'est que le verbe «espérer» se conjugue comme «céder» et que le dictionnaire ne donne la conjugaison complète que de quelques verbes «modèles».)

Question 10. Cette question a un quadruple but: 1. apprendre ou rappeler aux élèves que le dictionnaire donne la prononciation des mots en ne la précisant pas si elle ne comporte pas d'irrégularité, en l'épelant phonétiquement dans le contraire; 2. leur faire prendre conscience de l'utilité qu'il y a à vérifier ces prononciations, parce qu'on y trouve souvent des surprises: on pourra, pour compléter la leçon, leur demander d'examiner la prononciation des mots commençant par "qua": quadruple, quadragésime, quadrilatère, etc.; 3. leur faire noter que les dictionnaires ne s'entendent pas toujours, ce sur quoi nous reviendrons; 4. si on append aux élèves que, dans son édition de 1942, le PL donnait du mot "fat" la prononciation «fatt» alors que depuis 1959 il suggère «fâ», on aura une occasion de souligner que la langue évolue, que les dictionnaires doivent aussi évoluer, et qu'il importe donc de ne point se servir d'un dictionnaire désuet. [p. 844]

Question 11. Utilité du dictionnaire pour aider à résoudre les questions d'usage. Faute d'espace, nous n'avons pas inclus de questions soulignant d'autres aspects du même problème: sens familier, figuré, dérivé des mots.

Question 12. Ici encore, les usagers du QF pourront utiliser la section "grammaire" pour répondre à cette question, mais il s pourront aussi trouver le renseignement désiré en cherchant le mot lui-même: les pluriels irréguliers sont, avec la partie du discours, le genre et le nombre, les seuls renseignements grammaticaux contenus dans les articles. Pour ce qui es est du PL, on pourra faire ici connaissance avec un des trois tableaux grammaticaux du dictionnaire: celui du pluriel des noms (les autres portent sur le pluriel des participes et sur les préfixes), noter que les mêmes renseignements se retrouvent dans la partie lexicale, et regretter que le dictionnaire ne soit pas plus clair sur le pluriel de «idéal».

Question 13. Cette question porte sur l'accord du participe passé; les deux dictionnaires offrent un tableau sur cette question; on évitera des fautes si l'on prend l'habitude de les consulter.

Question 14. Cette question a pour but d'attirer l'attention sur des vocables fort utilisés au Canada français mais non en France. Voudra-t-on prendre ce fait comme point de départ pour une discussion sur le français international?

Question 15. Les dictionnaires peuvent être fort utiles pour définir le sens d'expressions aussi bien que de mots, à condition que l'on ait la bonne inspiration d'y chercher un mot clé de l'expression et de lire l'article au complet.

Question 16. On devrait enseigner deux choses à nos élèves: 1. que leur dictionnaire contient deux tableaux d'abréviations: l'un porte sur les abréviations usuelles et se trouve au mot «abréviation»; l'autre précise le sens de celles qui sont employées dans le dictionnaire et se trouve dans les pages d'introduction; 2. qu'il ne faut jamais négliger de vérifier les sens d'une abréviation rencontrée dans un article du dictionnaire: on risquerait de faire des erreurs regrettables dans l'usage des mots.

Questions 17 à 22. Ces questions attirent l'attention, mais beaucoup trop brièvement, sur la richesse encyclopédique des dictionnaires et portent sur des renseignements de nature artistique, scientifique, géographique et technique.

On notera que les deux dictionnaires ne donnent pas exactement la même hauteur pour l'Everest, ce qui nous ramène le dernier point que nous voulions souligner: un des principaux avantages à retirer d'une consultation plus fréquente qu'il n'est coutume de faire dans notre milieu, c'est justement qu'elle permettrait à l'élève de constater et d'assimiler le fait que, parfois, les sources de renseignements (volumes, professeurs, autorités civiles, etc.) ne s'entendent pas. Nous donnons sans doute souvent à nos élèves l'impression que, dans tous les domaines, la vérité est une et éternelle, et que les maîtres et manuels en sont les dépositaires. Ne serait-il pas plus pédagogique de les amener à faire face, carrément, au fait que tel n'es pas le cas et à réfléchir sur les raisons d'un tel état de choses? Les chemins que suit l'homme dans sa marche vers la vérité sont ardus et parfois mal balisés: pourquoi vouloir le cacher?"

1962.08

D'anjou, Joseph. "Des manuels de France, pourquoi?", Relations, 260(août 1962):219-220.

"Des profanes, qui jouent aux pédagogues, et certaines personnes, qu'on juge sérieuses, proposent de remplacer nos manuels scolaires par des ouvrages empruntés à la France.

Cette proposition a le désavantage de rallier des esprits moins préoccupés de culture que d'agitation et une clique bruyante dont le laïcisme antireligeux écoeure par sa mesquinerie et sa bêtise. Parmi les croisés de la pureté française à l'école québécoise, se rencontrent trop de gens pareils aux brouillons que nous avons épluchés le mois dernier (p. 196); et trop peu s'inquiètent du virus injecté quotidiennement dans la cervelle de nos écoliers par le bilinguisme de notre école primaire (de notre vie publique aussi) et dans la tête de nos étudiants par la prolifération des livres américains au sein de nos universités.

A l'opinion des partisans des manuels français, que reconnaître, objectivement, d'acceptable? Forgés par la malveillance et les préjugés, exagérément acérés tant qu'on voudra, quantité de traits dardés contre les manuels de nos écoles atteignent des défauts réels. Mais avant d'assiéger la Bastille de notre régime scolaire et de jeter au bûcher de l'inquisition «neutre» nos manuels et leurs auteurs, arrêtons-nous à une poignée de considérations élémentaires.

Les sans-culottes de notre révolution pédagogique soupçonnent-ils les difficultés inhérentes à l'élaboration d'un bon manuel? Des maîtres y ont appliqué leur génie sans réussir. Maritain renonça naguère à terminer un manuel (?) de philosophie dont l'Introduction et la Logique mineure seulement vinrent au jour. Chez nous, M. Jean-Marie Laurence linguiste chevronné, professeur et vulgarisateur de renom, a publié une grammaire discutée, discutable.

Des manuels qu'on utilise dans la province, j'en ai pesé quatre ou cinq dont le calibre fait honneur à notre milieu. Ils ont pour auteurs des gens du Québec; la langue y brille par sa justesse; on y admire un sens averti de la pédagogie, une érudition vaste et discrète, une largeur de vues appropriée aux exigences de notre temps. Entre autres, chacun selon son genre et son dessein particuliers, je cite le Cours de français (6e et 7e années) et les Lectures littéraires des Frères l'Instruction chrétienne (voir Relations, déc. 1961, p. 325; Collège et Famille, fév. 1962, p. 30); les recueils de belles pages qu'a préparés M. Maurice Gosselin pour les élèves des 3e, 5e et 7e années; Neuve-France, esquisse d'une histoire du Canada français qui manifeste le patriotisme réfléchi de Mgr Albert Tessier; le Français au cours secondaire, oeuvre de collaboration intelligente (voir Relations, mars 1962, p. 80) ... Et l'on pourrait allonger cette courte énumération.

Malgré la peine que j'en éprouve, la vérité m'oblige à noter: les Français qui vivent parmi nous, qui écrivent, voire qui enseignent leur langue et se glorifient de lui vouer un culte fervent ne se montrent pas plus aptes, loin de là, que nos compatriotes à rédiger pour nos écoliers des manuels formateurs. A regret, contraint par le tapage indécent qui brouille notre débat, je mentionne une expérience personnelle: pendant les huit ans que j'ai passés au secrétariat de Relations, on ne m'a pas remis un seul article rédigé par un Français dont je n'aie corriger l'orthographe, le vocabulaire, la syntaxe ou le style. Récemment, par souci de probité, il m'a fallu atténuer les louanges que m'inspirent des ouvrages signés de noms amis (Vinay, Chentrier, Clément, pour ne parler que de Français entièrement ou presque canadianisés) en déplorant les insuffisances graves de leur rédaction. Or, je tiens pour magistral, quant au fond, le Traité de formation sociale de Marcel Clément. Concluez: impossible de garantir qu'un manuel de France diffusera automatiquement une langue supérieure à celle de nos bon manuels québécois.

On objectera que le vocabulaire des livres de France l'emporte par sa richesse. En général, je le concède. Dans le cas du Cours de français, je ne le pense pas. Et puis un manuel d'outre-mer n'a cure de s'adapter à la réalité de'ici. En France, les intérêts au moins accidentels et parfois substantiels de l'éducation et de l'instruction diffèrent des nôtres; les exemples historiques et sociaux qui contribuent à l'édification de la conscience des jeunes Français ne signifient à peu près rien pour nos écoliers. Enfin, quel aliment religieux importeraient de France, pour la jeunesse catholique du Québec, nos Savonaroles de la neutralité? Aux fidèles qui protestent: on choisira des ouvrages composés par des Français qui partagent notre foi, répondons: ces ouvrages resteront inadaptés aux enfants du Québec. J'ai enseigné la religion en me servant de splendides manuels belges et français, ceux des collections «Témoins du Christ» et «Fils de lumière»; aucun ne convenait à mes élèves, filles ou garçons. Mieux vaut les employer que d'abrutir nos écoliers avec des âneries? Évidemment. Mais nul n'a l'intention d'abrutir personne. Et nous avons vu, le mois dernier, que l'abrutissement le plus à craindre ne couve pas nécessairement dans nos manuels. D'ailleurs, nous en possédons d'excellents, et aussi des maîtres capables d'en créer, dans la plupart des disciplines.

Pour aller au bout du sujet, je dirai que, si nous savions les repérer, les soutenir financièrement, nous mettrions tout de suite à contribution pour la culture extrascolaire de notre jeunesse plusieurs artistes, conteurs, romanciers, vulgarisateurs dont le talent rejoint celui des Européens, dont le français est plus sûr, dont la pédagogie satisfait mieux les besoins culturels de nos enfants. Je ne rêve pas. Des oeuvres ont paru, qui méritent ces éloges; d'autres paraîtront, qui les méritent encore davantage. A la production de ces oeuvres de qualité aucun Français, aucun Belge n'a coopéré. Tandis que nombre de piètres livres et albums destinés à nos enfants, piètres par le texte et les illustrations, ont eu des Français d'origine pour parrains ou pour éditeurs. Devant ceux qui ont lu ce que je répète depuis des années concernant notre devoir de parler et de'écrire un français sans bavures, je n'aurai pas à me défendre du reproche d'animosité envers le Belges ou les Français. Je ne prends que la part du bon sens.

Encourageons à la tâche nos maîtres et nos auteurs. Assurons-leur les moyens de viser à la perfection.

Ceux de nos laïcs qui se croient en mesure de composer un manuel dans telle discipline et pour tel degré, qu'on les presse de donner leur nom au Conseil de l'Instruction publique et de présenter en même temps, comme spécimen de leur habilité, un ou deux chapitres du manuel conçu, avec le schéma complet de l'ouvrage.

On exigera de l'auteur dont on approuve le projet qu'il confie la revision [sic] de son travail à trois spécialistes: un linguiste, un maître de la discipline traitée, un professeur expérimenté dans l'art d'enseigner avec succès cette discipline.

A chaque congrégation enseignante on intimera l'ordre ou de composer les manuels qui lui agréent, ou d'indiquer ceux qu'elle recommande, ou de collaborer avec une autre congrégation à la rédaction de tel manuel utile ou nécessaire. Et qu'on soumette également ces «produits» à une revision [sic] compétente. [p. 219]

Un comité d'experts en chaque domaine, que nommeront nos autorités scolaires, décidera ensuite, après examen approfondi, quels manuels guideront notre l'enseignement [sic].

On aura chance alors d'éviter le favoritisme ou la spéculation qui, semble-t-il, ont influé dans le passé sur le choix de nos manuels scolaires.

Il y a belle lurette qu'on aurait dû procéder ainsi. Remarquons cependant que, même sous l'empire de ces précautions, les manuels ne jouiront ni de l'infaillibilité, ni de la faveur ou de l'efficacité absolues; les écoliers auront toujours à trimer; le famille devra offrir une atmosphère propice à l'étude; les instituteurs seront tenus de se cultiver; de se dévouer, de progresser. Et l'on découvrira encore, indéfiniment, matière à critique et à réforme. On saura du moins s'y livrer avec pertinence et espoir de profit.

Afin d'écarter toute équivoque, je spécifie que, dans cette brève note, il s'agit surtout de l'enseignement primaire. Tant que des écoliers n'ont pas reçu le minimum d'instruction qui leur permet d'étendre leurs horizons intellectuels, il importe de leur fournir des connaissances imprégnées du parfum des choses dont ils vivent au jour le jour. Parce que nous aspirons à participer intimement à la culture de la communauté française du monde, nous désirons que nos écoliers apprennent le français universel et correct (non pas l'argot de Paname, ni la langue abâtardie des échotiers de la mode ou du sport); mais nous désirons qu'ils l'apprennent de nous, non des autres Français. Si cela peut se faire. Et cela peut se faire.

Il n'est pas question de bannir tous les manuels qui viennent de la mère patrie. Ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais. Ni à l'école primaire, ni à aucun degré de l'enseignement. Nous réclamons seulement le respect de la dignité qui nous appartient comme Français civilisés d'Amérique: le droit et les facilités, puisque nous en avons les ressources, de former nous-mêmes, aussi totalement et parfaitement que possible, par nos propres oeuvres et pour leur épanouissement original, les enfants de chez nous."

1962.08
Gouin-Décarie, Thérèse. "Les manuels d'éducation familiale ... une fumisterie?", Cité libre, 49(août-sept. 1962):11-14.

"Il existe, au niveau de la 10ième année, deux manuels obligatoires d'éducation familiale: le premier, destiné aux garçons, a pour auteur Marcel Clément (Education familiale du jeune homme, Editions du Pélican, 1960), le second destiné aux filles, indique comme auteur Marthe Saint-Pierre (Education familiale de la jeune fille, Editions du Pélican, 1961). Ces deux volumes ont évidemment reçu l'approbation du Comité catholique du Conseil de l'instruction publique, le premier en 1960 et le second, lors d'une séance du Comité, le 22 février 1961.

Comme on le voit, il ne s'agit pas de manuels périmés, sur le point d'être remplacés et que seule une lenteur administrative, inévitable, maintient encore entre les mains de nos adolescents. Non, il s'agit de publications récentes et, en conséquence, on peut croire que ces manuels rencontrent les exigences actuelles du Département: on ne peut imaginer que le comité catholique (1), en cette époque où les manuels scolaires subissent l'assaut répété de critiques venues de milieux très divers (2), approuverait un manuel qui ne rencontrerait pas pleinement ses normes académiques, esthétiques et morales ...

Le seul fait que l'Education familiale de la jeune fille remplace un manuel déjà ancien, témoigne d'ailleurs d'une volonté de progrès. Le manuel que l'on vient (enfin!) d'abandonner avait de quoi faire frémir toute mère de famille ayant eu le malheur de mettre des filles au monde.

Sans doute, un jour des sociologues, des psychologues et des moralistes se pencheront-ils sur quelques-uns de ses [sic] textes pour reconstituer l'image que l'on se faisait de la femme, au Québec, en cette première moitié du 20ème siècle.

Dans le genre, on pouvait difficilement faire pire; a-t-on fait beaucoup mieux en approuvant les deux nouveaux manuels mentionnés plus haut? Je n'arrive pas ici à partager l'enthousiasme du Père Emile Legault, qui a préfacé le premier manuel, si ce n'est sur les quelques points qui suivent et qui, je le reconnais, ne sont pas sans importance. La langue est correcte, la présentation (à l'exception des dessins) généralement bonne, le texte aéré, de lecture facile. Mais que dit ce texte? car c'est là où le problème se pose et il constitue, il faut l'avouer, un problème très particulier.

Le volume de Marcel Clément est destiné à des garçons de 16-17 ans. Il repose tout entier sur le principe suivant: "Avant tout, il faut rappeler - ce que les jeunes gens ont toujours tendance à oublier - qu'il y a une très grande différence entre la psychologie féminine et la psychologie masculine." (p. 52); ce principe justifie parfaitement les chapitres VIII: L'évolution affective de la jeune fille expliquée au jeune homme et IX: Psychologie de la jeune fille expliquée au jeune homme. Le même principe explique qu'il y ait deux manuels distincts, car s'il existe une très grande différence entre la psychologie masculine et la psychologie féminine, on conçoit aisément qu'il existe une très grande différence entre l'éducation familiale de l'un et de l'autre. La spécialité des manuels étant admise, on ne s'étonnera donc pas de trouver, dans le volume de Marthe Saint-Pierre, les deux chapitres suivants: VIII: L'évolution affective du jeune homme expliquée à la jeune fille et IX: Psychologie du jeune homme expliquée à la jeune fille. Et l'on peut s'attendre, en abordant ces chapitres, à des textes pleins de nuances où, par exemple, la psychologie féminine sera présentée aux garçons de façon toute [sic] autre que dans le manuel destiné aux filles puisqu'il s'agit, dans ce dernier, de les obliger à faire une réflexion personnelle sur elles-mêmes ... Oui, mais voilà, l'attente des lecteurs n'est pas comblée. En dépit des titres de chapitres, L'évolution affective de la jeune fille expliquée au jeune homme (Clément, p. 52), ressemble étrangement à L'évolution affective de la jeune fille dans le manuel destiné à celle-ci (Saint-Pierre, p. 35). Oh, sans doute, le texte n'est pas absolument le même, comme en témoigne la lecture parallèle des premières lignes décrivant l'évolution génétique de la jeune fille; [p. 11]

Les trois âges de l'enfance
Ainsi s'explique l'évolution affective de la jeune fille au cours des trois âges de l'enfance. Avant trente mois, comme nous l'avons indiqué, on ne discerne que peu de différence entre le garçon et la fille. Après trois ans, la petite fille lorsqu'elle est restée seule jusque là et quelle doit partager l'affection de ses parents avec le nouveau-né manifeste, parfois des pointes de jalousie, multipliant soudain les sottises. Plus normalement elle sait devenir une minuscule maman, pleine de prévenances... (M. Clément, p. 52-53)

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Les trois âges de l'enfance
Première étape: Avant trente mois, il existe peu de différence entre la fille et le garçon. Après trois ans, la petite fille, lorsqu'elle est restée seule jusque-là, accepte parfois difficilement un cadet. Elle sent l'affection de ses parents se diviser et en convoite la plus grosse part, sinon la totalité. Il peut donc lui arriver d'être jalouse, ce qui la conduit à multiplier les sottises. Bientôt, ce passage pénible accepté, elle deviendra une minuscule maman, pleine de prévenances pour le bébé qui l'attire déjà.

Le reste du chapitre est à l'avenant. On a parfois la coquetterie de modifier ici, un mot, là la typographie: on substitue des minuscules à des majuscules, des italiques aux caractères romains; on met «elle» à la place de «il», on laisse tomber des questions en fin de chapitre, mais habituellement, on ne prend même pas cette peine:

Aussi, lorsqu'il se marie, le jeune homme doit prendre conscience que la plénitude de la vocation de sa femme n'est pas d'être épouse d'un côté, et mère de l'autre. C'est en même temps pour devenir mère (1e) et pour devenir épouse (2e) que la femme se marie. C'est en même temps pour ses enfants (1e) et le père (2e) de ses enfants que la femme doit vivre. Sa maternité, c'est évident, n'est pas en dehors de sa vocation d'épouse puisqu'elle en est le fruit normal. Sous ce rapport la paternité et la maternité réalisent la plénitude de la joie des époux. (3) (M. Clément, p. 56)

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Aussi, lorsqu'elle se marie, la jeune fille doit prendre conscience que la plénitude de sa vocation de femme n'est pas d'être épouse d'un côté, et mère de l'autre, C'est en même temps pour devenir mère et pour devenir épouse que la femme se marie. C'est en même temps pour ses enfants et pour le père de ses enfants que la femme doit vivre. Sa maternité, c'est évident, n'est pas en dehors de sa vocation d'épouse puisqu'elle en est le fruit normal. Sous ce rapport, la paternité et la maternité réalisent la plénitude de la joie des époux. (M. Saint-Pierre, p. 39).

A notre connaissance, Mademoiselle Saint-Pierre ne cite ses sources qu'une seule fois et de façon incomplète (Chap. VIII, p. 48): il n'y a pas de guillemets de sorte que nous ignorons ce qui est attribuable à M. Clément. Veut-on nous laisser croire que seul ce chapitre lui est dû? Pourquoi ne pas nous indiquer en renvoyant, non seulement à l'auteur, mais à l'oeuvre elle-même, d'où ce chapitre est tiré? Mademoiselle Saint-Pierre cite bien deux volumes de M. Clément dans sa bibliographie, mais il n'y est pas question d'Education familiale du jeune homme.

Notre étonnement d'ailleurs ne s'arrête pas là. La lecture simultanée des deux manuels provoque la même impression que L'année dernière à Marienbad: il naît un curieux sentiment de «déjà vu», mais où?«dans celui-ci?» «dans celui-là?» «tiens, j'ai déjà lu ça...» «l'ai-je lu?»... En fait, en dépit de quelques pages entièrement différentes, les deux volumes sont identiques dans leur quasi-totalité. Certains chapitres existent dans l'un et ne se retrouvent pas dans l'autre, mais ici il faut se méfier, car Le jeune homme et les richesses de l'univers (Clément, p. 7) correspond admirablement à La jeune fille au seuil de la vie (Saint-Pierre, p. 12), à quelques variantes près qui raviront la femme professionnelle qui ose trouver la vie belle (ô péché!)

Le monde n'est plus hostile, il est au contraire dominé, organisé pour le service, le confort et l'agrément. Donc, le jeune homme n'a plus à lutter de la même façon. Il a encore des difficultés, mais il a parfois moins de courage pour les aborder courageusement, virilement ... Il cherche parfois à s'évader dans le sentimentalisme, la vie facile, des plaisirs superficiels... (M. Clément, p. 10).

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Le monde n'est plus hostile, mais organisé. La jeune fille n'a plus à lutter de la même façon qu'autrefois. La tentation de trouver ce monde trop à son gré et oublier l'autre, de trouver la vie belle et de ne point se résigner à vieillir puis à mourir redouble d'intensité. La femme s'évade dans le flirt, la coquetterie ou dans la poursuite de salaires transformés en plaisirs souvent dangereux ou coupables (M. Saint-Pierre, p. 13-14).

Certains chapitres cependant n'existent que dans un des manuels, tels: La préparation économique en vue du rôle familial (Clément, p. 102), Le travail féminin et ses répercussions sur le mariage (Saint-Pierre, p. 99). Est-il nécessaire d'ajouter que dans ce dernier chapitre, l'auteur se montre peu tendre pour le travail féminin? Les nuances que le'on trouve dans les encycliques disparaissent ici... Comment pourrait-il en être autrement quand on réduit le travail de la femme aux motifs suivants:

«1- Aider les parents déjà chargés de frais d'études occasionnés par de jeunes enfants.

2- Préparer son avenir en mettant de côté de quoi pourvoir à une partie des besoins du futur ménage.

3- Assurer son avenir en cas de célibat involontaire.

4 - Vouloir dépasser en ressources ses compagnes et briller parmi les jeunes filles les plus intelligentes de la paroisse.

5- Avoir une raison de sortir de chez soi où l'on s'ennuie [p. 12]

6- Dépenser largement pour ses plaisirs et sa toilette sans avoir besoin de rendre des comptes ou de demander de l'argent à ses parents.

7- Conquérir une indépendance complète favorisant l'émancipation de la vie.

Tous ces motifs n'ont pas la même valeur. Les trois premiers sont les seuls raisonnables, encore qu'ils se mélangent souvent plus ou moins subtilement aux autres." (M. Saint-Pierre, p. 99).

Voici ce qu'ailleurs, dans ce même chapitre, on peut lire:

«... les femmes incapables d'un grand amour et dépourvues d'esprit de devoir auront avantage à modérer leurs ambitions professionnelles ou mieux encore à faire d'une bonne préparation à la tenue d'un foyer, le plus clair de leur vie professionnelle.» (p. 101) ou encore: «Toutes les jeunes filles ne sont pas obligées de travailler. (...) ... Ces jeunes filles ont tort d'envisager une profession dont elles n'ont aucun besoin. Par contre, si elles ont peur de s'ennuyer, elles peuvent se préparer à leur tâche d'épouse et de mère de famille. Nombreux sont les cours qui assurent une excellente préparation familiale.

Si ces occupations ne suffisent pas, les oeuvres de paroisse et les oeuvres de miséricorde ont grand besoin des jeunes filles sans profession.» (p. 102-103).

Il est pourtant des parents chrétiens qui se font un devoir strict de donner à leur fille la possibilité de servir, à l'intérieur d'une profession, selon les dons qu'elle a reçus de Dieu. La parabole des talents ne vaudrait-elle que pour les hommes?

Mais il faudrait un autre article pour énoncer la mentalité étroite, moralisatrice et dualiste (4) qui sous-tend maints passages de ces manuels. Ici les omissions sont des plus révélatrices. Ainsi dans le chapitre XXIII, sur Le rôle de l'union parentale dans la formation des enfants (M. Clément, p. 156), il n'est question que de trois unions, 1) l'union spirituelle, 2) l'unité morale et 3) l'union intellectuelle des parents. Le «ils seront une seule chair» ne semble jouer aucun rôle dans l'éducation enfants! Sans doute, dans des pages précédentes, l'auteur a pu écrire, après une belle mise en garde: «Dans le mariage, il n'y a aucune contradiction, aucun conflit entre la pureté de l'âme et du coeur et l'union physique des époux», (M. Clément, p. 82). Mais, à aucun moment, cette union physique n'est valorisée; plus loin, on peut même lire ce texte extraordinaire à propos du jeune homme qui, après plusieurs mois de mariage, commence à s'ennuyer auprès de son épouse: "La cause? Il n'a pas avec elle une véritable INTIMITÉ. Oh, sans doute, il y a entre eux l'intimité de la tendresse, l'intimité physique ... mais justement, ils ont réduit leur mariage à cette intimité là... Résultat: ils s'ennuient." (p. 117). Tout ceci pour démontrer la nécessité de l'intimité des âmes... Le spirituel ne semble à l'aise qu'à condition de détruire le charnel. Il n'est question nulle part d'aspects fondamentaux des psychosexualités masculine et féminine; or ces aspects (il ne s'agit pas ici d'une initiation sexuelle qui n'a évidemment pas sa place dans un manuel), n'en déplaise à Monsieur Clément, restent essentiels à toute saine et sainte éducation familiale.

Et il faudrait un troisième article pour dénoncer les innombrable erreurs psychologiques qui parsèment le texte. Les auteurs (mais peut-on parler des auteurs?) semblent tout ignorer des données scientifiques récentes (et anciennes) de la psychologie différentielle. (6) Il est possible de substituer «elle» à «il» un peu n'importe où quand on n'écrit que des banalités; ce petit jeu est impossible dans un exposé rigoureux où ce que l'on dit du jeune homme ou de la jeune fille leur est véritablement spécifique. Je sais que, de façon générale, il est impossible de remettre entre les mains d'adolescents un ouvrage hautement technique mais, par contre, les oeuvres de vulgarisation ne sont valables qu'à condition de reposer sur des connaissances scientifiques étendues. Il ne s'agit pas de vulgariser ce qui est déjà populaire mais de transmettre des données complexes dans un langage simple. La bibliographie, à elle seule, suffit d'ailleurs à nous renseigner sur le niveau de ces manuels: à l'exception d quelques noms, aucun des auteurs cités n'a de statut dans le domaine de la psychologie ou de la pédagogie.

Le but initial de cet article n'était cependant pas de souligner les lacunes par trop apparentes de ces deux volumes, mais de poser des questions et d'en espérer des réponses... Se peut-il que les seuls dupes, dans cette affaire, soient nos fils et nos filles? Est-il possible que Marthe Saint-Pierre ait si largement copié Marcel Clément sans que leur éditeur commun ne s'en soit rendu [p. 13] compte? sans que Marcel Clément ait été de connivence? sans que le Comité catholique ne s'aperçoive qu'il recommandait le même volume d'éducation familiale pour les garçons et pour les filles? Pourquoi le second volume n'a-t-il pas été signé conjointement par M. Clément et M. Saint-Pierre? Pourquoi pas un petit mot d'introduction: «Ce volume d'éducation familiale de la jeune fille reproduit le volume d'éducation familiale du jeune homme écrit par Marcel Clément et publié, etc., etc.»

Oui, mais voilà: il n'y a pas de signature conjointe, il n'y a pas de mot d'introduction, il n'y a pas de référence explicite... Et devant cet état de chose, le lecteur ne peut pas ne pas s'interroger, se demandant s'il s'agit là d'un manque de respect élémentaire des droits d'auteur?, d'une «combine»? ou de fumisterie?

(1) Nous savons bien que les décisions réelles ne se prennent pas au niveau du Comité catholique; mais tant que nous verrons apparaître à l'intérieur des manuels: «Approuvé par le Comité catholique, etc., etc....» et tant que ne seront pas mieux connus du public les noms (et diplômes) des membres des sous-commissions d'études des manuels, nous continuerons à lui en attribuer la pleine responsabilité.

(2) Voir à ce sujet, les nombreux mémoires soumis à la Commission Parent, qui soulignent les lacunes des manuels en usage et le récent volume de Michel et Solange Chalvin qui fait rire et ... pleurer. (Comment on abruti nos enfants, Editions du jour, 1962).

(3) Les chiffres sont de nous. Comme elle est significative cette inversion génétique: dans notre contexte, la mère précède toujours sur [sic] l'épouse.

(4) Voir Jean Le Moyne, Convergences p. 55: «Hérésie fondamentale, névrose planétaire, le courant dualiste est universel, et il est presque impossible d'échapper à sa souillure. Le dualisme comporte invariablement une attitude défectueuse devant la matière et la chair qui les jugent. En effet, il dérive du mystère de la chute originelle et correspond à une dissociation de la totalité temporelle, la tentative luciférienne visant la jonction ontologique de la matière et de l'esprit: l'homme, lieu de leur union substantielle et instrument de la future assomption de la matière».

(5) A propos de l'intuition plus marquée chez la femme que chez l'homme, M. Clément écrit: «L'Ecriture atteste cette manière propre de la psychologie féminine. Pilate, lors du procès de Jésus, cherchait à se faire une idée de celui qui était en butte à la haine du Sanhédrin. Mais sa femme elle, porte un jugement immédiat: «Ne te mêle point de l'affaire de CE JUSTE». (p. 62).

Le texte de Saint Mathieu est le suivant: «Ne te mêle point de l'affaire de ce juste; car aujourd'hui j'ai été très affectée dans un songe à cause de lui». Matthieu, 27, 2.

Et l'on sait que la révélation par le rêve est un phénomène plus fréquent chez l'homme que chez la femme dans l'Ancien et le Nouveau Testament."

1962.09
Desaulniers, Omer-Jules. "Extraits du procès-verbal du comité catholique séance du 22 mai 1962", L'instruction publique, 7, 1(sept. 1962):61-65.

"[...]

Vers Jésus glorieux, calendrier liturgique, par les éditions de l'Iris.
Approuvé comme matériel didactique libre pour les maîtres des classes de la 3e à la 7e année [p. 61]

[...]

Série de cartes muettes, par la Librairie Beauchemin:
Cartes de l'Amérique du Sud;
Cartes de l'Amérique du Nord;
Cartes de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique.

[...]

Approuvé pour les classes de 10e et 11e années du cours commercial. [p. 62]"

1962.09
Lebel, Maurice. "Compte rendu de «XXe siècle» par Lagarde et Michard", L'instruction publique, 7, 1(sept. 1962):87.

"Lagarde et Michard. XXe siècle. VI. Collection "Textes et Littérature". Paris, Bordas, 640 pages. 1962.

Ce fort volume de 640 pages illustré de 96 planches en héliogravure, consacré au XXe siècle, est le sixième et dernier livre de la Collection «Textes et Littérature». Avec la précieuse collaboration de leurs collègues Thérèse Van der Elst, Raoul Audibert et Henri Lemaître, les deux auteurs de ce sixième ouvrage ont réussi à présenter le premier demi-siècle avec autant d'ampleur et de fidélité que de goût et de pénétration. C'est le plus volumineux des six, bien qu'il ne couvre que les 60 premières années de notre siècle. On ne pourra donc pas les accuser de mépris à l'égard de leur temps au profit du passé. Ils ont bien raison de penser ainsi, car plusieurs auteurs, comme Péguy, Claudel, Proust, Gide et Valéry, dominent le demi-siècle, tandis que beaucoup d'autres y occupent une place de choix et sont dignes d'attention. L'avenir ratifiera-t-il leur choix? Seul le temps pourra le dire. Quoi qu'il en soit, c'est le fonds qui manque le moins ici et le XXe siècle a déjà produit des oeuvres dont la durée est assurée.

En plus des 137 illustrations soulignant les rapports entre les textes cités et les beaux-arts, le lecteur y trouvera un tableau synchronique de qualité, de remarquables vues d'ensemble de l'histoire littéraire, des pages représentatives à la fois judicieuses et abondantes, une bibliographie (pp. 627-671) sommaire mais choisie et une table des matières (pp. 632-640) détaillée. L'ouvrage commence par une superbe introduction (pp. 9-16) et se termine par une page lumineuse (p. 626) de perspectives. La poésie, le théâtre, l'essai et la critique, le roman avant 1914, sont présentés, puis suivent des études consacrées à Charles Péguy, Paul Claudel, Marcel Proust, André Gide, Paul Valéry; l'âge du surréalisme, le théâtre et le roman de 1919 à 1939, la critique et l'essai, la poésie, le théâtre et le roman contemporains. En somme, un triptyque de longueur à peu près égale: de 1895 à 1914, de 1919 à 1939, de 1945 à nos jours.

Ce livre est fort bien fait, très intéressant et instructif. Il est marqué tout ensemble au coin du goût, de la finesse, de la pénétration, du savoir et de la mesure. Les jugements y sont nuancés et prudents. On y trouve une foule de textes qui nous mettent en appétit, si l'on peut dire, et nous incitent à faire d'innombrables lectures. C'est la marque d'un bon livre. Il révèle la main de maîtres."

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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