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Sources imprimées

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1956

xxx. Rapport du surintendant de l'instruction publique 1955-56. Imprimé par ordre de la législature. Québec, Rédempti Paradis, 1956. xix, 143 p.

"Les manuels scolaires

a)

Gratuité

La gratuité des livres existe dans notre Province. Elle n’est cependant imposée à personne. La Loi laisse en effet aux corporations scolaires la liberté de se prévaloir ou non de ses avantages. Lorsqu’une corporation scolaire décide de mettre gratuitement les manuels de classe à la disposition des élèves des écoles sous sa juridiction, le Département de l’Instruction publique lu rembourse la moitié du coût de ces volumes.

Pendant l’année scolaire 1955-56, près de 900 corporations scolaires, tant catholiques que protestantes, ont jugé à propos de distribuer gratuitement les livres de classe aux écoliers. Le département leur a versé des subventions s’élevant à plus de $500,000.00 (p. xv)

b) Multiplicité des manuels

La question de la multiplicité des manuels a été étudiée par le Comité catholique à sa réunion du 22 février 1956. Il a recommandé de diminuer le nombre des livres autorisés pour une même matière ainsi que le nombre des manuels obligatoires pour chaque degré du cours élémentaire. Des mesures seront prises pour réaliser le plus tôt possible ces recommandations.

c) Coût des manuels

Le coût des livres de classe au secteur catholique a aussi attiré l’attention des autorités. On a fait un relevé du coût des manuels pour chacune des années du cours. L’étude de ce relevé démontre qu’il en coûterait en moyenne de $8.00 à $9.00 par année pour un élève qui devrait acheter chaque année tous les manuels obligatoires. Cependant, dans la plupart des cas, le montant que les parents sont appelés à débourser doit être sensiblement inférieur, parce que les volumes peuvent passer d’un enfant à un plus jeune dans une même famille.

D’autre part, il arrive qu’en plusieurs endroits des dépenses supplémentaires sont imposées aux parents par l’usage dans les écoles de suppléments ou autre matériel auxiliaire non autorisé, voire même interdits. Nous prions instamment les corporations scolaires de mettre fin à cette pratique et de voir à ce que seuls les manuels approuvés soient mis entre les mains des écoliers." (p. xvi).

1956
Achille (frère). "L'enseignement de l'histoire dans le Québec - A - Rapport sur l'enseignement de l'histoire au cours primaire", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):35-44.

"1° EXPOSÉ- ET TENDANCES DU PROGRAMME D'HISTOIRE:

Dans sa livraison d'octobre 1941, l'Action Nationale de Montréal se demande si nos écoles enseignent la haine de l'Anglais. Après enquête approfondie, André Laurendeau répond qu'il n'y a pas d'incitations à la haine dans les manuels d'alors:

"Il n'est pas nécessaire d'abaisser l'adversaire pour se grandir, dit-il, c'est une méthode de pygmée; et l'Anglo-Canadien n'est point un ennemi, mais un concitoyen contre qui nous devons souvent nous mettre en garde parce qu'il est fort, qu'il défend admirablement ses intérêts - et nous avons les nôtres - mais avec qui nous devons loyalement chercher à nous entendre.

On pourrait adresser d'autres reproches aux manuels élémentaires, continue Laurendeau; il serait désirable qu'on les écrivît en meilleur français, qu'on en corrigeât quelques parties à l'aide d'une documentation plus fraîche... Puisqu'ils s'adressent à des imaginations juvéniles, nous désirons qu'ils ressemblent moins désormais, à des catéchismes historiques; qu'ils ne consistent pas en de plates énumérations ou en des récits trop dépouillés.

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Il y a tant de belles histoires à raconter aux moins de 14 ans, et qui sont escamotées; tant de belles images à faire valoir, et qui sont absentes. Initier les très-jeunes à l'histoire de leur pays, cela ne signifie pas résumer tant bien que mal les doctes chercheurs, être le remplisseur attitré des mémoires enfantines, mais plutôt extraire de la réalité passée, ce qui parle au coeur, exalte et nourrit l'imagination, fortifie la volonté et répond aux exigences naissantes de l'esprit. Ce qu'il faut reprocher aux manuels (de 1941), ce n'est point d'inspirer la haine, c'est de ne pas assez inspirer l'amour!"

Inspirer l'amour! C'est à quoi ont visé les auteurs du nouveau programme et des nouveaux manuels d'histoire dans la Province de Québec. Ont-ils réussi? Il en sera question dans un second rapport intitulé: "Moyens d'améliorer la situation présente."

Il faudrait mentionner ici l'enseignement de l'histoire Sainte: récit merveilleux, qui fait connaître Jésus-Christ, centre vers lequel tout doit converger dans l'oeuvre souverainement importante de l'éducation chrétienne. Qui s'applique à l'étude de l'histoire Sainte avec foi et humilité, apprend à vivre en honnête homme et en bon chrétien. Elle contient, en effet, d'excellents modèles de toutes les vertus et chacun peut y trouver, nettement tracés, ses devoirs et ses obligations...

PROGRAMME - Dès la 1ère année, le programme d'histoire initie l'élève à l'observation du milieu historique: "Aujourd'hui, nous habitons une belle et grande école; autrefois, ce n'était pas comme cela..." Il fait connaissance avec la vie primitive des Indiens, à qui Dieu dépêcha des missionnaires: La Robe-Noire! Il éveille l'intérêt pour l'histoire de la patrie, développe le sentiment religieux.

On s'adapte aux besoins de la 1ère année. Si l'on raconte l'histoire du Père Jogues ou celle de Katherine Tékakouitha, ce n'est pas tant à cause du fait en lui-même que des leçons à en tirer. On s'adapte au milieu de l'élève selon qu'on enseigne à la campagne ou dans une région de colonisation. On parle à l'enfant de sa maison, de ses parents, de sa province, de son pays, des beautés naturelles qu'on y rencontre.

On n'appuie pas sur les relations de temps, ni sur les proportions dans l'espace géographique, les jeunes étant incapables de les saisir. Il sera toujours difficile à de grandes personnes de descendre au niveau de leurs élèves; et s'il est exact d'affirmer avec Henri Brémond que "sur cent professeurs, il ne s'en trouve pas deux

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qui soient capables d'enseigner", ne convient-il pas d'entrer dans sa classe, même de 1ère année, avec crainte, ou plutôt de ne rien négliger pour se mettre à la portée des élèves?

Il ne s'agit pas non plus de "par coeur", mais bien plutôt de véritables centres d'intérêt se prêtant à tous les exercices d'initiation à la vie intellectuelle et pouvant s'incorporer aux activités de la 1ère année: observation, identification, vocabulaire, lecture, croquis, dessins à colorier.

Le jeune auditoire pense et vit dans le concret: d'où la nécessité d'un matériel scolaire varié, approprié. Ciseaux à bouts arrondis, pot de colle, motifs à découper, carton pour coller les découpures, boîte de sable, voilà qui suffit ordinairement à l'élève pour construire, façonner, agencer, assembler, et qui constitue pour lui un réel plaisir, un vrai stimulant.

Il faut aussi des images en 1ère année, - une image ne vaut- elle pas 10,000 mots? - et des dessins puisque c'est le moyen par excellence d'extérioriser sa pensée. Ces dessins, que nous ne comprendrons peu, devront paraître nous intéresser au plus haut point.

Dès la 1ère année, l'élève du Québec a un album d'histoire de 64 pages, abondamment illustré, auquel correspond pour le maître un texte serré de 128 pages, qui l'aide à dramatiser, à jouer sa leçon. Tiraillé par mille soucis, dont plusieurs bien étrangers à sa classe, le maître doit cependant faire comme si ... la très vieille histoire de Garakonthié le passionnait. Pour émouvoir, il doit lui-même être ému.

En 2e année, le programme s'intitule: Les Français s'établissent au pays des Indiens.

1. - Mon pays était couvert de forêts; les Blancs sont venus de loin, de l'autre côté de la mer, pour s'y établir. Il y en a qui cherchaient de l'or. Il y en a qui sont venus faire une Nouvelle- France catholique. Établissement des premiers défricheurs: à Québec, à Ville-Marie, à X, près d'ici.

2. - Les terres n'étaient pas toutes labourées. Il fallait abattre des arbres, cultiver entre les souches, arracher les souches. On n'avait pas de machines comme aujourd'hui: ii fallait tout faire à la main, le plus souvent à force de bras.

3.- Les voyages étaient longs et difficiles. On voyageait à pied, dans des sentiers étroits, à travers la forêt, chargé de lourds

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fardeaux; parfois il fallait faire de longs détours parce qu'il n'y avait pas de ponts. On voyageait en canots d'écorce sur les rivières; il fallait faire de durs "portages" pour éviter les rapides.

4 .- Histoire d'une famille de colons: Louis Hébert et Marie Rollet. Le papa et la maman sont venus de France. Ils ont bâti la maison dans la forêt. La maison elle-même, comment elle est faite. A l'intérieur, ce que font les colons. La vie est dure, mais on est courageux, heureux de vivre ensemble. Mort édifiante du premier colon canadien. Il a été fidèle au Canada.

5. - A certains endroits, les Indiens se groupaient en bourgades; ils avaient des chefs et les écoutaient. Les tribus se faisaient la guerre.

6. - Parmi les Indiens, plusieurs tribus accueillaient favorablement les Français. Ils faisaient le commerce avec eux; ils écoutaient les "Robes-Noires". Il y avait des Français qui allaient vivre au milieu des nations indiennes pour gagner leur amitié, pour leur donner le bon exemple, pour leur montrer la religion vécue. L'histoire de Jean Nicolet le prouve.

Programme de la 4e année; A la découverte de notre pays!

BUT: Faire connaître les principaux explorateurs et les résultats de leurs découvertes: Colomb, Cartier, Hudson, Champlain, Nicolet, Albanel, Joliet et Marquette, La Vérendrye, Mackenzie, Hearne, Franklin...

Prendre des leçons de courage de leurs exploits; se rendre compte qu'il ne s'accomplit rien de grand sans sacrifice. Faire remarquer les actes de dévouement inspirés par le désir de répandre la foi catholique: les missionnaires aux Glaces Polaires, sur la Côte-Nord ou chez les Esquimaux ...

On termine les cours par une magnifique excursion fictive à travers le pays. Il est facile maintenant de voyager d'une mer à l'autre; on voit les images pittores-ques sur les routes le long des voies ferrées. On peut aussi survoler le pays en avion; panoramas grandioses...

En 5e année: Les pionniers!

Premiers essais de colonisation à Tadoussac, à Port-Royal d'Acadie; l'Ordre de Bon-temps. - Québec prend vie en 1608, premiers colons, premiers missionnaires. - La vie se propage péniblement sur les bords du St-Laurent:

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Nos difficultés avec la Nouvelle-Angleterre: luttes glorieuses mais inégales; abandonnés par la France, nos gens restent fidèles au Canada. - Les Loyalistes persécutés s'en viennent au Canada; fondation du Nouveau-Brunswick; naissance de l'Ontario.

Dans les Plaines du Manitoba: Selkirk, Mgr Provencher.

Dans le Québec: fondation des Bois-Francs et la poussée du curé Labelle dans le Nord. A l'Ouest jusqu'au Pacifique: course aux mines d'or de la Colombie et du Yukon. - Chemin de fer ou cheval d'acier... Lac St-Jean, Témiscamingue, Abitibi.

Aujourd'hui: sur les fermes, dans les forêts, les pêcheries, dans les mines, les magasins, les usines ... Avec les qualités des pionniers, les Canadiens d'aujourd'hui feront grandir encore le Canada.

Ici encore on a recours à tous les procédés propres à peindre et à animer ces leçons; utilisation du folklore canadien et de souvenirs historiques de la région, illustrations, cartes et croquis, albums documentaires, contes historiques, chansons mimées, dramatisation, lectures supplémentaires, recherches individuelles, entreprises par équipes... Dans ces diverses activités, on tend à cultiver dans les petits Canadiens d'aujourd'hui les qualités de ceux qui firent notre pays.

"Ton Histoire est une épopée" est le titre du manuel de 6ème année. C'est une première vue d'ensemble de notre histoire: épopée mystique (1604-1663): vie héroïque de la jeune colonie; esquisse d'un Empire français d'Amérique (1663-1713); trente ans de paix (1713-1744); luttes épiques (1744-1760) et l'oeuvre de la France en Amérique du Nord.

L'élève apprend à connaître les illustres figures sous le régime anglais: Murray, Briand, Panet, Papineau, Bédard, Mgr Bourget, le curé Labelle, "roi du Nord"; d'un océan à l'autre: Les Pères de la Confédération.

En 6e année, on tâche de lier les tableaux et les faits pour présenter une histoire suivie; d'en développer une meilleure compréhension; utiliser les éléments éducatifs; de la faire aimer.

Ce qui importe ici encore plus que la mémorisation des textes, c'est l'intelligence de ce qui constitue l'essentiel de l'histoire; la pureté et la noblesse de nos origines et les luttes épiques qu'il fallut soutenir contre les forces de la nature austère et contre des adversaires

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continuels, soit sur le champ de bataille, doit dans le domaine politique; la grandeur d'âme, la vaillance, l'héroisme [sic] de ceux qui ont su se montrer plus grands que les difficultés, qui ont s'élever à la hauteur des plus nobles causes, jusqu'à mourir pour elles. Faire saisir l'esprit de foi, de générosité, de charité et de patriotisme qui animait nos ancêtres, et amener les jeunes à comprendre quel rôle ils peuvent aussi jouer dans l'histoire de notre temps.

Si, en 6e année, on s'est attardé surtout à la domination française, en 7e on s'étend davantage sur les lendemains de Conquête. Le programme s'intitule: Mon Pays!

Inquiets et désorganisés, les Canadiens s'adaptent au nouveau régime; luttes pour l'espace et la liberté: l'Acte d'Union; hommes et femmes de Dieu jusqu'au lointain Pacifique; la Confédération; les deux Grandes Guerres. Canada, puissance internationale. Grand pays, grand peuple: pluralité de langues et de cultures: double richesse et double force. S'unir en se connaissant et se respectant mutuellement. - Notre rôle comme français et catholiques dans la vie canadienne: fierté de bon aloi. Respect des fêtes patriotiques, du drapeau et de l'hymne national.

Le programme de septième année comprend un certain nombre de sujets complexes et abstraits. Il faut bien se garder d'en faire des leçons difficiles et ennuyeuses, uniquement centrées sur des questions politiques abstraites, fort arides pour des intelligences de douze ou treize ans. Pour que ]es luttes pour nos libertés politiques captivent les jeunes, ii faut savoir les mettre à leur portée, en présenter les idées d'une façon simple, claire, concrète, vivante, les incarner dans des personnes qui parlent et agissent sous leurs yeux.

Nos leçons d'histoire s'emploient donc à illustrer le miracle de survivance et de rayonnement de notre peuple, en même temps qu'à cultiver un patriotisme sain, fort, sympathique, conquérant, qui se manifestera par le souci de donner sa pleine mesure de travail, d'effort, de dignité de vie, de foi vécue.

2° - ÉTUDE DE NOTRE SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE ET MOYENS DE L'AMÉLIORER

A la suite d'une enquête menée tout récemment dans le Québec auprès d'un millier d'éducateurs en ce qui a trait à l'enseignement de l'histoire, il semble que, même si la situation de fait est de

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beaucoup supérieure à ce qui existe dans les provinces où les populations francophones sont en minorité; il y a place pour de nombreuses améliorations.

On déplore unanimement les exigences et les contraintes anti-pédagogiques qu'imposent aux titulaires des cours d'histoire la perspective des examens; ils sont forcés, assez souvent, de viser moins à la formation qu'à la mémorisation exagérée de dates et de noms.

En 6e année, les maîtres trouvent que le manuel contient trop de lecture et une surabondance de détails. - L'élève oublie facilement l'essentiel: l'idée principale semble voilée sous l'avalanche de détails.

"Que les élèves puissent trouver les réponses aux activités pédagogiques dans le manuel même!

Que les pages: "Vous savez maintenant que ..." soient accompagnées de questionnaires appropriés ou que les paragraphes soient rédigés de manière à faciliter les questions.

Que dans les questions de fin d'année on n'exige pas de détails particuliers ni de dates précises; qu'on s'en tienne aux buts du manuel: cultiver l'esprit patriotique et l'amour du pays! ... Ce qui étouffe la belle inspiration que peut faire naître ce manuel, c'es la frousse des examens: savoir tant de détails par coeur! ..." (Une religieuse de l'école Notre-Dame, Donnacona, comté de Portneuf).

On signale que dans les milieux ruraux, il est malaisé de suivre les manuels d'histoire selon l'esprit et les conseils de leurs auteurs quand il faut enseigner en même temps à des enfants de degrés divers.

On note, avec justesse, qu'il est peut-être trop tôt pour juger de la valeur du manuel: il faudra attendre encore quelques années d'essai.

Les professeurs de 7ième font un peu les mêmes constatations. Certains ajoutent cependant que la matière est par trop abondante pour être bien étudiée durant une année; ne serait-il pas plus efficace d'utiliser un seul manuel pour les classes de 6ième et 7ième? Il semble qu'ainsi les élèves pourraient mieux assimiler les leçons d'histoire et n'y trouveraient pas une source de fatigue et d'ennui; en ce moment, il faut parcourir hâtivement le manuel et, trop souvent

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hélas, l'élève n'en garde qu'une impression de vague et un souvenir très désagréable.

Il serait utile de clore les chapitres par des résumés appropriés qui permettraient à l'étudiant de mieux dégager les notions importantes et l'inviterait [sic] à un travail personnel. On croit qu'il serait très pratique d'y inclure des exercices de devoirs, des tableaux synoptiques et des pages de dates; cela aiderait grandement à la préparation des examens annuels. Un questionnaire dans le bas des pages serait d'une grande utilité pour guider la revue et faire ressortir les principales parties à retenir.

Cette enquête démontre que le meilleur manuel ne pourra jamais se dispenser de la clairvoyance et de l'enthousiasme d'un professeur. En général, on trouve le manuel fort bien présenté et très intéressant pour l'élève qui se donne la peine de l'étudier. On le lit, parait-il, tout comme un roman.

Il ressort des discussions et échanges de vue qui eurent lieu durant les assises de l'ACELF que le Département de l'Instruction publique mérite des félicitations et notre reconnaissance pour avoir préparer les nouveaux programmes et manuels d'histoire du Canada. Au dire de Monseigneur Irénée Lussier, P.D., pédagogue averti: "Le Québec a fait un pas immense sur la bonne voie; son effort a été colossal".

Le "hic" de ce changement, c'est qu'il faudra subir une période de transition assez pénible pour les professeurs et déroutante pour les élèves. On pourra franchir cette étape difficile si les responsables des cours d'histoire s'évertuent à découvrir l'esprit des réformes proposées et, de tout leur coeur, tentent d'en pénétrer les élèves. Il est clair que les autorités du Département comptent souverainement sur la collaboration intelligente des professeurs pour que les manuels d'histoire atteignent l'objectif qu'on s'est proposé.

Si les nouveaux manuels ont beaucoup de bon, ils sont encore loin de la perfection; "ils ressemblent trop disent certains à un cours d'histoire: pas assez de drames vécus".

Les auteurs, qui sont encore jeunes, auront sans doute le temps et la permission de s'amender... Soit dit entre parenthèses, au forum du secondaire, on a cependant vanté les manuels du cours primaire ... Il serait donc vrai que nul n'est bon juge en sa propre cause! ...

[p. 42]

L'assemblée insista sur la valeur pédagogique du maître; l'art de raconter est très important. Il arrive que les élèves retiennent mieux les détails que le maître lui-même; et gare à celui qui se trompe de personnages ou de lieux. Le préfet des études au collège des jésuites, à Québec, avoue, avec un sourire, qu'il aime beaucoup les bons manuels "pour le cas, dit-il, où ... j'aurais de mauvais professeurs."!

Afin de supporter les efforts de ces derniers, les préposés aux questions d'examen devraient, eux aussi, s'inspirer sans retard de l'esprit du nouveau programme: questions d'intérêt général plutôt que des questions portant sur des notions particulières et très définies.

Ni le programme ni le manuel ne suffisent; if faut le concours du maître. Mais comment faire entrer d'aussi longues leçons dans d'aussi jeunes cerveaux? Voici une façon de procéder qui a fait ses preuves et semble réussir.

1. - Le maître détermine dans le livre de l'élève le nombre de pages que couvrira la leçon; il en approfondit le sujet, en dresse le schéma - résumé bien enchaîné des faits essentiels - qu'il transcrit au tableau noir.

2. - Au point de départ, comme centre d'intérêt, il se sert d'éléments concrets; schéma de la leçon, gravures, photos de monuments, cartes ou films.

3. - Baguette en main, il fait un exposé bref, clair, vivant de la leçon du jour. Causerie tellement à la portée de l'élève qu'en dix ou quinze minutes, on devrait connaître l'essentiel de la leçon.

4. - Le maître interroge, s'efforçant de provoquer l'intérêt, d'amener l'élève à découvrir ce qui devait arriver. . . Il précise par ses réponses les points demeurés obscurs; if permet d'émettre un avis, une appréciation, à la condition que tout se passe dans l'ordre.

5. - On finit par l'étude du sommaire, que les élèves sont invités à transcrire dans leur cahier d'histoire.

6. - Toujours, il faut condamner comme procédés inadéquats et réprouvables le cours dicté, la simple lecture du manuel.

7.- L'élève examine les illustrations du manuel; il les comprend d'autant mieux que la causerie du début a été simple, claire et passionnante.

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8 .- Un élève lit à haute voix les plus beaux passages de la leçon, ou mieux les déclame, les dramatise avec l'aide de ses camarades; ou encore, il raconte certains faits historiques: tels la plantation d'une croix à Gaspé, la belle histoire du Père Jogues ou celle de Dollard des Ormeaux...

9. - Si le temps ne permet pas de lire en entier le texte de la leçon, on se reprend à l'étude du soir. On finit par l'une ou l'autre des nombreuses activités pédagogiques inscrites @ la fin de chaque chapitre: heureux complément de travail personnel où l'on cherche les occasions de stimuler la libre initiative des élèves, de leur donner le goût de la recherche personnelle, de leur apprendre à se constituer de petits dossiers qu'ils se plairont à conserver et à enrichir. Souvent aussi, on se contentera d'une recherche dans le manuel, du résumé d'une lecture, ou d'une carte historique portée sur une carte muette, d'un tableau des dates les plus importantes. Des cahiers ornés de vignettes et de dessins contribuent aussi i donner le goût de l'histoire.

Parmi les principaux voeux de l'assemblée, retenons ceux-ci:

le - Qu'on intensifie les efforts et qu'on use d'influence auprès des professeurs en vue de favoriser de plus en plus la collaboration entre parents et maîtres!

2e - Qu'on obtienne des autorités de Radio-Canada des programmes de télévision vraiment éducatifs pour la jeunesse; que soient multipliées les émissions ayant trait à l'Histoire du Canada dramatisée.

3e - Que le maître s'applique avec amour et foi en son rôle patriotique à suppléer au manque de temps et aux insuffisances de toutes sortes: manuels, programmes, matériel didactique.

4e - Que l'ACELF travaille à réaliser une collaboration très étroite entre le Québec et les provinces où les nôtres sont en minorité pour l'enseignement de l'histoire."

[p. 44]

1956
Beaudry, René. "L'enseignement de l'histoire dans les maritimes - B - Rapport sur l'enseignement de l'histoire au cours secondaire", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):24-33.

"LES MANUELS. - Sur ce point, nous négligeons un peu les manuels d'histoire générale, dont nos collègues de France et de Québec ont déjà fait la critique, pour nous en tenir aux manuels d'histoire du Canada.

A part un manuel élémentaire (C.S.V.) assez couramment employé, le seul ouvrage employé dans nos collèges est l'Histoire du canada de Farley et Lamarche. Ce manuel présente de belles qualités qui l'ont fait apprécier partout: il est clair, aéré, bien illustré, pédagogique. Il accorde une place à l'Acadie dans quelques chapitres particuliers. Il souffre par contre de quelques défauts, dont le principal, à notre point de vue un peu particulier et régional, vient de sa perspective trop uniquement québécoise. Rédigé pour la province voisine, il expédie en quelques lignes ou liasses [sic; lire: laisse] totalement dans l'ombre des événements qui à notre avis méritent une place plus [p. 27] grande dans l'histoire canadienne, comme le peuplement acadien sous le régime français, la fondation de Halifax, la colonisation préloyaliste et loyaliste aux Maritimes, etc. Parfois même il s'y glisse des inexactitudes, comme dans le paragraphe consacré à l'organisation ecclésiastique après la conquête. On y mentionne une population catholique de 1 500 Écossais, mais aucun Acadien, et l'on indique l'abbé Jones comme premier grand-vicaire, sans parler de l'abbé Bourg ni de l'abbé Bailly.

Ceci amène une question: ne serait-il pas préférable d'employer un manuel conçu spécialement au point de vue acadien ou maritime? Mais le marché très restreint empêche absolument la réalisation cette idée. Il faut donc nous en servir, en suppléant de notre mieux à ses lacunes, tout en souhaitant une révision." (p. 27-28).

1956
Cadieux, Lorenzo. "L'enseignement de l'histoire dans les écoles bilingues de l'Ontario - B - L'enseignement de l'histoire au cours secondaire", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):74-77.

"Les élèves ont en leur possession le manuel de Farley-Lamarche; à l'occasion, ils peuvent consulter l'excellent livre de Rutche-Forget [sic] pour les aider dans leurs compositions littéraires: discours et dissertations. On a placé aussi à leur usage "L'Histoire du Canada par les textes" de M. Brunet, G. Frégault et M. Trudel. "Building the Canadian Nation Lower [sic] " et "Colony to Nation" de Brown." (p. 75).

1956
Gendron, Joseph. "L'enseignement de l'histoire dans l'ouest - B - Rapport sur l'enseignement de l'histoire dans les collèges classiques de langue française", Compte rendu du septième congrès tenu à Ed-mundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):95-102.

"Les manuels que possède notre institution [Collège de Saint-Boniface] sont dans certaines classes très bien adaptés et, dans d'autres, corrigés et complétés. Dès les Éléments français (7ième année) le jeune collégien se familiarise avec l'histoire de l'Ouest. Le professeur commente et corrige le manuel un peu ancien et inexact du Père Morice, O.M.I. De sérieux efforts sont tentés pour remplacer bientôt ce manuel par une petite histoire de l'Ouest qui n'est pas encore composée. Ils étudient aussi l'Histoire du Canada à l'aide d'un abrégé fait par les Clercs de St-Viateur et dans l'Histoire de Guy Laviolette. Quant à la géographie, il faut toujours se contenter des manuels des Frères Maristes, en retard de plusieurs années.

[...]

Les Rhétoriciens ont en mains l'Histoire du Canada par le P. Farley, c.s.v. et aussi les textes publiés par Fides." (p. 96).

1956
Giguère, Georges-Emile. "L'enseignement de l'histoire dans le Québec - B - Le programme d'histoire au collège secondaire", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):45-63.

"1° -SITUATION ACTUELLE

"La survivance de la culture française au Canada a été une oeuvre d'enthousiasme et d'amour: sa maturation sera une oeuvre d'intelligence". Gérard Plante, s.j.

L'Association canadienne des éducateurs de langue française qui nous réunit en congrès a choisi pour thème de nos études: " L'Histoire: école de culture et de formation". Ce n'est pas à des historiens ou à des philosophes qu'elle s'adresse mais à des éducateurs qui doivent considérer l'histoire sous l'aspect enseignement. Nous devons avoir présent à l'esprit que l'histoire fait partie d'un système de culture et de formation qui se propose de conduire la jeunesse vers la synthèse des connaissances humaines. Le rôle que joue l'histoire dans cet ensemble plus vaste est de "donner aux connaissances relevant des autres disciplines un cadre qui leur est indispensable". (Instructions provisoires concernant l'enseignement en Belgique, Histoire, (1945): 14). Il ne nous suffira donc pas de répéter, à la suite du P. François Charmot, qu'il n'existe "aucune discipline dont la puissance éducatrice puisse être comparée à celle de l'histoire". (La Teste bien faicte, p. 169). De tels jugements conservent sans doute leur valeur entière, mais, pour notre part, il nous faudra descendre dans des détails plus concrets.

Notre cours secondaire, depuis près de vingt ans, subit son procès devant l'opinion publique. Les critiques principales formulées contre ce système d'éducation et d'enseignement, l'ont été précisé ment par ceux qu'il croyait avoir préparés à la vie. Durant ce même espace de temps, des efforts sincères ont été tentés pour faire rendre davantage à cette institution qui exerce son influence sur près de 50% de la jeunesse étudiante de notre province. On a proposé, par exemple, des modifications de programme, la suppression des langues anciennes, l'accroissement de la part scientifique. On a aussi inauguré des bifurcations et créé de nouvelles formules de baccalauréat. Le problème de notre cours classique n'est pas encore

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complètement réglé, puisqu'il continue de poser un dilemme. Doit-il "favoriser la synthèse où l'héritage de notre XVIIe siècle soit l'élément déterminant, ou bien la synthèse ù les éléments originaux issus de notre jeune histoire américaine constituent la base?" (Gérard Plante, Pédagogie (1950): 503) En d'autres mots, notre cours classique doit-il demeurer ce qu'il est présentement ou doit-il s'adapter à notre milieu culturel? Tout dépend de la conception que nous nous faisons de la culture et surtout de celle qui s'incarne dans notre cours d'études secondaires.

La culture, selon la description de Pierre Bourgoin, "ce n'est pas le savoir, ni le savoir-faire. C'est plutôt une manière d'être, une capacité de juger, de discerner, de sentir, de se conduire selon des règles informulées, ou plutôt incomplètement formulées ou formulables, parce qu'elles sont le produit de la rencontre d'un être et d'une civilisation. En somme, une culture véritable est un art de vie". (Pédagogie, (1952) : 461).

Quant à "l'enseignement secondaire au Canada français", une étude sur les "problèmes actuels" signale au coeur du problème le fait que "l'instrument principal de la formation intellectuelle dans l'enseignement secondaire du Québec, c'est la littérature française". Après avoir démontré le bien fondé de son assertion, l'auteur conclut par une évidence qui continue de nous échapper: "La synthèse idéologique qui sous-tend la vie canadienne-française diffère de la synthèse qui s'exprime dans la culture française écrite". La littérature française a une valeur culturelle, mais elle n'a jamais représenté à elle seule toute la culture, ni toute une civilisation. Voilà pourquoi le P. Gérard Plante écrit:

Le collège semble en quelque sorte mis en demeure de choisir entre la culture que véhiculent ses instruments pédagogiques et celle de la société qu'il sert. Certes il ne faut pas exagérer l'opposition. Il s'agit moins de choisir et d'exclure que de concilier et d'harmoniser: opération délicate qui requiert de la part des éducateurs de langue française des vues très hautes et une intelligence profonde de deux civilisations. La survivance de la culture française au Canada a été une oeuvre d'enthousiasme et d'amour: sa maturation sera une oeuvre d'intelligence. (Pédagogie, (1950): 504).

"L'oeuvre d'intelligence" que nous confie aujourd'hui l'Association canadienne des éducateurs de langue française consiste à nous demander si le programme d'enseignement dans la province de

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Québec fait de l'histoire "une école de culture et de formation". Notre réponse rendra service à nos cinquante institutions d'enseignement secondaire, à leurs 18,000 étudiants et à des centaines de professeurs d'histoire. Au point de départ, un mot de Pierre Bourgoin guidera notre marche.

Toute conception de 1'enseignement a des répercussions sur la culture. Celui qui décide du régime d'examen, décide du même coup, à plus ou moins longue échéance, non seulement du degré d'instruction d'un peuple, mais de sa manière de voir, de juger et d'agir, en somme de tout ce qui manifeste une culture.

LE PROGRAMME

Le programme d'histoire, tel qu'il se trouve imprimé dans les annuaires de nos collèges, prévoit pour les six premières années du cours l'étude de l'histoire universelle, de l'histoire de l'Église et de l'histoire du Canada. L'ordre suivi est tout simplement celui de la chronologie. Aux éléments latins, on enseigne la Préhistoire ou l'Orient, puis l'Antiquité gréco-latine que l'on termine en Syntaxe. Les Méthodis-tes voient le Moyen-Age, pendant un semestre, et prennent rapidement contact avec l'Histoire du Canada pendant le reste de l'année. Les Versificateurs terminent le Moyen-Age et absorbent tous les Temps Modernes. Enfin, l'histoire du Canada occupe les deux années suivantes, à l'exception d'un semestre et parfois deux que l'on applique à l'Histoire contemporaine. On consacre en moyenne deux heures par semaine dans toutes les classes à l'enseignement de l'histoire. Il faut déduire de ces heures pour les trois premières années le temps alloué à la géographie et ajouter deux heures supplémentaires en Belles-Lettres ou en Rhétorique pour l'Histoire de l'Église. Ainsi tout le programme d'histoire est parcouru avant le baccalauréat.

UNE SYNTHÈSE CHRONOLOGIQUE

Voilà ce qu'on appelle couramment un programme d'histoire pour nos collèges. C'est tout au plus une synthèse chronologique, faite en ligne verticale et sectionnée en six tronçons.

Cet exposé schématique d'un programme fait penser à la table des matières d'un livre qu'on n'a pas encore lu. Il dit tout, mais ne dit rien. Chaque professeur a le loisir de l'interpréter comme il l'entend au cours de l'année, de donner l'allure qu'il veut à son cours d'histoire, sans tenir compte de ce qui a été enseigné précédemment

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ou de ce qui le sera ensuite. On peut constater aussi que les collèges ont introduit de légères modifications dans la distribution du temps et de la matière. Le nouveau professeur qui inaugure son enseignement n'a souvent d'autre guide que les conseils et l'expérience qu'un devancier bienveillant peut lui transmettre de vive voix. Aucune interprétation, aucun dosage du programme, aucune directive pédagogique n'ont jamais été donnés de façon plus ou moins officielle. De telles explications auraient pu réunir l'expérience de plusieurs anciens professeurs dont certains ont atteint parfois à une haute érudition par leur travail personnel. Mais pour le moment, le jeune professeur d'histoire qui assure la relève est laissé à tous ses doutes et à ses légitimes inquiétudes. Ordinairement il doit régler ses problèmes au meilleur de sa connaissance. Dans son inexpérience, il ne reçoit aucune aide de la distribution de la matière telle qu'inscrite dans l'annuaire de son collège, parce qu'elle est dépourvue de signification pour lui. Voyons si un tel enseignement peut répondre aux résultats qu'on pourrait en attendre. M. Fernand Grenier nous répond.

Notre enseignement historique, après avoir lentement évolué, traverse maintenant une crise que l'on peut décrire ainsi: il manque d'originalité, ou, si l'on veut, d'adaptation à un enseignement typiquement canadien; en second lieu, on peut affirmer qu'il manque de méthode; enfin, il ne rend pas assez service à la culture générale des élèves. Ces raisons sont extrêmement sérieuses puisqu'elles constituent l'un des principaux buts recherchés par l'enseignement des humanités, c.a.d. former chez l'élève une culture originale, personnelle et méthodique. (Enseignement secondaire, (1952): 35).

L'enseignement de l'histoire dans nos collèges pose des problèmes que ne peuvent pas contester même les professeurs d'expérience. Ainsi quelques-uns ont vu des inconvénients à suivre l'ordre chronologique comme on le fait présentement, parce que les Élémentaires sont trop jeunes pour comprendre la Préhistoire et l'Orient, les Syntaxistes ne sont pas assez avancés pour profiter de l'Antiquité gréco-latine, les Méthodistes et les Versificateurs n'éprouvent aucune résonance au Moyen-Age et aux Temps Modernes. Pour ces multiples raisons, le réputé professeur Maurice Lebel dans ses Suggestions pratiques sur notre enseignement (chap. 6) propose de reporter en Belles-Lettres l'étude du Moyen-Age, de la Renaissance et du XVIIe siècle pour servir d'appui à la littérature française, tandis que l'antiquité gréco-latine tiendrait le même rôle à l'égard des littératures grecque et latine. En Rhétorique, le programme d'histoire

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se concentrerait sur les XVIIIe et XIXe siècles avec leurs idées multiples et leurs systèmes de pensée et de sciences. La transition entre l'étude des lettres et celle de la pensée philosophique serait ainsi assurée en éveillant d'abord la curiosité pour les idées, les abstractions et les essais de systèmes auxquels l'enseignement de la philosophie viendrait apporter l'ordre, la paix et la satisfaction. Les jeunes penseurs en herbe, poussés plus loin dans leurs recherches sur l'origine de l'homme, de la société et du monde, trouveraient vite une réponse à leur inquiétude dans la connaissance de la Préhistoire et dans la solution chrétienne que leur offre la philosophie thomiste.

Tout n'est pas mauvais dans ces projets, mais nous aimerions savoir si M. Lebel maintiendrait ses idées de 1939. Pour notre part, nous voyons un double inconvénient à cet arrangement du programme. Le premier est de réduire de moitié les six années déjà trop brèves pour parcourir toute l'histoire universelle. Le second est de n'accorder presque aucune place à notre histoire nationale. Pour couvrir le même programme, moins le Canada et l'Amérique, les petits Européens disposent de sept ans puisqu'on en prévoit l'étude même en philosophie. Par contre, le plan du professeur Lebel porterait à quatre heures par semaine l'étude de l'histoire dans les classes de lettres et en philosophie. Il consacrerait à une acquisition plus parfaite de la langue maternelle dans les classes de grammaire le temps que l'on donne aujourd'hui à l'histoire.

DOUBLE CYCLE

Ces remarques et plusieurs autres que nous omettons suffiraient à démontrer que l'on a vu un problème dans notre programme d'histoire et dans l'enseignement de cette matière durant les années premières du cours. En Europe, comme chez nous, on a cru que le malaise était attribuable à l'ordre chronologique poursuivi tout d'une venue. Et le remède proposé, pour une partie du moins, paraît avoir été la formule du double cycle. Cette division des années d'étude en deux sections assigne, comme on le sait, aux quatre premières classes l'étude rapide de l'histoire universelle en son entier. Le second cycle prévoit ensuite un retour sur les questions majeures. Le résumé que nous venons de donner pourra paraître simpliste ou inexact, si on ne se souvient pas que les Instructions de France et de Belgique contiennent des justifications toutes en nuances et en distinctions. Alors que la Belgique assigne la place centrale à

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son histoire nationale dans le premier cycle, la France, en accordant la même importance à la sienne, préfère la réserver au second cycle.

Les raisons qui ont motivé le recours au double cycle ressemblent à celles qui nous ont valu l'Immatriculation dans nos collèges. Le programme français, du point de vue chronologique, n'a plus qu'un cycle depuis 1938, contrairement à diverses expériences antérieures. Par ailleurs, du côté pédagogique, la France maintient un double cycle, car, il va sans dire, l'enseignement de l'histoire ne se fait pas de la même façon dans toutes les classes. Il sera plus actif, moins synthétique, plus concret pour les plus jeunes. Mais dès que l'élève aura atteint les classes de lettres, c.a.d. une certaine maturité d'esprit, la classe d'histoire permettra déjà des systématisations, des généralisations, des rapports de cause à effet, des vues plus vastes.

L'HISTOIRE: CADRE INDISPENSABLE

Dans la structure d'ensemble du cours secondaire, l'histoire est destinée à servir de "cadre indispensable" aux autres connaissances qu'on y enseigne. On peut même ajouter que chacune de ces matières doit faire appel continuellement au contexte historique, si son enseignement ne veut pas mourir et se fossiliser. L'histoire universelle est la vie d'un monde, les dimensions spatio-temporelles où se sont formées les connaissances humaines, où s'est élaborée la pensée littéraire, scientifique, philosophique et théologique, où toutes ensemble elles continuent d'évoluer pour atteindre chaque jour à une perfection plus grande. Le monde est un, nous le constatons et la philosophie nous le rappelle. Mais que pensez-vous d'un programme d'histoire qui effectue des cloisonnements? Il donne l'impression aux jeunes esprits que le monde est forme de couches sédimentaires. Une histoire de l'Église et une histoire du Canada, menées en parallèle avec une histoire universelle qui leur semble étrangère, laissent croire silencieusement que l'Église et le Canada ne font pas partie du reste du monde.

Le cadre indispensable d'un cours secondaire qui veut conduire à une unité, à une synthèse des connaissances humaines, ne possède pas lui-même l'unité qu'il veut donner. Est-ce qu'on peut prétendre unifier un esprit par l'étude du grec, du latin, du français, des mathématiques ou des sciences? Alors l'histoire nous apparaît comme un merveilleux instrument, comme un cadre indispensable. Mais à quelles conditions?

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RAPATRIER NOTRE ENSEIGNEMENT

Pour bien saisir l'acuité du problème posé par l'histoire, essayons un instant de nous placer dans l'esprit ardent, droit et logique des jeunes. Ils ont bien l'impression d'être nés et de vivre au Canada français, pays dont l'histoire est toute faite d'héroisme [sic] et de grandeur. La vie courante leur apprend chaque jour qu'il existe d'autres provinces dans une confédération d'où surgissent des problèmes constitutionnels. Ces mêmes jeunes gens ignorent tout de l'histoire des États-Unis, mais à la maison, dans la rue, ils sont attirés sans cesse vers une civilisation qu'ils ne peuvent pas très bien distinguer de la leur, et dont les séductions leur apparaissent comme la marque même du progrès et de la vie. De plus, le collège les met en contact avec une histoire universelle qui n'est souvent rien autre que l'histoire de la France, parce que les manuels qu'on leur impose, destinés à des étudiants qui ne sont évidemment pas canadiens, sont en fonction d'un programme qui n'est pas le nôtre. Passent-ils maintenant à l'histoire de l'Église, cette institution divine dont ils font partie comme catholiques? Ils la voient évoluer en Europe, sans que jamais le manuel, ni peut-être le professeur n'en donnent la suite en terre d'Amérique.

Ces jeunes, à qui on enseigne une culture à forte proportion littéraire, qui étudient la littérature canadienne-française quelquefois parmi les littératures étrangères, qui ne connaissent de leur pays que l'histoire politique, militaire et religieuse, surtout dans ses institutions, ne soupçonnent pas la vie sociale, intellec-tuelle et économique ainsi que leurs implications dans l'histoire d'un milieu qui ]es accueillera demain. Ils auront à y gagner leur subsistance dans une atmosphère toute différente de ce qu'ils ont imaginé. Leur surprise, leur isolement, leur inquiétude les porteront à renier cette "culture" qui devait leur donner le sens du réel et les armer pour la vie. Ils se demanderont si la culture est autre chose qu'un être de raison, si elle a jamais existé ailleurs que dans leur imagination d'enfant. Ils pourront conclure qu'elle est une abstraction et n'avoir jamais l'idée qu'il existe autour d'eux des hommes cultivés, des nations cultivées, parce que ceux à qui ils avaient confié la préparation de leur avenir ne leur auront pas appris à considérer le pays, le milieu, les compatriotes, les institutions dans leur réalité. La rupture s'effectuera plus ou moins lentement et en silence, et le problème intérieur se manifestera par l'apathie ou l'hostilité.

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NOTRE "OEUVRE D'INTELLIGENCE"

Si ce tableau un peu sombre était vrai, il faudrait nous demander quelle pourrait être notre "oeuvre d'intelligence". Pour notre part, nous répondons que la solution la plus urgente est la préparation d'un programme, non pas d'un ordre chronologique, déjà établi par le fil de l'histoire, mais d'un programme qui opère la fusion des divers enseignements d'histoire, qui détermine les questions importantes à enseigner, qui distribue au moins théoriquement la matière à travers les années sans doute, mais également à travers les mois et les semaines d'une même année. Un tel programme comprendrait au surplus des directives pédagogiques particulières à chaque cycle, des mises en garde contre les erreurs les plus fréquentes de la conception historique. Ce programme serait pour ainsi dire un Guide du professeur d'histoire dans les Collèges d'enseignement secondaire de la province de Québec. Préparé par un groupe de spécialistes en histoire et en pédagogie, ce Guide, d'usage facultatif et purement consultatif, pourrait en laissant aux divers professeurs la latitude désirée leur assurer un minimum de sécurité lorsqu'ils voudraient le consulter et le suivre. Cette initiative issue d'un congrès de l'ACELF pourrait hâter la réorganisation de nos effectifs, accroître la force et l'adaptation de notre cours, "décider du degré d'instruction d'un peuple, de sa manière de voir, de juger et d'agir, en somme de tout ce qui manifeste notre culture".

Les directives données dans ce Guide du professeur expliqueraient la structure du cours dans son ensemble, la mise en oeuvre des données de la pédagogie, le dosage de la matière et l'esprit à infuser à cet enseignement. Ce Guide fournirait en outre une bonne bibliographie générale et particulière, à la fois méthodologique et historique. En plaçant au centre notre histoire du Canada dans son ordre chronologique, le Guide indiquerait l'équilibre à garder tant en histoire nationale qu'en histoire universelle. Il allégerait le programme et libérerait l'esprit de nos élèves en laissant à une érudition souhaitable les détails qui les encombrent présentement. Il pourrait rappeler que souvent nous ignorons l'histoire des autres provinces de notre pays, que nous en savons encore moins de nos voisins du sud, les États-Unis, dont l'histoire a toujours été si intimement mêlée à la nôtre. Il fournirait quelques éléments de l'histoire de l'Angleterre à qui nous devons tout de même nos quatre constitutions successives et toutes nos institutions parlementaires.

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Comme esprit, le Guide rappelerait [sic] particulièrement que l'histoire ne doit être mise au service d'aucune autre cause que la vérité. Car "le civisme, le patriotisme, la compréhension nationale et internationale ne peuvent, en aucune façon être assignés comme buts de l'enseignement de l'histoire; ils seront néanmoins très bien servis par un enseignement strictement objectif, propre à développer ces citoyens éclairés". (Fernand Grenier, op. cit. 38).

Voilà, nous semble-t-il, à quelles conditions l'histoire deviendra une école de culture et de formation, formatrice si elle est intégrale, vraie si elle embrasse toute la culture, adaptée si elle tient compte du pays où nous vivons.

N.B. Voir la bibliographies à la fin de la deuxième conférence.

2° - MOYENS D'AMÉLIORER NOTRE ENSEIGNEMENT D'HISTOIRE

Recherchons les moyens d'améliorer l'enseignement d'histoire. Laissant deviner un aveu sur la réalité, l'ACELF préfère avec raison imprimer une allure positive et constructive à notre travail en vue de l'avenir. Nos doléances ne changeraient rien au passé, tout en nous exposant à être injustes et peut-être cruels. Les projets que nous formerons pourront paraître idéalistes, ils nous permettront tout de même d'évaluer les sacrifices que la déficience des moyens a fini par imposer à la culture et à la formation de nos jeunes étudiants.

Nous parlons d'enseignement, c.a.d. que nous nous engageons dans un vaste domaine aux confins duquel se rencontrent les aspects les plus divers: préparation de nos professeurs, rôle de l'élève, valeur de nos manuels, nécessité de directives pédagogiques, choix de moyens d'émulation, recours au matériel scolaire: cartes murales, atlas, bibliothèques, etc. Nous en aurions pour plusieurs jours d'étude sérieuse à scruter attentivement cette abondante matière. Qu'on se rassure, les limites de temps restreindront nos réflexions à la préparation des professeurs et à la valeur de nos manuels. Nous ne ferons que de brèves allusions aux autres sujets. Les responsables de ces améliorations auront toujours l'impérieux devoir de reprendre chacun de ces points, de les examiner jusque dans leur ultime conséquence afin de les accorder à un plan organique plus conforme aux nécessités de la culture canadienne-française.

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LE PROFESSEUR

En juillet 1954, la Conférence internationale de l'instruction publique, convoquée à Genève par l'UNESCO, formulait en quelque trente articles ses recommandations favorables à la "formation du personnel enseignant" des collèges secondaires. Les constatations sur ce problème étaient donc universelles et nous nous trouvons en bonne compagnie pour faire connaître des projets dans le même sens.

Il demeurera toujours vrai que le maître idéal sera celui dont le savoir et le savoir-faire sont plus inspirateurs que n'importe quel autre moyen artificiel, n'importe quelles "règles informulées, ou non complètement formulées ou formulable [sic]" (Bourgoin, Pédagogie, 1952). Bien loin d'être un obstacle à la "rencontre d'un être et d'une civilisation", le maître devrait exercer un attrait irrésistible, être un modèle de cette culture qu'il veut transmettre à ses disciples. Sans professeur compétent, les meilleurs programmes d'études ne sont rien, puisqu'ils n'ont point trouvé l'homme qui les vivifie, les interprète, les applique avec sagesse et discernement.

Il est permis de nous demander si nos professeurs d'histoire ont la compé-tance que réclame leur enseignement. Plusieurs enquêtes poursuivies dans les maisons secondaires de notre province, nous forcent à conclure qu'ils sont peut-être les moins préparés, que c'est en histoire que le personnel de nos collèges compte le moins de diplômés et que la majorité des responsables de cet enseignement doivent ordinairement s'improviser. Considérant l'histoire comme une matière secondaire, de moindre importance, on en confie l'enseignement à des professeurs déjà surchargés. La plupart du temps, titulaires des classes de français, latin et grec, professeurs principaux de classes nombreuses, its sont accaparés par la préparation de cours et la correction de devoirs quotidiens. D'autres fois, le professeur d'histoire est l'homme à tout faire, à qui on confie des matières disparates, dans des classes disparates: sciences naturelles, mathématiques, géographie, anglais. Il doit passer des éléments latins à la rhétorique, et parfois de la surveillance de récréation à la classe. Quant au professeur laïc, la nécessité de gagner sa vie le contraindra à être voyageur de commerce ou agent d'assurance. Il n'y a évidemment pas de sot métier, mais les mélanges ne sont pas toujours les plus parfaits. Des professeurs partagés d'avance dans la préparation de leurs cours, n'auront jamais la joie de maîtriser pleinement leur matière et perdront tout goût à l'enseignement, à la culture. Pourtant

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l'histoire: école de culture et de formation, est une des branches du savoir qui réclament le plus de préparation.

PRÉPARATION HISTORIQUE. L'érudition que requiert l'histoire est faite de lectures nombreuses, de consultations d'auteurs, de manuels, de réflexions et de comparaisons, de compilations et inventaires de toutes sortes, bibliographiques, chronologiques et autres. Les collections d'histoire universelle occupent jusqu'à des 10, 15, 20 volumes dont chacun a été préparé par des spécialistes qui ont consacré à cette oeuvre des dizaines d'années de leur carrière de recherche et d'enseignement. Et au surplus, ces collections nombreuses, toujours réalisées par de respectables groupes de savants, possèdent chacune leurs perspectives particulières. Tel est aussi le cas pour l'histoire de l'Église qui compte pour sa part plusieurs de ces collections, où les synthèses diffèrent tant dans les documents que dans les points de vue sans cesse rajeunis. On a toujours souci de s'y mettre en accord avec les dernières données de la science historique. Et n'allons pas oublier ensuite les études monographiques et biographiques qui donnent aux sections de nos bibliothèques collégiales un aspect imposant. Un professeur de carrière en histoire devrait avoir lu au moins les meilleurs de ces ouvrages, la plupart des collections, s'être formé une opinion personnelle sur les plus remarquables historiens, avoir une idée des positions prises sur les divers problèmes d'histoire, pouvoir établir des rapprochements et des parallèles entre des hommes, des événements et des époques à l'intérieur d'un même siècle ou à des siècles de distance.

Nous n'avons pas encore mentionné la bibliographie de l'histoire du Canada. Elle est abondante et apparemment presque illimitée. La majeure partie est publiée en langue anglaise. Pour s'en rendre compte le professeur d'histoire doit s'improviser son propre bibliothécaire, juger ses volumes avant de les chercher pour en faire l'acquisition. Pourtant un professeur d'université faisait remarquer en 1943 (E. R. Adair, Culture, 1943) que si le Canada n'occupe pas encore la place qui lui revient de droit dans l'histoire universelle, c'est que la littérature historique fait défaut aux compilateurs des collections. L'inventaire qu'il faisait à cette occasion sur les travaux d'histoire du Canada n'était pas tout à fait à l'honneur des Canadiens français. La production s'est accrue depuis ce temps-là, elle nous a même valu de remarquables ouvrages, mais elle continue de nous laisser loin en arrière. De plus, la population canadienne de langue française ne lit pas, problème situé en dehors de notre présent sujet,

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mais qui révèle beaucoup sur la culture de ceux qui se font un apostolat de la culture en Amérique du nord.

Nous avons maintenant une faible idée de la tâche qui s'impose au professeur d'histoire avant même qu'il n'ait entrepris son enseignement. Pourtant ne conti-nuons-nous pas de voir des maîtres se contenter de lire le manuel et de le résumer à leurs élèves? Ce n'est pas la règle générale, espérons-le, mais c'est un défaut flagrant de conscience professionnelle. Les professeurs en sont-its les seuls responsables?

On assure une préparation universitaire aux professeurs de littérature, de mathématiques, de sciences. Alors que l'histoire, dont le rôle est peut-être le plus délicat de tous, dont les incidences sont multiples, dont l'esprit doit être attentive-ment surveillé, dirigé, amélioré, l'histoire n'a que des professeurs improvisés. Pourquoi ne pas leur donner la préparation qui s'impose? Parce qu'on sous- estime vraiment l'histoire, qu'on est inconscient du rôle formateur qu'elle peut exercer sur l'esprit humain. L'important n'est pas de tout savoir, mais de bien savoir, car l'histoire est une école de jugement et non une école de mémoire. Si le maître n'a pas exploré lui-même tout son domaine au moins une fois, comment pourra-t-il être le guide compétent et sûr, et faire atteindre à son enseignement le but qu'on lui assigne?

La nécessité du personnel préparé à l'enseignement de l'histoire nous paraît des plus évidentes. Pour répondre à ce besoin, nos deux universités de Québec et de Montréal ont fondé des Instituts d'histoire qui comptent des professeurs compétents et travailleurs. Les étudiants y sont encore trop peu nombreux.

PRÉPARATION PÉDAGOGIQUE. Nous n'avons encore parlé que des connaissances historiques. Faudrait-il laisser croire que les notions pédagogiques sont moins indispensables au titulaire d'histoire qu'à n'importe quel autre professeur? Non pas. Nous dirions même qu'elles lui sont plus nécessaires du fait que son enseigne-ment doit se partager entre plusieurs classes de niveaux différents. Ses apparitions moins fréquentes dans chaque groupe d'élèves exigent une adaptation plus rapide et plus grande. A l'encontre du professeur principal, il n'a pas les moyens de contrôle quotidiens et les devoirs pour stimuler au travail personnel. S'il enseigne dans les classes de grammaire, le professeur d'histoire a besoin de cette préparation pour adapter son enseignement au niveau

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intellectuel et psychologique de ses élèves, pour donner à son cours les caractères correspondant au degré de culture et de formation de ses disciples.

Constatant que le professeur de collège est aujourd'hui sur un "trône qui chancelle", un préfet d'études, possesseur d'un doctorat en histoire et chargé des cours d'histoire en Belles-Lettres et en Rhétorique, écrit les réflexions que voici:

L'exposé magistral, en dépit de son dogmatisme, du didactisme apparent, n'en reste pas moins un modèle pour l'élève, à la condition que cet exposé présente comme une pensée en marche, une recherche, une découverte. Si le maître n'est pas le simple rapporteur des données livresques, mais l'interprète d'une expérience vitale à la recherche du savoir, le dogmatisme n'est pas à craindre...

"Omne vivens ex vivo", la recherche patiente dans les livres, l'accumulation des fiches et des bibliographies ne vaudra jamais le contact vivant avec un maître. C'est la vie qui engendre la vie. Les intelligences ne s'allument qu'au contact de la pensée vivante. La sensibilité ne s'émeut qu'au contact d'une âme qui vibre.

Il faut un maître vivant et actif pour des élèves actifs... La source de l'activité des élèves est dans un maître attentif aux réactions de sa classe, à ses besoins, à ses intérêts ... c'est au maître de faire de sa classes un tout organique, à créer ce climat de ferveur collective et d'admiration pour un texte. C'est alors qu'il donne une valeur collective au travail que l'on dit personnel. Laissés à eux-mêmes, les jeunes gens sont vite satisfaits. C'est au maître à leur apprendre à se dépasser, ce qu'ils ne feront pas d'eux-mêmes, par la seule vertu de la liberté d'action. Le maître actif crée l'école active. (Florian Larivière, Enseignement secondaire, avril 1955).

Tout cet article est un vivant appel à la préparation technique et pédagogique, au personnel des collèges.

COLLABORATION. L'enseignement des langues et de l'histoire peut trouver des avantages à relever d'un même professeur, mais la population croissante de nos collèges et de nos classes rend la tâche trop lourde pour un seul homme. Dans ce cas, nous préférons de beaucoup que l'enseignement de l'histoire soit assuré par un spécialiste qui professe dans plusieurs classes du cours ou dans toutes les divisions d'une même classe. La préparation et les lectures que s'impose ce spécialiste sont nécessairement complémentaires et l'esprit de son cours demeure le même. Le passage fréquent de la littérature aux mathématiques, de l'anglais aux sciences

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naturelles puis à l'histoire divise l'activité et les forces du maître sans apporter profit ni aux élèves ni au professeur.

Même une fois acquise l'unité d'enseignement chez un professeur, il faudra songer à unifier la classe d'histoire aux divers niveaux du cours. La cohésion du programme et le maintien d'un même esprit chez les maîtres pourrait très bien se faire par la nomination d'une sorte de doyen, d'un responsable de cet enseignement dans tout le collège, qui serait, par exemple, le plus expérimenté ou le plus compétent des professeurs. La collaboration deviendrait plus facile par la rencontre des professeurs avec ce responsable, avec les autres collègues en histoire ou avec les titulaires des divers cours dans une même classe.

L'unité véritable de l'enseignement secondaire ne serait point réalisée, si elle ne résultait que de l'aménagement extérieur des sections et du caractère de généralité des programmes. Pour qu'elle devienne une unité organique, il faut qu'elle soit une harmonie et qu'elle provienne de la collaboration volontaire et réfléchie de tous ceux qui participent à l'oeuvre de l'éducation. En un mot, il est nécessaire que tous les professeurs d'un même collège agissent comme le ferait un professeur unique qui, non seulement dans chaque classe, mais dans toutes les classes, aurait à donner l'enseignement entier.

En toute entreprise collective, le progrès et le succès dépendent de la liaison des efforts. Comment en serait-il autrement quand il s'agit de créer des esprits vigoureux et bien équilibrés, oeuvre complexe, délicate entre toutes et qui requiert la coopération prolongée d'un grand nombre d'artisans? (Instructions pour les collèges et les lycées de France, 1925).

LES MANUELS

Passons maintenant aux manuels d'histoire. Notre tâche est déjà immense et elle est pourtant bien loin d'être terminée. Les seules modifications du programme nous obligeront à remanier nos manuels. Le besoin urgent de manuels canadiens n'est pas exclusif à l'histoire. Toutes les disciplines de notre cours en réclament autant.

Nous avons déjà l'idée que la synthèse d'histoire universelle formée autour de l'histoire du Canada et comprenant celle de l'Église nous obligera à des révisions. Les changements impliqués comprennent encore une extension de notre champ de vision à tout le Canada, et non plus uniquement au Canada français. Nous devrions accorder une attention spéciale à l'histoire des pays qui, comme les États-Unis et l'Angleterre, sont liés à notre devenir

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historique. Cet élargissement de nos vues doit aussi déborder l'histoire militaire, politique et religieuse et comprendre tous les autres aspects de la vie: intellectuel, culturel, social, institutionnel, constitutionnel et économique. En un mot, nos manuels doivent être mis au diapason des dernières acquisitions de la recherche historique. Voilà de beaux projets, idéalistes et téméraires. Le travail attend les éducateurs et je me permets de croire que votre esprit n'est pas déjà si vieilli qu'il renonce aux généreuses ambitions de sa jeunesse et à l'idéal culturel qu'il ne cesse d'entretenir.

Pour nous stimuler dans notre ardeur au service de la jeunesse canadienne-française, donnons-nous la peine d'ouvrir les manuels d'histoire que nous plaçons entre ses mains. La lecture d'une page prise au hasard nous oblige à de considérables efforts d'adaptation à une langue, à des textes historiques, à des illustrations, à des allusions au milieu français. Vous êtes des esprits cultivés, formés, adultes. Vous avez même atteint à une synthèse du savoir humain et à une certaine harmonie des facultés de l'âme. Ceux qui doivent quotidiennement chercher dans ces instruments une information qui leur donnera la culture et la formation, sont des adolescents, en rajustement psychologique, aux prises avec les difficultés de leur développement intellectuel. N'allez pas nous supposer du mépris pour la présentation pédagogique des manuels français, quand au contraire nous voulons leur reconnaître le mérite d'être faits pour des étudiants français, qui vivent dans un milieu de vieille culture, recevant par tous leurs sens les leçons du passé dans les monuments, les décorations des places publiques, les musées, les édifices d'administration, les oeuvres de maîtres, toutes choses qui font inconsciemment de chaque Français un homme cultivé comme malgré lui.

LES ÉTUDIANTS CANADIENS-FRANÇAIS. Par ailleurs, quel est le partage des étudiants canadiens-français? Étudier dans des manuels étrangers, préparés pour des étrangers sans un milieu qui respire une culture autonome, sans musées, sans préparation artistique, sans monuments historiques, sans oeuvres de maîtres, sans édifices qui rappellent sans cesse l'histoire, la culture, le passé d'un peuple. Déjà dépourvus de ces instruments, de cette atmosphère qui leur appren-draient à être fidèles à leur origine et à eux-mêmes, ils doivent encore se défendre contre les talismans d'une culture qui n'est pas la leur, une langue, un esprit, des moeurs qui nous rappellent tous les jours notre conquête par l'Angleterre. Par la télévision, la radio, les journaux, les revues, la publicité, ils sont fortement attirés vers une civilisation américaine, bonne pour des

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Américains, mais qui n'est tout de même pas la nôtre. La vie, le progrès les attirent. Qu'est-ce qui peut les retenir chez nous à moins que notre instinct de défense ne se transforme en esprit constructif, réaliste, conscient de ses propres intérêts? C'est le rôle des éducateurs de leur donner l'exemple, de leur montrer la route, de leur apprendre à penser et à construire leur vie.

Après les professeurs, ce seront les manuels et un programme conçus pour des Canadiens français qui leur inculqueront le sens de leur devoir. La place que nous accordons au Canada dans le centre de l'histoire universelle, un Canada plus large et une synthèse embrassant toute notre culture et notre civilisation, ne sont des idées neuves que chez nous, puisque la France, la Belgique, l'Angleterre, les États-Unis les pratiquent dans leurs écoles et dans leurs collèges. Parce que le contraste avec la France, notre ancienne mère-patrie, est moins évident, nous nous refusons à le reconnaître. D'ailleurs, ne sommes-nous pas plus parents avec la France du XVIIe siècle qu'avec la France contemporaine? Des manuels canadiens aideront professeurs et élèves à considérer notre milieu, notre vie et notre mentalité dans toute leur réalité.

CONCLUSION. Toutes ces considérations ne font qu'effleurer notre sujet. Nous aurions tellement et tellement à dire. C'est dans l'insatisfaction que nous devons conclure, au moment où nous allions accéder à une prise de conscience de la valeur de notre rôle et de l'importance de le bien remplir. Nous avons cherché comment nous pourrions occuper de façon profitable et immédiatement efficace notre chaire d'enseignement. Nous allions nous dire avec quelle fierté nous voulons continuer notre tâche, apporter quelques précisions sur l'emploi des manuels, sur les travaux à confier à nos élèves, sur les chronologies à leur faire apprendre, sur les moyens de conquérir leur intérêt à cette belle et instructive discipline que nous voulons leur apprendre. Mais enfin, puisqu'il faut finir, réjouissons-nous des tentatives faites pour mieux saisir le malaise qui existe chez nous et pour y apporter les solutions qui permettent à l'enseignement de l'histoire d'être vraiment une école de culture et de formation."

[p. 60]
1956
Groulx, Léo. "L'enseignement de l'histoire dans les écoles bilingues de l'Ontario - A - Rapport sur l'enseignement de l'histoire au niveau primaire", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):65-74.

"Puis, nous avons enfin obtenu du ministère d'Éducation de l'Ontario, grâce à nos inspecteurs, la permission d'employer les manuels des Frères Écoles Chrétiennes, de la province de Québec. Ces manuels avec leur présentation agréable, leur objectivité quant au fait français et anglais, feront beaucoup pour la cause de l'histoire. (p. 68)

[...]

Actuellement, la série de manuels des Frères des Écoles Chrétiennes a été recommandée par un comité d'inspecteurs des écoles bilingues. Ces livres sont en usage dans un grand nombre de classes de la 5e année à la 8e année.

Les professeurs quoique très heureux d'avoir enfin un manuel à leur disposition ne sont pas complètement satisfaits. Ils trouvent que le vocabulaire est beaucoup trop élevé pour le niveau intellectuel des élèves. En plus d'être une leçon d'histoire, le cours doit se doubler d'un exercice de vocabulaire et de littérature, ce qui retarde l'enseignement et diminue l'intérêt. Les comités chargés d'approuver les volumes devraient exiger que les éditeurs présentent des volumes dont les textes conviennent au degré intellectuel des élèves, à qui ils sont destinés, sans l'assistance d'un professeur de littérature (!). Cette série de livres a été rédigée pour les écoles de la province de Québec où l'on suit les programmes selon la méthode accumula-tive, c'est-à-dire, que l'on revoit dans chaque classe la même matière mais sous un nouvel aspect. Certains professeurs, en parcourant ces volumes pensent qu'ils contiennent les mêmes sujets, mais après un sérieux examen, ils réalisent que la méthode d'approche est différente pour chaque degré, excepté en 7ième année où a lieu la revision [sic] complète." (p. 71)

1956
Hamelin, Louis-Edmond. "Conditions minima pour une nouvelle géographie dans les écoles secondaires publiques de la province de Québec", Revue canadienne de géographie, 10, 2-3(1956):107-112.

"Les manuels.
Il est indispensable pour assurer le succès de l'enseignement de la géographie dans les collèges que les élèves aient en mains un manuel adéquat. Ce manuel ou ces manuels, il faut d'abord les composer, quand ils n'existent pas. Or, un principe élémentaire dans la rédaction des livres scolaires: ils doivent être composés par un homme du métier, doublé d'un pédagogue. Cette exigence est particulièrement impérieuse en géographie, discipline dont le sens est difficile à saisir. Pour refléter l'esprit géographique, le manuel doit être rédigé par des géographes compétents. Évidemment, le manuel doit être pédagogique. On pourrait souhaiter la parution de trois livres pour couvrir le programme des quatre années étudiées (de la 8e à la 11e inclusivement): un manuel pour la géographie générale, 8e; un manuel pour la géographie régionale du monde moins le Canada, 9e et 10e; un manuel pour la géographie du Canada, 11e.
En attendant de nouveaux manuels canadiens, l'on peut utiliser en 8e, en 9e et en 10e des livres européens. Pour la 11e, le manuel de Blanchard, Géographie générale, ou celui de Taylor, Le Canada et ses voisins, sont préférables. Si l'on ne peut se procurer les manuels précités, il reste la géographie-atlas des Maristes." (p. 110).

1956
St-Arnaud, Yves. "L'enseignement de l'histoire dans l'ouest", L'Association canadienne des éducateurs de langue française, Compte rendu du septième congrès tenu à Edmundston, N.-B. les 6, 7, 8 et 9 août 1955 (Québec, Éditions de l'A.C.E.L.F., [1956]):79-95.

"b) MANUELS

"La Colombie reçoit du Québec les textes connus, dans les éditions anciennes naguère encore en circulation: mention-nons les manuels des Clercs de Saint-Viateur, les Frères des Écoles Chrétiennes, des Frères de l'Instruction chrétienne et de Farley-Lamarche ainsi que de Bruchési. La Saskatchewan recourait aux mêmes textes, selon la préférence des professeurs. Le Manitoba confiait et confie encore ses élèves au manuel des Clercs Saint-Viateur. Pareillement l'Alberta référait ses jeunes à tous ces livres, mais en gardant comme manuels ses trois brochures publiées par l'Association des Éducateurs Bilingues de l'Alberta: "Nos Traditions"; "Nos Héros"; "Ta Richesse".

Mais pour septembre prochain, l'Alberta se tourne définitive-ment vers la série complète de Guy Laviolet-te, sauf pour les grades I et II où l'on peut aussi garder les brochures et les albums des Clercs de Saint-Viateur et des Frères des Écoles Chrétien-nes. En outre, depuis la réunion interprovinciale des Visiteurs d'écoles de l'Ouest franco-canadien, en février dernier, la Saskatchewan et le Manitoba semblent pencher aussi vers la série de Guy Laviolette. Ce qui, cependant, n'indique pas qu"'on ait trouvé le manuel idéal pour l'Ouest franco-canadien." (p. 89).

1956.01
xxx. "Enquête sur nos manuels scolaires (3) Votre nouveau manuel d'Histoire du Canada (quel qu'en soit l'auteur)", L'enseignement, 8, 8(janv. 1956):5.

"Vous nous avez dit ce que vous pensiez de votre manuel d'Arithmétique: le premier rapport paraît en page 3 de cette édition: un second relevé, relatif celui-là à l'Arithmétique de Beaudry, paraîtra en février. Au tour de votre nouvelle Histoire du Canada maintenant: EN ÊTES-VOUS SATISFAITS? Dites-le nous par la voie du questionnaire qui suit; répondez-y DÈS LA RÉCEPTION DE VOTRE JOURNAL. Le temps presse, nous avons d'autres manuels à étudier. Faites-vous UN DEVOIR PROFESSIONNEL de nous faire parvenir VOTRE OPINION. Il ne vous arrive pas tellement souvent d'avoir la chance DE FAIRE ENTENDRE VOTRE VOIX sur un sujet qui vous concerne de près et pour longtemps, puisque toute votre vie professionnelle se passera avec ces outils en main. CETTE OCCASION DE DIRE VOTRE MOT NE SE REPRÉSENTERA PROBABLEMENT PAS AVANT LONGTEMPS: profitez-en donc dès aujourd'hui. NOUS ATTENDONS VOS RÉPONSES PAR MILLIERS. Répondez ce que vous voudrez, avec ce que vous voudrez: plume, crayon, clavigraphe, etc., mais RÉPONDEZ!

VOTRE NOUVEAU MANUEL D'HISTOIRE DU CANADA

(quel qu'en soit l'auteur)

1- Quel est ou quels sont les auteurs de votre Histoire du Canada

2- Quelle (s) années (s) enseignez-vous?

3- Aimez-vous la façon dont la matière historique est
a) répartie?
b) présentée?

4- Appréciez-vous
a) les questionnaires?
b) les résumés des leçons?
c) les divers exercices de récapitulation?

5- Souhaiteriez-vous
a) d'autres genres d'exercices pratiques?
b) plus d'exercices semblables à ceux du manuel?
c) plus de questionnaires-revue?

6- Les [sic] manuel aide-t-il l'élève
a) à mémoriser les événements de l'histoire du Canada selon leur ordre chronologique?
b) à travailler par lui-même?

7- La phraséologie des récits est-elle toujours à la portée des élèves?

8- Certaines phases de l'histoire du Canada, certains épisodes, certains personnages historiques, inscrits au programme, vous semblent-ils avoir été oubliés ou tout au moins négligés par l'auteur?
Si oui, expliquez.

9- Y a-t-il quelques chapitres ou leçons qui, par leur imprécision ou leur trop bref exposé, sont difficiles à enseigner, et partant à assimiler, à retenir? Si oui, expliquez

10- Si vous rencontriez l'auteur de votre nouveau manuel, auriez-vous quelques suggestions, remarques, ou critiques à lui formuler pour l'amélioration de son ouvrage?
Si oui, lesquelles?

11- Qu'est-ce que vous aimez particulièrement dans ce manuel?

12- Qu'est-ce que vous n'aimez pas?

13- Les élèves aiment-ils
a) ce manuel?
b) la leçon d'histoire du Canada?

14- Préféreriez-vous retourner à l'ancien manuel?

Votre nom

École

Adresse

N.B. Les signataires peuvent compter sur notre secret absolu quant à leur identité.

Découper et adresser ce coupon-réponse à:
"L'enseignement", 33 Brien, Laval-des-Rapides."

1956.01
xxx. "Résultats de notre enquête (1) RE: L'Arithmétique des Frères du Sacré-Coeur", L'enseignement, 8, 8(janv. 1956):3.

"1 - 90% des participants au sondage aiment la manière dont la matière est présentée;

2- 77% estiment les exercices de calcul assez variés;

3- 53% jugent les problèmes trop peu nombreux; 15% les souhaitent plus pratiques; 20% les voudraient plus variés; 16% ont relevé des contradictions entre les données de certains problèmes et la réalité de la vie courante: ces contradictions ont trait en majorité au salaire de la main-d'oeuvre, au prix des loyers et au coût de la vie. Quelques enquêtés ont fait remarquer, en des formules diverses, que "les prix et les salaires changent tellement que pas une arithmétique ne peut les suivre"...

4- 29% regrettent le manque d'exercices d'application ou de problèmes sur tel ou tel point du programme, notamment sur les fractions (5e année); sur les 4 opérations ("elles se succèdent de trop près"); sur la valeur des nombres, l'énumération (4e année); sur la racine carrée (7e année), etc.

5- Ce que les participants aiment surtout dans ce manuel (en résumé): "l'explication excellente"; les "démonstrations concrètes" les graphiques; "l'explication claire des fractions"; ("J'en apprends moi-même", note une participante); "la répartition faite avec sagesse" "l'adaptation des centres d'intérêt à l'âge des enfants"

6- Ce que les participants n'aiment pas (en résumé): avant tout, le manque de problèmes; page de revision mensuelle trop facile en 7e année: ("elle convient plutôt à des élèves de 5e année", opine une participante); "manque de suite dans la présentation de la matière" en 4e année: ("en décembre, la division commence pages 40-50, puis nous sautons page 142, resautons page 207, etc."); un autre lui reproche (6e année) de ne pas suivre la répartition mensuelle officielle, etc.

7- CONCLUSION: 91% des participants au sondage recommanderaient ce manuel".

1956.01
Poisson, Jacques. "La langue de nos manuels (1) Les arithmétiques des Frères du Sacré-Coeur", L'enseignement, 8, 8(janv. 1956):3.

"Aucun éducateur ne contestera que les livres scolaires doivent être rédigés en une langue correcte. Ce principe, énoncé en haut lieu récemment, aurait reçu l'assentiment général des autorités dont relèves l'élaboration des programmes et le choix des manuels. Il s'agit maintenant d'établir si on l'observe dans la pratique. Voilà la tâche que viennent d'entreprendre un groupe de traducteurs, dont l'auteur du présent article. Nos premières recherches ont porté sur les arithmétiques des quatre dernières classes du cours primaire élémentaire, éditées par les Frères du Sacré-Coeur en 1952 et subséquemment. Notre exposé devant être succinct, nous ne citerons que des extraits du volume de 4e année.

Quel instrument vous dit combien chaud ou froid est l'air du dehors ou d'un appartement? (p. 220). What instrument tells you how warm or cold the air is outside or in an apartment? Le maître qui aura enseigné "combien chaud" dans un cours d'arithmétique devra ensuite condamner cet anglicisme dans ses cours de français et expliquer que "combien" suivi d'un adjectif a une valeur exclamative: Combien savantes, ces homélies! (V. la grammaire Grevisse, p. 716). La même faute revient ailleurs dans le manuel d'arithmétique, notamment à la page 225. La deuxième route est combien de milles plus courte que la première?

Au cours d'une promenade en auto, la famille Dubé passe (3e personne du singulier) près d'un terrain de jeux (sic). A cet endroit, le cadran de leur (3e personne du pluriel) auto enregistre 9999 milles. (p. 7) Outre l'emploi impropre de cadran (compteur, odomètre), et l'anglicisme enregistre, nous relevons une faute d'accord: leur est à la 3e p. du pluriel alors que son antécédent est au singulier. Faudra-t-il se surprendre si les écoliers écrivent ensuite dans leurs rédactions: la famille Dubé font un voyage? Le traducteur-arithméticien aurait-il lu "their car" dans son modèle?

Test diagnostique. Cette locution, reprise au moins vingt fois dans le volume, est calquée sur l'affreux "diagnostic test" des livres scolaires américains. L'usage français réserve le mot test à la psychologie expérimentale et celui de diagnostique à la médecine. Associés, ces deux termes constituent à la fois un anglicisme, un barbarisme et un pléonasme. Vacances à un chalet (p. 4.) L'emploi fautif de l'article et de la préposition est caractéristique de la traduction littérale. Vacances à un chalet, congé à une maison d'été, se casser une de ses jambes, sont trois expressions de la même source, également révélatrices de la dégradation de notre syntaxe.

Roger et Lucien attendaient, pour se baigner, au moins deux heures après un repas ou une collation (p. 4.) Pourquoi pas: après le repas ou chaque repas? Parce qu'en anglais on dit: "after a meal". En français, devant des noms désignant quelque chose de bien connu ou l'objet d'un fait habituel, on emploie l'article défini. Ainsi, on met la table avant le repas, non pas une table avant un repas.

Un boucher achète d'un fermier 30 dindes qui pèsent ensemble (altogether) 420 livres. Quel est le poids moyen d'une dinde? (p. 74.) Pour concevoir le poids moyen d'une seule dinde, il faut avoir perdu l'habitude de penser en français. A noter aussi que l'adverbe ensemble tend à remplacer abusivement les locutions: en tout, au total.

En quinze jours passé au chalet ... (p. 4.) "During two weeks spent a the cottage", probablement. La richesse de nos tournures verbales ne nous dispense-t-elle pas de calquer gauchement les idiotismes de la langue anglaise?

Une dizaine vaut combien d'unités (p. 8.) 1 heure vaut combien de minutes? Un jour vaut combien d'heures? (p. 31.) Propositions assimilables aux "Tu pars quand?" des petits enfants, construites toutes trois avec le verbe valoir. Rappelons qu'en français le jour se divise en heures, que la dizaine se compose d'unités, et surtout que dans les phrases interrogatives la place du sujet n'est pas la même que dans les phrases affirmatives. En combien d'heures se divise le Jour? En combien d'heures le jour se divise-t-il? Voilà la syntaxe normale des propositions interrogatives. Cependant nous lisons dans le manuel une multitude de phrases du genre que voici:

Le mouton est quelle fraction de 3 moutons? (p. 86.) - La poule en couleur est quelle fraction de 6 poules? (p. 87.) - Le verre plein est quelle fraction de douze verres? (p. 103.)

A-t-on oublié qu'en français, la fraction signifie: nombre exprimant une ou plusieurs parties de l'unité divisée en parties égales? Nous ne saurions donc considérer un homme comme la moitié de deux hommes, ni un mouton comme la moitié de deux moutons. C'est là un truisme pour les gens qui ont conservé la façon de penser et de sentir propre aux peuples de langue française. D'autre part, certains manuels d'inspiration américaine et tous les écoliers à qui ils servent confondent la notion de rapport et celle de fraction. Une langue peut-elle durer longtemps en s'appuyant sur la tournure d'esprit d'un peuple de civilisation étrangère?

Près du chalet, s'allonge (extends) une plage de 18 verges de longueur. Quelle est, en pieds, la longueur de la plage? (p. 4.) Par quel phénomène une plage d'exactement 18 verges de longueur pourrait-elle s'allonger? Autre illogisme résultant probablement de l'assimilation imparfaite d'un texte étranger! Pourquoi l'auteur ne s'est-il pas servi du pronom pour se dispenser des répétitions suivantes tout à fait contraires à l'usage français: s'allonge, plage, longueur, longueur, plage? Que de longueurs!

C'est que certaines méthodes pédagogiques, conçues par des éducateurs étrangers à la civilisation gréco-latine et à nos traditions intellectuelles, tendent à réduire l'enseignement de la langue au minimum, de même qu'à délaisser certaines catégories grammaticales, le pronom entre autres, et à restreindre le vocabulaire aux besoins des petites transactions quotidiennes avec le laitier, le boulanger et l'épicier.

Les exemples ci-après sont typiques de la pauvreté de vocabulaire et du prosaïsme de certaines arithmétiques à demi traduites. Les lecteurs remarqueront sans doute la fréquence de certains verbes, dont avoir.

Paul a 67 portraits de joueurs (sic). Son ami Léo en a 18 de plus que lui. Combien Léo a-t-il de ces (these) portraits? Combien de portraits de joueurs ont-ils ensemble? (p. 18.) Victor a un oncle fermier (sic) qui a récolté 574 livres d'oignons (p. 30.) Vous avez un congé de classe (sic) de 6 heures. (p. 32.) René a un jeu de dames chinoises (Chinese checkers). Pauline a un jeu d'infirmière ... (p. 33.) Un avion à jets (jet aircraft) a fait ... (p. 51.) Combien y a-t-il-de pintes d'huile dans un gallon? (p. 173.) Un gallon ne vaut-il pas quatre pintes sans distinction du liquide à mesurer? Autre raisonnement tout à fait contraire à la logique française!

Et que penser des termes relatifs employés absolument? Un oncle a retiré 850 livres de miel de ses ruches (p. 54.) Est-ce en tant qu'oncle de personne en particulier qu'on peut ainsi exécuter des travaux d'apiculture? Pourquoi ne serait-ce pas M. Leblanc, un apiculteur ou encore l'oncle de Pierre? Indétermination!

Souhaitons à nos écoliers des arithmétiques bien françaises, à l'aide desquelles nos enfants pourront à la fois s'initier à la science des nombres, acquérir un vocabulaire riche et sûr et prendre l'habitude de penser en français! Ils seront alors moins démunis devant le péril de l'américanisation qui a succédé à celui de l'assimilation."

1956.02
xxx. "Enquête sur nos manuels scolaires (4) Votre grammaire française (quel qu'en soit l'auteur)", L'enseignement, 8, 9(fév. 1956):5.

"Notre enquête sur les manuels scolaires bat son plein; les réponses à nos questionnaires ont doublé au cours du dernier mois; cela témoigne de l'intérêt croissant que cette initiative suscite chez les professeurs de toute la province. Des écoles nous adressent les réponses de leur personnel enseignant au complet. Certains, pour ne pas avoir à déchirer la page-enquête de leur journal, recopient le questionnaire sur une feuille spéciale; d'autres se groupent par classes pour nous adresser un témoignage collectif. L'enquête crée du remous, s'étend à tous les coins de la province; bref, les professeurs prennent leur crayon et disent ce qu'ils pensent de leurs manuels. c'est-à-dire des outils qu'on leur met dans les mains. En page 3 de cette édition, vous trouverez les résultats de l'enquête relative à l'Arithmétique de Beaudry; le mois prochain, nous vous apporterons les résultats du sondage portant sur les nouveaux manuels d'Histoire du Canada (FIC et FEC). À noter que LES RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE SUR L'HISTOIRE DU CANADA SERONT REÇUES JUSQU'AU 29 FÉVRIER. Répondez tôt, c'est-à-dire, répondez TOUT DE SUITE. Merci: au mois prochain!

VOTRE GRAMMAIRE FRANÇAISE

(quel qu'en soit l'auteur)

1- Quels sont les auteurs de votre Grammaire française?

2- Quelle (s) année (s) enseignez-vous?

3- Aimez-vous la façon dont les règles de grammaire sont expliquées?

4- Aimez-vous la manière de présenter l'étude des verbes?

5- Votre Grammaire contient-elle assez d'exercices écrits?

6- Ces exercices couvrent-ils bien toute la matière au programme? Sinon expliquez.

7- Les centres d'intérêt tels que présentés sont-ils
a) pratiques?
b) utiles?
c) vivants?

8- Les règles de grammaire sont-elles exposées clairement?

9- Votre Grammaire aide-t-elle l'élève à enrichir son vocabulaire?

10- Votre grammaire facilite-t-elle la composition française dans votre classe?

11- Certains points du programme sont-ils traités trop hâtivement?
Si oui, expliquez.

12- Qu'est-ce que vous aimez surtout dans votre Grammaire?

13- Qu'est-ce que vous n'aimez pas?

14- Recommanderiez-vous cette Grammaire à un confrère qui vous demanderait conseil sur le choix d'un tel manuel?

Votre nom

Adresse

N.B. Les signataires peuvent compter sur notre secret absolu quant à leur identité. Découper et adresser ce coupon-réponse à:
"L'enseignement", 33 Brien, Laval-des-Rapides."

1956.02
xxx. "Résultats de notre enquête (2) RE: Les Arithmétiques de Gérard Beaudry", L'enseignement, 8, 9(fév. 1956):3.

"1- 89% des participants au sondage aiment la manière dont la matière est présentée;

2- 82% estiment les exercices de calcul assez variés;

3- 64% jugent les problèmes trop peu nombreux; 14% les souhaitent plus pratiques; 26% les voudraient plus variés; 11% ont relevé des contradictions entre les données de certains problèmes et la réalité de la vie courante mais on a, en général, relevé peu d'exemples concrets de telles contradictoires.

4- 44% regrettent le manque d'exercices d'application ou de problèmes sur tel ou tel point du programme; par exemple, sur la racine carrée (7e année); sur les problèmes nécessitant plusieurs opérations (6e année): "Il arrive qu'aux examens, s'il y a des problèmes à plusieurs opérations , les élèves sont désarmés", note une participante; sur les 4 opérations, sur les fractions en 4e année et 5e année, où un participant souhaite, entre autres, qu'on insère ici et là quelques solutions-type de problèmes; en 3e année, une participante fait remarquer qu'il devrait y avoir plus d'exercices sur certains points plus importants du programme: "dès que l'enfant, par exemple, sait 6 x 8, 5 x 9, etc. pourquoi pas le forcer à appliquer ses tables tout de suite par un travail plus difficile?"... D'autres souhaitent plus de problèmes raisonnés et plus d'exercices sur la soustraction et ses "à-cotés". Des professeurs de 1ère année sont d'avis qu'il faudrait plus d'exercices sur l'application des expressions "le plus", "le moins"; sur les "combinaisons"; sur la "reconnaissance" des nombres; sur tous les points en général, opine une autre participante: "après une leçon nouvelle, le nombre de problèmes permettant de la maîtriser est tellement limité que les élèves ne peuvent se familiariser avec chacune des notions apprises".

5- Ce que les participants aiment surtout dans ce manuel (en résumé): manuel "vivant, clair, bien illustré et bien gradué"; les illustrations du toisé; la variation et le concret des procédés, leur motivations; "sa présentation attrayante et ses illustrations nombreuses qui aident l'enfant à passer de la règle à l'application"; les directives au maître, la répartition précise, "l'adaptation au stade de la connaissance de l'enfant"; "l'explication claire des fractions", les revues, etc.

6- Ce que les participants n'aiment pas (en résumé): surtout: problèmes trop nombreux et par trop faciles, "ridiculement faciles" écrit l'un d'eux; l'absence de solutions; "les problèmes consécutifs (sans la réponse précédente): pas moyen de résoudre le suivant" (7e année); "matière éparpillée et exercices trop mélangés"; "problèmes dont les données se trouvent dans les précédents" (4e année); la disposition de certains exercices (2e année); "certains dessins à compléter trop difficiles pour les enfants"; (2e année); "la 1ère partie peu pratique pour les classes nombreuses; elle exige incessamment l'intervention du professeur (2e année) et ce dernier n'ayant pas le don d'être partout à la fois a les nerfs "en boule" ... fulmine une institutrice de 1ère année.

7- CONCLUSION: 80% des participants au sondage recommanderaient ce manuel."

1956.02
Poisson, Jacques. "La langue des manuels (2) Les arithmétiques de Beaudry", L'enseignement, 8, 9(fév. 1956):3.

"Le volume de 7e année, le seul que nous ayons examiné, ne renferme aucune incorrection patente du genre: Quel instrument vous dit combien chaud ou froid est l'air de du dehors ou d'un appartement?(1) Il est cependant conçu, lui aussi, en une langue fort éloignée du français authentique. L'esprit, la syntaxe et le choix des termes y trahissent, dans toutes les tranches (sic) du volume, selon l'expression de l'auteur, une inspiration étrangère. Les défauts le plus souvent reprochés au style de traduction des Canadiens sont les suivants: anglicismes syntaxiques et lexicologiques, incorrections grammaticales, pauvreté du vocabulaire et de style, provincialismes, barbarismes, mauvais enchaînements des phrases, impropriétés de termes. L'arithmétique de Gérard Beaudry est-elle à l'abri de tous ces griefs? Voici quelques-unes des fautes que nous y avons relevées:

ANGLICISMES DE SYNTAXE

Les auteurs ont charpenté leur volume pour permettre d'atteindre plus facilement cette double fin (p. 2). La septième année est très importante pour vous. Pour réussir en arithmétique, il faut aimer la matière. Connaissez-vous quelqu'un qui a de la difficulté avec le calcul? Cela lui cause-t-il des ennuis? (p. 3). Les employés qui travaillent sur les machines à calculer doivent bien comprendre leur numération (p. 16). Pour travailler sur les %, il faut être habile à les transformer en fractions décimales ou en fractions ordinaires (p. 24). En 1954, il y a eu 685,000 élèves catholiques inscrits dans la province de Québec (p. 4).

ANGLICISMES LEXICOLOGIQUES

Techniques pour procédés, de calcul (p. 2). Test diagnostique. Matériel, pour étoffe, tissu (p. 62). Contracteur, pour entrepreneur. (p. 120). Billet promissoire, pour billet à ordre ou promesse. (p. 177). Cottage, pour maison, villa ou pavillon. (p. 120).

Il convient de reconnaître que les anglicismes lexicologiques sont relativement peu nombreux.

INCORRECTIONS GRAMMATICALES

Le 7 des unités vaut combien de fois le 7 des dixièmes? (p. 9). Pour respecter la syntaxe de la proposition, l'auteur aurait pu écrire: Combien de fois le 7 des unités vaut-il celui des dixièmes?

Vous avez peut-être eu beaucoup de difficultés avec les divisions où il y a des décimales. (p. 56). Écrivez dix "a" dont les 3/5 seront des majuscules. (p. 18). Mauvaise construction et concordance des temps défectueuse.

On sait que 3 fois 2 pommes donne (sic) 6 pommes. (p. 58). Nos écoliers de 13 et 14 ans en sont-ils là? Leur faut-il pour comble, désapprendre les règles de l'accord en repassant les multiplications les plus élémentaires. Si 3 fois 2 font 6, 3 fois 2 pommes font (au pluriel) 6 pommes.

Faire une (sic) synthèse de tout ce qui a été étudié depuis la première année. (p. 2). Pourquoi pas la synthèse? Ne fait-on pas l'analyse d'un livre? Faire une analyse d'un livre, ne se conçoit pas ailleurs que dans une mauvaise traduction. Qu'on nous permette, en passant, d'exhorter à la simplicité nos auteurs classiques. Le terme synthèse est recherché, inexact, et surtout déplacé dans un livre où l'on juge bon de rappeler aux enfants que 3 fois 2 pommes donne (sic) 6 pommes.

PAUVRETÉ DE STYLE ET DE VOCABULAIRE

Dans quel siècle s'est tenu le grand congrès marial national tenu au Cap-de-la-Madeleine en 1954? (p. 124). Que de gaucherie, de manque d'à-propos et de mots superflus, dont tenu deux fois, pour enseigner tout simplement que nous sommes au XXe siècle!

Dessinez 8 silhouettes, 1/3 étant (sic) des garçons et les 2/3 des filles (p. 18). Les auteurs, amis de la synthèse, seraient en peine d'analyser pareille phrase.

Grand'mère travaille 8 heures pour tricoter les 40% d'une paire de bas. Combien lui faut-il d'heures pour tricoter une paire? (p. 124). Se rend-on compte de la futilité de problèmes aussi forcés que celui-ci? Nos grand'mères avaient trop de bon sens pour donner dans la manie du pourcentage jusqu'à en mettre dans leurs tricots. Les auteurs canadiens français, lorsqu'ils écrivent de leur propre crû, ne s'abandonnent, pas eux non plus, à une fantaisie aussi désordonnée.

L'abus de quelques verbes et de quelques locutions verbales, notamment de valoir, de dire (repris 5 fois à la page 27), d'il y a (relevé 11 fois à la page 8), et de donner n'est pas de nature à enrichir le vocabulaire des écoliers.

STYLE DE TRADUCTION

La langue française a été polie par plusieurs générations d'écrivains et de grammairiens soucieux de la précision, de la logique, de la mesure et de l'ordre. Il est facile de constater le résultat de ce travail de plusieurs siècles lorsqu'on compare, par exemple, les publications de l'O.N.U. dont la langue originale est le français et celles qui ont été rédigées en anglais. L'écart immense que l'on perçoit facilement entre les deux catégories de textes, du point de vue de la rigueur de l'expression et de la pensée, n'est pas le fruit du hasard. Il n'est pas propre, non plus, au seul domaine de la politique internationale. Nous pouvons le constater presque partout, dans les livres scolaires notamment, si nous n'avons pas l'inconscience de renoncer à l'héritage intellectuel incomparable que nous ont légué plusieurs siècles de civilisation française. Nous n'avons pas le droit d'en priver nos enfants, d'enseigner à ceux-ci une langue de traduction, une langue anémique dont voici quelques autres exemples:

La cinquième tranche du volume est destinée uniquement aux élèves supérieurs. On y trouve des problèmes plus complexes sur le rendement des propriétés et sur la recherche d'un tout ayant subi deux transformations exprimées en pour-cent (p. 2).

Les pommes contiennent 82% de leur poids d'eau (p. 102).

Pierrette dit qu'elle dépose chaque semaine 27/100 de son argent à la Caisse scolaire. (p. 94).

Les fractions sont très utiles dans la vie. (p. 17).

Maman veut avoir 108 pouces de ruban à $0.45 la verge (p. 28).

L'addition est une opération par laquelle on trouve un nombre quand on connaît les parties de ce nombre. (p. 34).

Qu'on nous permette maintenant de soumettre la définition ci-dessus à l'épreuve de la comparaison. Voici deux définitions de l'addition, empruntées la première à une arithmétique française s'adressant à des écoliers de 7 ans en moyenne, et la seconde à un manuel français s'adressant à des écoliers d'une dizaine d'années. "L'addition est une opération qui consiste à réunir plusieurs nombres en un seul". "L'addition est une opération qui permet de réunir plusieurs nombres de la même espèce en un seul qu'on appelle somme ou total".

Croit-on vraiment que la langue française durera longtemps au Canada en s'appuyant sur des modes de pensée et des façons de sentir propres aux Anglo-Américains?"

----- (1) Voir L'enseignement, janvier 1956.

1956.03
xxx. "Résultats de notre enquête (3) RE: L'Histoire du Canada de Guy Laviolette", L'enseignement, 8, 10(mars 1956):3.

"1- 82% des participants au sondage aiment la façon dont la matière historique est répartie; 75% apprécient la manière dont elle est présentée.

2- 68% apprécient les questionnaires du manuel mais 78% les souhaitent plus nombreux; 23% ne prisent pas les résumés de leçons; 70% se disent satisfaits des divers exercices de récapitulation; 28% voudraient plus d'exercices semblables à ceux du manuel; 69% apprécieraient d'autres genres d'exercices pratiques.

3- 68% estiment que le manuel aide l'élève à mémoriser des événements historiques dans leur ordre chronologique; un participant sur deux juge que le manuel ne favorise pas le travail personnel de l'élève.

4- 56% trouvent la phraséologie du manuel hors de portée des élèves.

5- 18% croient que certains personnages ou épisodes historiques semblent avoir été oubliés ou négligés: par exemple, le rôle de Bigot (7e année); la vie canadienne de 1931 à nos jours (7e année); l'épisode de Phipps et de son envoyé auprès de Frontenac (5e année); l'histoire de Madeleine de Verchères (5e année); "manque de détails sur les fondateurs les plus importants" (4e année); la fondation des Trois-Rivières (5e année).

6- 30% son d'avis que certains chapitres ou leçons, à cause de leur imprécision ou de leur trop bref exposé, sont difficiles à enseigner, partant à assimiler, à retenir: Ex: les compagnies (6e année); "manque d'enchaînement de la page 68 à la page 98" (6e année); la guerre 1939-45 (7e année); l'histoire de Jean Nicolet (2e année); chapitres la colonisation et sur la vie canadienne (5e année).

7- 78% affirment que leurs élèves aiment ce manuel ("pas les parents", note un participant avec humour); seulement 5% confessent que leurs élèves n'aiment pas la leçon d'histoire du Canada.

8- 27% préféreraient retourner à l'ancien manuel.

9- Voici un résumé des suggestions de nos participants à l'auteur: Surtout, des chapitres moins longs, plus de questionnaires couvrant tout [sic] la matière, une phrase plus à la portée des élèves; insérer moins de détails superflus pour insister davantage sur l'essentiel; plus d'illustrations historiques; dresser un sommaire avant chaque récit et un résumé après la leçon; "si je rencontrais l'auteur, je le féliciterais", écrit une participante en réponse à la question relative aux suggestions; "je suggère un lexique des mots techniques à la fin du volume"; "plus de devoirs de révision" (4e année); "mieux délimiter ce que l'élève doit retenir et s'en tenir aux lignes essentielles du programme" (2e année); "écrire des phrases courtes" (2e année); "plus de couleurs, de "ton" dans les illustrations du livre de 1ère année"; insister davantage sur certaines dates importantes; "souligner les idées principales par des tableaux ou synoptiques hors-texte".

10- Ce qui précède en dit déjà beaucoup sur ce que les titulaires n'aiment pas dans ce manuel; voici d'autres détails: "manque d'adaptation au calibre des élèves"; "manuels invitants mais pas très pratiques"; "manque de cartes historiques"; "longueur démesurée des récits"; "impossible de voir toute cette matière avec le peu de temps qui nous est alloué"; "les synthèses que le professeur doit rédiger et qui exigent beaucoup de temps"; "c'est plutôt un beau livre de lecture qu'un manuel"; "trop de détails sur des personnages de second plan"; "pas adapté aux classes à divisions multiples".

11- Ce que les participants au sondage aiment dans ce manuel (résumé): "magnifique présentation"; "récits vivants"; "on sent que l'auteur veut faire aimer l'histoire de notre pays; il y met tout son coeur"; c'est là une impression presque unanime chez nos correspondants. "Illustrations captivantes"; les "retenons"; les divisions en sous-titres; "donne une très belle synthèse des programmes des années précédentes"; "je peux m'en servir comme leçons de lecture, d'orthographe, de rédaction"; "j'aime beaucoup les leçons sous forme de contes" (1ère année)."

1956.03
Poisson, Jacques. "La langue de nos manuels (3) Histoires du Canada - F.E.C. et Guy Laviolette", L'enseignement, 8, 10(mars 1956):3.

"Nous avons examiné deux livres d'histoire du Canada en usage dans les classes de septième. L'un est dû à Guy Laviolette et l'autre aux Frères des Écoles chrétiennes.

Les deux ouvrages sont rédigés en un français correct et agréable, ce qui les distingue de la plupart de nos livres d'enseignement primaire. Il serait donc malséant de les étudier au microscope quand nous ne relevons dans le cadre de la présente enquête que les fautes les plus élémentaires.

Comment expliquer la qualité exceptionnelle de nos manuels d'histoire? Nous n'en savons rien. Qu'on nous permette cependant une hypothèse: pour raconter l'histoire de notre pays, il fallait savoir écrire, et puiser à des sources canadiennes et françaises pour la plupart.

Dans le cas des autres disciplines scolaires, plusieurs de nos auteurs sont tributaires des Américains et des Anglo-Canadiens; le plan, le style et l'esprit de leurs ouvrages en sont quelquefois si profondément influencés, qu'à l'exception des passages "laurentiens", leur contenu tout entier pourrait se traduire en anglais sans aucun effort, presque littéralement.

Les auteurs de nos histoires du Canada méritent nos plus sincères félicitations.

Il est malheureux toutefois que l'abréviation incorrecte: Qué. dépare la couverture de "MON PAYS", de Guy Laviolette. La procure des Frères de l'Instruction chrétienne fera sans doute la correction qui s'impose à l'occasion de la première réédition."

1956.03
Une institutrice de l'Ile d'Orléans. "Nouveaux manuels et classes à divisions multiples", L'enseignement, 8, 10(mars 1956):3, 11.

"Je profite de l'occasion pour exprimer mon opinion, espérant que par votre intermédiaire, elle atteindra la "Source ce nos maux".

Comme titulaire d'une classe à divisions multiples, je ne possède suffisamment aucun des manuels pour pouvoir en critiquer les imperfections de détails... La ligne d'ensemble seule retient mon attention.

Je préfère les nouveaux manuels aux anciens parce que le texte des récits est plus à la portée des élèves, quoique pas toujours assez, et les questions sur le texte obligent l'élève à un travail personnel qui est une source d'enrichissement. De plus, les élèves aiment leur manuel qui est moins aride que l'ancien.

Voici des inconvénients: lorsque après avoir cherché leurs réponses en équipes, les élèves n'arrivent pas à trouver la réponse à certaines questions un peu difficiles, la plupart du temps les choses doivent en rester là. Il est bon qu'il y ait des questions plus difficiles pour exercer l'intelligence des élèves les mieux doués; mais les élèves moyens se butent à des obstacles et trouvent souvent de mauvaises réponses. Or, nous n'avons pas de livre du maître pour rectifier les réponses. J'imagine que vous me direz: le maître doit posséder son manuel. La belle affaire quand nous avons quatre manuels volumineux et que changeant de classe, nous sommes exposés à trouver des manuels d'un autre auteur et à devoir nous remettre à l'étude! L'histoire n'est tout de même pas la seule matière qui sollicite notre travail et nos recherches et nul n'a le droit d'exiger de nous un travail surhumain. Si on juge que le titulaire d'une seule classe doit posséder son manuel et qu'il vaut mieux qu'il n'ait pas de livre du maître, on devrait au moins avoir un peu de compassion pour le titulaire d'une classe à divisions multiples. Ce n'est que petit à petit qu'il peut posséder plus ou moins les manuels et encore à condition de ne pas changer d'auteur. En attendant, il y a des choses qui restent en souffrance... Il serait, ce me semble OPPORTUN, qu'un des auteurs des manuels d'histoire rédige des manuels adaptés aux classes à division multiples, avec les réponses aux questions pour le maître.

De plus, imagine-t-on qu'on peut trouver le temps de remplacer la lecture du manuel par les élèves, par des récits oraux dans les classes avancées? Nos élèves habitués très tôt à une lecture intelligente comprennent les écrits à leur portée. Et pendant qu'ils font la lecture de leur manuel, ils déploient un effort qui, avec d'autres semblables, contribuent à faire des travailleurs.

Les explications que nous pouvons donner se bornent forcément à mettre de la suite dans les idées par le commentaire des résumés et à dégager les buts éducatifs. Et encore, on est parfois obligé à une grande brièveté de commentaires dans certains cours, attendu que le manuel séparé pour chaque division multiplie notre travail et nous complique la tâche singulièrement! Admettons que l'on tolère le manuel séparé pour les classes de 4e et 5e années vu que le programme est très différent et qu'il y a aussi une grande différence dans la capacité mentale des élèves. Cette différence de capacité mentale étant sensiblement atténuée dans les classes de 6e et de 7e années, où de plus, le programme est ressemblant, il me semble que c'est [3] seulement avec beaucoup de mauvaise volonté qu'on a réussi à imposer aux écoles rurales un manuel séparé pour les classes de 6e et de 7e. C'est, sans peut-être avoir voulu la mort de l'école rurale, la conduire cependant à l'agonie.

Comptant sur votre puissance d'intercession, j'attire donc votre attention sur le malheureux sort de l'école rurale aux prises avec les nouveaux manuels qui appesantissent son joug. Et au nom de mes consoeurs institutrices rurales, comme en mon propre nom, permettez et pardonnez que je crie: "Donnez-nous donc des manuels combinés!" Le catéchisme et le livre de français nous facilitent la tâche. Les auteurs se sont penchés sur l'école rurale! Voilà un beau geste humanitaire qui devrait être plus imité... Tout particulièrement des auteurs des arithmétiques! Ces manuels pourraient être si facilement combinés. Tout bien fait qu'ils sont, malgré leurs mignons défauts, que je n'ai pas à critiquer ici, ils nous compliquent la tâche énormément." (p. 11).

1956.04
xxx. "Résultats de notre enquête (4) RE: Grammaire française, par les Frères du Sacré-Coeur", L'enseignement, 8, 11(av. 1956):3.

"1- 84% des participants au sondage aiment la façon dont les règles de grammaire sont expliquées; 75% apprécient favorablement la manière dont l'étude des verbes est présentée.

2- 80% estiment que la grammaire contient assez d'exercices écrits et 88% trouvent que ces exercices couvrent toute la matière au programme.

3- Quant aux centres d'intérêt, 91% les jugent pratiques; 96% les croient utiles et 91% vivants. 80% concèdent que les règles de grammaire sont exposées clairement; 92% jugent que la grammaire aide l'élève à enrichir son vocabulaire; le pourcentage des "oui" tombe à 76% quand il s'agit de répondre à la question: "Votre grammaire facilite-t-elle la composition française dans votre classe?"

4- 25% sont d'avis que certains points du programme sont traités trop hâtivement; ex.: "les verbes irréguliers"; "la voix interrogative", "verbes en dre" (7e année); "difficultés orthographiques de TOUT", "les participes" (6e année); "le mode subjonctif, les verbes" (6e année); "tout l'item phraséologie et rédaction" (5e année); "les participes passés sans auxiliaire" (5e année).

5- Ce que les participants aiment surtout dans cette grammaire: "nombreux exercices pour chaque règle" (10e année); "j'aime surtout les exercices de la fin du volume" (8e année); "les centres d'intérêt clairs, vivants, bien présentés" (7e année); "les textes expliqués"; les "revues"; "on peut facilement occuper deux divisions à la fois"; "répartition facile du travail pour la semaine"; "les généralisations au début de chaque leçon" (toutes opinions de titulaires de 7e année); "la grammaire théorique et pratique" (6e année); "la couleur, la présentation, la disposition, les exercices de vocabulaire" (6e année); "définitions claires" (4e année).

6- Ce que les participants n'aiment pas: "caractères trop petits, trop condensés, manque d'aération" (10e année); "tours de phrase nébuleux" (8e année); "j'aimerais que les verbes fussent mieux groupés"; "on ne revient pas assez sur les règles importantes" (6e et 7e année); "manque d'exercices sur les verbes du 3e groupe sur lesquels il n'y a pas de règles spéciales" (7e année); "la présentation des verbes" (7e année); "les phrases d'analyse et les dictées proposées à la fin des centres d'intérêt ne comprennent pas assez de difficultés comparativement à celles qui sont rencontrées aux examens de fin d'année" (7e année); "je préférerais certains exercices sur le modèle de ceux d'Alain de Bray: beaucoup de raisonnements et peu d'écriture" (5e année); (plusieurs participants ont, incidemment, fait de flatteuses allusions aux Cahiers d'Alain de Bray); "les questionnaires au bas des lectures sont souvent trop vagues" (5e année); "le style devrait être idéal à souhait; l'élève à qui l'on demande de s'exercer à la composition par des phrases simples devraient [sic] y trouver modèle" (5e année); "manque d'exercices de phraséologie" (4e année).

7- 87% des participants à l'enquête recommanderaient cette grammaire à qui leur demanderait conseil dans le choix d'un tel manuel."

1956.04
Poisson, Jacques. "La langue de nos manuels (4) La Grammaire des Frères du Sacré-Coeur", L'enseignement, 8, 11(av. 1956):3.

"Un parallèle entre Mon livre de français de quatrième année et la Grammaire par l'image, de G. Gabet, s'adressant en France à la classe correspondante, permettra au lecteur de juger ce que valent les manuels de grammaire le plus répandus dans les écoles primaires de la province.

Les deux ouvrages sont conçus selon la méthode des centres d'intérêt. Ceux-ci consistent, dans la Grammaire par l'image, en extraits de grands auteurs: Genevoix, les Goncourt, Coppée, France, Lichtenberger, de Pesquidoux, Renard, Jammes, Daudet, Duhamel, Bazin et Theuriet entre autres. Quant à Mon livre de français, il renferme vingt-quatre centres d'intérêt, dont vingt-deux anonymes, manifestement canadiens et improvisés. Les deux textes signés sont de Lulu et de Gérin-Lajoie; le premier est passable, mais le second, lourd à l'extrême de tournures passives. C'est dire que sur vingt-quatre centres d'intérêt, vingt-trois sont inacceptables, écrits en mauvais français...

Chez Gabet, les exercices se composent de citations littéraires accompagnées du nom de l'auteur. Dans Mon livre de français, ils consistent en phrases improvisées et peu françaises, où foisonnent les incorrections de langue et de pensée, les anglicismes de syntaxe et de mot.

Le style des règles et des définitions est fort différent d'un auteur à l'autre. D'après Gabet, le sujet désigne l'être ou la chose qui fait l'action ou qui se trouve dans l'état exprimé par le verbe. Pour les Frères du Sacré-Coeur, Un mot qui dit qui fait l'action exprimée par le verbe est le sujet du verbe. (p. 44). Un mot qui dit qui fait ... trahit les sources d'inspiration des auteurs, n'est-ce pas? Dans la Grammaire par l'image, on apprend que: l'imparfait sert le plus souvent à exprimer une action qui avait lieu en même temps qu'une autre également passée. Mon livre de français enseigne que: l'imparfait indique qu'une action n'était pas finie quand une autre commença. (p. 11).

Aux préceptes grammaticaux, aux exercices et aux citations de grands écrivains, Gabet ajoute sous la rubrique: de la grammaire à la rédaction, vingt et une leçons élémentaires de style. Nos grammairiens ne respectent, dans, Mon livre de français, aucune des règles de style auxquelles la Grammaire par l'image initie en France des écoliers de neuf et dix ans.

La langue de la Grammaire par l'image est simple et correcte. Mon livre de français s'encombre, à l'américaine, d'expressions recherchées, douteuses et parfois dépourvues de sens: phraséologie (phrasing? phraseology?), exercices objectifs facultatifs, grammaire théorique, grammaire pratique, réalisations, etc...

Gabet place en tête de chaque leçon une image de nature à faciliter la compréhension des règles. Chez les Frères du Sacré-Coeur, les illustrations n'ont aucune fonction précise; elles sont même capables de fausser le goût.

Suivent quelques fautes caractéristiques de Mon livre de français, citées à titre d'exemples et relevées, sauf indication contraire, dans le volume de quatrième année.

ANGLICISMES DE SYNTAXE

L'élève appliqué écrit toujours un devoir propre. (p. 8). Voilà qui témoigne jusqu'à quel point est américanisée la syntaxe même de notre grammaire québecoise! En français, les devoirs se font proprement plutôt que de s'écrire propres. Le plus grave encore, c'est d'utiliser l'article selon le génie de la langue anglaise. Si certains instituteurs, anglicisés par les livres scolaires de notre province, n'étaient pas aptes à constater en quoi, dans un devoir propre, l'article un n'est pas français, nous leur proposerions de consulter le dictionnaire Harrap anglais-français à l'article indéfini a, an, ainsi que les chapitres que Veslot a consacrés, dans les Traquenards de la version anglaise, à la traduction de l'article anglais. La grammaire Grevisse renferme également d'intéressantes pages sur cette question. Voici maintenant deux versions, un peu plus françaises, de l'exemple ci-dessus: Les devoirs de l'élève appliqué sont toujours propres, ou mieux, l'élève appliqué fait ses devoirs avec propreté.

Rédiger une composition écrite (p. 9). Se livrer aux divertissements préférés (p. 10). Écrire aux temps demandés (p. 20). Ajouter les noms requis (required) par le sens (p. 13). Avoir une réprimande (p. 11). Avoir (to have) de belles vacances (p. 12). Leurs oisillons s'en nourrissent pour vivre et grossir (to live and grow). Regardez ces (abus de l'adjectif démonstratif) charmantes hirondelles (p. 24). Ils rangent avec soin leurs livres et autres effets classiques (p. 6). Des menuisiers viendront et élèveront (will come and ...) la charpente (p. 33). Un prêtre ami chantera ce (?) service funèbre (p. 70). Il y a trois modes principaux (p. 77). En français, notre subjonctif jouant un rôle important, nous écririons: les quatre principaux modes sont ... Prendre un soin plus grand (greater care) de ses livres usagés (used)... (p. 9).

ANGLICISMES DE MOT

Travail scolaire (p. 9). Avoir sa promotion à la fin de la quatrième année (p. 10). Frères plus jeunes (p. 10). Cahier de découpures (p. 13). Frigidaire (p. 10). L'arbre développe [sic] ses feuilles. (p. 28). Forme, pour coffrage (p. 33). Site, pour emplacement (p. 37). Permis de construction, pour permis de construire (p. 40). Horloge grand-père (Ve, p. 27). Cabinet à mercerie, table de chesterfield (Ve, p. 25). Alternative, pour cas, parti (Ve, p. 37).

MAUVAIS STYLE DE TRADUCTION

Trouvez oralement les noms ... Raisonnez oralement ... Le nom est propre quand il ne convient qu'à une seule personne ... (p. 17). Ecrivez (quoi?) Et soulignez les noms ... Ecrivez et indiquez entre parenthèses le nom (?) des verbes (p. 27). Quel est le verbe employé à l'imparfait de l'indicatif? (p. 63). Le verbe dit l'état ou l'action faite (p. 44).

La pie est toujours un oiseau bavard et voleur (p. 29). Ne tuons jamais les oiseaux, car ils sont des êtres charmants (p. 30). Ces hommes devraient être des hommes fors et des ouvriers aux m muscles solides (p. 36). Les mots poli, nouveau sont des mots qui ajoutent ...(p. 8). L'hirondelle est un oiseau léger et gracieux (p. 26). Il est dangereux que les écoliers s'imaginent, après avoir lu et copié pendant quatre ans des tournures du genre de celles qui précèdent, qu'il soit nécessaire en français de toujours accoler un substantif à l'attribut. Au lieu de: ma grammaire est intéressante, l'enfant écrira: ma grammaire est une grammaire intéressante.

Ces gentils oiseaux ont des petits et (and) ils doivent les nourrir. Les oiseaux sont nos amis et (and) ils nous rendent de grands services (p. 24).

PAUVRETE DE VOCABULAIRE

Les mots ferme, fermier et fermière reviennent peut-être mille fois dans les quatre volumes du cours. Pomme, pommier, oiseau, sont aussi d'un emploi excessif. Le vocabulaire est étriqué dans tous les domaines. Les aînés deviennent des grands frères, les cadets, des frères plus jeunes. Les oiseaux sont nerveux (p. 28). Les chiens sont ennuyants (p. 19). Le bon écolier imite le castor et l'abeille, salue le prêtre et le vieillard. L'écolier apprend que le journal de son père sera peut-être fait avec ce (?) tronc d'épinette (p. 51); que tout mouvement s'exprime par le verbe monter: On monte aux champs (pp. 75, 77, 78, 80, 81 et 96). Les nuages montent à l'horizon (p. 79).

Il nous est impossible, faute d'espace, de citer des exemples des solécismes, des barbarismes et des non-sens que nous avons relevés en grand nombre dans Mon livre de français.

Il est juste toutefois de rappeler, en terminant, à la décharge des auteurs que nul n'est tenu à l'impossible et qu'en leur demandant une grammaire française qui se dissociât complètement des sources vives de la langue, on les a engagés dans une impasse. D'ailleurs, pourquoi enseigner à nos enfants une langue qui les isole à la fois de la culture française et de la culture anglaise? Qui les réduise à la situation des peuples sans littérature?"

1956.05
xxx. "Notre enquête sur les manuels scolaires (5) La Géographie des Frères Maristes", L'enseignement, 8, 12(mai 1956):3.

"Nous vous soumettons notre dernier questionnaire-enquête pour cette année scolaire: il à trait à la Géographie des Frères Maristes. Nous en publierons les résultats dès notre numéro de juin. C'est dire qu'il nous faudra recevoir vos réponses avant le 5 juin; pouvons-nous compter sur votre collaboration à cet effet? Nous savons que mille et une choses sollicitent votre attention d'ici la fin de l'année scolaire; l'empressement que vous avez démontré à répondre à nos précédents questionnaires nous autorise à croire que le nombre de participants à ce dernier sondage de l'année, loin de diminuer, augmentera encore d'ici trois semaines, et ce malgré la fièvre et le brouhaha des dernières semaines d'enseignement. Donc, c'est entendu: vous prenez connaissance du questionnaire qui suit et vous y répondez TOUT DE SUITE. Merci à l'avance de votre confraternelle coopération et félicitations pour votre esprit professionnel pratique. Vous nous aidez à vous aider: c'est ça de l'entraide et c'est ça de la solidarité ... A la prochaine ... et une dernière fois: l'enquête c'est pour VOUS. Répondez avant le 5 juin.

LA GÉOGRAPHIE DES FRÈRES MARISTES

1- Quelle (s) année (s) enseignez-vous

2- Aimez-vous la façon dont la matière est
a) présentée
b) répartie
c) expliquée

3- Cette géographie couvre-t-elle toute la matière au programme?
Sinon, expliquez

4- Ce nouveau manuel vous facilite-t-il mieux la tâche d'enseigner que l'ancien manuel?

5- Ce manuel aide-t-il à acquérir
a) une notion claire des cinq grandes parties du monde?
b) une connaissance pratique de leur pays?
c) une connaissance pratique de leur province?
d) une idée précise des principaux accidents géographiques?

6- Ce manuel incite-t-il l'élève à la recherche personnelle?

7- Contient-il des définitions ou des jugements qui vous semblent injustes, imprécis ou démodés?
Si oui, expliquez

8- La présentation générale du volume vous plaît-elle?

9- Ce manuel contribue-t-il à faire aimer la géographie?

10- Qu'est-ce que vous aimez dans ce manuel?

11- Que suggéreriez-vous à l'auteur pour améliorer son manuel?

12- Préférez-vous l'ancien manuel?

NOM

ECOLE

ADRESSE

N.B. Les participants peuvent compter sur notre secret absolu quant à leur identité.

Découper et adresser ce coupon-réponse à:
"L'enseignement", 33 Brien, Laval-des-Rapides."

1956.06
xxx. "Résultat de notre enquête (5) Re: Géographie des Frères Maristes", L'enseignement, 9, 1(juin 1956):3.

"1- 95% des participants au sondage aiment la façon dont la matière est présentée et expliquée; 16% ne prisent guère la façon dont la matière est répartie.

2- 5% opinent que le manuel ne couvre pas toute la matière au programme.

3- 80% sont d'avis que ce manuel leur facilite mieux [?] la tâche d'enseigner que l'ancien manuel; 5% seulement préfèrent [?] l'ancien manuel.

4- 33% estiment que le manuel n'inculque pas aux élèves une notion claire des cinq parties du monde et parmi ces 33%, la majorité sont titulaires de classes à divisions multiples; 16% prétendent que le manuel n'aide pas l'élève à acquérir une notion claire de leur pays ni même une connaissance pratique de leur province; 22% affirment que le manuel ne donne pas aux élèves une idée précise des principaux accidents géographiques.

5- 83% sont d'avis que le manuel incite à la recherche personnelle et tous s'accordent à dire que les définitions ou jugements sont justes, précis, actuels.

6- 6% seulement n'aiment pas la présentation générale du volume et 6% également ne croient pas que le manuel contribue à faire aimer la géographie.

7- Ce que les participants aiment surtout dans ce manuel: les illustrations; la clarté et la précision des données; les "retenons"; le côté pratique du manuel; "le résumé à la fin des chapitres, les explications à la portée des jeunes"; "les questionnaires de revision [sic]" (4e année): "les moyens faciles de récapitulation" (5e-6e années); la cartographie bien détaillée; "le coloris des pages, la profusion des images, les photos à date" (5e année); les "points saillants" sont bien soulignés (7e année); "il est à date" (7e année); "les questions sur le texte qui piquent l'esprit d'observation», (7e année); "les relevés géographiques sont clairs et à point" (7e année).

8- Ce que les participants suggèrent à l'auteur du manuel: (en résumé) - "que certaines gravures soient mieux expliquées, exemple: les 12 signes du zodiaque, la rose des vents, etc." (8e année); "à la fin des chapitres, des tests récapitulatifs au lieu de questionnaires purs et simples" (8e année); un titulaire de 8e, 9e, 10e et 11e souhaite que le manuel soit mieux adapté aux classes à divisions multiples; un autre titulaire de divisions multiples (1ère à 7e année) suggère des "questions plus simples"; notons incidemment que ce sont les titulaires de classes à divsions multiples qui se montrent les moins enthousiastes à l'endroit du manuel. "On ne fait pas assez connaître notre Québec, nos villes, le rang du Canada dans le monde" (4e année); "simplifier les exposés: c'est un style de guide touristique pour adultes" (5e année); "écrire "Apalaches" avec un seul P", note un titulaire de 6e année; "des synthèses plus complètes à la fin des chapitres" (5e-6e-72); "une édition pour le professeur,cela faciliterait ses recherches" (6e année); "développer davantage la revue sur le Canada et insérer un chapitre préliminaire sur les parties du monde" (7e année); "au moins une carte du Canada, même si ce n'est pas au programme" (7e année)."

1956.06
Bilodeau, Louis. "La langue de nos manuels (5) La Géographie des Frères Maristes (Manuel de 7e année)", L'enseignement, 9, 1(juin 1956):3.

"L'école primaire du Québec a attendu si longtemps un nouveau manuel de géographie, et celui que les Frères Maristes viennent de lui donner est tellement supérieur aux vieilleries qui firent notre colère et notre honte pendant trente ans, que je me sens un peu gêné à venir le critiquer. Prenons donc pour point de départ que je pense de ce nouveau livre énormément de bien, mais que la langue dans laquelle il est écrit me désappointe assez.

Les auteurs ont commis la grave erreur de méthode de rédiger un manuel pour des écoliers dont le cerveau est français en ne s'inspirant pas de sources avant tout françaises. Aussi, malgré un effort visible et méritoire de correction, la faute de grammaire, l'anglicisme, la traduction au petit bonheur et surtout la gaucherie de style se rencontrent-ils presque à chaque page. On sent que les renseignements géographiques ont été puisés à des sources à peu près exclusivement anglo-saxonnes, et que les auteurs ont trop présumé de leur connaissance de la langue française lorsque est venu le moment de rédiger.

Comme dans bien d'autres manuels canadiens, le ton même de la phrase n'est pas celui de la langue française; on n'y retrouve que partiellement les qualités de clarté, de concision, d'équilibre de cette langue que le monde entier admire et imite depuis trois siècles. Trop de constructions, même correctes à la rigueur, sont malhabiles et inharmonieuses, indignes des possibilités de développement intellectuel de nos petits Canadiens.

Père de six enfants tout jeunes, il me tarde de voir les maîtres canadiens-français, surmontant une bonne fois leurs préventions gallophobes et le désavantage intellectuel où nous a placés la défaite de 1759, découvrir enfin le chemin du retour aux sources vives de notre culture, qui sont en France et non pas à Boston, et qui constituent notre bien propre, notre patrimoine le plus riche après l'héritage chrétien.

Quelques exemples, maintenant. Voici des fautes de français (dans un livre scolaire, il ne devrait s'en trouver aucune): 3,000,000 milles carrés et 16,000,000 d'habitants. Les Etats de Texas, de Colorado, de Nouveau-Mexique, de Nevada, de Kentucky (du Texas, du Colorado), etc., ou mieux le Texas, le Colorado. Nommez trois grandes rivières qui se jettent dans l'Atlantique (mauvaise traduction de "river"; il s'agit, par définition, de trois fleuves). La Delaware, qui se jette dans la baie du même nom (mais on vient d'appeler celle-ci baie du Delaware.) Les Etats plus grands producteurs sont ... (Les principaux Etats producteurs). Observons la carte (examinons la carte; on n'observe que ce qui bouge). Le port de Nouvelle-Orléans (le port de la Nouvelle-Orléans). Les pouvoirs hydroélectriques sont très développés (les centrales h. sont nombreuses et puissantes). Donnez des preuves que les Etats-Unis sont bien organisés pour voyager sur terre (les Américains, certes, mais pas les Etats-Unis!) (Voyager sur terre, ou par voie terrestre?) Donnez à vos panneaux les dimensions que requiert la quantité de vos gravures (faites les panneaux plus ou moins grands selon les images que vous y placerez). On rencontre des fermes où l'on produit ... (qui rencontre et qui produit? Le même sujet?) Deux Etats bornent cette région au sud, quels sont-ils? (cette ponctuation fautive est fréquente dans le livre). Le début de la Grande Vallée (l'entrée, le seuil, etc.) (D'autre part, j'aimerais mieux Grande vallée, avec un petit v, et les Grands lacs, les montagnes Vertes, etc.) New -York est le centre le plus financier (le grand, le principal centre financier). L'économie la plus puissante, celle que plusieurs envient (la plus puissante des économies nationales, enviée du monde entier). Equipements de chemin de fer (matériel ferroviaire). New Almaden (au Mexique! Depuis quand les villes mexicaines ont-elles des noms anglais!)

Profitons de cet article pour signaler aussi quelques fautes de fond que les auteurs corrigeront facilement dans les éditions ultérieures. Dans l'énumération des territoires d'outre-mer des Etats-Unis, on a omis les acquisitions de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier Okinawa, la grande base américaine de l'Extrême-Orient, point d'appui de Formose. La devise des Etats-Unis n'est pas "Pluribus unum" mais "E pluribus unum". La population catholique de la Chine est d'environ trois millions de personnes, non pas d'un demi-million; celle du Royaume-Uni est aussi d'environ trois millions, non pas de dix millions. La population des Etats est passée depuis le début du XIXe siècle de 4 millions d'habitants à 165 millions, non pas surtout du fait de l'immigration, mais pour bonne part grâce à l'immigration; la natalité a eu le rôle principal. La statue de la Liberté, à New-York: un coeur français se doit de mentionner qu'elle fut donnée par la France de même qu'il convenait de signaler la participation peut-être décisive des forces françaises à la Guerre d'Indépendance américaine, puisqu'il est question de cette guerre dans le livre.

N'est-il pas naïf de déclarer avec admiration que les Américains forment un peuple parfaitement uni! Il y a tout de même la question noire, celle de Porto-Rico, des courants d'antisémitisme, une question jaune, les revendications des Indiens ... survivants. Les immigrants, dit le manuel, sont libres de parler entre eux leur langue maternelle. Qui empêchera jamais deux Chinois de parler entre eux en chinois? On ne voit pas bien quel mérite en revient aux institutions américaines. On fait sourire de ce qu'on voudrait admirer.

A regarder le livre d'un peu plus loin, une grande faute de méthode apparaît, extrêmement grave: 65 pages sont consacrées aux Etats-Unis, 6 seulement à la France (le même nombre qu'au Mexique) et 6 à l'Angleterre. Comment veut-on que l'enfant comprenne son histoire du Canada et ses lectures d'intérêt général s'il ne sait à peu près rien de la géographie des deux importants pays dont procède notre nation? Il y a ici un évident manque de coordination entre les différentes disciplines de l'enseignement primaire.

Conclusion? Réjouissons-nous de voir entre les mains de nos enfants une géographie bien supérieure à ce qui existait auparavant dans ce domaine, mais invitons néanmoins tous nos auteurs de manuels scolaires à résister davantage à l'attrait des Etats-Unis. Un esprit français perd ses moyens quant il n'est pas tourné constamment vers la France, vers les sources vives de sa langue et de sa culture."

1956.09
xxx. "Le catéchisme par l'image", L'instruction publique, 1, 1(sept. 1956):36-37; 3(nov. 1956):199-203; 4(déc. 1956):293-297; 5(janv. 1957):402-407; 6(fév. 1957):482-487; 7(mars 1957):591-596; 9(mai 1957):726-731; 10(juin 1957):844-849.
1956.09
Croteau, Armand. "Catéchisme catholique commenté", L'instruction publique, 1, 1(sept. 1956):19-28; 2(oct. 1956):122-132; 3(nov. 1956):192-198; 4(déc. 1956):284-292; 5(janv. 1957):385-393; 6(fév. 1957):462-468; 7(mars 1957):560-566; 9(mai 1957):709-716; 10(juin 1957):838-843; 2, 4(déc. 1957):275-279; 5(janv. 1958):385-391; 6(fév. 1958):466-470; 7(mars 1958):555-561, 9(mai 1958):766-770; 10(juin 1958):860-865, 3, 1(sept. 1958):21-25; 6(fév. 1959):505-508; 7(mars 1959):595-599; 8(avril 1959):689-695).; 5, 1(sept. 1960):38-41; 2(oct. 1960):129-131; 3(nov. 1960):212-215; 4(déc. 1960):295-297, 305; 5(janv. 1961):392-393, 398; 6(fév. 1961):457-460; 7(mars 1961):556-558, 569; 8(av. 1961):624-627; 10(juin 1961):830-833, 836.
1956.10
xxx. "Liste des manuels approuvés dans les écoles normales", L'instruction publique, 2, 2(oct. 1956):175-176.
1956.11
xxx. "Notre enquête sur les manuels", L'enseignement, 9, 6(nov. 1956):1.

"Il y a un an, nous inaugurions dans ce journal une série de sondages sur les manuels en usage dans nos écoles. L'enquête a, de mois en mois, porté simultanément: a) sur le manuel proprement dit: sa présentation, sa teneur, la répartition de la matière, son utilité pratique, ses qualités et défauts d'ordre pédagogique, technique, didactique, etc.; b) sur "la langue de nos manuels". Le premier mode donnait la parole au professeur; nous avons appris ainsi ce que l'instituteur ou l'institutrice aime ou n'aime pas dans tel ou tel manuel. La seconde étude, celle de la langue, a eu pour auteurs une équipe de traducteurs, habitués de par leur métier, à choisir à journée longue entre l'expression juste, le mot correct et ce qui n'est pas français. Nous avons cité à la barre, jusqu'à ce jour, ceux de nos manuels qui s'adressent à la masse des élèves et qui sont, de ce fait, les plus utilisés dans nos écoles. Par voie de conséquence, nous avons pu solliciter l'opinion de la masse des titulaires.

L'enquête reste ouverte mais sur le plan linguistique seulement; il importe en effet que non seulement les livres scolaires à fort tirage mais également ceux qui ne s'adressent qu'à la minorité de la gent étudiante, celle du cours secondaire soient écrits dans un français impeccable. On paie souvent moins d'un dollar les bouquins des meilleurs auteurs français; a fortiori, nous est-il permis d'exiger une langue au moins correcte d'auteurs de manuels qui se vendent parfois jusqu'à $2.50 l'exemplaire... Surtout quand il s'agit de livres dits d'"enseignement" toute incorrection y est impardonnable. La prochaine étude portera sur la toute récente Histoire générale de M. Gérard Filteau, à l'adresse des élèves de 8e et de 9e année.

Puisque nous avons fermé en juin le cycle de nos sondages sur les manuels destinés à la majorité des élèves, ceux du cours primaire, nous estimons opportun d'aligner ici quelques conclusions qui semblent émerger spontanément de la libre opinion de nos lecteurs (nous aurions aimé le faire plus tôt mais l'espace nous a manqué):

1- Les professeurs sont en général plus satisfaits de leurs manuels que l'on serait porté à le croire de prime face;

2- Ce sont les titulaires de classes à divisions multiples qui paraissent les moins enthousiastes au sujet des nouveaux manuels;

3- La presque unanimité des titulaires ne souhaitent nullement revenir aux anciens manuels;

4- Nous n'avons remarqué, dans l'analyse des réponses à nos questionnaires, aucune discrimination entre correspondants laïques ou congréganistes: congréganistes et laïcs ont jugé les manuels avec une objectivité vraiment professionnelle, sans distinction entre auteurs laïcs ou religieux. C'est, croyons-nous, l'attestation d'un phénomène nouveau, lequel témoigne d'une heureuse évolution de part et d'autre et qui est sans doute de nature à dissiper les derniers préjugés à cet égard, s'il en reste.

5- L'enthousiasme soulevé par notre enquête au sein du corps enseignant dénote l'intérêt des maîtres à tout ce qui a trait à leurs outils quotidiens: les manuels scolaires, leur matériel didactique."

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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