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Sources imprimées

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1920

xxx. Programme d'études de l'école primaire élémentaire: précédé de notes concernant l'organisation pédagogique et l'organisation disciplinaires et accompagné d'instructions pédagogiques. Québec, s.n., 1920. 104 p. ISBN 0-665-83036-X.

"XV. Le manuel. En parlant de la leçon et de la manière de la donner, le livre n'est guère intervenu. A l'école primaire, surtout aux cours préparatoire, inférieur et moyen, le maître doit se dispenser du [p. 15] manuel pendant la leçon, sauf pour la lecture. L'enseignement se donne comme expliqué plus haut: c'est l'unique moyen de pénétrer dans l'intelligence des enfants de cet âge. On explique comme si le manuel n'existait pas, et on fait rendre compte de la leçon dans les propres termes de l'élève, sans s'occuper du manuel. Mais la leçon terminée, le maître prendra le manuel et fera constater qu'il résume toute la substance de ce qui a été enseigné; au besoin il expliquera les mots et les phrases qui pourraient offrir quelque difficulté à l'élève. Puis l'enfant pourra ensuite se servir de son manuel comme aide-mémoire, afin de s'aider à graver dans sa mémoire des idées qui pourraient lui échapper et les termes précis dans lesquels se moulent les idées qui ont pénétré son intelligence.

Par là on voit l'usage qu'il faut faire du manuel. Les directions [sic] suivantes, qui résument et précisent toute la théorie de l'emploi du livre de classe, doivent être scrupuleusement observées par le personnel enseignant.

1. L'enseignement purement livresque est partout prohibé.

2. L'usage du manuel est absolument interdit aux cours préparatoire et inférieur, sauf les livres de lecture. A ce stage de leur développement, les enfants ne savent pas lire suffisamment pour tirer profit d'un livre, et son usage ne peut avoir d'autre effet que de substituer la culture de la mémoire des mots à la culture de l'esprit par les idées.

3. Aux cours moyen et supérieur, on utilise le manuel pour atteindre deux objectifs: a) comme aide-mémoire, après la leçon apprise par l'enfant sans le livre, suivant ce qui a été expliqué plus haut; b) comme auxiliaire, parce que le manuel bien fait apporte des applications qui fournissent à l'élève une matière sur laquelle il pourra occuper son activité pendant la classe, entre les leçons, ou à domicile.

En toute éventualité, le livre ne doit arriver que pour confirmer, synthétiser l'enseignement oral.

Dans les limites, le livres est utile et nécessaire à l'élève et au maître: à l'élève qui y trouve le condensé de ce qu'il appris pour se le graver davantage, et des applications qui lui permettront de faire un travail personnel; au maître pour lequel il sera un guide et un aide pour interpréter le programme, préparer ses leçons, et fournir des applications à ses élèves.

Le manuel est nuisible lorsqu'il remplace l'enseignement oral; quand on le suit servilement d'une leçon à l'autre; quand il se borne au par coeur qui ne permet pas de rendre compte d'une définition, d'une règle, ou d'un fait, sans employer les mots mêmes du livre; lorsqu'il emprisonne dans les formules sans pénétrer dans l'idée.

L'utilité du lire varie selon les spécialités. Dans la lecture il est évidemment indispensable. En catéchisme, aux cours moyen et supérieur, il est nécessaire, pour que le texte en soit confié à la mémoire, mais le texte expliqué, compris par l'élève, avant que la formule soit logée dans la mémoire. En mathématiques et en grammaire, le tableau noir et la leçon orale sont presque tout. En géographie et dans les leçons de choses, le livre ne peut avoir d'utilité qu'après [p. 16] l'étude de la carte ou l'observation des objets, et son importance est bien secondaire.

Mais encore une fois, et c'est le point à retenir, toute étude dans un manuel, pour être profitable, suppose et exige des explications suffisantes et de nombreuses interrogations de contrôle.

Le livre ne devient l'ami de l'enfant que quand celui-ci le comprend bien, quand il lui sert d'auxiliaire pour retrouver les choses dont le maître lui a parlé. Il l'ouvre alors avec plaisir, et se plaît à chercher et à apprendre la leçon qui lui a été expliquée.

Mais il importe que les élèves, après avoir étudié le texte, ne soient pas forcés de le réciter mot à mot. Sans doute, le maître sera nécessairement amené à exiger le texte exact, littéral, quand il s'agira d'une définition qui ne comporte pas d'à peu près, d'une formule qui doit rester gravée dans la mémoire, des résumés de l'histoire, des prières, des leçons de catéchisme et des morceaux qui servent d'exercices de diction. Pour le reste, il acceptera volontiers tout ce qui reproduira la pensée du manuel, sous quelque forme que l'enfant l'exprime. Il encouragera même les écoliers à dire les choses à leur façon, se contentant de redresser avec douceur les incorrections de langage et les termes impropres." (p. 15-17)

1920
Delage, Cyrille-F. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1919-1920. Québec, Ls.-A. Proulx, 1920. xxiv, 453 p.

Rapport de l'inspecteur Paul Hubert (Rimouski).
"L'histoire du Canada a été enseigné [sic] joliment suivant le programme mais les manuels sont trop désuets. Avec le temps les changements se feront et les manuels récemment approuvés seront dans toutes les écoles." (p. 87).

Rapport de l'inspecteur Rodolphe Maltais (Aylmer):
"Manuels scolaires. En général, le choix des livres de classe est fait par le secrétaire-trésorier qui n'y met pas toujours le temps voulu et qui par surcroît n'a pas toujours la compétence pour le faire. Il en résulte que les institutrices qui manquent et d'initiative et d'expérience suivent à l'aveugle une série de livres qui, tout en étant d'une certaine valeur pédagogique, n'est pas celle qui aurait dû être choisie. L'histoire, la géographie, pour ne citer que deux matières, s'étudient par coeur. Ces études par coeur sont souvent d'une valeur peu durable si, au préalable, il n'y a pas eu d'explications de données. Elles n'ont jamais, en outre, la valeur d'une règle, d'un problème ou d'un fait bien expliqué et bien compris." (p. 116).

Rapport du sous-comité chargé de l'examen des livres classiques 23 septembre 1919.
"Il est pris communication d'une lettre du révérend Frère Olippius, visiteur-auxiliaire des Frères des Ecoles chrétiennes, demandant l'autorisation de majorer les prix de vente des manuels de classe des Frères des Ecoles chrétiennes. Le sous-comité n'ayant pas tous les renseignements suffisants pour lui permettre de se prononcer sur cette question, suggère que M. le Surintendant de l'Instruction publique soit chargé de prendre les informations voulues et de faire rapport à ce sous-comité, à sa prochaine réunion." (p. 376).

Rapport du sous-comité chargé de l'examen des livres classiques 3 février 1920.
"M. le Surintendant annonce qu'il s'est conformé au désir exprimé par le sous-comité, à sa dernière réunion, concernant la demande de majoration du prix de vente de plusieurs manuels de classe des Frères des Ecoles chrétiennes, et que cette question a été soumise à l'imprimeur du roi. Celui-ci a fait une enquête à ce sujet et, dans un rapport daté du 6 octobre 1919, il déclare en être arrivé à la conclusion que l'augmentation du prix du papier, du carton, de la toile, du fil et de la main-d'oeuvre, depuis l'année 1914, justifie une augmentation de 30 pour cent pour les livres ordinaires et de 35 pour cent pour les manuels de géographie avec cartes en couleur." (p. 396).

Rapport du comité protestant: rapport du sous-comité des livres 21 novembre 1919.

"1. Achat des manuels. A l'ouverture des écoles, au mois de septembre, la quantité de manuels autorisés était bien insuffisante dans toute la province. D'après certains rapports précis reçus par le Département, il semble que le retard apporté à fournir les manuels a été presque entièrement dû aux difficultés ouvrières dans les industries de l'impression et de la reliure. Ces difficultés se sont autant fait sentir dans les autres provinces et règnent également, sinon avec plus d'intensité, dans la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Au cours des trois dernières semaines, néanmoins, les conditions se sont améliorées, en ce qui concernent [sic] nos manuels. On peut maintenant se procurer les nouveaux Royal Crown Readers, et la plupart des autres livres, qui manquaient au commencement de l'année scolaire, sont maintenant en librairie ou attendus dans quelques jours.

2. Revision [sic] quadriennale. Conformément à la recommandation de ce sous-comité, telle qu'approuvée par le Comité protestant, on avait l'intention de procéder, au cours de la présente année, à la revision générale des manuels à autoriser pour les quatre années 1920-24. Dans notre opinion, cependant, l'état dans lequel se trouve actuellement l'industrie de la publication des livres, en général, rend cette mesure inopportune. On déclare que le coût de la production est encore élevé et les prix élevés se maintiennent encore, avec presque aucun espoir, qui puisse tenir, d'une réduction du coût et des prix dans un délai raisonnable. Dans ces circonstances, nous recommandons que la revision quadriennale soit retardée et que la liste actuelle autorisée des manuels soit de nouveau autorisée pour l'année 1920-21, sauf les changements peu nombreux qui pourront être rendus nécessaires par une nouvelle augmentation des prix, ou pour toute autre raison valable." (p. 421-422).

Réunion du comité protestant 23 avril 1920.
"Le président explique que cette réunion a été convoquée surtout pour étudier une question qui presse et qui s'est présentée depuis la dernière réunion, au cours de laquelle ont été autorisés certains manuels publiés par la Educational Book Company de Toronto. Depuis la réunion à laquelle les manuels ont été autorisés aux prix indiqués, la Educational Book Company a retiré ses prix et en a offert d'autres.

Le secrétaire donne alors lecture de lettres expliquant la position de la compagnie.

Après discussion, le Comité adopte la motion suivante sur proposition de M. Bickerdike, appuyé par le docteur Shurtleff: Vu que la Educational Book Company a offert, en janvier dernier, de fournir certains livres à certains prix; vu que sa soumission a été acceptée par ce Comité et que ladite compagnie refuse maintenant de fournir ces livres aux prix donnés dans cette soumission et qu'elle demande d'autres prix;

Le Comité, bien qu'il considère que la compagnie n'est pas justifiable de refuser de se conformer à sa soumission, est d'opinion que les dits livres ayant été approuvés par le Comité et étant actuellement en usage dans cette province en général, il est maintenant dans l'intérêt public que l'emploi de ces manuels soient continués [sic] pendant une autre année et il accepte donc, sous protêt, les prix maintenant demandés par la compagnie.

Sur proposition de M.M. Bickerdike et Walter, le secrétaire reçoit instruction de demander au procureur général de définir la position du Comité comme corporation, spécialement en ce qui concerne son pouvoir de passer des contrats.

Le secrétaire donne alors lecture d'une lettre du docteur Nicholson pour le Bureau des examinateurs de l'école finale, dans laquelle il demande que la rémunération soit augmentée de vingt à vingt-cinq cents par copie. Cette demande est accordée." (p. 429-430).

1920.03
Magnan, Charles-Joseph. "Bibliographie", L'enseignement primaire, 41. 7 (mars 1920):445.

"Manuel de cuisine raisonnée, par les Religieuses de l'Ecole normale ménagère de Saint-Pascal, (Congrégation de Notre-Dame), Imprimerie de l'Action Sociale, Québec, 1919.

Un volume de 420 pages, renfermant 22 chapitres sur tout ce qui regarde la cuisine raisonnée. A la première page de ce manuel précieux nous lisons cette sage pensée de Jean Bruhnes: «La valeur et la vertu de la femme, ce ne sont pas seulement la vaillance et la vigilance, c'est le savoir-faire.»

Et l'un des savoir-faire que la femme doit posséder aujourd'hui plus que jamais, vu la rareté des domestiques, c'est bien l'art culinaire. Dans le traité de Cuisine raisonnée, les religieuses de l'École normale de Saint-Pascal ont groupé avec méthode et clarté toutes les connaissances requises pour être excellente cuisinière. Le premier chapitre est consacré à la «Maîtresse de Maison», et ce n'est pas le moins intéressant. Nous souhaitons que cet ouvrage se répande dans toutes les familles. Prix. $1.00. S'adresser à l'Ecole normale classico-ménagère, Saint-Pascal, Co. Kamouraska, P.Q."
1920.06.12
Delage, Cyrille-F. Department of public instruction to Commissioners, Trustees and Secretary-Treasurers of Protestant School Boards. (Lettre circulaire dont on trouve un exemple dans ANQ, E13/1102, dossier 875/1920).

[...]

"Text books.

The list of text books authorized by the Protestant Committee for the school year 1920-21 is now printed and a copy is sent herewith. There are very few changes in the list, so far as the books are concerned, but unfortunately there are some increases in the prices. The shortage of book paper, increased wages, and other causes have combined to make books in general dearer, and school books have not been an exception in this respect. Some saving will be effected for the parents in general however, if the boards will in every case provide the books they are expected to purchase, namely those of List II. It is also essential for the boards to provide the teacher with all the class books required."

1920.11.15
xxx. "L'enseignement livresque", Les études - Journal-programme paraissant les 1er et 15 de chaque mois, 22, 4(15 nov. 1920):38-41.

"Les élèves doivent avoir en mains un manuel scolaire pour l'étude des principales matières de leur programme, et ce serait une utopie, jadis en vogue, de prétendre qu'il est mieux de s'en passer, et de s'en tenir à l'enseignement oral du maître.

Mais n'oublions pas que le manuel scolaire n'est qu'un répétiteur. Il faut que le maître fasse d'abord comprendre la leçon afin de la mettre à la portée de l'enfant; c'est alors seulement que celui-ci pourra l'étudier avec profit dans son livre. Sans cette préparation préliminaire, l'étude devient machinale et fastidieuse; ce n'est qu'un pénible exercice de mémoire qui ne contribue que très faiblement à la culture de l'intelligence.

Évitons à tout prix cet enseignement livresque, car il nuit à l'éveil de la pensée personnelle, au développement de l'esprit d'observation, à la formation du jugement. Si l'enfant contracte à l'école l'habitude de lire, d'étudier, de réciter et de parler sans réfléchir, sans songer au sens des paroles qu'il prononce, il reçoit un enseignement qui est tout l'opposé de l'éducation intellectuelle.

On rencontre parfois des élèves qui ne comprennent pas certaines réponses fort simples de leur catéchisme, ou qui sont incapables d'appliquer une règle de grammaire qu'ils récitent mot à mot. D'autres ne saisissent pas le sens d'une phrase brève et claire qu'ils viennent de lire. On en voit aussi qui peuvent facilement ajouter 170 et 52, par exemple, et soustraire cette somme de 395, mais qui se trouvent absolument déroutés si l'on présente ces deux opérations sous une forme pratique, comme celle-ci: J'ai reçu $395; je dépense $170 pour des marchandises et je paie une dette de $52; combien me reste-t-il ? Lorsque la majorité des élèves fait preuve de semblable irréflexion, tout examinateur tire cette conclusion: le maître donne un enseignement livresque; il fait apprendre, mais non comprendre; voilà des enfants dont les facultés intellectuelles ne se développent pas; elles s'étiolent, faute d'une culture rationnelle.

Nos jeunes lecteurs veulent, nous les connaissons trop bien pour en douter, se perfectionner non seulement comme religieux et comme étudiants, mais aussi comme professeurs. Si chaque année doit marquer pour nous un progrès dans la vertu et dans la science, elle doit aussi accroître notre compétence pédagogique et améliorer notre méthode d'enseignement.

C'est pour répondre à ce sentiment de probité professionnelle chez nos confrères que nous traçons ces lignes. Et afin de mieux mettre en lumière les conseils qui précèdent, nous présenterons aujourd'hui quelques suggestions sur l'enseignement de la lecture et de la grammaire.

L'abécédaire se compose en majeur partie de mots isolés et de phrases détachées. Néanmoins, il faut, même en première année, consacrer deux ou trois minutes au cours de chaque leçon à faire parler et réfléchir les enfants. Un mot, une phrase à leur portée peut offrir une excellente occasion de pratiquer cet exercice. Amenez-les à penser à ce qu'ils lisent, à exprimer ce qu'ils savent sur le sujet en question. Maintenez à la fois le bon ordre et l'émulation; inspirez de la confiance aux plus timides, et gardez-vous bien de ridiculiser ceux qui donnent de mauvaises réponses.

Les images du livre de lecture ou des tableaux illustrés peuvent aussi être l'objet de semblables exercices pourvu [38] que le maître s'habitue à poser des questions d'intelligence, graduées, méthodiques, et à la portée de son jeune auditoire.

Les manuels de lecture courante sont presque toujours intéressants, mais pour en tirer parti, ils ne suffit pas de les lire. N'omettons jamais le questionnaire du livre; sachons y suppléer au besoin pour mettre le texte à la portée des enfants. Habituons ceux-ci à résumer oralement ce qui vient d'être lu.

Une lecture faite avec le ton convenable est, pour les écoliers, le meilleur des commentaires. Il n'est pas rare de trouver en 2e et 3e année des élèves qui lisent avec un naturel remarquable. On voit qu'ils comprennent et goûtent ce qu'ils disent avec tant d'aisance. Mais il arrive souvent que, dans les classes supérieures, la lecture devient monotone et triste, comme si elle n'évoquait aucune idée dans l'esprit des enfants. Nous signalons ici un fait surprenant, mais incontestable. Comment expliquer qu'un élève lise mieux à dix ans qu'à quinze ? Essayons.

Les grands élèves lisent habituellement mal parce qu'ils sont à l'époque où la voix mue et perd de sa souplesse; parce que le maître néglige la lecture sous prétexte que le temps fait défaut; parce que lui-même ne se donne pas la peine d'interpréter un morceau de lecture devant sa classe; parce que n'ayant personnellement ni l'amour ni le goût de la lecture dans ses heures de loisir, il ne saurait facilement analyser un texte, en saisir la valeur littéraire et le faire apprécier de ses élèves.

La lecture expliquée est de l'avis de tous, le meilleur moyen de faire acquérir des idées aux enfants et de les initier à la pensée personnelle. Si l'on supprime cet exercice, il n'est pas surprenant que les élèves réussissent médiocrement dans la composition française. S'étonne-t-on que la récolte soit maigre là où l'on n'a presque rien semé?

La grammaire peut être enseignée d'une manière active, vivante et intéressante, mais on en fait souvent une étude rebutante et morne. Enseigner la grammaire, c'est pour certains maîtres faire apprendre un grand nombre de règles et d'exemples que les élèves doivent réciter à tour de rôle pour avoir des points. Oh! ces interminables récitations individuelles, comme on y tient et comme on en abuse! Voyons, chers confrères, quand vous aurez à faire réciter quelques règles, je suppose celles de même et de quelque, pourquoi ne pas écrire une dizaine d'exemples au tableau, sans accorder les adjectifs en question, et faire ensuite résonner ces différents cas devant toute la classe attentive? Tous vos élèves s'y intéresseront, vous ferez réfléchir ceux qui se trompent, vous mettrez aux prises deux élèves en contradiction, vous les aiderez à trouver la règle qu'on doit appliquer, et cette récitation sera elle-même une étude collective attrayante et très profitable.

J'admets que pour stimuler certains écoliers on les interroge individuellement, en aparté, avant la récitation générale; mais il ne faut pas que ces séances de récitation privée se prolongent et durent une demi-heure chaque matin. Dans ces conditions, les leçons deviennent un simple exercice de mémoire; on s'assure qu'elles sont apprises, mais on ignore si elles sont comprises, et c'est le plus important.

Vous avez à faire réciter des verbes? Envoyez au tableau un groupe d'élèves, et que chacun d'eux écrive le temps que vous lui indiquerez. En attendant, faites réciter les écoliers qui sont à leur place. Le travail au tableau étant terminé, commencez-en la correction en y intéressant toute la classe. N'omettez jamais de faire dire la règle appliquée; qu'elle [39] soit même répétée plusieurs fois par celui qui l'a violée.

Et les points accordés pour la leçon? me dira-t-on. Voilà bien la principale préoccupation de certains maîtres, et ils la font naturellement partager à leurs élèves.

Bien que le souci de la formation intellectuelle doive l'emporter sur celui des récompenses, nous ne blâmons pas celles-ci, car il en faut; mais le procédé que nous recommandons ne les supprime pas.

Quand, au cours de la récitation dont nous avons parlé, des élèves n'ont pas répondu d'une manière satisfaisante, on leur dit que la leçon n'est pas sue ou qu'elle est à moitié sue. On peut même les ranger debout au fond de la classe et leur donner plus tard l'occasion de se ressaisir s'ils ont été bien attentifs. La récitation terminée on met une mauvaise note à ceux qui n'ont pu répondre d'une manière satisfaisante et rien aux autres; mais il est convenu que lorsqu'un élève n'a aucune mention sur votre cahier de récitation, c'est qu'il a conservé tous ses points. Une absence est indiquée par une croix à la place de la note. À la fin de la semaine, il suffit de multiplier le nombre de leçons par le maximum de points accordé à chacune pour obtenir le total à inscrire sur le livret de correspondance. Quoi de plus juste et de plus simple!

Ne donnez jamais une leçon sans l'avoir bien expliquée, à moins que ce soit une revision [sic]. Faites constater aux enfants d'une manière concrète le fait de langage ou la modification orthographique qui est l'objet de la leçon. Voulez-vous faire comprendre le rôle des personnes grammaticales? Appelez un écolier près du bureau et parlez-lui d'un camarade. Vous obtenez ainsi un exemple vivant de ce qui fait l'objet de la leçon. Donnez des explications simples et claires, et vous serez compris. S'il s'agit de la forme active, passive ou pronominale d'un verbe, recourez au même procédé intuitif, et faites écrire au tableau la série des actions. Soit, par exemple: Jean frappe Pierre; Pierre est frappé par Jean; Jean se frappe. Il vous est alors facile de faire remarquer que, dans le premier cas, le sujet est l'auteur de l'action; dans le second, il en est l'objet. Demandez ensuite des exemples semblables à vos élèves.

À ce compte-là, pensera plus d'un maître, la grammaire sera enseignée très lentement. Voici ce que répond à cette objection Ch. Charrier, Inspecteur de l'enseignement primaire de la Seine, dans un ouvrage tout récent. «Il est certain qu'il est beaucoup plus rapide d'indiquer une règle soi-même que de la faire trouver. Mais l'enfant n'aura entendu que des mots: il répétera la règle sans la comprendre, et l'aura même vite oubliée. Un enseignement trop rapidement donné n'est pas un enseignement qui profite; on pourrait la comparer à une pluie d'averse, qui s'écoule rapidement vers le ruisseau voisin sans pénétrer dans le sol.

Le maître va lentement, sans doute, mais il a le plaisir de constater que son enseignement est bien compris. Sans se hâter, il fait dégager et formuler la règle, et cette règle serait bien vite reconstituée par les élèves s'ils venaient à l'oublier momentanément, car l'esprit retrouve facilement ce qu'il a une fois bien saisi.

Qui ne voit, en outre, qu'une leçon de grammaire faite par la méthode inductive est une leçon bien vivante? Chaque élève y prend une part active: il lit les exemples, les compare les uns aux autres, observe, fait des remarques, et son esprit est constamment tenu en éveil.»

Cette participation volontaire, joyeuse [40] et réfléchie de l'enfant au travail d'investigation auquel donne lieu cette méthode devient pour lui un excellent exercice d'éducation intellectuelle. Il acquiert l'habitude de rechercher la raison des choses, de remonter d'un exemple à une règle dont il est l'application, et de n'agir qu'après mûr examen.

Voilà d'excellentes raisons, pensons-nous, pour rompre avec la routine des longues et mornes récitations individuelles qui rendent parfois si ennuyeux l'enseignement de la grammaire." (p. 41).

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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