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Sources imprimées

* * *

1930

xxx. Règlements du comité catholique du conseil de l’instruction publique de la province de Québec (Refondus en 1915 et amendés jusqu’au 1er janvier 1930). Québec, s.n., 1930. xii, 300 p.

"Devoirs des inspecteurs d'écoles.

225. Les inspecteurs d'écoles doivent:

[...]

14. Transmettre un rapport de leurs visites aux secrétaires-trésoriers des municipalités scolaires visitées

[...]

Dans ces rapports, ils doivent particulièrement appeler l'attention des commissaires ou des syndics d'écoles:

1. Sur:

[...]

b) L'emploi de livres de classe autorisés, [40]

[...]

Règlements concernant les instituteurs.

[...]

227. Il est du devoir de chaque instituteur:

[...]

8. De ne permettre que l'usage des livres autorisés; [42]

[...]

Approbation des livres de classe.

243. Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique doit, un mois au moins avant les sessions du comité, en envoyer un exemplaire imprimé ou clavigraphié à chacun des membres de ce comité avant que [44] ceux-ci en autorisent l'impression. Il devra aussi envoyer six exemplaires semblables au département de l'instruction publique en donnant en même temps le prix de chaque exemplaire et celui de la douzaine, ainsi que la mention du cours auquel il est destiné.

244. Lorsque l'examen d'un ouvrage soumis à l'approbation du comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le Surintendant doit exiger de la personne qui demande l'approbation une somme suffisante pour la rémunérer.

245. L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au département de l'instruction publique et obtenir du surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et chaque fois qu'il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

246. Le comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage autorisé.

A l'avenir, tout ouvrage qui recevra l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique devra porter, avec la mention de cette approbation, la date à laquelle elle a été accordée et indiquer le cours auquel il est destiné. Le défaut de se conformer à cette injonction fera perdre à l'auteur de tel ouvrage l'approbation obtenue.

247. Tout ouvrage approuvé doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page du titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement du surintendant de l'instruction publique.

248. Il faut l'approbation du comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé. Telle approbation ne pourra être accordée que sur présentation au comité catholique d'un sommaire indiquant les changements apportés. 249. Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe.

250. Tout livre classique devra être imprimé en caractères suffisamment gros et interlignés, et toute gravure devra être faite avec soin et sur papier de bonne qualité.

Toute carte géographique dont on demande l'approbation doit être préalablement soumise à la commission de géographie de Québec, pour examen et rapport au comité catholique. [45]

[...]

XV. Le manuel.

- En parlant de la leçon et de la manière de la donner, le livre n’est guère intervenu. A l’école primaire, surtout aux cours préparatoire, inférieur et moyen, le maître doit se dispenser du manuel pendant la leçon, sauf pour la lecture. L’enseignement se donne comme expliqué plus haut: c’est l’unique moyen de pénétrer dans l’intelligence des enfants de cet âge. On explique comme si le manuel [71] n’existait pas, et on fait rendre compte de la leçon dans les propres termes de l’élève, sans s’occuper du manuel. Mais la leçon terminée, le maître prendra le manuel et fera constater qu’il résume toute la substance de ce qui a été enseigné; au besoin, il expliquera les mots et les phrases qui pourraient offrir quelque difficulté à l’élève. Puis l’enfant pourra ensuite se servir de son manuel comme aide-mémoire, afin de s’aider à graver dans sa mémoire des idées qui pourraient lui échapper, et les termes précis dans lesquels se moulent les idées qui ont pénétré son intelligence.

Par là on voit l’usage qu’il faut faire du manuel. Les directions suivantes, qui résument et précisent toute la théorie de l’emploi du livre de classe, doivent être scrupuleusement observées par le personnel enseignant.

1. L’enseignement purement livresque est partout prohibé.

2. L’usage du manuel est absolument interdit aux cours préparatoire et inférieur, sauf les livres de lecture. A ce stage de leur développement, les enfants ne savent pas lire suffisamment pour tirer profit d’un livre, et son usage ne peut avoir d’autre effet que de substituer la culture de la mémoire des mots à la culture de l’esprit par les idées.

3. Aux cours moyen et supérieur, on utilise le manuel pour atteindre deux objectifs: a) comme aide-mémoire, après la leçon apprise par l’enfant sans le livre, suivant ce qui a été expliqué plus haut; b) comme auxiliaire, parce que le manuel bien fait apporte des applications qui fournissent à l’élève une matière sur laquelle il pourra occuper son activité pendant la classe, entre les leçons, ou à domicile.

En toute éventualité, le livre ne doit arriver que pour confirmer, consolider, synthétiser l’enseignement oral.

Dans ces limites, le livre est utile et nécessaire à l’élève et au maître: à l’élève qui y trouve le condensé de ce qu’il a appris pour se le graver davantage, et des applications qui lui permettront de faire un travail personnel; au maître pour lequel il sera un guide et un aide pour interpréter le programme, préparer ses leçons, et fournir des applications à ses élèves.

Le manuel est nuisible lorsqu’il remplace l’enseignement oral; quand on le suit servilement d’une leçon à l’autre; quand il se borne au par coeur qui ne permet pas de rendre compte d’une définition, d’une règle, ou d’un fait, sans employer les mots mêmes du livre; lorsqu’il emprisonne dans les formules sans pénétrer dans l’idée.

L’utilité du livre varie selon les spécialités. Dans la lecture il est évidemment indispensable. En catéchisme, aux cours moye et supérieur, il est nécessaire, pour que le texte soit confié à la mémoire, mais le texte expliqué, compris par l’élève, avant que la formule soit logée dans la mémoire. En histoire, le manuel n’est qu’un aide-mémoire, un moyen de recherche et de contrôle. En mathématiques et en grammaire, le tableau noir et la leçon orale sont presque tout. En géographie et dans les leçons de choses, le livre ne peut avoir d’utilité qu’après l’étude de la carte ou l’observation des objets, et son importance est bien secondaire. [72]

Mais encore une fois, et c’est le point à retenir, toute étude dans un manuel, pour être profitable, suppose et exige des explications suffisantes et de nombreuses interrogations de contrôle.

Le livre ne devient l’ami de l’enfant que quand celui-ci le comprend bien, quand il lui sert d’auxiliaire pour retrouver les choses dont le maître lui a parlé. Il l’ouvre avec plaisir, et se plaît à chercher et à apprendre la leçon qui lui a été expliquée.

Mais il importe que les élèves, après avoir étudié le texte, ne soient pas forcés de le réciter mot à mot. Sans doute, le maître sera nécessairement amené à exiger le texte exact, littéral, quand il s’agira d’une définition qui ne comporte pas d’à peu près, d’une formule qui doit rester gravée dans la mémoire, des résumés de l’histoire, des prières, des leçons de catéchisme et des morceaux qui servent d’exercices de diction. Pour le reste, il acceptera volontiers tout ce qui reproduira la pensée du manuel, sous quelque forme que l’enfant l’exprime. Il encouragera même les écoliers à dire les choses à leur façon, se contentant de redresser avec douceur les incorrections de langage et les termes impropres.» [73]

1930
Delage, Cyrille-F. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1929-30. Québec, Rédempti Paradis, 1930. xxv, 551 p.

Circulaire 10 juin 1930.

"Aux éditeurs de cahiers de devoirs.

Messieurs,

Il arrive trop souvent, hélas! que des enfants et même des adultes sont victimes de pénibles accidents. Les enquêtes qui sont alors tenues révèlent que la plupart de ces malheurs sont dus à un manque de prudence.

Il importe donc que tous ceux qui sont chargés de l'éducation des enfants, instituteurs, commissaires d'écoles et éditeurs, fassent tout leur possible pour prévenir les accidents, ou tout au moins en diminuer le nombre chez les écoliers de notre province.

La suggestion que vient de me faire à ce sujet la «Shawinigan Water Power Co.» me paraît excellente et je m'empresse de la soumettre à votre bienveillante attention, assuré d'avance que vous saurez apporter votre part de collaboration dans cette campagne de prévention des accidents.

Le cahier de devoir étant tous les jours entre les mains des écoliers, ne devrait-il pas être utilisé pour mettre nos garçons et nos filles en garde contre les dangers auxquels ils s'exposent en manquant de prudence soit en traversant les rues ou les grandes routes, soit encore en s'approchant des fils de transmission électrique à haut voltage? Je vous soumets donc le mode ci-inclus (revers de la couverture) avec prière de me dire si vous seriez disposés à l'adopter pour la prochaine édition de vos cahiers de devoirs." (p. 540).

Circulaire aux commissaires et syndics d'écoles protestantes 12 juin 1930.

"CHANGEMENT DE MANUELS.

Le Comité protestant, en maintenant sa politique d'uniformité des manuels et en faisant le moins de changement possible, n'a autorisé qu'un seul changement important, pour l'année 1930-31, en ce qui concerne les livres que les élèves ont à acheter. A l'ouverture des classes en septembre prochain, les Royal Crown Readers, depuis si longtemps autorisés, seront remplacés par le «Reading and Thinking», série publiée par M.M. Thomas Nelson & Sons, les éditeurs des publications Royal Crown. La nouvelle série en est une de réel mérite et prouvera sa grande utilité pour les professeurs et les élèves.

Les prix du «Reading & Thinking» sont comme suit: Deuxième année, 45 centins; troisième année, 50 centins; quatrième année, 55 centins; cinquième année, 60 centins; sixième année, 65 centins; septième année, 70 centins.

Ce qu'il y a d'inusité dans ce changement, et ce qui sera satisfaisant pour les détaillants, consiste en ce que tous les exemplaires non vendus et non usagés des Royal Crown Readers peuvent être remis à la «Renouf Publishing Company», 1433, avenue du Collège McGill, Montréal, aux frais du libraire qui en créditera au prix d'achat actuel ceux qui achèteront les nouveaux manuels.

Le manuel de l'instituteur pour la première partie des «Oral French Lessons» a été revisé et le Comité protestant a autorisé une nouvelle édition. Ce livre, naturellement, n'est pas destiné aux élèves. C'est pour les instituteurs seulement." (p. 542).

1930.08.09
Tessier, Albert. "Quelques réflexions d'un éducateur: paresse intellectuelle - le manuel et l'enseignement livresque - l'étude de la nature - ses bienfaits", Le Devoir, 9 août 1930, p. 1 et 2.

" M. l'abbé Albert Tessier, préfet des études au séminaire des Trois-Rivières, qui fut l'un des premiers à encourager, et de façon très pratique, notre concours de botanique, veut bien nous adresser cet important article (les titres sont de nous):

"Voir les choses sur le vif, c'est guérir d'un seul coup tous les maux de la pédagogie". Cette assertion du grand naturaliste Fabre est peut-être excessive, mais elle contient une assez large part de juste vérité pour qu'on s'y arrête.

Il y a longtemps que l'on gémit sur le manque d'enthousiasme des nôtres pour les choses de l'esprit. Les pédagogues et les professeurs s'évertuent à perfectionner les manuels, à transformer les programmes, à multiplier les moyens d'émulation, sans obtenir les résultats d'ensemble qu'ils visent. La masse des élèves reste obstinément sur ses positions, se gardant de viser plus haut et plus loin que le résultat officiel qui autorisera un diplôme ou un certificat d'études convenable. Etudier pour s'instruire, pour se donner la salubre «joie de connaître», reste un luxe rare. Au collège ou à l'école, les cerveaux restent sur la défensive; dans le monde, lire ou étudier paraissent une perte de temps.

Les causes de ce mal? Elles sont certes multiples. La curiosité intellectuelle n'est pas inexistante chez nous. Au début, chez les tout jeunes enfants, elle se traduit par des flots de questions de toute nature. Ce besoin juvénile de savoir le pourquoi des choses est le cauchemar des papas et des mamans. Aussi les enfants sont vite rebutés et ils ont tôt fait de passer à d'autres préoccupations. L'âge scolaire venu, ce qui reste d'appétit de savoir ne trouve pas toujours l'aliment qu'il faudrait dans les manuels, et dans les méthodes d'enseignement auxquelles on soumet les jeunes cerveaux. Ce sont les objets et les êtres de leur petit coin de pays qui ont provoqué les premières curiosités des enfants. Les animaux, les plantes, les fleurs, les phénomènes naturels ont posé toutes sortes de problèmes à leur cerveau neufs [sic] et ils en désiraient la solution. On la leur a souvent refusée et, lorsque l'heure de s'instruire est venue, c'est pour une large part, sur des textes abstraits, secs et sans vie, qu'on les courbe jusqu'à ce qu'ils les sachent syllabe par syllabe.

L'étude purement livresque, paraît bien être le grand responsable du manque déplorable de vitalité et de curiosité intellectuelles qu'il nous faut bien constater chez la masse des nôtres. Je sais combien il est difficile d'amener les élèves, même les plus avancés, à fouiller un texte de manuel afin d'en extraire plus que le mot à mot requis pour être bien coté aux répétitions ou aux examens. Il leur suffit d'apprendre sans comprendre et, en vertu de la loi universelle du moindre effort, ils s'en tiennent là. Les professeurs essaient de réagir et ceux qui ont l'habilité et la ténacité voulues réussissent partiellement, mais il reste énormément à faire.

Le but de ces quelques notes n'est pas de trouver une solution à ce problème pédagogique. La citation de Fabre, donnée au début, suggère un remède que l'on peut du moins appliquer aux matières de l'enseignement qui s'y prêtent le mieux: les sciences naturelles. Fabre a été professeur et il a fait la guerre à l'enseignement sec et stérile des manuels. "Il faut enseigner au moyen des choses ... Alors la vie remonte dans l'âme. - Je me suis rabattu sur l'enseignement de la nature, qui est accueillante à tous et qui, dans sa familiarité profonde, est à la fois une science, une poésie, une religion." Je continue de citer Fabre: «L'étude de la nature rapproche de Dieu. L'objet de cette science est une récapitulation de la Création et cette récapitulation se fait chaque année sous l'action du soleil par lequel se manifestent toutes les gloires de la puissance créatrice. La terre chantant le poème des saisons apprend à l'homme le retour éternel, la loi de succession des événements, le duel de la vie et de la mort, les rapports de notre être avec le grand Être: c'est toute l'histoire, toute la science, toute la poésie...»

La nature, notre nature canadienne plus que toute autre, fournit un champ inépuisable aux investigations de l'esprit. Notre indifférence à l'égard de ses beautés, notre ignorance presque absolue des éléments propres qui la composent, des lois qui la régissent et des êtres qui l'aiment constituent la charge la plus forte contre la façon impersonnelle et presque exclusivement livresque dont nous menons nos études. Il est inconcevable, du simple aspect littéraire ou artistique, par exemple, que nous ayons si longtemps et si [1] totalement négligé la seule source qui aurait pu développer au pays une forte et originale culture littéraire ou artistique. Les déclarations faites à l'occasion du concours botanique du Devoir sont assez éloquentes. De l'aveu d'autorités compétentes, ils sont l'exception, même parmi les lettrés, ceux qui peuvent identifier avec un peu de maîtrise nos plantes et nos arbres. Que dire des autres sections des sciences naturelles, surtout si on les envisage du point canadien?

Pourtant la nature reste l'incomparable éducatrice. Elle parle à tout l'être, elle est accueillante à tous, ses leçons s'adressent aux plus humbles comme aux plus riches. Il suffit de savoir la regarder, de se laisser prendre à ses beautés, de scruter, avec la volonté de les comprendre, les multiples problèmes qu'elle pose, de tenir son esprit en éveil pour saisir les multiples leçons qu'elle donne: leçons d'ordre, d'harmonie, de beauté, d'inlassable activité. L'observation attentive nous fait découvrir partout dans le monde les lois merveilleuses de la vie qui se manifeste dans tous les êtres, met partout son empreinte et conditionne le perpétuel recommence-ment des choses. La vie, souffle divin qui anime tout, soutient tout, transforme tout ce qui, plus que tout autre phénomène créé, nous révèle Dieu!

La nature captive si impérieusement toutes les facultés de l'homme qu'une fois pris à son charme son appétit de savoir devient insatiable. En tournant davantage l'intelligence et les sens des enfants vers l'étude directe de la nature, il semble qu'on réveillerait chez eux l'appétit de l'intelligence, ce besoin de savoir, de comprendre le pourquoi des choses qui constitue la destination fondamentale des facultés intellectuelles. Une fois amorcés les cerveaux s'élanceraient d'eux-mêmes, à la conquête des vastes domaines ouverts aux activités de l'esprit et les maîtres auraient moins cette impression déprimante d'inertie ou de rétivité que leur donnent trop souvent les groupes d'élèves soumis à leurs leçons. Il ne s'ensuit pas qu'il faille mettre les manuels de côté. Au contraire. Les manuels sont indispensables dans la très grande majorité des cas, mais leur efficacité dépend du rapport que l'imagination et l'intelligence rétablissent entre les textes et les choses, entre les mots et les objets qu'ils évoquent. Cette méthode d'enseignement est d'application facile dans les sciences naturelles, et les résultats qu'elle donne peuvent inciter à en tirer profit, dans la mesure du possible, pour les autres branches de l'enseignement.

Quelques maisons d'éducation classique ont constitué dans les premières classes du cours des leçons de choses qui initient les élèves aux problèmes élémentaires de la chimie, de la botanique, de la zoologie, de la géologie, etc. L'entrain que les élèves mettent à ces leçons de choses indique qu'il y aurait grand profit à les généraliser. Elles piquent leur activité intellectuelle et prédisposent les cerveaux à mieux recevoir les autres leçons. Il semble qu'elles ne rendent pas seulement le service d'initier les jeunes aux problèmes de la nature mais qu'elles constituent en même temps une discipline intellectuelle et un entraînement au travail dont bénéficie l'ensemble des études.

L'étude de la nature élève l'esprit, élargit les horizons, fait mieux comprendre la beauté et les grandeurs de la vie. Elle familiarise celui qui s'y adonne avec la physionomie physique de son pays et elle l'aide à mieux l'aimer et à mieux le servir. Elle lui donne davantage conscience de ses responsabilités. En développant son sens d'observation elle le pousse à mieux se rendre comte des choses, à saisir d'avantage la portée des faits qui se déroulent devant lui, à juger avec plus de sens critique les événements et les hommes et à en tirer le meilleur parti. Elle met dans la vie la joie du travail conscient, la noble jouissance de connaître les vérités dont tout esprit est avide. Toute l'oeuvre de Fabre vibre d'enthousiasme et à la fin de sa féconde carrière il disait à des étudiants: «Travaillons afin d'entretenir en nous cette divine intuition grâce à laquelle nous laissons notre empreinte originale sur la nature; travaillons, afin d'apporter notre faible concours à l'harmonie générale des choses afin de nous associer à Dieu, de participer à sa création, d'embellir la terre de l'environner de merveilles.»

Je ne peux mieux terminer ces quelques réflexions. Elles n'ont pas la prétention d'apporter quoi que ce soit de nouveau aux problèmes pédagogiques qui préoccupent les éducateurs. Tout au plus pourront-elles attirer une nouvelle fois l'attention sur des vérités admises de tous et provoquer peut-être des échanges de vues et des initiatives utiles."

1930.10
Tessier, Albert. "Quelques réflexions d'un éducateur - Paresse intellectuelle . - Le manuel et l'enseignement livresque . - L'étude de la nature. - Ses bienfaits.", L'enseignement primaire, 52, 2(oct. 1930):86.

"Sous ces titres suggestifs, M. l'abbé Albert Tessier, préfet des études au Séminaire des Trois-Rivières, a publié dans le Devoir du 9 août dernier, un article marqué au coin d'excellents principes pédagogiques. Bien qu'écrit plus spécialement pour les maîtres de l'enseignement secondaire, l'étude de M. l'abbé Tessier, [sic] mérite l'attention des instituteurs et des institutrices, qui liront, avec intérêt et profit, le passage qui suit de cette étude très au point:

L'étude purement livresque paraît bien être le grand responsable du manque déplorable de vitalité et de curiosité intellectuelles qu'il nous faut bien constater chez la masse des nôtres. Je sais combien il est difficile d'amener les élèves, même les plus avancés, à fouiller un texte de manuel afin d'en extraire plus que le mot à mot requis pour être bien coté aux répétitions ou aux examens. Il leur suffit d'apprendre sans comprendre et, en vertu de la loi universelle du moindre effort, ils réussissent partiellement, mais il reste énormément à faire.

Le but de ces quelques notes n'est pas de trouver une solution à ce problème pédagogique. La citation de Fabre, donnée au début, suggère un remède que l'on peut du moins appliquer aux matières de l'enseignement qui s'y prêtent le mieux: les sciences naturelles. Fabre a été professeur et il a fait la guerre à l'enseignement sec et stérile des manuels.«Il faut enseigner au moyen des choses ... Alors la vie remonte dans l'âme. - Je me suis rabattu sur l'enseignement de la nature, qui est accueillante à tous et qui, dans sa familiarité profonde, est à la fois une science, une poésie, une religion». Je continue à citer Fabre: «L'étude de la nature rapproche de Dieu. L'objet de cette science est une récapitulation de la Création et cette récapitulation se fait chaque année sous l'action du soleil par lequel se manifestent toutes les gloires de la puissance créatrice. La terre chantant le poème des saisons apprend à l'homme le retour éternel, la loi de succession des événements, le duel de la vie et de la mort, les rapports de notre être avec le grand Être: c'est toute l'histoire, toute la science, toute la poésie...»

La nature, notre nature canadienne plus que toute autre, fournit un champ inépuisable aux investigations de l'esprit. Notre indifférence à l'égard de ses beautés, notre ignorance presque absolue des éléments propres qui la composent, des lois qui la régissent et des êtres qui l'aiment constituent la charge la plus forte contre la façon impersonnelle et presque exclusivement livresque dont nous menons nos études. Il est inconcevable, du simple aspect littéraire ou artistique, par exemple, que nous ayons si longtemps et si totalement négligé la seule source qui aurait pu développer au pays une forte et originale culture littéraire ou artistique. Les déclarations faites à l'occasion du concours botanique du Devoir sont assez éloquentes. De l'aveu d'autorités compétentes, ils sont l'exception, même parmi les lettrés, ceux qui peuvent identifier avec un peu de maîtrise nos plantes et nos arbres. Que dire des autres sections des sciences naturelles, surtout si on les envisage du point canadien?

Pourtant la nature reste l'incomparable éducatrice. Elle parle à tout l'être, elle est accueillante à tous, ses leçons s'adressent aux plus humbles comme aux plus riches. Il suffit de savoir la regarder, de se laisser prendre à ses beautés, de scruter, avec la volonté de les comprendre, les multiplus [sic] problèmes qu'elle pose, de tenir son esprit en éveil pour saisir les multiples leçons qu'elle donne: leçons d'ordre, d'harmonie, de beauté, d'inlassable activité. L'observation attentive nous fait découvrir partout dans le monde les lois merveilleuses de la vie qui se manifeste dans tous les êtres, met partout son empreinte et conditionne le perpétuel recommencement des choses. La vie, souffle divin qui anime tout, soutient tout, transforme tout ce qui, plus que tout autre phénomène créé, nous révèle Dieu!"

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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