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Sources imprimées

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1957

xxx. Rapport du surintendant de l'instruction publique 1956-57. Imprimé par ordre de la législature. Québec, Rédempti Paradis, 1957. xviii, 174 p.

"Les manuels scolaires

A la demande expresse du Comité catholique, un sous-comité a été chargé d’étudier le problème de l’approbation des manuels. Les membres du sous-comité ont émis l’opinion qu’il ne serait pas souhaitable, règle générale, de n’approuver qu’un seul manuel par matière et qu’il n’y a pas lieu de limiter la durée de l’approbation. Il a cependant été recommandé que l’uniformité régionale des manuels soit encouragée dans un même diocèse ou dans une même région et qu’il n’y ait pas plus de trois manuels autorisés dans une même matière pour chaque degré. Si un quatrième manuel jugé supérieur à l’un des trois autres est présenté, on ne devrait pas en faire usage tant que l’un des trois autres est encore utilisé. Le comité catholique a endossé ces recommandations.

Pendant la dernière année scolaire, un certain nombre de nouveaux manuels ont été autorisés tant pour les écoles catholiques que pour les écoles protestantes." (p. xiii).

1957
Bruchési, Jean. Canada - Réalités d'hier et d'aujourd'hui. Montréal, Beauchemin, 1957. 364 p.

"Pour éviter de connaître la même déception que Valéry - déception d'autant plus concevable que le Canada, vu d'un certain angle, offre l'image d'un "pays hybride" - nous nous garderons de confondre l'histoire avec les histoires, les livres d'histoire avec les manuels d'enseignement, les historiens avec les professeurs d'histoire ou avec les romanciers. A ce propos, tout en reconnaissant qu'il importe, dans un pays comme le Canada, de faire servir 1'enseignement de l'histoire à la production, à la conquête d'une vie nationale véritable, il serait dangereux de prétendre y arriver au moyen d'un manuel unique, uniforme, de l'Atlantique au Pacifique. Neuf manuels anglais sur dix, autorisés dans les écoles publiques élémentaire et secondaires du pays peuvent ignorer que le français est langue officielle à Ottawa et passer sous silence l'article 93 de la constitution, relatif aux écoles minoritaires établies avant 1867; la majorité des manuels anglais peuvent consacrer quatre ou cinq pages seulement sur 230 ou 240, à l'histoire du régime français, passer très rapidement sur les luttes parlementaires qui se sont déroulées entre 1791 et 1837; le grand nombre des manuels français, en usage dans les écoles françaises [p. 310] de même nature, peuvent négliger plus ou moins l'histoire des neuf provinces anglaises, et l'étude de l'histoire même, au Canada français, peut avoir trop souvent une tendance marquée vers un régionalisme étroit: ce n'est pas le manuel unique qui apportera le correctif nécessaire, mais bien, plutôt, l'exacte notion - grâce à un enseignement mieux ordonné - de ce que doit être la vie nationale au Canada, basée elle-même sur la réalité des droits et des devoirs de chacun 1". (p. 311)
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[Note infrapaginale] 1. Depuis 1947, de louables efforts ont été faits de part et d'autre pour donner aux étudiants canadiens une vue plus sereine et plus juste de l'histoire de leur pays.

1957
Viau, Jacques. Code scolaire de la province de Québec contenant la loi de l'instruction publique chap. 59 R.S.Q. 1941 telle qu'amendée jusqu'au statut 5-6 Elizabeth II, diverses lois connexes et la jurisprudence jusqu'au 1er janvier 1957 = The education act of the province of Quebec containing the education act chapter 59 R.S.Q. 1941 as amended as to 5-6 Eliz. II, different acts related with and the jurisprudence up to January 1st, 1957. Montréal, Wilson et Lafleur, c1957. 474 p.

"Art. 15. Le surintendant peut retenir la subvention de toute municipalité ou institution d'éducation qui ne lui a pas transmis les rapports prescrits par la présente loi, qui a adopté ou permis l'usage de livres de classe non autorisés, ou qui a refusé ou négligé d'observer quelqu'une des dispositions de la loi ou des règlements concernant l'instruction publique. (p. 36).

[...]

Des comités du conseil de l'instruction publique.

[...]

Art. 30. Chacun des deux comités doit approuver les livres de classe, cartes, globes, modèles, ou objets quelconques utiles à l'enseignement pour l'usage des écoles de sa croyance religieuse, et, quand il le juge à propos, il peut retirer l'approbation qu'il a donnée. S.R. 1925, c. 133, art. 30 (p. 43).

[...]

Art. 221. Il est du devoir des commissaires et des syndics d'écoles:

[...]

4. D'exiger que, dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés qui doivent être les mêmes pour toutes les écoles de la municipalité. [125] S'ils requièrent les services d'une congrégation catholique enseignante, il est loisible aux commissaires ou syndics d'écoles de faire un contrat avec elle relativement aux livres dont on se servira dans les écoles confiées à cette congrégation; pourvu, toutefois, que ces livres fassent partie de la série approuvée par le comité catholique du conseil de l'instruction publique. Le curé ou le prêtre desservant de l'église catholique romaine a le droit de faire le choix des livres ayant rapport à la religion et à la morale pour l'usage des élèves de sa croyance religieuse, et le comité protestant a les mêmes pouvoirs en ce qui concerne les écoles protestantes; (p. 125-126).

[...]

15. De fournir, s'il y a lieu, des livres de classe aux enfants des indigents qui fréquentent les écoles sous leur contrôle, ces livres devant être payés à même le fonds scolaire de la municipalité; (p. 127).

[...]

Art. 222. Il est loisible aux commissaires ou syndics, avec l'approbation préalable du surintendant, de mettre gratuitement à la disposition des enfants, fréquentant les écoles sous leur [131] contrôle, les livres de classe ou une partie de ces livres.

Les livres ainsi mis à la disposition des enfants sont payés à même les fonds de la corporation scolaire, mais le gouvernement lui en rembourse la moitié du prix qu'elle aura effectivement payé pour ces livres.

Ces livres restent la propriété de la corporation scolaire et chaque élève doit prendre un soin raisonnable de ceux qu'il a reçus et les rendre aux commissaires au fur et à mesure qu'il en a fini.

Les commissaires peuvent faire des règlements pour assurer la conservation des livres et leur remise à la corporation scolaire. Ces règlements entrent en vigueur dès leur approbation par le surintendant.

Seuls, les livres de classe autorisés par le comité compétent du Conseil de l'Instruction publique sont sujets au remboursement prévu au deuxième alinéa du présent article; cependant les cahiers, ou cahiers-manuels, dans lesquels les élèves sont appelés à écrire ou à dessiner, ne sont pas considérés comme livres de classe. S.R. 1925, c. 133, art. 222; 8 Geo. VI, c. 14, art. 1; 13 Geo. VI, c. 27, art. 1. (p. 131-132).

[...]

Art. 458. Pour avoir droit à une part de l'allocation sur le fonds des écoles publiques, il faut qu'une municipalité ait fourni la preuve:

[...]

10° Qu'on n'y emploie que des livres autorisés; (p. 258).

[...]

Art. 573. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut acquérir, pour la province, le droit de propriété des livres, cartes géographiques et autres publications quelconques, approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique. S.R. 1925, c. 133, art. 573.

Art. 574. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut distribuer gratuitement aux élèves des écoles, sous les conditions qui peuvent être imposées, des livres ou séries de livres, cartes géographiques, et autres publications quelconques choisis parmi ceux approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique, conformément aux dispositions de l'article 30. S.R. 1925, c. 133, art. 574. (p. 306).

[...]

Art. 588. Les enfants des personnes professant la religion judaïque ont les mêmes droits d'être instruits dans les écoles publiques de la province que les enfants protestants, et sont traités de la même manière que les protestants pour toutes les fins scolaires.

Néanmoins, aucun élève de croyance judaïque ne peut être contraint de lire ou d'étudier dans un livre religieux ou de dévotion, ni de prendre part à un exercice religieux ou de dévotion, auquel s'objecte le père, ou, à son défaut, la mère, ou le tuteur, ou la personne qui a la garde ou le soin de cet élève." (p. 311).

[...]

Loi autorisant la constitution de commissions scolaires centrales protestantes.

[...]

Devoirs des commissions locales.

Art. 36. Toute commission scolaire locale placée sous la juridiction d'une commission scolaire centrale doit:

[...]

4° fournir, s'il y a lieu, des livres de classe aux enfants indigents qui fréquentent les écoles sous son contrôle, ces livres devant être payés à même le fonds scolaire de la municipalité;" (p. 431).

[Le texte est sur deux colonnes, avec la version anglaise à droite].

1957.01
Poisson, Jacques. "La langue de nos manuels (6) Géographie de quatrième année par MM. Brouillette, Dagenais et Faucher", L'enseignement, 9, 8(janv. 1957):3.

"Selon les directives pédagogiques officielles, l'enseignement de la géographie en classe de quatrième a pour objet, entre autres, de développer le sens du vocabulaire et la faculté d'expression. Le manuel que nous allons examiner est-il conforme à cette fin? L'autorité des auteurs, la sanction du Comité catholique et une présentation généralement agréable disposeraient à le croire. Toutefois, la géographie éditée par la maison Beauchemin est remplie des défauts qui caractérisent la plupart de nos livres scolaires traduits de l'anglais, pour ce qui est du style et de l'enchaînement des idées. Les quelques exemples que nous apporterons à l'appui de ce jugement permettront au lecteur d'en contrôler le bien-fondé.

Nous tenons d'abord à soumettre respectueusement au Comité des programmes et des manuels quelques propositions que nous inspire le souci de protéger notre langue scolaire contre la dégradation par la traduction ou l'usage de modèles étrangers au français:

1)Etablir avec soin la terminologie française propre à chaque discipline scolaire avant d'élaborer les programmes d'enseignement et les plans de manuels.

2) Eviter que l'enseignement québécois soit tributaire de la pédagogie anglo-saxonne et de la traduction, en mettant méthodiquement à profit les abondantes ressources de la France en livres scolaires.

3) Recourir à un enseignement intensif du vocabulaire français contemporain pour mettre au point la langue de notre peuple en voie d'urbanisation.

Suivent maintenant classées sous deux rubriques, les citations promises au premier paragraphe.

CONFUSION DANS LES IDEES

La rive droite d'une rivière est la rive (bis) qui est à notre (1ère personne) droite quand vous regardez (2e personne) vers l'aval (p. 26).

Des poissons de toutes sortes: morues, harengs, sardines, huîtres et homards (p. 32). Est-il concevable que des géographes en soient encore à confondre poissons et crustacés?

Rectangle: forme plus longue que large (p. 5).

Voici maintenant deux définitions tautologiques comme on pourra en trouver du commencement à la fin de l'ouvrage:

Domestiquer des animaux: rendre domestique un animal sauvage (p. 27). On observera en outre la déroutante façon de définir un pluriel par un singulier.

Le dessus du terrain (top-soil) est une couche plus ou moins épaisse de terre (p. 21). Je ne crois pas que pareil enseignement éveille beaucoup de vocations scientifiques parmi nos écoliers.

Quant aux deux exemples suivants, il ne sont guère plus dégrossis:

Le terrain n'est pas toujours plat comme un plancher. Par exemple, sur la route traversant la région que vous habitez, il y a des côtes, des bosses, des différences de hauteur (p. 23). Lorsque l'eau remplit un grand trou de terrain, elle forme un étang (p. 28). Si les expressions bosses de route et trous de terrain ont été employées à dessein, il faudra voir dans la pédagogie une science occulte.

Suivent deux définitions également caractéristiques du volume:

Toute (any?) grande rivière qui se jette directement (sic) à (dans?) la mer est un fleuve (p. 27). Pourquoi ne pas avoir suivi tout simplement l'ordre du petit Larousse, plus logique et plus naturel: un fleuve est un grand cours d'eau qui aboutit à la mer? Ignore-t-on de plus qu'en français cours d'eau non rivière (river) est le terme générique?

Instruments aratoires: outils et machines de la ferme (p. 42). A ce compte, les trayeuses et les camions seraient également des instruments aratoires, c'est-à-dire de labourage, d'agriculture.

Autre domaine où le manuel est tout à fait étranger à l'esprit français: celui des procédés de généralisation, différents d'une langue à l'autre. Ceux de la langue anglaise, transposés en français, nous paraissent souvent maladroits et primitifs, ainsi qu'en témoigne la phrase suivante:

Un mouton (sic) a déjà porté sur son dos (sic) la laine qui a servi à faire votre habit (sic). Ce mouton a été élevé probablement loin d'ici (p. 29). Poussée trop loin, cette volonté de faire concret aboutit à l'absurde, à l'irréel, comme le démontrent l'exemple du mouton et tous les autres qui lui ressemblent.

Nous invoquerons à cet égard un témoignage intéressant et précieux, celui de H. Veslot et de J. Banchet:

"La tendance anglaise à substituer le particulier au général, à faire un cas concret et limité de l'exemple dont nous autres Français élargissons et généralisons la portée se retrouve dans les maximes et les proverbes. Quoi de plus contraire au génie français?" (Les Traquenards de la version anglaise, pp 4 et 5).

Le dictionnaire Harrap ne traduit-il pas: A woman takes life too serioulsy par Les femmes prennent la vie trop au sérieux (p. 1)?

VOCABULAIRE ET SYNTAXE

Les auteurs écrivent doubles-fenêtres (pp. 18 et 19) plutôt que contre-chassis, traduction correcte de double windows; dessiner (p. 5) (to draw) au lieu de tracer, dresser ou faire un plan; décrire (p. 4) plutôt que dire la couleur de ce qu'on a noté. A toutes les pages, des fautes semblables trahissent les sources d'inspiration et les modèles étrangers.

Les imprécisions de vocabulaire sont très nombreuses, même lorsqu'elles ne paraissent pas attribuables à la traduction:

Les chevaux logent à l'écurie, le bétail à l'étable et les volailles au poulailler (p. 41). Bétail et volailles sont pourtant des termes collectifs, s'appliquant, le premier, à tous les animaux de pâture, dont le cheval, et le second, à tous les oiseaux de basse-cour, dont la poule. Des leçons de vocabulaires semblables sont donc ineptes, voire déformatrices.

Le mot paysage (étendue de pays présentant une vue d'ensemble, selon Larousse) revient 31 fois en 6 pages, tantôt dans une acception trop restreinte, pour une cour d'école notamment, et tantôt dans un sens dévié, pour désigner par exemple un coin de firmament.

A la page 57, nous relevons une omission de l'article imitée de l'anglais: Ma province, Québec et Québec est une province... Dégagés des automatismes de la traduction, les auteurs diraient-ils Mexique est un pays?

Métropole: la ville plus importante (p. 61).Nous avons là un exemple classique de la confusion entre le comparatif et le superlatif. L'industrie des cartes de souhaits sera désormais en illustre compagnie. Ne traduit-elle pas depuis longtemps best wishes par meilleurs voeux, expressions correspondant à better wishes?

Les leçons géographiques (p. 3)? roche solide (p. 22)? zéro degré (p. 19)? sur chacun des côtés (p. 6), mis pour de chaque côté? Des exemples semblables pourraient remplir toute une page de ce journal.

Même l'orthographe des auteurs n'est pas sûre. Ils écrivent basse-ville et haute-ville (p. 16) avec un trait d'union, vascille (p. 32) pour vacille, etc. Les exemples ci-dessus suffisent sans doute à démontrer la regrettable indigence de style et de pensée dont est entachée cette géographie."

1957.03
Coderre, Gérard-Marie. "Bienséances", L'instruction publique, 1, 7(mars 1957):567-571.

"Le programme d'études des écoles élémentaires (1958) consacre huit pages à la question des bienséances à la maison, à l'école, à l'église et dans les promenades.

L'énoncé de ces règles de bienséances n'est pas exhaustif puisqu'un nota bene signale à la page 583: «On trouvera sous des titres particuliers, plusieurs règles de portée générale. Après en avoir indiqué les applications particulières, on ne manquera pas d'en faire connaître les autres applications».

Or, ces «autres applications» ne seraient-elles pas toutes des suggestions pour l'exercice d'une charité authentique? Le Programme nous rappelle justement que «La pratique des bienséances a sa source dans la charité chrétienne qui veut que nous traitions les autres comme nous aimerions être traités nous-mêmes». On ne saurait donc séparer des leçons «théoriques et pratiques" (Programme, page 585) de bienséances des leçons de formation morale, elles-mêmes corollaires de l'enseignement religieux.

Est-il professeur avisé qui ne tenterait de coordonner son enseignement formel des bienséances envers les parents avec les leçons catéchistiques sur le 4e commandement de Dieu afin de fournir une motivation surnaturelle qui donnera plus de valeur à des pratiques souvent conventionnelles? Ne voit-on pas également une fructueuse coordination à établir entre la politesse à l'église et les soixante-dix numéros de catéchisme qui traitent de l'Église (231 à 301); entre les bienséances à l'égard des camarades et les vingt numéros de catéchisme qui traitent de la vertu de charité: (602-622)? Sans que tous les détails du programme des bienséances s'intègrent parfaitement au programme de l'enseignement religieux, il n'en reste pas mois que dans quatre-vingt pour cent des cas au moins la coordination s'établit tout naturellement. Nous recevrons donc avec plaisir des plans de répartition mensuelle des bienséances en harmonie avec la répartition du programme de formation religieuse et morale.

Ceci dispose de l'enseignement formel de la politesse. Qui jugera cependant qu'il ne faille revenir souvent sur un sujet quand on veut en faire une idée-force qui entraîne l'acte? La répartition mensuelle serait donc bienvenue qui indiquerait en plus divers rappels de points particuliers de bienséances à l'occasion de certains numéros de catéchisme dont le contenu appelle justement des applications pratiques de politesse envers l'un ou l'autre des membres du Corps Mystique.

Ainsi vivifié, surnaturalisé par ses rapports constants avec la formation morale et religieuse, l'enseignement des bienséances aura toutes les chances de rester gravé profondément dans l'esprit des élèves qui y verront autant d'applications pratiques du grand commandement de la charité." [p. 567]

Suit effectivement un tableau de répartition mensuelle de l'enseignement des bienséances où on établit la concordance de différents points de charité chrétienne versus bienséance entre Le catéchisme catholique: ce que nous devons croire, ce que nous devons faire, ce que nous devons avoir pour aller au ciel (Québec, s.n., 1951) et les trois volumes de bienséances publiés chez Fides en 1957, Manuel de bienséance: 1re, 2e et 3e années, Manuel de bienséances: 4e et 5e années et Manuel de bienséances: 6e et 7e années. Nulle part n'indique-t-on l'auteur de la répartition avec les concordances.

1957.03
Poisson, Jacques. "La langue de nos manuels (7) L'héritage du vieux monde par Gérard Filteau ", L'enseignement, 9, 10(mars 1957):13.

"Malgré quelques heureuses initiatives, dont l'adoption l'adoption d'une grammaire française authentique, le cours secondaire s'engagera-t-il dans la voie du premier cycle d'études et méconnaîtra-t-il lui aussi les traditions françaises de clarté, de rigueur intellectuelle et de culture générale. Une fois de plus, la prétendue "canadianisation" des livres scolaires s'effectuera-t-elle dans la précipitation et au détriment de la qualité? Nous posons ces questions aux éducateurs qui ont contribué à faire adopter pour les classes de huitième et de neuvième un manuel d'histoire dont les lacunes sont pourtant graves et manifestes. La "course aux manuels" va-t-elle recommencer?

Le titre même de ce livre manque à la fois de clarté et d'originalité. Tout d'abord vieux monde est insolite en français; quant au mot héritage, il évoque l'extinction de la partie qui lègue. Rome et Paris auraient donc cessé de vivre? Enfin, héritage du vieux monde (sic) pourrait désigner assez logiquement le patrimoine culturel que l'Europe tient de ses générations passées et des civilisations antiques. Comme on le voit, le cours d'histoire débute dans l'équivoque et l'à peu près. Il affiche en outre un goût suspect pour le cliché; les titres du genre The Legacy of the Old World ont déjà séduit trop d'auteurs. Et nous prétendrions apporter quelque chose d'original en Amérique, y être chargés d'une mission civilisatrice supérieure?

Il suffit de lire une trentaine de pages avec attention et de parcourir le reste de l'ouvrage pour se former une opinion. La plupart des citations, que nous allons proposer à la méditation du sous-comité d'histoire, seront donc extraites des deux premiers chapitres, et de l'avant-propos.

Nos ancêtres à nous, habitants du Canada et de l'Amérique (sic) venaient d'Europe où leurs aïeux avaient vécu durant (sic) plusieurs siècles (avant-propos). Distinction confuse entre la partie (le Canada) et le tout (l'Amérique). Gaucherie: les aïeux de nos ancêtres ont-ils vécu plusieurs siècles?

Ce livre décrit les contributions fournies par les Grecs et les Romains dans (sic) l'organisation (sic) de la civilisation (id. Traduction littérale et tautologique de: contribution provided by ... in ...)

Comment l'Eglise a permis à nos ancêtres de nous léguer un héritage dont nous vivons encore aujourd'hui (id). Pléonasme: léguer et héritage. Equivoque: comment vit-on un héritage ecclésiastique?

Tous ces faits, nous les connaissons, parce que Dieu, beaucoup plus tard, les a révélés à Moïse et que celui-ci les a transmis dans la Bible (p. 13).

Les anciens peuples s'établirent dans les territoires (sic) qui leur semblèrent les plus hospitaliers (p. 13). Dans l'antiquité, les peuples devaient s'établir dans les régions qui leur semblaient les plus hospitalières. L'auteur reconnaîtra sans doute que le passé simple (s'établirent) évoque un moment précis de l'histoire, un peu comme si tous les peuples s'étaient établis en même temps ou au cours d'une période bien définie. Il est vrai que la langue anglaise ne dispose d'aucune forme verbale qui corresponde à notre imparfait de l'indicatif, ressource précieuse pour marquer, sans délimitation de durée, un fait continu dans le passé. (V. Grevisse, le bon Usage, p. 574). Lorsque la dégradation de notre syntaxe atteint jusqu'aux temps du verbe, le mal est bien profond et exige une sérieuse étude.

Sur (sic) d'anciens sites qu'ils habitèrent (p. 15). Dans cette acception, site est un anglicisme que tous nos linguistes ont dénoncé. Ce terme désigne en français la partie pittoresque d'un paysage.

Le savant qui recherche les vestiges des temps anciens se nomme un (?) archéologue. C'est un vrai travail de détective que le sien. En fouillant le sol avec soin, en examinant chaque pierre (?), chaque poignée de terre (?), l'archéologue peut découvrir plusieurs indices (?), des os d'oiseaux et d'animaux, des outils, des armes, des débris de poteries (p. 15). Voilà une définition de l'archéologie assez cocasse et quelque peu étriquée, si l'on s'en rapporte au petit Larousse: science des monuments et des arts de l'antiquité. De plus, qu'est-ce que l'auteur peut bien entendre par découvrir des indices, et pourquoi ne range-t-il pas les oiseaux parmi les animaux? Serait-ce, pour ce qui est du dernier exemple, qu'en anglais birds and animals est d'usage courant tout comme officers and men?

Déjà, il (l'homme des temps anciens) possédait au complet (sic) certains dons merveilleux dont Dieu l'avait doté (p. 16). Doter de dons, autre tautologie analogue à dessins représentant (p. 15).

Ce capital de connaissances, de façons de procéder (sic), de manières de vivre en société, s'est accru de génération en génération. C'est ce capital transmissible à ses semblables (sic) ou à ses descendants (sic) qu'on appelle la civilisation (p. 17). Il est presque décourageant d'avoir à faire observer à l'auteur, au sous-comité d'histoire et aux éditeurs que semblables ne signifie pas contemporains, qu'il ne se produit pas de mutation d'espèces d'une génération à l'autre. Faut-il aussi attirer l'attention sur l'expression suivante: capital de manières de vivre en société? Dans la préface des Faux Amis, Maxime Koessler rappelait le rôle civilisateur éminent joué dans le monde par la langue française, par la clarté française. Est-ce là une vérité que les Canadiens français seront les derniers à reconnaître? Serions-nous voués à l'infériorité linguistique?

La parole est un don merveilleux. Seul de toutes les créatures, l'homme sait articuler. Cette faculté lui permet ainsi (thus) de transmettre ses pensées, son expérience (sic) à ses voisins, de réclamer son (leur?) aide, de répondre à ses (leurs?) questions (p. 17).

L'homme possède aussi une remarquable paire d'outils, ses mains ... Et de plus, l'homme marche debout, laissant ses mains libres pour le travail (p. 17). Les membres du sous-comité d'histoire voudront-ils s'accorder une petite séance récréative et se relire entre eux tous les passages de la veine de: l'homme aux outils qui transmet son expérience à ses voisins, grâce à sa faculté d'articuler; de l'homme qui marche debout et qui s'évertue à asseoir son règne sur la nature? S'ils sont friands de contrastes, ils pourront peut-être passer ensuite à l'ouvrage de Pierre Rousseau: L'homme avant l'histoire.

Le premier souci de l'homme a été de se nourrir en mangeant crus les fruits sauvages, les herbes, les racines (p. 18). Se nourrir en mangeant? Quant à l'homme encore à son premier souci, il ne connaissait sûrement pas la cuisson. Comment le concept de la crudité lui serait-il venu à l'esprit sans celui de la cuisson? L'auteur serait-il impuissant à exprimer les rapports de temps, à les concevoir avec clarté?

Les Egyptiens développèrent une des plus anciennes civilisations (p. 13). Autre notion de temps mal présenté. Cependant, rappelons d'abord que développer est employé ici dans le sens anglais de to develop, mot passe-partout qui donne bien du mal aux traducteurs. Créer ou produire auraient été préférables et plus français. Mieux encore, il aurait fallu penser dans notre langue maternelle et écrire à peu près ce qui suit: La civilisation égyptienne est une des plus anciennes, compte parmi les plus anciennes. D'ailleurs, le modèle anglais manquait de rigueur, puisque les Egyptiens n'ont pas développé (sic) une civilisation ancienne, mais une civilisation qui l'est maintenant par rapport à nous. Les auteurs anglo-saxons contemporains et leurs imitateurs sont nombreux à s'empêtrer de cette façon dans les notions d'antériorité, de simultanéité et de postériorité. Les modes et les temps de nos verbes, si difficiles à apprendre, correspondent par bonheur à une rigueur de pensée que nous devrions tous cultiver. Pour cela, il faudrait d'abord nous défaire du préjugé selon lequel l'ordre dans les idées ne serait pas favorable au sens pratique.

Les Athéniens devinrent intéressés dans leur gouvernement (p. 53). Became interested in ...

Résister aux attaques venant sur (sic) n'importe quel côté (p. 149).

C'est de cette façon que se développa la loi anglaise de droit coutumier, basée (sic) sur l'habitude, les coutumes, ce qui la différencie de la loi des pays latins, où la loi fait la coutume (p. 226). Tout d'abord, dans l'acception d'ensemble de lois, le mot anglais law se traduit par droit, en français. Chose plus grave encore, l'auteur affirme que dans les pays latins, la loi (sic) fait la coutume ce qui laisse transparaître le point de vue des Anglo-Saxons qui n'ont jamais cherché à comprendre la valeur du droit français. Nos compatriotes de langue anglaise considèrent volontiers notre code civil comme un substitut quelconque du droit coutumier. Serait-ce qu'il correspond à une conception française et catholique de la famille? Ce qui, du reste, lui vaut d'être attaqué de toutes parts. N'est-il pas inquiétant en pareilles circonstances que les premières impressions de nos écoliers sur nos institutions juridiques soient conformes aux préjugés des adversaires du code civil?

Le manuel d'histoire que nous avons examinés nous paraît donc déformateur tant du point de vue national que du point de vue de la langue. Félicitations par contre aux éditeurs de ce volume qui ont su l'illustrer de vignettes de qualité, bien adaptées à la matière traitée et d'une portée à la fois historique et artistique."

1957.05
Poisson, Jacques, Louis Bilodeau, Bernard Marion et Jérôme Daviault. "La langue de nos manuels (8) Les livres scolaires traduits et l'anglicisation", L'enseignement, 9, 12(mai 1957):11.

"N.D.L.R. Au moment où, selon une source d'information ordinairement digne de foi, l'on est à traduire dans notre province des manuels torontois de civisme, de sciences naturelles, d'hygiène, etc., pour en faire un seul volume de langue française, nos lecteurs liront sans doute avec intérêt l'opinion de quatre traducteurs de profession sur le danger de la traduction en matière de livres scolaires. Est-il trop tard pour rebrousser chemin et donner à nos jeunes Canadiens français un manuel pensé et rédigé en français? Nous souhaitons de tout coeur qu'il en soit encore temps. Manquerions-nous à ce point de cerveaux créateurs?

Il y a lieu sans doute de soumettre à notre Comité des manuels les observations qu'un père de famille d'Ottawa, dont nous ne pouvons pas révéler le nom, formulait en décembre 1953 aux autorités pédagogiques franco-ontariennes au sujet de la traduction des livres scolaires en général et plus spécialement d'une méthode globale traduite de l'anglais et adoptée par les écoles "séparées". Les mêmes livres (la série "Cathédral") ont reçu depuis l'approbation du Comité catholique. M. Bénéteau, dont il est fait menion, ci-après, était directeur de l'enseignement franco-ontarien en 1953. Le texte reproduit ci-dessous, avec la permission de son auteur, convaincra-t-il nos pédagogues québecois qu'ils font oeuvre d'anglicisation lorsqu'ils introduisent dans les écoles de la province des manuels traduits, adaptés ou inspirés de l'anglais?

Dans le très intéressant article de M. Amédée Bénéteau sur la méthode globale (Le Droit, samedi 5 décembre 1953, p. 3), une petite phrase aura sans doute alarmé les parents soucieux de faire apprendre le meilleur français possible à leurs enfants. Il s'agit du passage suivant: "Nos manuels de première année sont des traductions de manuels anglais basés sur la méthode globale".

Ainsi donc, quels que soient les mérites respectifs des méthodes d'enseignement de la lecture en usage dans nos écoles, les petits Franco-Ontariens de première année (espérons que cette anomalie s'arrête là) apprennent à lire dans des traductions ou des adaptations qui ne valent guère mieux. Et c'est là, à mon avis, une situation particulièrement grave. Voit-on, par exemple, un petit Français s'initiant à la lecture de sa langue maternelle dans un manuel "made in England" et traduit de l'anglais, ou un petit Anglais, dans un manuel rédigé en France et traduit du français?

Je n'ai aucun diplôme en pédagogie, et je me rends compte du péril qu'il y a pour un simple traducteur comme moi à aborder une question aussi délicate. Cependant, il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour savoir que la lecture des traductions, même les plus parfaites, n'est pas spécialement indiquée pour les enfants. Quelle que soit la science et la bonne volonté du traducteur, cette lecture façonne l'esprit de l'enfant selon le génie d'une autre langue; elle l'habitue infailliblement à penser en anglais avec des mots français et, par conséquent, à parler anglais en français. Sa phrase pourra demeurer correcte du point de vue du dictionnaire et de la grammaire de l'Académie, il n'en reste pas moins que ce ne sera plus du français. Non, ce genre littéraire est plutôt fait pour les adultes, c'est-à-dire pour les personnes qui connaissent déjà assez bien leur langue pour pouvoir corriger, instinctivement et au vol, les erreurs, les infidélités et les trahisons, toujours possibles, du traducteur et surtout de ceux qui croient, et ils sont légion, que n'importe qui peut s'improviser traducteur d'anglais en français.

Malheureusement, les traductions que l'on met entre les mains des écoliers de première année ne sont même pas sans défauts. Ces textes qui seraient tout juste passables pour les grandes personnes et qui pourraient être lus sans danger par des gens avertis, ne sont plus aussi anodins lorsqu'il s'agit des enfants. Dans le manuel On s'amuse (W. J. Gage & compagnie limitée, Montréal et Toronto), par exemple, on trouve l'anglicisme "Hello" (p. 98) et les archaïsmes "aider à quelqu'un" (pp. 20, 21) et "s'éclater de rire" (pp. 25 et 126). Un autre livre de lecture commence par ces mots (je cite de mémoire): "Mon nom est Jules". Dans un autre encore, ou peut-être dans le même, je ne sais plus, mais je l'ai vu, un bambin annonce à ses camarades qu'il a une nouvelle petite soeur et que "son nom est Aline" (je cite toujours de mémoire). Mais, depuis quant parle-t-on ainsi en français? Je suis sûr que le papa et la maman qui veillent sur le langage de leurs enfants ne toléreront jamais que ceux-ci s'expriment de la sorte au foyer.

Le petit Canadien français, dont les parents parlent français à la maison, dira tout naturellement: "Je m'appelle Pierre"; "Ma petite soeur s'appelle Aline" et "Comment t'appelles-tu?" Il ne songera jamais de lui-même (à moins d'être anglicisé jusqu'à la moelle) à dire: "Mon nom est Pierre"; "Son nom est Aline"; "Quel est ton ton nom?". Et il faut bien admettre que c'est l'enfant de six ou sept ans, et non pas le traducteur du manuel, qui a raison. Enverrions-nous nos enfants à l'école pour apprendre à mal parler ou grossir leur bagage d'anglicismes et d'archaïsmes? Je veux bien croire, à la décharge de l'auteur (lisez du traducteur), que les mots "s'appeler" et "s'appelle" sont peut-être trop compliqués pour la méthode globale et les enfants de première année, mais s'il en est ainsi, que l'on trouve autre chose sans massacrer la langue française, car le bon sens nous dit dans ce cas que c'est la méthode qui doit s'adapter au français et non pas le français qu'il faut accommoder à la cause du globalisme...

Il va sans dire que je n'ai pas parcouru tous les manuels de lecture de première année; il y en a sans doute de meilleurs que ceux dont il est question ci-dessus, mais il reste possible qu'il en existe de pires encore. Certains portent la mention "lu et approuvé du point de vue catholique...", ce qui est fort bien, mais aucun, à ma connaissance, n'est revêtu de l'approbation d'une personne ou d'une société faisant autorité en matière de français. Nous avons pourtant une Académie canadienne-française, une Société du bon parler français et d'autres organismes compétents dans ce domaine. Pourquoi les manuels traduits - si ce mal est inévitable - ne seraient-ils pas soumis à leur approbation?

De toute façon, le problème des manuels traduits de l'anglais demeure d'autant plus inquiétant que le livre de lecture est une autorité sacro-sainte pour l'écolier. Les parents auront beau dire à leurs enfants que c'est "allô" qu'il faut prononcer et écrire en français, sil a vu "Hello" dans le texte, il est à peu près certain qu'il donnera raison au manuel.

J'ignore à quelles difficultés doit faire face la Direction de l'enseignement du français en Ontario au point de vue des manuels, mais je sais qu'elle a déjà résolu des problèmes beaucoup plus ardus et épineux depuis sa création. Aussi faut-il espérer que le régime des traductions n'est que provisoire et qu'il disparaîtra le plus tôt possible. S'il est absolument nécessaire d'importer des livres de lecture, adressons-nous de grâce à un pays ou à une province de langue française. La méthode globale n'est pas que je sache une invention torontoise.

UN PÈRE DE FAMILLE D'OTTAWA.

Si les Franco-Ontariens voulaient réellement s'appuyer sur une province française en matière de pédagogie, qu'est-ce que le Québec pourrait leur offrir, sinon un triste exemple de démission.

Quant à méthode globale, faut-il rappeler, quelles que soient la conduite de nos éducateurs américanisant et l'impression générale qui en résulte, qu'elle a été créée par Ovide Decroly, pédagogue belge de culture française? Pourquoi alors l'importerions-nous de Toronto et des Etats-Unis?"

1957.06
Poisson, Jacques. "Langue de nos manuels (9) Mon livre de français par la lecture (C.N.D)", L'enseignement, 10, 1(juin 1957):11.

"La Congrégation de Notre-Dame a généreusement contribué au maintien du français dans la province de Québec; elle a lutté avec ténacité contre les tendances patoisantes de notre peuple; elle a su inspirer à plusieurs générations de Canadiennes françaises le souci de la correction, du bon usage. Aujourd'hui encore les anciennes élèves de la congrégation parlent un français bien supérieur à la moyenne. Comment expliquer alors que le baragouin "pédago-américano-français" se soit infiltré chez les Filles de Marguerite Bourgeoys, ainsi qu'en témoigne Mon livre de français par la lecture, sanctionné en 1949 par le Comité catholique?

En effet, les deux manuels qui portent ce titre donnent dans la phraséologie américanisée et ridicule, tantôt simplette et tantôt alambiquée à l'extrême, que nous avons dénoncée à maintes reprises depuis le début de notre enquête sur les manuels scolaires. Les auteurs en sont-elles entièrement responsables ou les aurait-on liées à des directives stylistiques émanant de haut lieu? Ce qui nous amène à nous poser cette question, c'est le caractère artificiel des fautes que nous trouvons dans presque tous les manuels; il est inconcevable que tant d'auteurs, appartenant à des milieux si divers, engendrent des monstres linguistiques d'une si grande ressemblance. Dans la nature, l'unicité est le fait de la santé, non de la maladie. Quoi qu'il en soit, ni le Comité catholique, ni le département de l'Instruction publique, ni les éditeurs, ni les auteurs ne font leur devoir lorsqu'ils concourent, activement ou passivement, à la dégradation de notre langue scolaire.

Qu'on nous permette, avant la preuve et les exemples, une autre parenthèse:

A-t-on raison de repousser l'inspiration pédagogique française en alléguant que la langue didactique de Paris est trop avancée pour nos écoles et trop éloignée de notre parler populaire?

Notre milieu présente sans doute des particularités dont il importe de tenir compte. Par exemple, pour rester français en Amérique, nous devons résister méthodiquement à l'américanisation et nous doter d'un enseignement plus français, si possible, que celui de France. Pour remédier à notre périlleuse indigence de moyens d'expression, nous devons recourir à des mesures énergiques qui seraient superflues à Paris, à Bruxelles, à Genève et peut-être même à Port-au-Prince.

Nos pédagogues régionalisants voudront bien réfléchir sur ces besoins typiquement québecois et nous dire si c'est y pourvoir que d'importer en vrac les productions scolaires américaines.

En dépit de son titre, Mon livre de français par la lecture n'est français ni d'esprit ni de style. La démesure, les illogismes, les barbarismes et les anglicismes caractérisent sa terminologie pédagogique: exercice de langage, expression d'un vague à ne plus rien signifier; lecture silencieuse, traduction littérale de silent reading, fort probablement; rédaction orale et écrite, expression à la fois contradictoire et tautologique, puisque rédiger veut dire: mettre par écrit, en bon ordre, dans un style clair et convenable; phraséologie, qui fait un peu "conseiller des grâces" à côté de mot d'action et de mot de qualité, substitués aux termes: verbe et adjectif.

Voici quelques autres exemples du style balourd, inerte et artificiel auquel nous condamne notre satellisation pédagogique:

Comptez le nombre (pléonasme à l'américaine) de mots de cette phrase (II, p. 15). Qui gagne ma vie chaque jour (II, p. 20)? La maman acheta (passé simple indigeste en français usuel et enfantin) deux gros lapins dans (à) la ferme (II, p. 26). Dites les paroles (grammatical mais peu idiomatique) que Liliane adresse à son serin (II, p. 30). L'arbre est haut (II, p. 33). Les arbres sont grands ou petits, plutôt que hauts ou bas, en langue familière. Florian est devenu très heureux (se réjouissait) à la pensée d'être missionnaire tout de suite par la prière (II, p. 36). Ce livre de français de laboratoire pédagogique n'au aucune chance de rivaliser avec la langue populaire des Américains, dont la prolifération désordonnée est tout de même infiniment plus naturelle. Même grammatical, il ne vaudrait à peu près rien, tant il est dépourvu de vie, de sève idiomatique.

Jacques, l'ami de Pierre, a un favori (has a pet) qu'il nomme Dick (III, p. 10). Leurs camarades Luc et Jean sont élèves au collège de Montréal (id.). Ecrivez cinq noms propres d'écoliers (id.). En français non embrouillé par la traduction ou par le bilinguisme, on dirait: écrivez les noms, ou les prénoms (selon le cas) de cinq écoliers. Ecrivez cinq noms propres d'animaux favoris (de qui?) (Id.). Indétermination maladroite et contraire à l'usage français. Sa mère l'a reprise assez fortement (III, p. 12). Quel est l'âge de Marguerite (III, p. 12)? Phrase grammaticalement correcte sans doute, mais étrangère elle aussi au français vivant et idiomatique, qui lui préfère: Quel âge a Marguerite? La bonne Fernande fût-elle fâchée (id.)? Passif et passé simble inaccepta-bles. La bonne s'est-elle fâchée? traduirait assez bien: "was the maid angry?"

La Fontaine lui-même est victime de notre furie régionaliste. Dans sa version québecoise, la fable de Perrette, si aimable, si fine et si simple, est non seulement alourdie mais truffée de "traductionismes":

Il y avait une fois dans la campagne (in the country: à la campagne) une fermière qui possédait (?) une vache ... Le temps était beau (the weather was fine: il faisait beau), il y avait soleil (il faisait soleil) et Perrette avait mis sa plus jolie robe et ses plus beaux souliers pour aller en (?) ville (III, p. 26).

Charles Perrault suit les mêmes avanies:

Il y avait une fois un petit garçon qui n'avait pas grandi. On le nommait Poucet parce qu'il était trop petit (II, p. 52). Voilà un ridicule qui n'est pas petit. A ce compte là il sera bientôt préférable de faire lire Perrault et La Fontaine en anglais, à l'aide d'une édition "audio-visuelle" à la Walt Disney, si possible.

En fin, poursuivons le vilain voyage:

Quel était le nom de la fermière (III, p. 27)? Comment s'appelait la fermière? Les pommes sont-elles bonnes à (?) la santé (III, p. 38). La phobie du "pour" est un réflexe bien connu des traducteurs. Les connaissances de Micheline concernant la pluie, la source, sont-elles exactes (III, p. 41)? Les notions de Micheline sur la pluie ... "Pourquoi pas moi? dit Louise, le nom de mon papa est Bourgeoys" (III, p. 53). My dad's name is Bourgeoys: notre famille porte le nom de Bourgeoys. Avez-vous regardé la neige qui tombe (III, p. 64). To watch snow falling: regardertomber la neige. J'aurai un (?) bon coeur pour les pauvres (III, p. 69). Pour un moment, il suspend son travail ... (III, p. 82). Il suspend un moment son travail. Quels outils de saint Joseph sont nommés (are named) ici (III, p. 83)? Quels outils de saint Joseph mentionne-t-on? Quels sont les outils dont il est fait mention? Nous devons aider nos parents. Si vous voyez votre mère fatiguée, prévenez-la, vous sa fille, et dites-lui: "Maman, reposez-vous; moi je suis jeune, je puis marcher à votre place; je ne me sens pas fatiguée" (III, p. 84). Ecrivez cette histoire. Dramatisez-la (III, p. 70). L'ordre de dramatiser s'adresse ici à des enfants pour qui les termes verbe et adjectif seraient trop abstraits.

A propos du terme "favori", nous rappellerons aux auteurs qu'il correspond, utilisé à leur façon, à une notion étrangère aux Français, qui se contentent d'un peu d'amitié pour les animaux. Chez eux, la favorite l'a emporté sur les perruches, les serins, les chats et les chiens. De grâce, n'embrouillons rien: laissons les favoris aux tempes des beaux messieurs et la notion de "p..." aux Anglo-Saxons!

La consultation d'un bon dictionnaire, toujours facile, eût épargné aux auteurs les anglicismes ci-après:

Horloge grand-père (II, p. 11). Lucien éduque son chien (II, p. 31); salle à dîner (II, p. 58); sur le train (III, p. 20). Horloge de parquet; dresser un chien; salle à manger; dans le train.

Mon troisième livre de français par le lecture comprend un lexique selon lequel un adolescent serait un enfant de douze ou treize ans. Définition tout à fait inexacte, ce qui est impardonnable dans un lexique. Quant à la suivante, est-elle conforme au génie de notre langue: Acadia, arbre de notre pays dont le vrai nom est le (?) robinier? Pourquoi l'article?

Parmi les fautes risibles, les deux suivantes sont à citer: Depuis longtemps (?), une grande nappe d'eau sépare notre pays de l'Europe. Colomb la traversa an 1492 (III, p. 42).

On aura confiance en ces enfants qui ne savent (?) pas mentir (III, p. 72).

Il ne sera pas inutile sans doute de conjurer les Dames de la Congrégation de rester fidèles à elles-mêmes, à leurs meilleures traditions, à leur excellente renommée et au souvenir de leurs anciennes.

N.D.L.R. - Au moment où nous allons sous presse, nous recevons du R.F. Damase, i.c., membre du Comité des Manuels, une communication visant à réfuter, dans une certaine mesure, l'accusation de portée générale formulée dans cette chronique, le mois dernier, contre les méfaits de la traduction en matière de livres scolaires. Nous serons heureux de publier dans un prochain numéro cette réplique à l'article des quatre traducteurs d'Ottawa dont le manifeste, paru en primeur dans notre édition de mai, a été reproduit dans le quotidien "LE DEVOIR".

1957.09
Beaudry, Gérard. "Comment utiliser les cahiers de calcul 1-2-3?", L'instruction publique, 2, 1(sept. 1957):22-24.

"Pour le faire d'une façon judicieuse, pour en tirer le plus de profit possible, il faut d'abord bien comprendre l'esprit avec lequel il faut enseigner les nombres aux petits de première année. Il convient donc d'abord de rappeler en quelques mots cet esprit.

Des concepts avec les symboles

C'est une très grave erreur de montrer les chiffres avant de donner l'idée des nombres qu'ils représentent.

Dans l'ordre du langage, l'enfant acquiert d'abord l'idée des choses; il les reconnaît sans pouvoir même les nommer; puis il apprend le nom de ces choses; plus tard on lui montrera à écrire les mots dont il se sert pour exprimer ses idées. Il faut suivre les mêmes étapes dans l'enseignement des nombres.

L'arithmétique, en effet, est un langage tout nouveau pour l'enfant; les chiffres et les signes des opérations lui sont aussi étrangers que les caractères de l'écriture chinoise le sont à l'adulte.

Il faut donc d'abord donner l'idée et le nom des nombres; alors seulement on peut lui montrer à écrire ces quantités au moyen des chiffres. La simple vue d'un chiffre comme un 3, un 5 ou un 7 doit immédiatement déclencher dans l'imagination de l'enfant la vue du nombre correspondant. Pour ce faire, il a fallu qu'on lui donne d'abord le concept du nombre avant de lui en donner le signe abstrait.

Le même principe s'applique à l'idée de l'addition et de la soustraction, aux signes qui représentent ces opérations et à la façon de les exprimer. On ne peut donc poser sous les yeux de l'enfant la soustraction 5-3 = 2 s'il n'a pas compris parfaitement l'idée du 5, du 3 et du 2; s'il n'a pas compris qu'on peut enlever un nombre d'un autre; si on ne lui a pas montré que le signe "-" donne l'ordre d'ôter le nombre qu'il accompagne du plus grand nombre.

Conclusion: Avant de poser un chiffre ou une opération, il faut être bien certain que les enfants comprennent les idées que représentent ces symboles abstraits.

L'analyse des nombres

Pour arriver à donner des concepts clairs, il faut faire faire l'analyse des nombres; en faire et en refaire avec des objets concrets et au moyen d'illustrations semi-concrètes.

Plus l'enfant aura joué à construire et à décomposer les nombres, plus il aura une idée claire de la valeur de chacun d'eux et des relations qui les unissent. Par exemple, à 4 on ajoute 1 et l'on obtient 5; de ce 5, on enlève 1 et l'on retrouve 4; de ce 5, on enlève 4 et l'on retrouve 1. À 3, on ajoute 2 et l'on trouve 5; de ce 5, on enlève 2 et l'on retrouve 3; de ce 5, on enlève ensuite 3 et l'on retrouve 2. Plus l'enfant aura ainsi "joué" avec 5, plus il comprendra la valeur de chacun des cinq premiers nombres et des relations qui les unissent. Ces constructions de nombres et ces décompositions lui permettent de prendre lentement conscience de la valeur exacte de chacun d'eux et de tous les éléments qui les [p. 22] constituent. Est-il meilleur moyen de préparer l'étude des combinaisons?

Conclusion: Il faut multiplier les analyses de nombres au moyen d'objets concrets (bâtonnets, blocs, cure-dents, etc.); on évitera ainsi la plupart des difficultés qui [sic] éprouvent les enfants dans l'étude de l'arithmétique.

Moyen de contrôle

La meilleure manière de dire comment utiliser les cahiers de calcul 1-2-3 est peut-être de mentionner simplement quelques erreurs qu'il faut éviter. La première faute qu'on pourrait commettre serait de regarder le cahier comme un moyen d'enseignement alors qu'il ne peut servir qu'au contrôle de l'enseignement donné.

Les quelques notes que l'on vient de lire sur l'enseignement des nombres nous font comprendre facilement qu'un cahier, même abondamment illustré, ne peut être qu'un instrument adéquat pour un premier apprentissage. En effet, pour analyser efficacement les nombres, l'enfant doit manipuler des objets, il doit les déplacer et les replacer; impossible de le faire avec les illustrations du cahier.

De plus, avant de proposer un exercice du cahier, il faut être bien certain que les élèves sont capables de les exécuter; cela suppose donc qu'ils y ont été préparé par des exercices collectifs. Et comme les exercices du cahier se font sur des illustrations, les exercices préparatoires immédiats doivent se faire également sur des illustrations au tableau noir. On ferai donc ainsi des exercices concrets, puis des exercices semi-concrets.

Chaque fois qu'il demande de prendre le cahier, le professeur doit être en mesure de dire: «Vous voyez ce qu'il faut faire, c'est exactement la même chose que ce que nous venons d'exécuter ensemble.» Et tous doivent pouvoir travailler avec un minimum d'intervention de la part du professeur. Si le contraire se produit, si l'on est obligé d'intervenir, si l'on doit donner des explications particulières à trop d'enfants, si l'on doit passer d'un pupitre à l'autre pour corriger une foule d'erreurs, c'est un signe évident que les enfants ne sont pas suffisamment préparés. Il faut alors revenir aux exercices collectifs concrets et semi-concrets.

Conclusion: Le cahier peut donc servir de guide dans la préparation de la classe. Une page une fois exécutée, le professeur analyse le travail à faire dans la page suivante et il consulte le guide du maître. Ce Guide lui suggère des exercices qui prépareront les élèves à exécuter le travail exigé. Après de nombreux exercice concrets et semi-concrets et lorsqu'il les croira capables de travailler pratiquement seuls, il demandera aux enfants d'exécuter les exercices du cahier. S'il n'est pas satisfait du rendement, le Guide du Maître lui suggérera des exercices supplémentaires et des exercices de revision [sic]. Signalons en passant que les Guides du Maître constituent une mine de renseignements et de suggestions qu'on néglige trop souvent.

Le coloriage

Des instructions qu'on lit au bas des pages ou dans le Guide du Maître suggèrent de colorier telle ou telle partie des dessins, de les colorier de telle ou telle couleur. Ce coloriage est organisé pour favoriser l'analyse des nombres et il constitue un excellent exercice de compréhension de l'arithmétique. Toutefois, il ne faut pas croire qu'il soit essentiel de tout faire; ces instructions ne sont que des suggestions et ne pas colorier toutes les illustrations ne comporte aucun inconvénient.

Sans doute des cahiers coloriés avec soin figurent bien dans une exposition; ils impressionnent favorablement les parents lors de leur visite à l'école. Mais ce sont là des détails bien secondaires.

Tout faire le coloriage suggéré est pratiquement impossible et on peut parfois obtenir le contraire de l'effet désiré. L'enfant aime colorier et l'on veut par là lui rendre agréable l'étude du calcul. L'enfant aime aussi la crème glacée mais si on le force à en manger un gallon, il trouvera les dernières assiettées moins bonnes et on risque de l'en dégoûter pour toujours. De même, trop de coloriage imposé risque de le dégoûter du calcul plutôt que de développer l'intérêt pour cette science.

Conclusion: Faire le plus de coloriage possible sans importuner l'enfant; être très indulgent sur la qualité du travail (ce n'est pas grave de dépasser le contour du dessin); ne pas considérer comme une catastrophe le fait de ne pouvoir exécuter toutes les suggestions.

Les dessins

Parfois les instructions demandent aussi à l'enfant d'exécuter certains dessins: il doit dessiner 5 tasses, compléter une ligne où [p. 23] 4 maisons dont déjà illustrées et on veut en avoir 6; etc... Le but de ces dessins est double: on force l'enfant à analyser un nombre (4 dessins déjà tracés + 2 autres donnent 6 dessins) puis on veut lui rendre le travail agréable en exploitant un des intérêts de l'enfant.

Ces dessins sont en général très faciles mais il ne faut pas s'attendre que les élèves en tracent d'aussi parfaits que les modèles suggérés; très souvent ils calculent mal leurs espaces, les premiers objets sont trop gros et les derniers sont tassés dans l'espace trop réduit qui reste. Toutes ces erreurs sont parfaitement normales; ce sont des enfants de 6 ans, il ne faut pas l'oublier. Ce qui compte, ce n'est pas la beauté du dessin ni le fait que les objets d'une même série soient d'égale dimension; c'est le fait de répéter un geste un certain nombre de fois qui est profitable à la compréhension du calcul.

Conclusion: Être très indulgent sur la qualité des dessins et surtout ne jamais réprimander un enfant si ses tracés sont très mal faits; ce n'est pas un moyen de lui faire aimer l'arithmétique. Au contraire, pour lui cette leçon devient alors une occasion de reproches.

L'association aux images

On remarquera que les mêmes objets illustrent une combinaison d'un nombre. Par exemple, les autobus-jouets illustrent les jeux de 5, 1 et 6; on les retrouve dans les deux pages consacrées à cette leçon. De plus, les mêmes objets reviennent sur les cartes murales, les Nombres illustrés, qui ont pour but de valoriser les exercices collectifs et de laisser ces illustrations sous les yeux des élèves aussi longtemps qu'on le désire.

Cette répétition est intentionnelle, elle aide l'association d'idées. Quand on demande à un enfant la soustraction 6-5 et s'il hésite, il pensera aux autobus et instantanément il trouvera la réponse de l'opération. Il n'es pas porté à compter sur ses doigts ou à prendre d'autres moyens secrets pour trouver le résultat.

Conclusion: Favoriser ces associations; lorsqu'un élève ne connaît pas la réponse d'une combinaison, lui montrer les dessins qui l'illustrent ou l'inviter à se les représenter.

Résumé

Pour réussir dans l'enseignement du calcul il faut donner les idées d'abord et les symboles ensuite; il faut de nombreux exercices d'analyse de nombres avec du matériel concret et semi-concret; avant de travailler dans leur cahier, les enfants doivent avoir exécuté [sic] de nombreux exercices collectifs semblables; l'indulgence est de rigueur envers les dessins et le coloriage exécutés par les enfants; l'association d'idées favorise l'apprentissage des combinaisons."

1957.09
Bissonnette, Jean-Guy et Gilles Raymond. "Catéchisme catholique commenté", L'instruction publique, 2, 1(sept. 1957):17-19; 3(nov. 1957):192-198.
1957.09
Catéchista. "Ma leçon de religion au cours secondaire", L'instruction publique, 2, 1(sept. 1957):39-42; 2(oct. 1957):140-143.

"I- Les manuels et leur esprit

Chaque année, plusieurs nouveaux titulaires se voient chargés du cours de religion au secondaire et sont un peu désemparés parce qu'ils ne connaissent pas beaucoup les manuels en usage et la manière de les utiliser pour former chrétiennement leurs élèves . Les professeurs de plus ou moins grande expérience sentent souvent, au début d'une année secondaire, le besoin de rafraîchir leurs notions ou de se replonger dans l'atmosphère voulue; éventuellement, ils seront consultés par de jeunes professeurs et ils cherchent alors quelques renseignements brefs et précis qui puissent contribuer à orienter ces derniers.

A l'intention des uns et des autres, dans un esprit d'entraide fraternelle, nous nous proposons de livrer, en deux articles, quelques notes qui voudraient être immédiatement pratiques pour les professeurs de religion. Le premier présentera l'outil à utiliser: les manuels et leur esprit; le second suggérera la façon de s'en servir: les procédés à utiliser pour aboutir à une formation religieuse solide et durable.

Sans exagérer l'importance des manuels, il faut reconnaître qu'il est très utile de se familiariser avec ces instruments de la formation religieuse. Le professeur de religion du secondaire doit donc se faire une bonne idée des manuels au programme, la collection «Témoins du Christ».

A) LES MANUELS

La collection de manuels porte le titre général «Témoins du Christ». «Vous serez mes témoins» (Actes, I, 8), avait prononcé Jésus avant son Ascension. Ce titre suggère donc l'un des buts essentiels visés par le professeur de religion: former des témoins du Christ.

1. - Structure de la collection

La collection actuelle est formée de deux cycles.

a) Le premier cycle, qui est utilisé dans les classes de la 8e à la 11e année, comprend trois manuels:
- «Jésus-Christ, notre Vie».
- «Jésus-Christ, Lumière du Monde».
- «Jésus-Christ, notre Chef» (édition pour les garçons) et

- «Jésus-Christ, notre Maître» (édition pour les jeunes filles). [p. 39]

Avec le Catéchisme catholique, dans le cours élémentaire, les élèves ont déjà étudié sommairement l'ensemble de la doctrine chrétienne: ce que nous devons croire, ce que nous devons faire, ce que nous devons avoir pour aller au ciel, ou ce que l'on désigne traditionnellement par: les vérités à croire, la morale à pratiquer, les moyens de sanctification. Il ne faut pas croire que le professeur de secondaire se trouve en présence de quelque chose de complètement nouveau avec les manuels du premier cycle de «Témoins du Christ». Ces manuels donnent à nouveau un exposé complet de la religion mais qui correspond au développement de l'enfant.

Au niveau secondaire, les capacités intellectuelles et morales de l'étudiant s'élargissent; il faut donc lui présenter la religion d'une façon plus étendue et plus profonde. La directive vient de Pie XII: «Faites en sorte que vos enfants et vos jeunes gens, à mesure qu'ils progressent sur le chemin des années, reçoivent aussi une instruction religieuse toujours plus vaste et plus fondamentale.» (6-10-48). Au même stade du développement, il se produit un éveil à une vie religieuse personnelle, d'où l'importance de présenter, autour de la personne du Christ, une religion entière, organisée, vivante. On remarquera que nos manuels fournissent une doctrine centrée sur la personne de Jésus-Christ en qui se résume le mystère du salut et qui s'est défini: «la Voie, la Vérité, et la Vie». (Jean, 14, 6). On pourrait ainsi représenter schématiquement le contenu des manuels en usage en rapport avec l'exposé complet de la religion selon les formules traditionnelles et en liaison avec l'âme du message à transmettre: Jésus-Christ.

- «Jésus-Christ, notre Vie», Les moyens de sanctification («Je suis la Vie»).
- «Jésus-Christ, Lumière du Monde», Les vérités à croire («Je suis la Vérité»).
- «Jésus-Christ, notre Chef», La morale à pratiquer («Je suis la Voie»).

On notera cependant que si l'ancienne distribution de la matière a été maintenue, il existe une différence importante: on s'efforce de ne pas pousser le morcellement au point de laisser dans l'ombre les rapports de la morale et du dogme et les relations de la doctrine des sacrements avec le dogme de la Rédemption. ** Cf. Introduction à la collection «Témoins du Christ», dans les Notes pour le professeur, de Jésus-Christ, Lumière du monde. **

b) Le deuxième cycle comporte deux manuels: «L'Église, notre Mère» et «Jésus-Christ, notre Sauveur».

Il s'agit ici d'un approfondissement synthétique et sainement apologétique. On y étudie les trois grands thèmes de la religion mais en sens inverse de la route habituelle: l'Église, Jésus-Christ, Dieu. Le premier manuel concerne l'Église, le second est consacré à Jésus-Christ et à Dieu.

Depuis la réorganisation du cours secondaire, on ne fait plus l'étude de l'Église, notre mère (les professeurs sont donc invités à développer le sens ecclésial dans l'enseignement de n'importe quel volume de la collection), et on étudie Jésus-Christ, notre Sauveur dans la douzième année telle qu'organisée actuellement.

On le voit, un professeur qui est chargé d'enseigner tel manuel doit avoir une vue claire de la collection et de la structure des cycles pour pouvoir situer sa matière dans la perspective de l'ensemble et faire bénéficier ses élèves des avantages de l'unité.

2. - Structure des chapitres des manuels

L'enseignement des manuels au programme est facilité par la structure uniforme des chapitres (sauf dans le cas de Jésus-Christ, notre Sauveur). Il importe de bien comprendre cette structure qui comporte déjà par elle-même des indications méthodologiques.

Chaque chapitre comporte un sommaire, des recherches, la leçon et des applications.

Le sommaire expose le sujet et les principales divisions du chapitre. Il sert à donner une vue d'ensemble au début ou à récapituler à la fin.

La façon dont la doctrine est présentée par les recherches, la leçon et les applications est conforme au procédé vital employé pour régler des problèmes importants: amorcer, comprendre et assimiler, faire entrer dans la vie, et à la méthode de l'Action Catholique: voir, juger, agir. [p. 40]

Un schéma le fait mieux saisir:

Chapitres de Témoins du Christ
Recherches
Leçons
Applications

Procédé vital pour régler des problèmes
Amorcer
Comprendre et assimiler
Faire entrer dans la vie

Méthode de l'Action Catholique
Voir
Juger
Agir

Ces rapprochements nous indiquent que la présentation des manuels de religion est très près de la vie et qu'elle est de nature à favoriser une formation religieuse enracinée elle-même dans la vie. L'article du mois prochain fournira quelques précisions sur la manière concrète d'utiliser cette présentation.

B) L'ESPRIT DES MANUELS

La collection «Témoins du Christ» est un instrument qui, sans être parfait, est susceptible d'aider le maître à accomplir sa grande mission de formation religieuse. Pour cela, il n'est pas inutile de se rendre compte de l'esprit qui anime les manuels et donne ainsi une orientation au ministère apostolique du maître.

1.- La foi, objectif de la formation religieuse

Tous les maîtres en sont-ils convaincus? Voici ce qu'écrit un spécialiste allemand de grande réputation: «On place, consciemment ou inconsciemment, et plus qu'on ne devrait, le but de la formation religieuse dans la transmission des connaissances religieuses et l'instruction morale. Cependant tel n'est pas le but total de la formation religieuse. Évidemment, même en ce domaine, un savoir solide s'impose. Néanmoins, l'objectif propre et spécifiquement chrétien de l'enseignement religieux n'est pas le savoir, ni la connaissance des choses de la foi en elle-même et pour elle-même, mais la foi comme voie de salut, comme réalité surnaturelle souverainement agissante, comme fondement de toute justification.» ** F.X. Arnold: le but de la formation religieuse, la foi comme assentiment de l'intelligence et engagement de l'homme tout entier, dans Lumen Vitae, vol. XI, No 4, p. 618. **

Les professeurs de religion du secondaire devraient méditer attentivement ce texte. Ils se libéreraient peut-être d'une certaine déformation professionnelle qui fait trop facilement assimiler l'enseignement religieux à n'importe quel enseignement profane. Qu'ils étudient le manuel qu'on leur met entre les mains et ils se rendront compte qu'il peut les aider à atteindre le véritable objectif de la formation religieuse; il ne vise pas seulement à faire acquérir des connaissances mais à faire des croyants.

2.- Une conception plénière de la foi

La foi que vise à développer la formation religieuse est simultanément adhésion de l'intelligence et engagement de l'homme tout entier. L'effort du maître ne consistera donc pas seulement à christianiser l'intelligence mais aussi à préparer à une vie toute entière inspirée par l'esprit évangélique. Il importe donc que l'on s'adresse à l'intelligence, au coeur, à la volonté de l'étudiant, qu'on mette en évidence les valeurs divino-humaines de la religion et ses applications pratiques, qu'on évite le divorce entre la doctrine et la vie. «Vraiment, disait Pie XII, dans la crise de notre temps, la plus grave peut-être que l'humanité ait traversée depuis l'origine du christianisme, l'exposition raisonnée des vérités de notre foi ne suffit plus, pour efficace qu'elle puisse être et qu'elle soit en réalité... Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est la grandeur d'un christianisme vécu dans sa plénitude avec une persévérance constance.» (28-1-47).

Nos manuels de religion contribuent à donner une formation religieuse intégrale. Il faut se réjouir de ce qu'ils ne proposent pas de froides classifications qui pourraient à la rigueur suffire à l'intelligence mais de ce qu'ils présentent les vérités par mode affectif et vital. Ils aident les maîtres à devenir pour leurs étudiant des éducateurs d'une démarche personnelle, à faire des chrétiens et non pas des cours, comme on l'a si bien dit.[ p. 41]

«Qu'on donne le plus possible une vision organique de la doctrine catholique.» (Pie XII, 8-9-58). Cette vision organique sera obtenue par une vue d'ensemble synthétique organisée autour d'une personne vivante, Jésus-Christ. Le Père Jungmann en montre les avantages: «La personne du Maître, qui resplendit derrière chaque vérité, rend aisé [sic] l'acte de foi, là même où il rencontrerait des difficultés particulières; car toute obscurité n'est finalement que le mystère qui entoure sa personne. D'autre part, cette personne précisément qui, non seulement annonce l'histoire, mais est encore une valeur actuelle, accessible à tout l'homme, peut servir à étayer la foi: ce n'est pas une invention humaine que la doctrine chrétienne, c'est Sa parole. En mettant l'accent sur le caractère personnel du message chrétien, en faisant remarquer qu'en définitive ce n'est pas de quelque chose qu'il s'agit là, mais de quelqu'un, nous rencontrons enfin ce besoin d'intimité qui s'éveille chez les jeunes et que doit satisfaire la Personne la plus digne de les enthousiasmer.» ** J. A. Jungmann, Catéchèse, Éditions de Lumen Vitae, 1995, p. 92). **

On sait que nos manuels présentent un centre d'intérêt général qui revient dans chaque volume: Jésus-Christ. Il faut donc exploiter cette veine christocentrique, ne pas présenter une suite de chapitres disparates sans rien de centré sur l'essentiel. Il faut faire constamment le rapport avec Jésus-Christ, il faut que sa personnalité irradie et éclaire jusqu'au moindre détail de la doctrine. A chaque chapitre, il faudrait pouvoir dire à ses étudiants: «Je vous fais contempler Jésus-Christ.»

CONCLUSION

Chers professeurs de religion, qui voulez avant tout le bien spirituel de vos élèves, vous savez bien que le manuel n'est pas le tout de la formation religieuse mais vous en comprenez quand même l'importance. Celui que l'on vous met entre les mains n'est pas parfait - que celui qui peut en écrire un parfait déchire la première page! Abordez-le sans préjugés si vous êtes nouveau titulaire ou redécouvrez-le avec des yeux neufs si vous êtes déjà un vieux routier. Si vous en scrutez la facture, le contenu et l'esprit, il vous aidera sûrement à faire de vos étudiants des «témoins du Christ».

[2e article]

II.- La façon de procéder pour aboutir à une solide formation religieuse

Une fois que le professeur de religion s'est familiarisé avec le manuel et son esprit, il doit se soucier de trouver la meilleure façon de procéder pour donner sa leçon et surtout pour aboutir à une formation religieuse solide et durable.

Le dessein de cet article n'est aucunement de dresser un cadre rigide dans le quel le maître n'aurait qu'à se ranger. Plus qu'ailleurs, il faut éviter, en enseignement religieux, de rechercher le facile, le tout fait, le stéréotypé. Ce serait une grave erreur de décalquer des leçons toutes faites pour les donner sans y avoir mis du sien. D'une leçon à la suivante, la présentation doit varier selon la matière, d'une classe à l'autre, il doit y avoir autant de différences dans l'enseignement qu'il y en a entre deux personnalités distinctes.

Chaque professeur doit se mettre à la recherche d'une pédagogie originale pour la formation religieuse. C'est uniquement pour fournir des suggestions et une contribution à l'élaboration de cette pédagogie que vous est proposée une façon de procéder dans les lignes qui vont suivre! Nous lui donnons intentionnellement l'allure schématique pour permettre une consultation plus facile et rapide.

A) PRÉPARATION DE LA LEÇON

1.- Objets de la leçon

Prendre clairement connaissance de l'objet de la leçon, en délimiter la matière et l'unité.

2.- Réactions actuelles et futures des élèves

Commencer la préparation en se demandant comment les étudiants vivent la vérité qu'on [p. 140] va leur exposer et comment on peut prévoir qu'ils vont en vivre dans l'avenir: il faut cette préoccupation éducatrice dès le début.

3.- Texte de la leçon

Lire le texte en tâchant de l'assimiler. S'aider des Notes pour le professeur ** Notes pour le professeur, une édition spéciale pour chaque volume de «Témoins du Christ». On peut se les procurer aux Éditions du Richelieu, 170, rue Saint-Jacques, SAINT-JEAN, Comté de Saint-Jean, P.Q., Canada ** pour saisir les articulations principales du chapitre énoncées dans le sommaire et développées dans la leçon elle-même.

Compléter sa connaissance doctrinale par la documentation dont on dispose. Voir: Bibliographie dans Notes pour le professeur.

4.- Recours au concret

Trouver un point de départ qui part du concret. Utiliser les recherches suggérées par le volume, les préparer, les posséder. Pour amorcer ou pour expliquer au cours de la leçon, se préparer un arsenal didactique: images, histoires, comparaisons et surtout situations de vie.

Tous les procédés actifs sont bons dans la mesure où ils conduisent à l'activité spirituelle. On doit donc éviter tout ce qui est trop matériel, ce qui tue l'esprit, ce qui met en branle une activité qui n'est pas spirituelle. Ceci est à considérer attentivement. Ce qui doit être actif, dans l'enseignement religieux, ce n'est pas la méthode, c'est l'enfant, et il doit l'être l'être d'une activité spirituelle, répétons-le. ** Remarques inspirées par F. Coudrerau, Pour un catéchisme spirituel, Office Catéchistique Diocésain, Sainte-Anne-de-la-Pocatière, p. 104) **

5.- Préparation des applications

Se servir des Notes pour le professeur qui donnent des renseignements sur les applications suggérées par le manuel et puiser dans son bagage personnel.

6.- Méditation

La leçon de religion est différente de toute autre. Il importe donc de se «mettre au rythme de Dieu», de méditer pour pouvoir servir une doctrine savoureuse qui passe par la vie intérieure du maître.

N.B. Il est bon de lire un peu régulièrement des articles de revues consacrées à la formation religieuse. On est ainsi remis en face de sa tâche, on peut faire des examens de conscience salutaires, on reçoit conseils et suggestions sur certains points particuliers ou généraux.

B) LA LEÇON

1.- Créer le climat ** Ceci est largement inspiré de l'ouvrage de M. F. Coudreau déjà cité, pp. 80 à 90. **

a) Le local.

Contribuer à sa propreté, à sa clarté, à son ornementation, mais avec goût. Tâcher de le rendre différent de la classe ordinaire, au moins par la tenue des élèves; leur faire saisir qu'ils sont en présence de Dieu et leur dire par exemple: «Nous sommes ici pour connaître Quelqu'un».

b) L'atmosphère.

Favoriser le silence intérieur, surtout par un appel à entendre la voix de Quelqu'un. Entretenir une atmosphère de joie: le Seigneur, c'est celui qui réjouit la jeunesse, l'âme joyeuse est mieux disposée à l'effort, à la générosité. Favoriser la liberté en faisant en sorte que les étudiants se sentent absolument chez eux, et la loyauté en gagnant leur confiance.

c) L'action personnelle du maître.

Il faut aimer les étudiants pour qu'ils comprennent ce qu'est la charité de Dieu. Cette charité même de Dieu doit passer en nous, pour s'adresser à eux, afin qu'ils s'accoutument à une lumière qui éblouit et à une nourriture dont la saveur leur paraît étrange.

Il faut porter témoignage devant les élèves. On connaît le proverbe si profond: «Ce que tu es parle si fort que je n'entends pas ce que tu dis.» Il importe de faire la communication de notre expérience religieuse personnelle, qui doit donc transmettre et être de qualité. La qualité de l'enseignement religieux, on l'a dit, est mesurée par la sainteté du maître.

Il faut ajouter à la sainteté le compétence pédagogique, pour pouvoir faire passer son expérience religieuse dans son enseignement.

2.- Introduire la leçon

a) Exposer l'objet de la leçon en le délimitant clairement et en dégager les grandes articulations. Se servir du tableau noir.

b) Situer l'objet de la leçon dans la synthèse générale.

c) Relier la doctrine à la personne de Jésus-Christ; il faut assurer la rencontre avec Lui, il est la Parole. [p. 141]

3.- Amorcer la leçon

Il faut éveiller l'intérêt pour la matière et ameublir le terrain avant de commencer à semer.

a) Se servir des recherches suggérées par le manuel.

Pour une bonne utilisation de ces recherches, le maître relira avec profit dans l'introduction à la collection «Témoins du Christ», parue dans les Notes pour le professeur, de Jésus-Christ, Lumière du Monde, ce qu'on dit des diverses sortes de recherches, de l'ordre de présentation des recherches, de l'exécution individuelle ou exécution par équipes.

b) Utiliser d'autres moyens d'approche.

Expériences et faits tirés de la Bible, de l'histoire de l'Église, des vies des saints. Comparaisons, faits, exemples tirés du milieu des étudiants, de leurs expériences, de leurs préoccupations; objections entendues, événements récents, actualité; le catéchiste pourra constater que la religion a réponse à tout, qu'elle a valeur de vie et donne un sens nouveau et magnifique à tous les détails de la vie quotidienne.

4.- Faire contempler

Après avoir abordé la vérité ou le mystère, ne pas vouloir en donner immédiatement une idée abstraite mais les fixer avec les yeux de la foi; v.g. telle vérité, est-ce que nous y pensons? Pensons-y, avec le coeur; il faut parler avec Jésus, si nous essayions: adorons, prions, chantons, etc. L'étudiant retiendra d'ailleurs facilement ce qu'il aura d'abord contemplé.

5.- Expliquer la leçon

La manière de donner la leçon va varier d'après la matière à traiter et aussi d'après la personnalité du professeur et des élèves. On peut quand même faire quelques suggestions.

a) L'analyse.

D'une façon générale, on procède d'abord par l'analyse des différents éléments. On peut alors se servir du tableau pour écrire les mots difficiles, les noms propres, les expressions théologiques ou bibliques, les résumés, les phrases-clefs.

b) Les questions.

C'est un procédé dynamique, actif, pour amener l'étudiant à découvrir comme par lui-même la vérité. On peut poser des questions d'intelligence par lesquelles on vérifie si un sujet difficile a été compris ou des questions suggestives qui amènent les étudiants à tirer une conclusion, à énoncer la doctrine qui se dégage d'un récit, à appliquer un principe à un cas donné.

c) Le ton.

Il doit être affectif. «Certains mots ont le pouvoir d'éveiller l'âme. Ils sont chargés d'affectivité, ils orientent la personnalité, ils la sensibilisent. La vérité qui s'exprime par eux est source de vie et canal de grâce.» **Marie Forgues, Récitatifs de catéchisme, dans Lumen Vitae, Vol. V, 1950, p. 641.**

d) L'orientation.

Les applications finales ne dispensent pas des valeurs affectives au cours de l'exposé. Il faut s'organiser pour que les idées, les explications, le matériel didactique provoquent l'activité spirituelle et nourrissent la foi.

6.- Faire des applications

La vérité reçue doit devenir vérité acceptée et vécue; il s'agit tout particulièrement de faire passer la doctrine dans la vie. On se servira des applications suggérées par le manuel (utiliser là aussi les Notes pour le professeur qui rendent de grands services) et aussi de tout ce que le maître peut tirer de son expérience et de sa personnalité.

Il y a lieu d'insister tout particulièrement sur les moyens suivants:

a) Rappel de la relation avec Jésus-Christ.

Faire le lien du point exposé avec le Christ vivant que l'on cherchera encore à faire contempler et aimer.

b) Formation de la conscience et du jugement.

Aider à porter des jugements chrétiens devant les doctrines du monde ou les attitudes biaisées et former positivement le jugement en rapport avec l'enseignement donné.

c) Réflexion personnelle.

Suggérer des thèmes de réflexion, des examens de conscience, des résolutions pratiques.

d) Prière.

La prière est la forme par excellence de l'approfondissement de la formation religieuse. Prier devant les élèves et avec eux: notre attitude de prière impressionnera; faire ressortir la saveur religieuse des prières usuelles, faire passer la doctrine en prière, v.g. après [p. 142] l'exposé d'une vérité importante, faire une profession de foi sous forme de prière, faire composer des prières sur la doctrine expliquée, en un mot transformer toute leçon en prière.

e) Orientation ecclésiale ** Ceci est inspiré de M. F. Coudreau, dans son ouvrage déjà cité, pp. 201 à 250. **

À chaque leçon, rendre les élèves plus capables et plus désireux de célébrer l'eucharistie, centre de la liturgie; montrer l'application de la charité dans la vie concrète et provoquer l'engagement dans la charité; donner une préoccupation du salut d'autrui en orientant vers l'Action Catholique et en développant l'esprit missionnaire. À chaque leçon, il faudra créer dans le coeur des étudiants cette réaction spontanée: «J'ai la chance de posséder cette vérité, mais les autres ...»

CONCLUSION

Les professeurs de religion doivent sans cesse se rappeler que l'éducation religieuse ne doit pas être entravée par des préoccupations trop scolaires. Les adolescents attendent une religion qui soit un épanouissement plutôt qu'une matière à apprendre par coeur et des leçons données dans cet esprit laisseront plus de traces durables dans leur vie. On a déjà cité ailleurs cette parole de Pie XII: «Vous vous garderez d'une superficialité qui crée de faciles illusions et apporte ensuite de fatales déceptions à ceux qui se contentent de formules apprises par coeur.» ** Allocution aux gagnants du concour Veritas **

En dehors de la leçon, le professeur continuera à fournir le témoignage d'une vie rayonnante. Il travaillera sur le milieu de l'école et tâchera d'influencer, dans la mesure de ses moyens, le milieu familial et le milieu paroissial. Il priera de tout son coeur pour que l'action de la grâce puisse s'exercer et il offrira les difficultés, les fatigues, les ennuis inhérents à sa tâche. Il méditera souvent sur la grandeur et l'importance de sa mission dans l'Église et il se réconfortera par cette promesse de l'Esprit-Saint: «Ceux qui enseignent la justice à un grand nombre resplendiront comme les étoiles, pour toute l'éternité.» (Daniel, 12, 3)."

1957.09
Lebel, Maurice. "Compte rendu de L'analyse raisonnée de la langue française de Philippe Deschamps, csv", L'instruction publique, 2, 1(sept. 1957):96-98.

"Philippe Deschamps, c.s.v., L'Analyse de la langue française. Préface par Charles Bruneau, professeur à la Faculté de Paris, Québec, Presses Universitaires Laval, 1955. XII + 140 pages.

Depuis que Chateaubriand a écrit son Analyse raisonnée de l'Histoire de France (1826), que bien peu de gens, je le crains, se plaisent encore à relire aujourd'hui, nombreux sont les ouvrages français qui ont paru, ayant pour titre: L'Analyse raisonnée de ... L'expression du grand historien des civilisations a fait fortune, elle est même passée dans l'usage courant. Tout récemment encore, Albert Dauzat publiait sa Grammaire raisonnée de la langue française. À un mot près, c'est le titre même du volume le plus récent du Père Philippe Deschamps, c.s.v., L'Analyse raisonnée de la langue française, qui vient de paraître dans la collection des Études psycho-pédagogiques publiées sous la direction de l'École de Pédagogie et d'Orientation de l'Université Laval.

Son auteur est déjà avantageusement connu dans nos milieux éducatifs par ses nombreux articles de pédagogie et ses manuels de composition française: Comment décrire, Comment raconter. Incidemment, son Comment décrire, paru en 1937, a atteint le 100e mille. Le Père Deschamps s'intéresse depuis vingt-cinq ans à l'enseignement de la langue française en notre pays. Après avoir été, durant de nombreuses années, tour à tour professeur de français dans les classes de grammaire et les classes de lettres, puis examinateur et directeur des études, il professe depuis 1946 à l'Université Laval, où il enseigne, outre la méthodologie de l'enseignement du français, l'histoire de la pédagogie et les théories contemporaines de l'éducation. Aussi était-il admirablement préparé pour traiter le problème de l'enseignement de la langue française au triple point de vue linguistique, psychologique et pédagogique.

La préface (pp. VII-XII), élogieuse et piquante, de M. Charles Bruneau, professeur à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris, renferme plus d'une phrase que j'aimerais reproduire. Qu'il me suffise d'en citer quelques passages choisis au hasard.

«Un mouvement, né, comme il était naturel, dans l'enseignement supérieur, a fait naître peu à peu des livres qui, tenant compte des travaux les plus récents sur la psychologie, des progrès de la technique pédagogique et de ceux de la stylistique, s'efforcent à la fois d'enseigner à l'enfant tous les secrets de la langue maternelle et de développer son intelligence en l'obligeant à réfléchir sur des faits de langue qui lui sont familiers et qui ne peuvent manquer de l'intéresser.

L'Analyse raisonnée de la langue française, de M. Philippe Deschamps, le dernier-né de ces volumes, qui restent malgré tout un peu révolutionnaires, pourrait bien être le meilleur (je n'ose écrire: «est le meilleur», n'ayant pas l'audace de prétendre que je les ai lus tous). [p. 96]

Il est certain que les grammaires traditionnelles ne nous offrent trop souvent, au milieu d'un fatras de vieilleries, qu'une sorte de squelette de la langue française. Le manuel de M. Philippe Deschamps, sous un titre modeste, nous donne la langue française tout entière, corps et âme. Et je me réjouis que les Canadiens de langue française puissent voir entre les mains de leurs enfants un livre qui, fondé sur les derniers progrès de la linguistique et de la pédagogie, ne peut manquer à la fois de développer leur intelligence et de leur faire connaître intégralement leur belle langue maternelle.»

Le Père Deschamps définit la nature et l'objet de son livre dans l'Introduction (pp. 1-8). Analyse raisonnée, c'est-à-dire non pas routinière et mécanique, mais attentive, réfléchie, méthodique fondée sur un fait de langue observé par l'élève; analyse fonctionnelle des éléments constitutifs de la phrase; analyse par groupes de mots, accompagnée de l'étude des rapports des mots entr eux. Car l'âme de la langue consiste précisément dans l'étude et la connaissance des rapports des mots entre eux. Or, c'est la linguistique, science toute récente, qui l'a révélée, cette âme. Voilà ce que l'auteur de cet ouvrage entend par l'analyse raisonnée de la langue. Aussi a-t-il raison de pester à plusieurs reprises (p. 2, p. 5, p. 126, p. 130) contre l'abus de ces exercices mécaniques, stéréotypés, formalistes, généralement connus sous le nom d'analyse grammaticale (analyse des termes de la proposition par opposition à l'analyse des propositions de la phrase: analyse logique), auxquels on se livre encore, durant trop d'années, dans bien des écoles. Mais ces exsercices, si vains et si futiles puissent-ils paraître à un professeur de l'enseignement supérieur, restent cependant utiles, voire indispensables dans les classes élémentaires jusqu'en 6e année. Après quoi, ils doivent être abandonnés et remplacés par l'analyse raisonnée, l'élève ayant alors suffisamment développé son esprit d'observation, de pénétration et de réflexion pour pouvoir reconnaître un fait de langue. Sans compter qu'il est déjà rompu à l'analyse logique et grammaticale. Il va sans dire que la pratique de l'analyse raisonnée, pour être véritablement formatrice de l'esprit, doit être intimement liée à l'étude de l'orthographe et du vocabulaire, à la lecture expliquée, à l'explication de texte et à la composition elle-même. C'est à cette condition seulement qu'elle peut être une excellente discipline de formation intellectuelle.

L'ouvrage comprend, outre une bibliographie choisie (pp. 133-135), neuf chapitres d'inégale importance. Le premier traite de la «Prise de conscience du mécanisme linguistique», tandis que le dernier aborde «la qualification», un phénomène essentiel du langage. Le plus étoffé est sans doute le huitième, où l'auteur analyse «les propositions» (pp. 91-118); ce chapitre est excellent, il est même l'un des mieux réussis du volume. Le Père Deschamps étudie tour à tour le sujet, l'attribut, le complément d'objet, le complément d'agent, le complément circonstanciel et le complément d'attribution, les compléments ordinaires. Il se sert, on le voit, de la terminologie grammaticale officielle en France dans l'enseignement du français.

L'Analyse raisonnée de la langue française n'est ni un livre de recettes ni un traité d'analyse systématique. Pas davantage n'est-il un manuel, proprement dit, bien qu'il s'adresse tout particulièrement aux professeurs de français, qui doivent être des professeurs et de langue et d'écriture. C'est une étude objective en grande partie originale sur l'analyse fonctionnelle des éléments de langue; c'est aussi [p. 97] un plaidoyer assez hardi ou novateur, du moins en notre pays, en faveur de la pratique de l'analyse raisonnée, inséparable de la grammaire. Telle est, à part de lumineuses précisions sur la signification exacte des mots: sujet, attribut, complément, sur lesquels il serait instructif de s'appesantir, la principale originalité de ce livre, que nos professeurs auraient tout intérêt à pratiquer en vue de rénover l'enseignement de la langue française. Car c'est dans ce dessein même qu'il a été écrit.

D'aucuns regretteront, dans un ouvrage par ailleurs aussi soigné, un bon nombre d'erreurs d'impressions, dont quelques-une s'apparentent même à des fautes d'accord: «nomenclature officielle et unifée» (p. 6), «le bouche de M. Jourdain» (p. 7), «tous ceux qui marque» (p. 35), «dans laquelle subsiste (p. 4) les traces de la déclinaison latine», «les explications qu'il donne s'inspire» (p. 49), «la relation de sens unissant ce verbe à ce complément est contenu» (p. 50), «la souris est mangé» (p. 58), «melior es fratri (p. 88) tuo», «ces quatres (p. 100) phrases», «tous les détails qui conviendrait» (p. 114), etc. A la page 83, l'auteur parle des «extraits de naissance»; sans aucun doute veut-il dire extraits baptistaires ou extraits des registres de baptêmes, autrement l'expression est scabreuse... Il considère: Vive! comme un subjonctif cliché, donc invariable (p. 29), dans «Vive les vacances!» A dire vrai, Maurice Grevisse, dans la cinquième édition de sa Grammaire française, Le Bon Usage (p. 677), écrit: «Mais l'usage général est de le considérer comme verbe et de l'accorder avec le sujet ou les sujets proposés.» Et Grevisse de citer six exemples empruntés aux meilleurs auteurs: le Dictionnaire Littré et le Dictionnaire de l'Académie française en donnent autant. Mais auctores scinduntur. De même, avec la plupart (p. 27), on emploie tantôt le singulier - la plupart du monde suit ses passions - s'il est employé au singulier, tantôt au pluriel - la plupart des enfants sont fragiles - s'il est construit avec un nom au pluriel.

Le livre du Père Deschamps, c.s.v., est une précieuse contribution à la science de la linguistique et au progrès de l'enseignement de la langue française. Il fait honneur au Canada, et je ne serais pas étonné de voir des linguistes de Belgique et de France y trouver une ample matière à réflexion. Aussi longtemps que des éducateurs de la trempe du Père Deschamps publieront des ouvrages de cette qualité sur la langue française, aussi longtemps que les maîtres se feront un devoir de les étudier, de s'en servir et de se passionner pour des questions d'analyse et de grammaire, et cela, à temps et à contre-temps, peu importe la discipline qu'ils enseignent, je suis sûr que la langue française ne deviendra jamais, en dépit des oraisons funèbres sur notre avenir intellectuel que nous entendons de fois à autre, une langue morte dans la province de Québec et au Canada tout entier. La langue française, à l'instar de la France elle-même, est l'image de la vie: elle recommence toujours."

1957.10
Martin, Alice. "Comment utiliser les cahiers de Gérard Beaudry? - 10-100-1000 - 2e année - 1re et 2e parties", L'instruction publique, 2, 2(oct. 1957):125-126.

"Les principes qui doivent guider l'enseignement du calcul en 1re et en 2e années sont les mêmes. En voici quelques-uns parmi les plus saillants:

I.- Donner des idées d'abord et les symboles ensuite.

II. Faire analyser les nombres avec du matériel concret et semi-concret.

Les cahiers de M. Beaudry doivent servir surtout comme moyen de contrôle de l'enseignement du calcul. Ils constituent une aide appréciable pour la préparation de classe. Les leçons seront d'autant plus efficaces que le guide du Maître sera consulté fréquemment.

Voici quelques conseils qui y sont insérés:

Il ne faut pas négliger de faire usage des moyens intuitifs dont presque toutes les classes disposent présentement: cartes-éclairs, cartes murales pour illustrer les combinaisons de 11 à 18 et les bâtonnets indispensables pour l'étude de la numération.

Ceci est important: Dès le début de l'année, détacher de tous les cahiers les pages cartonnées du centre sur lesquelles sont imprimées les petites cartes-éclairs, les conserver et les distribuer au fur et à mesure qu'on étudie un nouveau groupe de combinaisons et laisser en place la bande de carton du milieu, destinée à retenir les feuilles.

Nous avons résumé, pour vous, quelques considérations sur l'enseignement du calcul.

La leçon captivante éveille l'intérêt et commande la réussite à condition que le travail soit approprié à la capacité intellectuelle des élèves.

Donc il ne faut pas aller trop vite et présenter des difficultés expliquées au préalable.

Avant de proposer un exercice, on devrait s'assurer que la majorité est en mesure de réussir. La correction (qui suit immédiatement) se fera d'autant plus vite qu'il y aura peu d'erreurs à signaler.

Le souci de chercher ce que l'élève ignore et le pourquoi de son échec doit fraire l'objet de nos diagnostics.

Préparation de quelques exercices typiques

Sans doute aimeriez-vous prendre connaissance de quelques exercices typiques préparés sommairement à votre intention.

Cahier no 1, p. 28.
Numérotation de 70 à 80.

L'enfant est censé savoir que 60 c'est 6 dix.

Il sait aussi qu'on pose un zéro après le chiffre qui dit combien il y a de 10.

Pour 5 paquets de 10, on écrit 50.

Pour 6 paquets de 10, on écrit 60.

Voilà notre tâche pas mal simplifiée.

En guise de contrôle, il serait bon de faire dessiner le portrait de 68 par exemple.

Maintenant, attaquons le 70.

D'ordinaire, on procède par la manipulation des paquets de bâtonnets.

Cette fois, nous illustrerons au tableau - devant les élèves - en comptant les paquets avec eux. La disposition sera la même que celle de la page 28 du cahier de M. Beaudry.

Les élèves devront répéter après le professeur:

70, c'est 60 avec 10.
71, c'est 60 avec 11.

Et le professeur de demander: «Combien y a-t-il de 10 dans 70? dans 76?»

L'illustration de ces nombres restera une semaine ou deux au tableau. [p. 125]

N'oublions pas que les moyens intuitifs perdent leur saveur et leur effet s'ils sont trop longtemps exposés à l'attention des élèves. Ceux-ci finissent par ne plus les voir!

L'étude des nombres de 70 à 80 est plutôt difficile, c'est incontestable, mais si elle est faite sérieusement, la leçon sur les nombres de 90 à 100 ne demandera qu'une brève mise au point. L'enfant verra tout de suite la ressemblance. Le bon professeur se garde d'un enseignement mécanique.

Étude des combinaisons

S'il convient, en première année, d'enseigner les combinaisons en groupant d'abord les combinaisons-soeurs, en deuxième année, il vaut mieux procéder autrement: enseigner au début les combinaisons-clefs.

Illustrons le procédé par l'étude de la combinaison 9 + 2 = 11.

Avant d'enseigner les combinaisons-soeurs 9+2, 2+9, 11-2, 11-9, on doit montrer d'abord toutes les combinaisons-clefs du nombre 11, soit: 9+2, 8+3, 7+4, 6+5.

Les enfants sortent un paquet de 10 bâtonnets puis 1 bâtonnet.

Ils mêlent les 11 bâtonnets.

Ils en prennent 2. Ils s'aperçoivent qu'il y en a 9 sur leurs pupitres et inversement.

Ensuite, ils regardent les poires de la carte murale: 9+2=11.

Ils disent: 9 poires + 2 poires font 11 poires.

L'apprentissage des idées ne favorise-t-elle pas l'apprentissage des combinaisons?

D'autres fois, cependant, les élèves diront: 9 + 2 = 11.

On enseignera de la même façon 8 + 3 puis 7 + 4 et enfin 6 + 5.

Quand les élèves sauront les combinaisons-clefs, il sera temps de commencer l'étude des combinaisons-soeurs: sortir les cartes-éclairs de l'addition et de la soustraction, les laisser une journée du côté des réponses puis les retourner. Une revue quotidienne avec les cartes-éclairs jusqu'à ce que les combinaisons du 11 soient sues assurera la réussite.

Les problèmes

Ici encore, la façon de procéder n'a rien à voir avec l'utilisation servile du cahier. On y propose quelques problèmes pour initier l'enfant aux nombreuses solutions qu'il fera dans les années à venir.

La meilleure manière de le préparer à résoudre les petits problèmes de son cahier est de lui en proposer de semblables mais où le calcul se fait oralement.

Gardons-nous bien de n'accepter que la réponse exacte; il faut savoir quelle opération l'enfant a effectuée pour obtenir cette réponse puisqu'il devra opérer de la même façon pour ses problèmes écrits.

L'illustration des problèmes, soit par manipulation d'objets, soit par des explications orales, doit être accompagnée d'un raisonnement adéquat.

Dans un problème d'addition, on dira qu'il faut «mettre ensemble» ou bien ajouter.

Dans un problème de soustraction, on dira qu'il faut soit ôter, soit trouver la différence.

Dans un problème de multiplication, on dira qu'il faut par exemple: prendre 3 fois 5 sous.

Utiliser tous ces moyens ne constitue pas une perte de temps.

Au contraire, ils rendent les enfants capables de comprendre les problèmes du cahier, d'en réussir la solution; la correction n'en sera que plus facile.

Prévenir plutôt que guérir, c'est valable même en pédagogie.

Le calcul exact

L'exactitude est préférable à la rapidité, mais gare aux exagérations.

Ne laissons pas tellement de temps pour résoudre les opérations qu'il soit possible aux élèves d'utiliser leurs doigts ou autres trucs dont ils ont le secret et qu'ils jugent si commodes! Tout désir de mémoriser les combinaisons s'en trouve passablement diminué.

Les petits de 2e année devraient pouvoir dire 16 + 3 = 19 d'un coup parce qu'ils pensent à 6 + 3 = 9.

Le coloriage

Certains exercices sur l'analyse des nombres ou la compréhension de l'arithmétique requièrent le coloriage ou exigent l'exécution de petits dessins qui n'ont pas besoin d'être parfaits pour atteindre le but visé.

Sur d'autres pages, de jolies scènes sont censées être l'objet d'un coloriage facultatif.

Que notre indulgence entre en ligne de compte.

Ayons bien en vue l'essentiel: les connaissances acquises qui serviront de base à l'enseignement des années subséquentes."

1957.12
Laurence, Jean-Marie. "«Grammaire française»", L'instruction publique, 2, 4(déc. 1957):290-292.

"Directives pédagogiques de l'auteur

Note préliminaire. - L'ouvrage comprend deux parties: Grammaire raisonnée (tome I) et Code grammatical (tome II). La grammaire raisonnée vise surtout à la compréhension de la langue, à l'éducation du sens linguistique et de la pensée; le code grammatical vise surtout à l'usage correct, à la pratique littérale de la langue.

Préparation générale

Avant d'aborder l'enseignement de la Grammaire française, le maître devrait observer strictement les consignes que voici:

1. Lire attentivement la Préface (p. V-VIII).

2. Lire très attentivement le plan de l'ouvrage (pp. 559-567), surtout le plan de la Grammaire raisonnée (pp. 559-565).

3. Lire le tome I (Grammaire raisonnée). Cette lecture indispensable peut se faire très vite puisqu'elle se borne à une "reconnaissance générale" de la partie essentielle de l'ouvrage. (Il va de soi qu'on ne lit pas les tableaux "en détail"...) Il s'agit de bien saisir la structure et l'esprit de la Grammaire raisonnée. Cette partie s'adresse aux maîtres autant qu'aux élèves.

4. Relire et méditer les Principes généraux de l'ouvrage (p. XXV) et les Principes fondamentaux de la Syntaxe générale (pp. 38-42).

Préparation immédiate.

1. Lire attentivement les Indications pédagogiques de la page IX.

2. Noter que la plupart des chapitres de la Grammaire raisonnée contiennent une synthèse-clef. C'est cette synthèse-clef (résumé ou synoptique) qu'il importe de retenir; le reste du chapitre n'est qu'une explication de la synthèse, qui ne se trouve pas nécessairement au début ou à la fin du chapitre (voir Table ci-après). [p. 290]

Avant donc que d'aborder avec les élèves l'étude d'un chapitre, le maître devra relire globalement ce chapitre, de façon à bien comprendre la synthèse-clef et à pouvoir l'expliquer et la développer.

A cette fin, le maître se munira d'exemples supplémentaires bien choisis. Il pourra composer lui-même ces exemples ou les puiser dans ses propres lectures, dans les livres scolaires (Narration, livres de lecture dirigée, manuels d'histoire, de géographie, etc.) ou dans les travaux des élèves.

Table des principales synthèse-clefs
Phonétique

La lecture de la phrase... Page 3, par. 2
La phrase vivante... Page 5, par. 2
La voix ... Page 9, par. 7
Les sons isolés:
      Tableau des voyelles ... Page 12, au bas
      Mécanisme des voyelles ... Page 13, au bas
      Tableau des consonnes Page 16
      Conclusions ... Pages 17 et 18
La chaîne parlée:
      Assimilation ... Page 19, par. 2
      Élision ... Page 21, par. 3
      Liaison ... Page 22, au bas

Synthèse générale

Les mots dans la phrase ... Page 44 (Tableau)
La prase ... Page 49 (Résumé)
La proposition ... Page 61 (Graphique)
Les fonctions:
Résumé synoptique... Page 64
Détermination et Caractérisation Page 66, au bas
Les propositions dans la phrase:
Tableau Pages 90-93
Lexicologie
Morphologie... Page 177

Méthode générale

(Plan type de leçon pour chaque chapitre de la Grammaire raisonnée.)

1. Enseignement oral. - Exposé général du chapitre - par le maître - d'après des exemples inscrits au tableau, en s'inspirant de la synthèse-clef.

2. Lecture expliquée du chapitre avec les élèves.

3. Résumé à l'aide de la synthèse-clef.

4. Exercices oraux ou écrits selon le cas. [p. 291]

Phonétique

1. Étude des deux premiers chapitres (Structure de la phrase et La phrase vivante) dont les notions reviendront sans cesse dans les exercices de diction: lecture, débats, petites allocutions.

2. La voix et la respiration [sic]. - Exposé général sommaire, puis exercices courts au début de chaque leçon de diction.

3. Les sons isolés. - Exposé général sommaire, puis étude d'un ou de quelques sons sous forme d'exercices d'audition, d'émission et d'assouplissement au début de chaque leçon de diction.

4. Phonétique normative. - Même méthode.

5. Phonétique corrective. - Lecture du chapitre, puis enseignement occasionnel. Diagnostique général et individuel par audition directe ou à l'aide du magnétophone, si possible. Audition de disques, si possible.

Syntaxe générale

Voir plus haut Méthode générale.

Grammaire analytique

Voir Indications pédagogiques (Grammaire, p. 95).

Remarques. - Les élèves de 8e et de 9e auront intérêt à lire certaines parties du texte destiné aux élèves de 10e et de 11e. Dans certains cas, le maître pourra résumer oralement ces notions.

Appel au personnel enseignant. - Nous sollicitons la collaboration des professeurs qui utilisent notre manuel. Ils voudront bien adresser leurs questions, leurs critiques, leurs observations ou leurs suggestions à:

Jean-Marie Laurence
«Revue L'Instruction publique»
369-A, rue St-Jean,
Québec."

1957.12
Levasseur, Roger. "Comment se servir du manuel de 3e année Le calcul vivant", L'instruction publique, 2, 4(déc. 1957):282-284.

"Les auteurs des manuels scolaires se complaisent à penser que leur travail est apte à rendre de grands services au personnel enseignant et aux élèves.

Depuis que ce manuel a été lancé sur le marché scolaire et que d'un peu partout dans la Province on a voulu lui réserver un accueil des plus chaleureux, l'espoir des auteurs n'a pas cependant toujours rencontré l'attende des maîtres; les objectifs du manuel et la façon de concevoir l'enseignement de l'arithmétique ne sont pas toujours compris de la même manière par les auteurs et par quelques-uns de ceux qui se servent du manuel.

L'on ne saisit pas nécessairement de la même façon l'esprit qui doit présider à l'enseignement de l'arithmétique et à la rédaction du manuscrit.

Cet article voudra servir de liaison entre les auteurs et les maîtres qui se servent de leur manuel.

Sans vouloir reprendre au long les principes directeurs de l'enseignement de l'arithmétique qui ont inspiré les auteurs de cet ouvrage, il sera utile, je crois, de revenir sur quelques notions fondamentales de la méthodologie qui semblent le plus en souffrance; mentionnons la loi de l'intérêt, la nécessité de faire comprendre, l'esprit de la méthode des combinaisons, et la pratique du diagnostic.

La loi de l'intérêt

On aura remarqué que chaque notion nouvelle, présentée dans le texte est introduite par un problème accompagné d'une illustration.

Évidemment l'illustration a pour effet de rendre le manuel plus attrayant mais dépasse néammoins [sic] cet objectif. Il [sic] a pour but de plonger l'enfant dans l'atmosphère du problème, de lui faire voir en définition que les notions qu'il apprend ont un rapport direct avec la vie de chaque jour, de lui faire voir le lien qui relie la vie de l'école à la vie extra-scolaire.

Trop souvent, hélas, des maîtres oublieux de cette nécessité de relier les connaissances scolaires à la vie tout court ont tôt fait de dessécher leur enseignement et s'étonnent de l'indifférence de l'enfant vis-à-vis l'école. Certes, il est difficile de tenir constamment en éveil l'intérêt et l'attention des élèves, mais il l'est encore plus si on n'utilise pas tous les moyens pour réaliser cet objectif.

Sachons donc nous servir de ces illustrations. Faisons parler nos élèves sur ce qu'ils y voient, proposons-leur adroitement des questions qui tournent autour du sujet illustré, profitant adroitement du moment propice pour poser un problème oral du même genre que celui qui servira d'amorce à la leçon nouvelle.

Prenons l'exemple de la page 16 pour expliciter notre pensée. Avant de parler de [p. 282] l'équivalence entre les pouces et le pied (notion assez abstraite et au premier abord assez dénuée d'intérêt pour les élèves) l'illustration dans les mains d'un maître vivant aura tôt fait de stimuler les élèves. L'illustration de la page 18 devrait servir à soulever l'attention des élèves sur la notion de zéro.

Il se peut que quelques illustrations ne soient pas adaptées à tel milieu en particulier. Le manuel, s'adressant aux élèves de toutes les régions, ne peut tenir compte des particularités de chacune d'elles; le maître doit savoir modifier ou tirer parti de l'idée suggérée par l'illustration pour l'adapter à son milieu.

Cette première lacune que l'on observe chez certains titulaires n'est pas la plus grave et la plus fréquente. Il semble qu'il est encore plus difficile de convaincre tout le personnel enseignant de la nécessité de faire comprendre les notions que l'on présente aux élèves.

La nécessité de faire comprendre

Le Nouveau Programme des écoles élémentaires a voulu mettre l'accent sur la nécessité de faire comprendre les notions qu'on présente aux enfants avant de les faire apprendre.

Tous les maîtres d'aujourd'hui ont acquiescé à ce principe lors de leur séjour à l'école normale, mais quelques-uns semblent incapables de le mettre en pratique.

On a oublié ou on mésestime le meilleur moyen à notre disposition pour répondre à cette exigence. L'intelligence de l'enfant de 3e année est encore au stade concret. Il ne comprend que ce qu'il touche, ce qu'il voit, ce qu'il fait. "En d'autres termes l'enfant du 20e siècle, comme celui d'autrefois, exige la mise en pratique d'un principe de saint thomas: «Rien n'entre dans l'intelligence qui ne soit passé par les sens

Il faut donc un minimum de matériel concret et semi-concret pour faciliter l'explication des notions et la démonstration des techniques de calcul.

Prenons un exemple pour expliciter ce que nous voulons dire. La page 35 du manuel a pour objet de présenter la notion de retenue aux dizaines de l'addition.

Après avoir soulevé une conversation avec les élèves sur les fêtes d'anniversaire et posé quelques problèmes oraux en addition, on introduit le problème du manuel.

On fait prendre par les élèves 29 cents et 13 cents (monnaie scolaire). Commençons par l'addition des cents: 9¢ plus 3¢. Avec 10 de ces cents, on peut obtenir une pièce de 10 cents. On fait remplacer 10 pièces d'un cent par une pièce de 10 cents aux autres que les enfants possèdent déjà et on fait compter les pièces de 10 cents. Au fur et à mesure que les élèves manipulent les pièces et effectuent les opérations, le maître, lui, écrit les résultats des opérations au tableau.

Tout maître observateur a remarqué qu'une notion véritablement comprise par ses élèves demeure apprise pour longtemps. Les auteurs, convaincus de la grande nécessité de la compréhension des notions par les élèves, ont tenu à revenir fréquemment sur ce sujet en posant à plusieurs reprises des questions sur l'intelligence des notions. Le bas des pages présente beaucoup de questions de ce genre. (Voir pages 74, 77, 83, 89, etc).

L'esprit de la méthode des combinaisons

Si le Nouveau Programme a éliminé l'enseignement des éléments des 4 opérations par les tables, on constate malheureusement que l'esprit de la méthode des tables demeure encore trop souvent à l'honneur.

La table partait des facteurs pour arriver au nombre (notion connue). Les combinaisons partent des nombres et les décomposent pour aboutir au facteur.

Ce bref exposé des deux principes nous fait voir que la méthode des combinaisons est plus pédagogique et plus mathématique que celle des tables.

La méthode des combinaisons fait d'abord appel à l'intelligence et ensuite à la mémoire. Car enseigner les combinaisons est en premier lieu analyser le nombre, le décomposer en quelque sorte.

Prenons le nombre 7 et décomposons-le.

Le 7 vient d'un 6 et d'un 1, d'un 5 et d'un 2 ou d'un 4 et d'un 3. Donc, si l'on ajoute 6 à 1 (1 plus 6) on a 7. Mais 7 étant composé de deux éléments (6 et 1) si on enlève le 1 (7 moins 1), il reste le 6 et si on enlève le 6 (7 moins 6), il reste 1. Cette première analyse donne 4 «combinaisons-soeurs»; avec 5 et 2, ou 4 et 3 on en trouverait respectivement 4 autres. Nous obtenons donc:

6 1 7 7
+1+6-1-6

5 2 7 7
+2+5-2-5

4 3 7 7
+3+4-3-4 [p. 283]

On procède également par l'analyse des nombres, qui ne sont pas premiers, pour la multiplication et la division. Le 8 vient de 4 deux ou 2 quatre, mais si dans 8, il y a 2 quatre, 8 divisé en 2 (8÷2) donne 4 par partie, comme il y a 4 deux dans 8, 8 divisé en 4 (8÷4) donne 2.

On obtient donc les combinaisons:

4x2 8÷2
2x4 8÷4

Une fois que le principe des combinaisons est bien compris par les maîtres, il faut savoir procéder avec les élèves.

Il faut faire découvrir par les élèves les combinaisons du nombre par l'analyse, par la décomposition de celui [sic] au moyen de manipulations concrètes ou par des dessins. Voilà pourquoi, par exemple, à la page 65, on illustre les combinaisons du 10 et du 12. L'enfant doit lui-même prendre du matériel concret ou semi-concret et analyser la combinaison. Prenons l'exemple de la combinaison de 10. Faire prendre 10 bâtonnets et les faire partager par groupe de 5 ou de 2. Faire dessiner dix lunes et les grouper par 2 ou par 5, etc.

Il est important d'enseigner en même temps les «combinaisons-soeurs». Après avoir fait l'analyse du nombre, il est important d'en reconstituer la synthèse. Si 10 se compose en groupes de 2 ou de 5, avec 5 et 2, je peux reconstituer 10. Voilà pourquoi le manuel demande souvent d'écrire les combinaisons que vous pouvez faire avec 2, 5 et 10, etc.

Pour terminer cet exposé sur l'enseignement des combinaisons, attirons l'attention sur les trois points méthodologiques suivants: utiliser fréquemment les cartes-éclairs pour mémoriser les combinaisons, revoir tous les jours un certain nombre de combinaisons déjà apprises, ne pas montrer un groupe nouveau tant que le précédent n'est pas parfaitement su.

Le diagnostic

Un dernier secteur de l'enseignement de l'arithmétique qui n'est pas toujours suffisamment exploité est le diagnostique.

Comme l'arithmétique est une matière enchaînée, il est donc nécessaire de veiller à diagnostiquer, au fur et à mesure qu'elles se présentent, les lacunes des élèves afin de les corriger.

Le manuel présente à la fin de chaque tranche (qui correspond à la répartition mensuelle) un examen diagnostique et des exercices correctifs correspondants.

Si l'on veut conserver au correctif son véritable sens, seuls les élèves qui ont failli à l'examen diagnostic, doivent faire les exercices correctifs correspondants.

Il serait souhaitable que le maître, pour compléter le diagnostic, pose quelques questions sur la compréhension des notions et des techniques de calcul.

Ces quelques observations, nous espérons, attireront l'attention des maîtres. Car les auteurs sont les premiers à l'admettre, il n'existe pas de bons manuels en soi; l'utilité des manuels dépend du maître qui sait s'en servir."

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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