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Sources imprimées

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1924

xxx. Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique de la province de Québec (Refondus en 1915 et amendés jusqu'au 1er janvier 1924). Québec, s.n., 1924. x, 227 p.

"Devoirs des inspecteurs d'écoles.

225. Les inspecteurs d'écoles doivent: [...]

14. Transmettre un rapport de leurs visites aux secrétaires-trésoriers des municipalités scolaires visitées

[...]

Dans ces rapports, ils doivent particulièrement appeler l'attention des commissaires ou des syndics d'écoles:

1. Sur:

[...]

b) L'emploi de livres de classe autorisés, [38]

[...]

Règlements concernant les instituteurs.

[...]

227. Il est du devoir de chaque instituteur:

[...]

8. De ne permettre que l'usage des livres autorisés; [40]

[...]

Approbation des livres de classe.

243. Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique doit, un mois au moins avant les sessions du comité, en envoyer un exemplaire imprimé ou clavigraphié à chacun des membres de ce comité avant que ceux-ci en autorisent l'impression. Il devra aussi envoyer six exemplaires semblables au département de l'instruction publique en donnant en même temps le prix de chaque exemplaire et celui de la douzaine, ainsi que la mention du cours auquel il est destiné.

244. Lorsque l'examen d'un ouvrage soumis à l'approbation du comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le Surintendant doit exiger de la personne qui demande l'approbation une somme suffisante pour la rémunérer.

245. L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au département de l'instruction publique et obtenir du surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et chaque fois qu'il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

246. Le comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage autorisé.

A l'avenir, tout ouvrage qui recevra l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique devra porter, avec la mention de cette approbation, la date à laquelle elle a été accordée et indiquer le cours auquel il est destiné. Le défaut de se conformer à cette injonction fera perdre à l'auteur de tel ouvrage l'approbation obtenue.

247. Tout ouvrage approuvé doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page du titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement du surintendant de l'instruction publique. [43]

248. Il faut l'approbation du comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé. Telle approbation ne pourra être accordée que sur présentation au comité catholique d'un sommaire indiquant les changements apportés.

249. Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe.

250. Tout livre classique devra être imprimé en caractères suffisamment gros et interlignés, et toute gravure devra être faite avec soin et sur papier de bonne qualité.

Toute carte géographique dont on demande l'approbation doit être préalablement soumise à la commission de géographie de Québec, pour examen et rapport au comité catholique. [44]

[...]

XV. Le manuel.

- En parlant de la leçon et de la manière de la donner, le livre n’est guère intervenu. A l’école primaire, surtout aux cours préparatoire, inférieur et moyen, le maître doit se dispenser du [65] manuel pendant la leçon, sauf pour la lecture. L’enseignement se donne comme expliqué plus haut: c’est l’unique moyen de pénétrer dans l’intelligence des enfants de cet âge. On explique comme si le manuel n’existait pas, et on fait rendre compte de la leçon dans les propres termes de l’élève, sans s’occuper du manuel. Mais la leçon terminée, le maître prendra le manuel et fera constater qu’il résume toute la substance de ce qui a été enseigné; au besoin, il expliquera les mots et les phrases qui pourraient offrir quelque difficulté à l’élève. Puis l’enfant pourra ensuite se servir de son manuel comme aide-mémoire, afin de s’aider à graver dans sa mémoire des idées qui pourraient lui échapper, et les termes précis dans lesquels se moulent les idées qui ont pénétré son intelligence.

Par là on voit l’usage qu’il faut faire du manuel. Les directions suivantes, qui résument et précisent toute la théorie de l’emploi du livre de classe, doivent être scrupuleusement observées par le personnel enseignant.

1. L’enseignement purement livresque est partout prohibé.

2. L’usage du manuel est absolument interdit aux cours préparatoire et inférieur, sauf les livres de lecture. A ce stage de leur développement, les enfants ne savent pas lire suffisamment pour tirer profit d’un livre, et son usage ne peut avoir d’autre effet que de substituer la culture de la mémoire des mots à la culture de l’esprit par les idées.

3. Aux cours moyen et supérieur, on utilise le manuel pour atteindre deux objectifs: a) comme aide-mémoire, après la leçon apprise par l’enfant sans le livre, suivant ce qui a été expliqué plus haut; b) comme auxiliaire, parce que le manuel bien fait apporte des applications qui fournissent à l’élève une matière sur laquelle il pourra occuper son activité pendant la classe, entre les leçons, ou à domicile.

En toute éventualité, le livre ne doit arriver que pour confirmer, consolider, synthétiser l’enseignement oral.

Dans ces limites, le livre est utile et nécessaire à l’élève et au maître: à l’élève qui y trouve le condensé de ce qu’il a appris pour se le graver davantage, et des applications qui lui permettront de faire un travail personnel; au maître pour lequel il sera un guide et un aide pour interpréter le programme, préparer ses leçons, et fournir des applications à ses élèves.

Le manuel est nuisible lorsqu’il remplace l’enseignement oral; quand on le suit servilement d’une leçon à l’autre; quand il se borne au par coeur qui ne permet pas de rendre compte d’une définition, d’une règle, ou d’un fait, sans employer les mots mêmes du livre; lorsqu’il emprisonne dans les formules sans pénétrer dans l’idée.

L’utilité du livre varie selon les spécialités. Dans la lecture il est évidemment indispensable. En catéchisme, aux cours moye et supérieur, il est nécessaire, pour que le texte soit confié à la mémoire, mais le texte expliqué, compris par l’élève, avant que la formule soit logée dans la mémoire. En histoire, le manuel n’est qu’un aide-mémoire, un moyen de recherche et de contrôle. En mathématiques et en grammaire, le tableau noir et la leçon orale sont presque tout. En géographie et dans les leçons de choses, le livre ne peut avoir d’utilité qu’après [66] l’étude de la carte ou l’observation des objets, et son importance est bien secondaire.

Mais encore une fois, et c’est le point à retenir, toute étude dans un manuel, pour être profitable, suppose et exige des explications suffisantes et de nombreuses interrogations de contrôle.

Le livre ne devient l’ami de l’enfant que quand celui-ci le comprend bien, quand il lui sert d’auxiliaire pour retrouver les choses dont le maître lui a parlé. Il l’ouvre avec plaisir, et se plaît à chercher et à apprendre la leçon qui lui a été expliquée.

Mais il importe que les élèves, après avoir étudié le texte, ne soient pas forcés de le réciter mot à mot. Sans doute, le maître sera nécessairement amené à exiger le texte exact, littéral, quand il s’agira d’une définition qui ne comporte pas d’à peu près, d’une formule qui doit rester gravée dans la mémoire, des résumés de l’histoire, des prières, des leçons de catéchisme et des morceaux qui servent d’exercices de diction. Pour le reste, il acceptera volontiers tout ce qui reproduira la pensée du manuel, sous quelque forme que l’enfant l’exprime. Il encouragera même les écoliers à dire les choses à leur façon, se contentant de redresser avec douceur les incorrections de langage et les termes impropres.» [67]

1924
Delage, Cyrille-F. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1923-24. Québec, Ls.-A. Proulx, 1924. xxiii, 457 p.

Rapport de l'inspecteur G.-S. Vien (Lauzon).
"Uniformité des livres. Elle n'existe pas dans Québec [sic], et il m'a semblé nécessaire d'en faire la remarque à la commission scolaire.

A la date du 15 mai dernier, je lui transmettais, entre autres choses, la remarque suivante: «Tous les livres en usage sont autorisés, mais il me semble que le temps est venu, pour vous, de faire le choix des livres qui devraient être suivis par les maîtres et les maîtresses pour leur enseignement, et, cela, pour toutes les branches; car une trop grande diversité nuit à l'avancement des élèves.»" (p. 186).

1924
Frères de l'instruction chrétienne. Programme d'études des élèves - Province St-Jean- Baptiste. Laprairie, Noviciat du Sacré-Coeur, 1924. Pagination multiple.

[Comprend des renvois aux manuels publiés par les auteurs].

1924
Ross, François-Xavier. Manuel de pédagogie théorique et pratique. 3e éd. Québec, Charrier & Dugal, 1924. 423 p.

" Chapitre VI

Usage des livres de classe.

172. - Nécessité des livres de classe. Les livres de classe sont nécessaires: a) pour la maîtresse, b) pour l'élève.

a) Pour la maîtresse: c'est un guide dans la direction de sa classe, un auxiliaire puissant pour l'interprétation du programme, les applications qu'elle y trouve, et les moyens qu'il lui fournit d'occuper ses élèves.

b) Pour l'élève. Il y retrouve condensé l'enseignement oral de la maîtresse pour se le graver davantage dans l'esprit; le livre lui fournit encore les applications simples et graduées qui font suite à la leçon, et l'occasion d'un travail personnel nécessaire pour l'assimilation des connaissances acquises en classe.

173. En quoi l'usage du livre est condamnable. Si le livre est bon et nécessaire, parce qu'il aide la maîtresse et l'élève, son usage peut devenir condamnable: c'est, 1° lorsqu'il remplace l'enseignement oral, 2° lorsque la maîtresse et l'élève le suivent servilement.

Le livre ne doit pas remplacer l'enseignement oral, mais le compléter. La leçon qui fait acquérir des connaissances et qui forme, doit être vivante, impressionner, partir d'une âme pour arriver à une âme (165): l'enseignement oral seul peut porter ce caractère (1). Un livre de classe, méthodique, froid, n'a rien d'attrayant pour l'enfant.

Las maîtresse explique donc sa leçon d'après ce que nous avons dit aux numéros 165 et 166, tout comme si le livre n'existait pas (sauf pour les diverses espèces de lecture); la leçon expliquée,
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[Note infrapaginale] L'enseignement doit être de la vie qui pénètre dans l'enfant. R.P. Bainvel, Causeries pédagogiques. [135]

comprise et rendue par l'élève, elle le réfère au livre où il trouvera la substance de ce qu'il vient d'apprendre.

Il ne faut pas être esclave du livre. La maîtresse et l'élève sont esclaves du livre lorsqu'ils le suivent servilement. Avec cet usage, le meilleur livre devient un danger entre les mains d'une institutrice inhabile. C'est ce qui arrive:

a) Quand la maîtresse se croit tenue de l'enseigner dans l'ordre même où il se déroule, page par page, paragraphe par paragraphe, sans rien omettre, sans rien changer.

L'institutrice doit se rappeler que le manuel n'est pas un cours de pédagogie pratique où chaque leçon est expliquée telle qu'elle devra l'être en classe. Il donne la matière sèche, condensée, et il suppose à l'institutrice les connaissances et le savoir-faire voulus pour l'enseigner avec intelligence. Elle ne commencera donc pas par enseigner la série de définitions qui ouvre certains manuels de géographie, et autres; ni les règles générales qui commencent un chapitre, sans apporter d'abord des exemples.

Dans le cours inférieur, les enfants n'ont guère besoin d'autres livres que du livre de lecture. Toutes les autres branches s'enseignent par l'intuition, des récits, des causeries, le travail au tableau noir. L'institutrice doit en effet donner un enseignement concentrique qui s'élargit d'une année à l'autre, elle doit jeter à l'avance, dans l'esprit des enfants, des idées qui les initient à des connaissances dont ils ne verront que plus tard le développement: rares sont les manuels qui peuvent se conformer à ce genre d'enseignement. Il ne serait par ailleurs d'aucune utilité de mettre des manuels entre les mains d'enfants incapables de lire couramment.

b) On est encore esclave du livre lorsqu'on se borne au par coeur, au mot à mot, sans s'occuper de se rendre compte si le sens est bien compris (7ème principe).

c) Enfin, on est esclave du livre lorsqu'on s'en tient aveuglément au formalisme des définitions, règles et classifications qui s'adressent à la mémoire, plutôt que de faire un travail d'idées qui cultive l'intelligence. C'est la science livresque. Les exemples en sont nombreux en grammaire: ils le sont surtout en analyse logique où l'on apprend à l'élève à mettre une étiquette sur chaque proposition: juxtaposée, coordonnée, subordonnée directe ou indirecte..., sans s'occuper suffisamment de faire saisir les rapports qu'ont entre elles les idées exprimées par ces propositions.

Nous ne viendrions pas ouvrir ici une polémique; mais insistant fortement auprès des institutrices pour qu'elles donnent un enseignement qui s'adresse à l'intelligence des élèves, nous ne pouvons nous empêcher de les mettre en garde [136] contre ce formalisme dans lequel tombent quelquefois même des gens avertis. Pourquoi par exemple, apprendre aux enfants qu'ion connaît un verbe quand on peut mettre devant le mot un des pronoms, je, tu, il, nous... N'est-ce pas substituer la mémoire à l'intelligence , le mécanisme au travail de la raison? Autant vaudrait dire qu'on reconnaît un nom pluriel quand il est terminé par un s. De quelle utilité peut-il être à une jeune personne de savoir qu'une proposition est complétive parce qu'elle commence par "qui" ou par «que», ou déterminative parce qu'on ne peut la retrancher, qu'elle est coordonnée parce qu'elle est unie à la précédente par «et»? N'est-ce pas exclure l'idée du travail d'analyse pour en faire un exercice purement routinier et machinal, et apprendre aux élèves à se payer de mots? L'analyse devient ainsi un exercice qui se suffit à lui-même au lieu d'être un moyen d'apprendre à penser juste et à lier ses pensées pour les exprimer convenablement; elle escamote son nom de "logique".

De même dans la grammaire, on commence par faire apprendre que "les pronoms personnels sont ceux qui prennent la place du nom en désignant la personne. Puis on donne comme application les séries: je, me, moi,... il, le se, soi... Alors arrive cette phrase: «Il se trouve des difficultés insurmontables dans cette affaire". L'enfant analysera pour déclarer sans broncher que «il» est un pronom personnel, aussi bien que «se», et que «il», qui ne représente ni personne ni chose, se trouve lui-même, «se», autre pronom personnel (!), étant le complément direct de trouve.

Nous aimons mieux ne rien dire de l'état d'âme de nos élèves qui croient sincèrement qu'ils emploient une forme illogique en disant: je me moque, et que pour être logique, il faut dire: je suis moquant moi. Et que penser des élèves qui, sachant qu'une proposition est l'énoncé d'un jugement, et ayant appris par ailleurs en analyse logique (?) qu'il n'y a pas de proposition là où il n'y a pas de verbe à un mode personnel, trouvent que ce vers de Victor Hugo est dépourvu de jugements:

«Sainte-Hélène! leçon! chute! exemple! agonie!»

Epargnons à nos élèves les règles mécaniques, et apprenons-leur à coordonner leurs pensées personnelles, à découvrir les pensées des autres par une véritable analyse logique, et à s'exprimer correctement, dussent-ils absorber quelques nomenclatures de moins. L'institutrice doit connaître sans doute ces formules et ces classifications, pour aider son travail; mais elle n'en doit pas être l'esclave: il faut rompre l'écorce pour en livrer la substance." (p. 135-137).

1924.12

Magnan, Charles-Joseph. "Bibliographie", L'enseignement primaire, 46, 4(décembre 1924):254.

"Un sentiment généreux et un noble souci du progrès scientifique ont amené M. l'abbé L.-A. Desrosiers, Principal de l'École Normale Jacques-Cartier, à éditer l'oeuvre posthume de son ancien élève, le regretté Émile Miller, Géographie générale. Ce précieux ouvrage a été publié d'après les manuscrits de l'auteur. Il est orné de 38 gravures dans le texte et de 32 planches hors texte.

«Fait sur le plan et sous l'inspiration des ouvrages similaires aujourd'hui en usage, en Europe surtout, il introduit dans nos classes une méthode de géographie qui a donné ailleurs depuis Humboldt et Bitter [sic; lire Ritter], d'excellents résultats.» La Géographie générale a un caractère absolument scientifique et donne la première place à la géographie physique.

Nous recommandons cet important ouvrage aux Écoles normales, aux Pensionnats et aux Écoles primaires complémentaires.

S'adresser à l'École normale Jacques-Cartier, Montréal, ou chez les libraires."

1924.12.15
F.S.-A. "L'utilisation pédagogique des images", Les études - Journal-programme paraissant les 1er et 15 de chaque mois, 26, 6(15 déc. 1924):61-64.

"L'image possède un charme dont personne ne se défend. C'est là une vérité d'expérience: l'enfant, même tout jeune, contemple avec plaisir, parfois avec ravissement, les illustrations qui lui tombent sous les yeux; l'homme grave s'attarde avec admiration devant les chefs d'oeuvre de la peinture; le fidèle s'édifie au spectacle des vitraux resplendissants ou de tableaux pieux qui font l'ornement de l'église paroissiale.

Les progrès remarquables accomplis par l'imprimerie et par la photographie ont mis à la portée de tous de bonnes reproductions des tableaux des grands maîtres, et vulgarisé tous les genres d'illustrations. Livres, journaux, revues et publications de toutes sortes introduisent dans la plupart des foyers leurs images plus ou moins recommandables. Il en est de l'illustration comme de la littérature : tout ce qu'on publie n'est pas également louable; à côté de l'oeuvre artistique se trouve souvent la platitude, et les gravures dangereuses ne sont pas moins funestes que les feuilles sceptiques ou immorales. L'honnêteté et le sens chrétien suffisent à mettre en garde contre les reproductions inconvenantes; on est souvent moins à même de distinguer entre l'art et la banalité. L'éducation esthétique est malheureusement très négligée, au grand détriment des facultés intellectuelles et des autres branches de l'éducation, en général, de la formation littéraire surtout. Si les considérations qui vont suivre pouvaient attirer l'attention de nos lecteurs sur cet important sujet, et leur faire désirer d'explorer à loisir le domaine trop peu connu du beau et des beaux-arts, nous aurions atteint l'un des buts que nous nous proposons.

Mais il est une autre question que nous voulons traiter en premier lieu. L'attrait des enfants pour les images [61] peut devenir un puissant facteur pédagogique. On le comprend de mieux en mieux de nos jours; presque tous les manuels scolaires ont leur illustration, quelquefois magnifique. L'image n'est plus considérée comme un simple ornement, une aimable distraction destinée à reposer l'élève des aridités du texte. On y voit avec raison une riche source d'idées, d'un accès facile et agréable. De nombreux questionnaires guident souvent le maître et l'élève dans ce travail, et même certains ouvrages ont fait de l'image une partie essentielle de leur système d'enseignement. Nos livres d'anglais, le cours élémentaires surtout, sont dans ce cas.

Tous les professeurs ne comprennent pas au même degré l'utilité de l'étude des images. Ne s'en trouverait-il pas qui négligent complètement de se servir des questionnaires que leurs élèves ont sous les yeux? Ceux-là ne se doutent pas qu'ils ont sous la main un précieux instrument pour la culture de l'imagination, la formation du goût et le développement de l'esprit d'observation. C'est ce que nous voulons maintenant expliquer avec quelque détail.

Le mot image, dans le sens large où nous l'entendons ici, comprend toutes les illustrations de nos livres de classe, les tableaux de catéchisme ou d'histoire sainte, les calendriers illustrés, les gravures, photographies, lithographies et autres reproductions qui peuvent servir à l'ornementation des locaux scolaires, ou constituer un album à l'usage personnel du professeur ou des élèves. En nous plaçant au point de vue spécial de leur utilisation pédagogique, nous les grouperons en trois classes principales dont la distinction n'a rien d'absolu: les images documentaires, les images anecdotiques et les images artistiques. Cette classification ne comprend pas les oeuvres purement décoratives dans lesquelles les éléments stylisés, bien qu'empruntés à la nature, ont plus ou moins perdu leur identité et ne prétendent plus à la reproduction d'objets réels. Leur intérêt, d'un ordre entièrement différent, reste étranger au sujet qui nous occupe.

Les images documentaires.

Ce titre désigne toutes les images dont l'utilité principale est de fournir des informations, données ou renseignements quelconques. Cette classe, très nombreuse, comprend, en majeure partie, les illustrations des journaux, catalogues, dictionnaires, ouvrages de sciences, et beaucoup d'autres: portraits, costumes, édifices, instruments, points de vue géographiques, animaux, plantes, productions diverses, etc.

Leur but évident est d'instruire en parlant aux yeux, en montrant les personnages, les objets, les sites, etc. Elles se joignent souvent à la description, qu'elles complètent d'une manière très heureuse. La description a l'avantage d'interpréter en montrant, de guider l'esprit dans son observation, de lui communiquer parfois les impressions, les sentiments d'un auteur savant et délicat. Mais elle reste impuissante à fixer d'une façon exacte les traits physiques, les formes réelles; et, dans bien des cas, aucune description ne peut donner d'une chose une idée aussi rapide, aussi précise qu'une image bien faite.

Ce genre d'illustrations n'impose d'ordinaire que peu de travail à l'intelligence de l'enfant; cependant on se tromperait fort si l'on croyait que les élèves saisissent d'eux-mêmes tout ce que la gravure qu'ils ont sous les yeux peut leur fournir de renseignements utiles. Il faut les guider dans cet examen, leur faire remarquer les détails, nommer les parties, expliquer leur importance, leur rapport avec l'ensemble, etc.

Prenons comme exemple la première image du Cours moyen de La Classe en [62] Anglais, qui représente la caverne des trois voleurs. Négligeons, pour l'instant, le côté anecdotique dont il sera bientôt question. Cette gravure peut fournir matière à des explications qui mettront en éveil l'attention des enfants et pourront leur faire acquérir d'utiles connaissances: Quel est l'âge probable de ces hommes? Nommez les principales parties de leur vêtement. Lequel porte une bandoulière? À quoi sert-elle? Que tient-il à la main? Nommez les parties de sa carabine que vous pouvez distinguer: (la crosse, le canon, la culasse, la courroie). Voyez-vous la détente? À quoi sert-elle? Comment les jambes de cet homme sont-elles protégées? Que portent-ils tous les deux à la ceinture? Nommez tous les objets que vous apercevez dans la caverne.

S'agit-il du portrait d'un soldat? On posera des questions du genre de celles-ci: Quel est ce personnage? Où a-t-il vécu? Qu'a-t-il fait de remarquable? Son costume ressemble-t-il à celui des soldats de notre pays, de notre époque? Nommez les parties de son uniforme. Qu'y remarquez-vous de spécial? Que signifient les médailles qui décorent sa poitrine? etc.

La représentation d'un animal suggérera des questions sur la taille, la force, l'agilité, le pelage, les moeurs, etc. On fera nommer les parties d'un édifice, leur usage, la raison de certains détails, le style, au besoin, si les élèves sont à même de le comprendre. Dans un paysage, on étudiera les éléments qui le composent, les personnages qu'on y remarque, leurs occupations, leurs costumes, les habitations, la végétation, etc.

Ce travail plaît aux enfants; il a de plus un double résultat fort précieux: il augmente notablement leur vocabulaire et il leur apprend à observer. L'habitude de nommer ainsi toutes les choses qu'on voit dans les images fournit rapidement une foule de mots qui enrichissent la langue si pauvre de nos écoliers. Leur attention, une fois mise en éveil par cette analyse des détails, s'exercera plus volontiers sur les objets familiers, les incidents de la vie quotidienne ou les grands spectacles de la nature. Qui ne voit le profit immense qui peut résulter de cette heureuse disposition? L'inobservation n'est-elle pas la cause principale de la stérilité littéraire de la plupart de nos élèves?

Les images anecdotiques.

L'image anecdotique est au récit ce que l'image documentaire est à la description. C'est une histoire qu'elle raconte ou plutôt qu'elle suggère; car, ne disposant que d'un seul moment historique, elle ne saurait exprimer clairement ni les antécédents ni les résultats de la scène qu'elle représente.

Souvent, l'image anecdotique accompagne un texte qu'elle sert à illustrer. Le texte alors fournit, en général, les explications suffisantes pour comprendre l'image; celle-ci à son tour, vient préciser bien des détails et permet aux imaginations lentes de suivre avec plus d'intelligence les données du texte. Les enfants comprennent beaucoup moins qu'on ne le croit d'ordinaire. Leur expérience des hommes et des choses est très bornée; une foule d'expressions qu'ils rencontrent couramment dans les livres ne réveillent dans leur esprit que des idées confuses ou imparfaites, sinon complètement erronées. Leur inexpérience se traduit encore par une sorte d'impuissance à grouper les détails d'un récit, à composer les scènes racontées, de sorte que la vision qui se déroule devant leur jeune intelligence n'a point le relief ni l'exactitude qui font seuls une impression nette et durable. Par voie de conséquences malheureuses, ces mêmes élèves, appelés à raconter à leur tour, ne savent rien exprimer avec clarté et vigueur; ils se contentent d'un style sans couleur, sans consistance, sans logique, à l'image des impressions confuses [63] qui se heurtent dans leur esprit.

Pour remédier à ce grave défaut, on conseille parfois d'encourager les enfants à illustrer eux-mêmes le texte de leurs dictées et de leurs rédactions. Ce procédé a de réels avantages; il a aussi, hélas! de non moins réels inconvénients. Si, au contraire, les textes proposés aux enfants sont habilement illustrés par un dessinateur expert, non seulement les images augmenteront le charme du récit, mais elles lui apporteront un supplément de précision dont on ne saurait guère exagérer l'importance.

Ici encore, c'est le maître qui doit présider à l'analyse, en laissant aux élèves toute la liberté possible d'exercer leurs sens critique. Il fera discuter les attitudes, les gestes, les actions, les expressions du visage, les vêtements, les détails accessoires, etc. Il fera donner la raison de chaque chose, remarquer le lien logique qui rattache les détails et fait l'unité de l'ensemble.

Revenons à l'image que nous avons étudiée plus haut dans son intérêt documentaire, et, cette fois, envisageons-la spécialement du côté anecdotique. (Il arrive ainsi fréquemment qu'une même gravure puisse à la fois se classer dans les différents groupes, que nous n'avons distingués que pour les besoins de notre exposition.) Les questions qui suivent le texte de la leçon peuvent servir à l'étude de l'image, mais on fera bien d'entrer dans beaucoup d'autres détails. On pourra demander: Lequel des voleurs parle à l'autre? Que signifie le geste qu'il fait de la main droite? Pourquoi tient-il sa carabine? Pouvez-vous lire sur son visage quelque chose des idées et des sentiments qui agitent son âme? Pourquoi l'autre voleur n'a-t-il pas d'arme en main? Expliquez son attitude. Le coffre ouvert devant eux a-t-il quelque rapport avec leur conversation? Quelle opinion ces deux hommes ont-ils au fond l'un de l'autre? Sont-ils véritablement amis? Quel est le titre qui leur convient plutôt?

Si le sujet de l'image n'est pas expliqué par un texte, après l'étude minutieuse de l'ensemble et des détails, le maître proposera de reconstituer le récit dont l'illustration représente le point culminant, ou, comme on dit quelquefois, le moment utile, c'est-à-dire, le point de l'action qui laisse deviner tout à la fois les événements antérieurs et les conséquences probables. Cet exercice d'imagination fournit la matière d'intéressantes rédactions où le travail d'invention, aidé par la gravure, perd beaucoup de sa sécheresse ordinaire, et reste néanmoins très fécond.

Il vaut mieux ne pas se contenter d'une simple description de l'image. Il nous semble même préférable que la rédaction de l'élève n'en fasse aucune mention. L'enfant ne devra s'en servir que pour la reconstitution du récit. On trouve dans nos livres de nombreuses illustrations qui se prêtent fort bien au travail dont nous venons de parler." (p. 64).

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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