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Sources imprimées

* * *

1908

xxx. Regulations for city schools under control of the protestant board of school commissioners for Montreal adopted june 17th, 1908. Montréal, W.H. Eaton & son, 1908. 33 p. ISBN 0-665-75609-9.

"xxii. - Text-books
1. Every pupil is required to procure all such text-books and other school requisites as are enumerated in the limit table of the class to which he or she belongs, and none other.

2. In case of deserving indigence, the Secretary-Superintendent may provide and lend, with due precaution for their proper preservation, text-books and other school requisites, preserving a record of each case." (p. 18).

1908
Baillairgé, Frédéric-Alexandre. Défense du cours d'histoire sainte de F.-A. Baillairgé. St-Hubert, s.n., 1908. 48 p.
1908
Baillairgé, Frédéric-Alexandre. [Mémoire de l'abbé Baillairgé. On peut en consulter un exemplaire aux Archives nationales du Québec, Fonds Correspondance du département de l'instruction publique, E13/864 1A23-2401B, dossier 1292/1908].

"A Nos Seigneurs et à Messieurs, membres du sous-comité chargé de l'examen des livres classiques.

Je viens de publier, avec le non obstat de M. Lecoq, supérieur de Saint-Sulpice, censeur, et le permis d'imprimer de Mgr Bruchési, archevêque de Montréal: Un cours d'histoire sainte classique.

Ce cours se compose:

1° d'un A B C d'histoire sainte à l'usage des élèves du cours préparatoire et du cours élémentaire: 1ère et 2ème année;

2° d'une histoire sainte plus développée, à l'usage du cours élémentaire, 3ème et 4ème année; du cours intermédiaire, 5ème et 6ème année; avec notes d'histoire correspondante pour les élèves du cours académique. Cet ouvrage divisé en 124 leçons, peut être parcouru en entier, à 6 leçons par mois (Voir la préface). Le programme du maître y est tout tracé.

L'illustration se compose de 130 gravures.

Nous avons fait un essai prolongé, de l'enseignement de l'histoire sainte, d'après cette méthode, au couvent de Saint-Hubert et dans les écoles de la paroisse. Le résultat a dépassé nos espérances.

Le cours élémentaire comporte questions et réponses.

Les deux autres cours vont, sans questions, au fil de la plume. Nous avons cependant publié, à part, un questionnaire, pour qui en éprouvera le besoin.

J'ai l'honneur d'être,
Votre très humble et tout dévoué,
F. A. Baillairgé, ptre, curé.

Lettre de M. Hébert, inspecteur d'écoles pour Chambly-Verchères.
Longueuil, 20 avril 1908.

Monsieur le curé,

Quatorze années d'expérience dans l'enseignement, et huit années d'inspectorat, m'ont convaincu que la méthode concentrique est la seule qui soit de nature à produire des résultats par nulle autre surpassés, dans nos écoles primaires.

En examinant le traité d'histoire sainte que vous avez l'intention de mettre entre les mains des écoliers canadiens, j'ai constaté avec un très grand plaisir que vous l'aviez disposé d'après une méthode pour laquelle j'éprouve la plus grande prédilection.

Permettez-moi, Monsieur le curé, de vous présenter mes sincères félicitations, et de vous souhaiter tout le succès que mérite l'excellence du travail et de la disposition.

Joseph Hébert, insp. d'écoles.

Lettres de la supérieure, et de la directrice des études, au couvent de Saint-Hubert, où cette histoire sainte est en usage.

Couvent se St-Hubert, 2 mai 1908.

Monsieur le curé,

Votre cours d'histoire sainte, que nous suivons (depuis quelques années), nous donne entière satisfaction. Nous attribuons ces bons résultats à la méthode que vous suivez. Les élèves même qui ne font que le Cours élémentaire acquièrent une connaissance précise de la vie de Notre-Seigneur, et de l'histoire du monde.

Les nombreuses gravures, tout au cours de l'ouvrage, sont comme de petites oasis qui réjouissent.

Les tableaux synoptiques, les résumés divers, les dates, les notes diverses, attestent un travail extraordinaire.

La clarté et la précision semblent faire le fond de l'ouvrage.

Connaître votre livre, c'est l'aimer, l'apprécier et le répandre.

Sr M. du St Rédempteur, supérieure,
St-Hubert, 2 mai 1908.

Monsieur le curé,

Ayant enseigné votre "Histoire Sainte" aux différents degrés du cours d'études, je me permets de vous dire que j'apprécie hautement votre ouvrage.

La méthode concentrique, que vous avez choisie, facilite beaucoup l'étude.

Ce qui donne une valeur particulière à votre livre c'est que vous faites de l'histoire sainte, le centre de toutes les histoires; c'est avec intérêt que l'on voit, tour à tour, se fonder, s'illustrer et péricliter les divers empires...

Sr Marie de St Victor, directrice des études

P.S. - Le livre du maître et de la maîtresse paraîtra prochainement."

1908
Boucher de la Bruère, Pierre. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1906-1907. Québec, Charles Pageau, 1908. xxix, 516 p.

Conférence (mai 1907) à Londres des ministres de l'éducation de l'Angleterre et de l'empire. Boucher de la Bruère cite un extrait du rapport de cette conférence: "Que, dans l'opinion de cette conférence, il n'est ni désirable, ni nécessaire d'adopter des mesures propres à établir l'uniformité des cours d'études ou des livres de classe pour les différents régimes scolaires des possessions de Sa majesté". (p. x).

Rapport de l'inspecteur J.-A. Chabot (St-François-du-sud).
"Les livres de classe non autorisés font maintenant partie, dans le tableau de classification, des notes accordées aux commissions scolaires; cela baisse ou rehausse leurs notes d'un nombre de points plus ou moins grand; car suivant moi, quand le titulaire est habile, les élèves sont toujours bien pourvus de livres, etc.; s'il ne sait pas faire les choses, s'il manque d'énergie, les élèves n'ont ni livres, ni cahiers, ni ardoises, même tout se détériore et tout disparaît pendant son séjour [...]." (p. 23).

Rapport de l'inspecteur J.-Z. Dubeau (Ste-Anne-de-la-Pocatière).
"Il devrait y avoir des livres distincts pour chaque année du cours. L'institutrice saurait mieux ce qu'elle a à enseigner à chaque élève, les parents suivraient plus facilement les progrès et les examens seraient plus uniformes. Le premier de ces livres ne devrait contenir que les principales choses; le second, les mêmes faits, avec quelques détails ou faits secondaires; le troisième, les renseignements fournis par les deux premiers avec des faits ou détails de moins d'importance. Au moyen de cette gradation, l'élève apprendrait, avant tout, ce qui lui est le plus nécessaire. Autant que possible, la forme ou les procédés devraient être les mêmes pour chaque année du cours. Car, pourquoi donner une forme aux analyses en 3ième année et la changer l'année suivante? Pourquoi se servir d'un procédé pour enseigner les règles d'intérêt en 4ème et en employer un autre en 5ème, etc.

Cette multiplicité de procédés cause un tort considérable. À l'arrivée d'une nouvelle institutrice, et les changements en sont fréquents, bon nombre d'élèves sont obligés d'apprendre, sous une autre forme, ce qu'ils ont vu les années précédentes. Pendant ce temps, arrive malheureusement trop tôt l'âge pour l'enfant de quitter l'école.

Si j'ai pu établir l'uniformité des livres dans mon district, je me sens impuissant à en faire mettre un peu dans l'enseignement. Un procédé ne devrait en remplacer un autre que lorsque'il lui serait supérieur, et encore ne devrait-on l'employer pour les élèves qui en auraient vu un autre, que lorsqu'il serait utile à leur avancement.

Nos livres ne devraient être approuvés qu'après avoir été examinés par des pédagogues ayant une grande connaissance des écoles pour lesquelles l'ouvrage est destiné." (p. 47).

1908
Cazes, Paul de. Manuel des commissaires et syndics d'écoles de la province de Québec. Québec, A. Proulx, 1908. viii, 156 p. ISBN 0-665-82675-3.

"Des pouvoirs et des devoirs des commissions scolaires relativement à l'administration des écoles.

[...]

4° D'exiger que, dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés qui doivent être les mêmes pour toutes les écoles de la municipalité, sous peine de la retenue de la subvention; toutefois, le curé ou le prêtre desservant de l'église catholique romaine, a le droit de faire le choix des livres ayant rapport à la religion et à la morale, pour l'usage des élèves de sa croyance religieuse, et le comité protestant a les mêmes pouvoirs, en ce qui concerne les élèves protestants; [...]." (p. 28)

1908
[Langlois, Godfroy]. L'uniformité des livres - Deux discours prononcés par M. Godfroy Langlois député de la division St-Louis au parlement de Québec - Session 1908. S.l., s.n., [1908]. 16 p. ISBN 0-665-75071-4.

"L'uniformité des livres.

Voilà une question qui intéresse tous les pères de famille dans la province de Québec.

Ici les livres de classe coûtent trop cher et sont trop nombreux. On nous exploite sans scrupule.

C'est dans l'espoir de mettre fin à cette odieuse exploitation que M. Godfroy Langlois, député de la division St-Louis de Montréal, a présenté au Parlement la résolution suivante:

"Que, dans l'opinion de cette Chambre, il est opportun de décréter, par statut, l'uniformité des livres pour les écoles primaires pour toute la province de Québec, et que l'on confie au Conseil de l'instruction publique le soin de choisir la série de livre [sic] à adopter."

Ci-après l'on trouvera une analyse des deux discours que M. Langlois a prononcés sur cette question au Parlement de Québec, à la dernière session.

Les pères de famille, les ouvriers et les paysans seront reconnaissants à M. Langlois, d'avoir si courageusement soulevé cette question devant le Parlement et devant l'opinion publique.

[p. 2]

DISCOURS DE M. GODFROY LANGLOIS
Sur l'uniformité des livres.

L'uniformité des livres est une mesure essentiellement libérale, puisqu'elle a fait partie de notre programme depuis de longues années et particulièrement du programme de 1897 qui fut ratifié par le verdict populaire.

Cette question de l'uniformité des livres n'a, dans l'espèce, qu'un caractère administratif et matériel, puisqu'elle porte non pas sur la matière à être enseignée, mais sur la multiplicité des livres que l'on met entre les mains des enfants et comme conséquence, sur la dépense inutile que l'on impose aux parents.

La résolution comporte que le choix d'une série de livres uniformes devra être fait par le Conseil de l'Instruction Publique. Il y a là toute la garantie voulue pour l'élément religieux aussi bien que pour l'élément laïque.

De 1892 à 1897, alors que le parti conservateur était au pouvoir, cette question fut agitée et débattue au Parlement de Québec. L'hon. M. Marchand, répondant un jour à l'hon. M. Flynn, faisait la déclaration suivante:

"Pour ce dernier objet, il paraît urgent que sous la direction du Conseil de l'Instruction Publique, une série uniforme autant que possible des livres de classes soit adoptée et fournie aux élèves dans toutes les municipalités scolaires, afin qu'en passant d'une école à l'autre, ils ne subissent, par leur déplacement fréquent [sic], surtout dans les grands centres industriels, la nécessité dispendieuse de se pourvoir à neuf.

Cette simple réforme est désirable, non seulement au point de vue de l'économie dans l'enseignement de la jeunesse appartenant aux classes ouvrières, mais aussi comme moyen d'obtenir l'uniformité des matières enseignées dans toutes les écoles de la province."

L'on se rappelle sans doute que dans la campagne électorale de 1897, deux questions furent surtout discutées à la tribune populaire, savoir: La question de la création d'un ministère de l'instruction publique et la question de l'uniformité des livres.

Quand il arriva au pouvoir, l'hon. M. Marchand s'efforça de donner effet à l'engagement qu'il avait pris et il présenta sa fameuse mesure de l'instruction publique qui échoua au Conseil Législatif.

On peut extraire du grand discours qu'il prononça à la Chambre des députés le 28 décembre 1897, les paragraphes suivants:

"Le peuple veut la réforme scolaire. C'est indéniable. Son aspiration est légitime. Le devoir de cette Chambre est de guider dans la bonne voie d'un progrès désirable ce mouvement d'opinion et non de l'entraver. Il faut savoir travailler avec efficacité à l'apaisement des esprits en donnant satisfaction aux revendications formelles et justes de la volonté nationale.

Je trouve étrange que l'honorable chef de l'opposition ne se rappelle qu'une des promesses électorales que j'ai faites au sujet de l'éducation, en encore ne la cite-t-il point avec exactitude.

Ces promesses, je les résume, en répétant ce que bien des fois j'ai dit à mes électeurs. J'ai déclaré publiquement, et en maints endroits, que je m'efforcerais de pourvoir efficacement au relèvement de l'enseignement primaire, par l'amélioration d e la méthode d'enseignement, de diminuer la dépense que l'instruction des enfants impose aux familles par L'UNIFORMITÉ DES LIVRES, de donner l'instruction gratuite aux classes ouvrières par les écoles du soir.

D'un autre côté, je déclarais formellement que ma politique, au pouvoir, comme dans l'opposition, serait de venir au secours des familles en réduisant, par l'uniformité des livres, les sacrifices qu'elles

[p. 3]

s'imposent pour faire instruire leurs enfants.

Nous entendons dire quelquefois que nous jouissons déjà des avantages de l'uniformité des livres en vertu d'un article du code scolaire. Or, c'est là une illusion et une fausse satisfaction, car le code scolaire décrète l'uniformité des livres pour une même municipalité scolaire, mais comme il y dans une multitude de paroisses, 2, 3, 4 et 5 municipalités scolaires, il arrive que dans la même paroisse on a 2, 3, ou 4 séries de livres différents. D'ailleurs, si l'uniformité des livres est avantageuse à une municipalité, pourquoi ne le serait-elle pas à une paroisse, à un comté, à une province?"

Mais il n'y pas que l'hon. M. Marchand qui ait réclamé l'uniformité des livres. Il y a quelques années, M. Paul G. Martineau, aujourd'hui juge à St-Hyacinthe, a proposé l'uniformité des livres à la commission scolaire de Montréal et il subit un malheureux un échec.

Il y a deux ou trois semaines, l'honorable Juge Lafontaine, professeur à l'Université Laval, faisait une proposition dans le même sens, sans beaucoup plus de succès que son prédécesseur.

D'autre part l'honorable M. Weir, trésorier provincial, se prononçait publiquement il y a quelque temps, sur cette même question et déclarait que de te toutes parts lui parvenaient des plaintes des chefs de famille protestant contre la diversité des livres et contre les dépenses onéreuses qui en résultaient pour eux.

Mais si nous sortons de notre époque et si nous remontons à 30 ou 40 années en arrière, nous trouvons des témoignages non-équivoques en faveur de l'uniformité des livres; témoignages donnés par des hommes d'une situation et d'une réputation indiscutables.

Ainsi, l'on peut lire dans le rapport de l'honorable J. Ouimet, ministre de l'instruction publique, en 1873:

"Je pense qu'il serait fort à propos qu'ici comme dans le Haut-Canada on établit un dépôt de livres d'école, cartes géographiques, livres de lecture pour les bibliothèques, etc., dont l'écoulement pourrait s'effectuer à très bas prix, le département ne tenant qu'à se rembourser du coût des achats, lesquels seraient toujours au plus bas taux, grâce aux quantités considérables qu'il prendrait à la fois".

L'honorable M. de Boucherville, ministre de l'instruction publique (rapport 1875) disait de son côté:

"Je dois insister sur la nécessité d'établir au plus tôt un dépôt de livres, cartes géographiques, globes terrestres et autres fournitures d'écoles. On n'a pas jusqu'ici attaché assez d'importance à ce projet qui, cependant, serait si propre à donner un nouvel élan à nos écoles. Au moyen de dépôts, dont je parle, on pourrait réduire les prix de moitié, ce qui permettrait d'obliger toutes les écoles à se pourvoir."

L'Hon. M. Ouimet, surintendant de l'instruction publique, (rapport 1876) disait:

"L'intention de la loi est d'établir l'uniformité des livres dans toute la province; or il m'a été impossible de me conformer à cette partie de la loi. Car d'une part le Conseil de l'instruction publique n'a pas encore révisé la liste des livres approuvés et d'autre part, je ne pourrai, dès la première année, prendre sur moi de faire un choix sans courir le risque de jeter la confusion dans certaines écoles.

Il serait pourtant à désirer que cette uniformité régnât dans toutes les écoles: l'enseignement y gagnerait."

Si nous remontons quelques années encore en arrière, nous trouvons dans le rapport de l'abbé Verreau, Principal

[p. 4]

de l'Ecole Normale, à l'Hon. M. Chauveau, ministre de l'instruction publique, en 1870-71, ce qui suit:

Page 4 Rapport de l'instruction publique 1870-71.

"La multiplicité des livres finit par être dispendieuse; elle est plutôt un obstacle qu'un avantage. Les cartes murales, pour l'enseignement de la lecture et de l'arithmétique seraient certainement aussi utiles qu'un livre et beaucoup moins coûteuses.

Parmi les instituteurs, il n'y a qu'une voix pour affirmer que les dépenses occasionnées par l'achat de livres, du papier, etc., constituent un véritable obstacle à l'enseignement.

Il y a des endroits où des vendeurs peu scrupuleux exigent le triple de la valeur de ces objets. Les parents riches hésitent quelquefois à faire ces dépenses: les pauvres à plus forte raison, eux qui ont encore à se priver du travail de leur enfant, et à l'habiller d'une manière convenable pour l'envoyer à l'école."

Vingt-cinq années plus tard, l'abbé Verreau écrivait ce qui suit (Page 115 - Rapport 1893-94):

"Plus que jamais, j'ai eu occasion dans le cours de cette année d'entendre les parents se plaindre des dépenses, souvent considérables, occasionnées par la variété et par la multiplicité des livres d'école. Il y a là un inconvénient facile à constater, quand un élève nous apporte en double et même en triple des grammaires, des géographies, des histoires saintes et autres. Ainsi, l'automne dernier un enfant qui fréquentait une école municipale laïque avait acheté les livres adoptés dans cette institution. Au commencement de l'hiver, il passa à une école dirigée par des religieux, il dut acheter d'autres livres. Au mois mai la famille ayant changé de quartier, il fallut encore se procure des nouveaux livres.

C'est pour les villes que cet inconvénient se présente surtout. Quel en peut être le remède? Je sais qu'il y a là une question très grave, qui ne saurait être traitée à la légère et qui doit être résolue d'une manière équitable pour tous.

Permettez-moi, Monsieur le Surintendant, de vous rappeler que, pour ce qui nous concerne, nous avons depuis longtemps évité la difficulté dans une grande mesure. A l'école annexe nous enseignons oralement la grammaire, l'arithmétique, la géographie, l'histoire Sainte et celle du Canada; l'élève peut s'aider du traité qu'il possède déjà; mais il n'y a de texte obligatoire que pour le livre de lecture. Au point de vue pédagogique, je trouve que l'élève apprend mieux; au point de vue pécuniaire, il y a certainement économie."

Pour bien vous démontrer que cette question de l'uniformité des livres est bien ancienne, dit M. Langlois, je vous inviterais à vous reporter avec moi en 1853, c'est-à-dire 55 années en arrière - au-delà d'un demi-siècle; et je vous suggérerais de prendre connaissance des témoignages de MM. J.J. Crémazie, J.M. Meilleur [sic: lire J.B. Meilleur] et M. Chauveau.

Rapport 1853 - Mémoire de J.J. Crémazie de Québec au comité chargé de s'enquérir de l'état de l'instruction publique et du fonctionnement de la loi des écoles:

"La diversité des livres dans les écoles est un autre sujet de reproche grave et général."

J.M. Meilleur. - "Il est notoire que le changement de livres fréquent dans les écoles, occasionne aux enfants une perte de temps, un retardement, et aux parents une dépense considérable qu'il est extrêmement facile d'éviter. Il y a plus, ce retardement chez les enfants et cette dépense, chez les parents pour subvenir au besoin toujours renouvelé des différents livres dans les écoles, est souvent cause, pour les premiers d'un surcroît de travail et de part et d'autre d'un découragement insurmontable."

P.J.O. CHAUVEAU - 1858. "Les obstacles à vaincre sont toujours:

[p. 5]

L'insuffisance des salaires accordés aux institutrices;

La trop grande facilité avec laquelle les bureaux d'examinateurs accordent des diplômes à des instituteurs et surtout à des institutrices peu capables;

L'absence d'UNIFORMITE DANS LE CHOIX DES LIVRES, la trop grande étendue du programme des matières que l'on entreprend d'enseigner dans beaucoup d'écoles élémentaires.

L'apathie de beaucoup de commissaires qui ne visitent point les écoles."

N'est-il pas vrai que ce dernier témoignage de M. Chauveau, portant la date de 1858, pourrait être signé aujourd'hui, par M. de la Bruère, et qu'il donne la physionomie assez exacte de la situation scolaire en 1908.

Si l'on se rapproche de notre époque, l'on trouve dans les procès-verbaux des séances du Conseil de l'Instruction Publique de 1895, qu'un sous-comité, nommé par ce même conseil, a mis à l'étude cette question de l'uniformité des livres, et a présenté un rapport fort intéressant signé par monseigneur Bégin, aujourd'hui archevêque de Québec.

Par ce rapport, ce sous-comité suggérait d'adopter des livres uniformes pour toute la province; d'instituer des concours, avec prix pour le meilleur ouvrage possible, et concluait dans les termes suivants:

"Tous les ouvrages recevant des prix deviendraient la propriété du Conseil de l'instruction publique, qui pourrait, avant de les faire imprimer, y faire toutes les modifications qu'il jugerait utiles.

L'auteur de chaque ouvrage adopté pour l'usage des écoles aurait dix pour cent des profits réalisés par sa vente. Le reste de ces profits appartiendrait au Conseil de l'Instruction Publique et ce Conseil l'emploierait d'abord à se rembourser des dépenses du concours ci-dessus mentionné, puis à donner des primes aux instituteurs et institutrices qui se seraient le plus distingués dans l'enseignement.

Les livres adoptés par le Conseil seraient mis en vente chez tous les libraires qui voudraient en vendre. Tous devraient les vendre seulement au prix fixé par le Conseil, et pour une commission qui serait la même pour tous.

Pour que les livres ainsi adoptés par le Conseil soient constamment tenus au courant et perfectionnés, il n'en serait tiré à la fois que le nombre d'exemplaires qui pourrait être écoulé dans une année ou deux. Des primes seraient données à ceux qui suggéreraient des améliorations importantes à leur faire.

En adoptant ce plan, le sous-comité est d'avis que votre conseil se procurerait des livres supérieurs à un grand nombre de ceux qui sont en usage aujourd'hui, et à bien meilleur marché. Les dépenses des enfants d'écoles seraient, en outre, réduites pour ceux qui auraient à changer d'école. D'un autre côté, le Conseil de l'Instruction publique aurait à sa disposition des sommes considérables qu'il pourrait, comme il a été dit plus haut, employer à récompenser les membres les plus méritants du corps enseignant, ou bien à promouvoir de toute autre manière l'instruction publique.

Le tout, néanmoins, respectueusement soumis,
(Signé)
L.N., Arch. de Cyrène, Coad. de S.E. le cardinal Taschereau.

Après lecture de ce de rapport, l'hon. M.F. Langelier, secondé par l'hon. juge Jetté, propose:

Que ce comité est d'avis qu'il serait désirable que l'on ne se servit, autant que possible, des mêmes livres des classes [sic] dans toutes les écoles sous contrôle et que dans ce but, le rapport maintenant soumis soit renvoyé au sous-comité d'examen des livres de classe, avec instruction au dit sous-comité de préparer pour la prochaine session du comité catholique un plan pour la

[p. 6]

mise à exécution de cette idée.

L'hon. M. Chapais, secondé par M. E. Crépeau, propose en amendement: Que tous les mots après "que" soient retranchés et remplacés par les suivants: Ce comité n'étant pas prêt à accepter le principe de l'uniformité des livres, le rapport soit référé au sous-comité, avec instruction de l'étudier de nouveau et de faire rapport quant aux moyens à prendre pour n'avoir dans les écoles que les meilleurs livres et restreindre autant que possible la diversité des livres dans les écoles d'un même district."

Cet amendement est adopté mais les Hon. L.R. Masson, L.A. Jetté, H. Archambault, MM. H.R. Gray, M. le Dr Leprohon ont voté contre.

Il n'y a pas que dans la province de Québec où l'on se préoccupe de cette question de l'uniformité des livres.

A l'heure actuelle, il y a un projet par lequel toutes les provinces anglaises de la Confédération s'entendraient pour adopter une série de livres uniformes pour les écoles anglaises et protestantes et dont le coût se trouverait réduit à sa plus simple expression.

Et dans le cas où l'on ne pourrait donner suite à pareil arrangement, déjà les gouvernements de la Saskatchewan et de l'Alberta ont conclu une convention en vertu de laquelle une seule série de livres de lecture sera autorisée dans les écoles publiques de deux provinces.

Cet arrangement leur permettra de se procurer des livres à meilleur marché, et il en résultera aussi que les citoyens de ces deux provinces pourront passer de l'une à l'autre, sans avoir à acheter une nouvelle série de livres d'école pour leurs enfants.

Le gouvernement de la province d'Ontario, qui apporte à l'administration des affaires de cette province une activité et un esprit d'initiative auxquels il faut rendre homme, a attaqué de front cette question de livres d'écoles.

Il a conclu des arrangements avec la maison qui, jusqu'ici, a imprimé et édité les livres de classe d'Ontario, pour réduire le coût de ces livres à un aussi bas prix que possible.

A venir jusqu'ici - c'est le "News" de Toronto qui nous fournit ces statistiques - les livres de lecture, par exemple, étaient fort dispendieux, comme l'on pourra le constater par le tableau ci-après qui compare les anciens prix avec les nouveaux:

Ancien prix Nouveau prix
Cts
Cts
Premier livre 1ère partie
10
5
2ième partie
15
7
Deuxième livre
20
9
Troisième livre
30
13
Quatrième livre
40
15
$1.15
49

Avec la nouvelle échelle de prix, l'on peut se procurer les 5 livres de lectures, en usage dans les écoles d'Ontario, pour le prix total de 49 cents. D'autre part, la Canada Publishing Company écrivait au surintendant de l'instruction publique, au Nouveau-Brunswick, une lettre par laquelle on offrait un escompte de 35 p.c. sur le prix de 49 cents. Ce qui vient à dire qu'aujourd'hui l'on peut acheter les cinq livres de lecture d'Ontario pour la somme de 33 cents.

Voici maintenant, d'après le catalogue d'une librairie de Montréal, ce qu'il en coûte pour acquérir la série de livres de lecture des Frères Ecoles Chrétiennes ou de Montpetit: Livres de lecture

Total
Frères E.C. 1 (a) 1 (b) 2 3 4 $1.08 [sic: lire 1.09]
9c 9c 21c 30c 40c
Montpetit 12c 18c 24c 40c 50c $1.44

Et l'on ne paie que 49 cents dans l'Ontario.

Maintenant si l'on traverse le ligne 45ième, l'on constate que la question de l'uniformité des livres se trouve toute réglée dans des Etats comme le Maine, le Connecticut, le Vermont, le Rhode-Island, New-Jersey, Massachusetts, Minnesota, Nebraska

[p. 7]

Illinois, Maryland, etc., parce que dans ces Etats, les livres d'école ainsi que les fournitures scolaires sont prêtés aux enfants par les Commissions Scolaires. Dans d'autres Etats comme le Michigan, l'Indiana, le Kansas, Iowa, l'Ohio et autres, les livres sont achetés directement des éditeurs par le Bureau d'Education, et vendus, dans presque tous les cas, au prix coûtant à l'élève. Dans la plupart de ces Etats, le Bureau rachète des élèves les livres dont ils ne se servent plus.

En France, en Suisse, en Belgique, comme l'instruction est gratuite et obligatoire, il s'en suit que le problème de l'uniformité des livres ne peut se présenter aux pères de famille sous le même aspect sous lequel il se présente ici.

En Suisse, par exemple, dans certains Etats, non seulement l'on fournit gratuitement les livres aux enfants, mais dans le Canton de Vaud, par exemple, les fournitures de classe sont données gratuitement aussi, aux élèves.

Si je me plaçais strictement au point de vue politique, pour convaincre les libéraux de cette Chambre, je pourrais leur rappeler qu'à la grande convention libérale de Vancouver, en octobre dernier, nos chefs, dans cette province, inscrivirent, parmi les articles de leur programme, celui de la gratuité des livres.

Maintenant, si l'on veut se rendre compte des inconvénients que peuvent encourir les déménagements dans les villes, et dans les campagnes, pour les familles qui ont de nombreux enfants, on n'a qu'à consulter la liste des ouvrages que doit avoir un élève d'école primaire à sa troisième année. A part le catéchisme, les enfants sont exposés, à chaque déménagement, à acheter de nouveaux ouvrages.

Après avoir ainsi invoqué le témoignage des plus hautes autorités dans notre pays et l'exemple des pays étrangers, M. Langlois termine son discours en disant que le parlement de Québec doit à la mémoire de feu M. Marchand, de racheter ses engagements vis-à-vis de la province de Québec; à la mémoire de l'abbé Verreau, à la mémoire des Meilleur, des Chauveau et des Ouimet de réaliser la réforme qu'ils appelèrent de tous leurs voeux, il y a déjà de longues années.

L'on doit aussi au peuple laborieux des villes et des campagnes, aux ouvriers et aux paysans, qui gagnent péniblement leur vie, de ne pas leur faire dépenser inutilement de l'argent pour l'instruction de leurs enfants.

Nous devons enfin, s'écrie M. Langlois, et c'est à des députés libéraux de cette Chambre que je m'adresse, nous devons à notre parti et à notre pays de poursuivre l'oeuvre féconde, la tâche progressive que nos devanciers ont entamée et de marcher courageusement dans les larges sillons qu'ils nous ont tracés.

M. Langlois a été longuement applaudi lorsqu'il a repris son siège.

(Du "Canada").

Voici une analyse du discours prononcé au Parlement de Québec, par M. Godfroy Langlois, député de la Division St-Louis, jeudi le 23 avril, en réponse à M. Delâge, député du comté de Québec-Est.

Nous avons eu, cet après-midi, un spectacle assez singulier, pour ne pas dire affligeant, de deux députés soi-disant libéraux paraphrasant le discours réactionnaire prononcé en 1899, par l'hon. M. Chapais, l'un des chefs du parti conservateur, du district de Québec, contre l'uniformité des livres préconisée par feu l'hon. M. Marchand.

Le député du comté de Québec a tenu, dès les préliminaires de son discours, à recourir aux procédés en honneur à l'"Action Sociale" et m'a imputé des intentions et des motifs que je n'ai jamais eus; ainsi, il prétend que, par le texte même de ma résolution, je veux imposer à la province de Québec une série uniforme de livres scolaires pour les écoles anglaises et françaises, catholiques et protestantes; or jamais pareille intention n'est entrée dans mon esprit

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et jamais la résolution que j'ai déposée devant cette Chambre n'a comporté pareil objet; car l'article 56 du code scolaire décrite [sic: lire écrit] d'une façon très précise et très catégorique que le choix des livres et fournitures de classe appartient respectivement à chacun des deux comités du conseil de l'instruction publique.

Voici comment se lit cet article: "CHACUN DES DEUX COMITES DOIT APPROUVER LES LIVRES DE CLASSE, cartes globes, modèles ou objets quelconques utiles à l'enseignement POUR L'USAGE DES ECOLES DE S A CROYANCE RELIGIEUSE, et quand il le juge à propos, il peut retirer l'approbation qu'il a donnée."

Je dois déclarer, en outre, que j'ai emprunté au discours de feu l'hon. M. Marchand, la rédaction même de ma résolution. En effet, voici comment s'exprimait le Premier Ministre:

"Il paraît urgent que, SOUS LA DIRECTION DU CONSEIL DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, UNE SERIE, UNIFORME AUTANT QUE POSSIBLE, DES LIVRES DE CLASSE SOIT ADOPTEE et fournie aux élèves dans toutes les municipalités scolaires".

Or, en 1809 [sic: lire 1899], quand feu l'hon. M. Marchand prononçait ces paroles, il ne trouva aucun homme pour protester contre son langage et pour dire que le Premier Ministre d'alors voulait affliger la province de Québec, d'une série uniforme de livres pour protestants et catholiques, mais il suffit que le député de St-Louis soumette à la Chambre ou au pays une résolution même absolument raisonnable, pour que des réactionnaires comme le député de Québec-Est et des hommes à bon principes, comme le député du comté de Québec jugent l'occasion opportune pour sauver la religion que personne n'attaque.

M. Delâge a prétendu que les opinions que j'avais citées à l'appui de ma résolution en faveur de l'uniformité des livres, n'étaient pas adéquates à cette même résolution. Il est vraiment trop difficile. On n'a pourtant qu'à relire les opinions de M. Marchand, de l'abbé Verreau, de M. Chauveau, de M. Meilleur, de M. Ouimet et autres, pour constater que leurs revendications sur cette question étaient très nettes et portaient au but.

Le député du comté de Québec a prétendu que l'uniformité des livres n'existait pas en France, en Belgique, en Suisse et même aux Etats-Unis. Il est évident qu'il ne se rend pas compte de la situation qui est faite à notre province et de celle qui existe dans les autres pays.

S'il était vrai de dire que l'uniformité des livres n'existe nulle part, il est également vrai d'affirmer que, nulle part au monde, existe une organisation de l'instruction publique semblable `a la nôtre; mais je dois avouer que la question des livres scolaires ne se présenta pas ailleurs sous le même aspect sous lequel elle s'offre à notre attention, car, dans la plupart des pays d'Europe, l'instruction est gratuite et obligatoire, et aux Etats-Unis, ainsi que je vous l'expliquais dans mon premier discours, les livres sont fournis gratuitement aux enfants d'école dans une vingtaine d'Etats, et, dans les autres états de l'Union américaine ils sont vendus au prix coûtant par les Bureaux d'éducation.

Mais, il est évident que le député du comté de Québec n'est pas très bien renseigné sur cette question, car en France, si l'uniformité n'est pas absolue, du moins elle existe d'une façon assez générale, puisqu'une circulaire officielle promulguée par le Ministère de l'Instruction Publique, en 1887, disait ce qui suit:

"L'organisation nouvelle de nos écoles publiques SUPPOSE UN CHOIX DE LIVRES UNIFORMES pour tous les élèves d'un même cours."

M. Delâge prétend que l'uniformité des livres n'existe pas en Suisse; or voici ce que décrète l'article 21 de la loi du 9 mai 1889 édictée par le grand conseil du canton de Vaud:

"LES FOURNITURES SCOLAIRES SONT REMISES GRATUITEMENT AUX ELEVES".

D'où il suit qu'il est absolument indifférent aux pères de famille du canton

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de Vaud, en Suisse, que les livres soient uniformes ou non, puisqu'ils sont fournis gratuitement à leurs enfants.

M. Delâge prétend aussi que l'uniformité des livres n'existe pas en Belgique; mais là encore, il n'y a aucun point de comparaison avec la proposition soumise à votre attention.

En Belgique, il n'y a pas de livres inutiles dans les écoles, il n'y a pas de manuels, il n'y a pas d'arithmétiques, le calcul, par exemple, s'enseigne par tableau; les grammaires s'y vendent au prix de 10 sous, alors qu'elles coûtent, dans notre province, 25, 30, 40 et quelquefois 50 centins. Même dans les écoles flamandes, on enseigne le français sans livres.

Quant à ce qui regarde les Etats-Unis, M. Delâge a prouvé qu'il n'entendait et ne connaissait rien de ce qui se passe dans la république américaine.

D'autre part, il convient d'attirer l'attention de ceux qui s'intéressent à cette question des livres, sur le fait que le ministre de l'Instruction Publique dans le gouvernement d'Ontario, déclarait, ces jours derniers, qu'il avait entamé des négociations avec les gouvernements des différentes provinces anglaises de la Confédération, afin d'arriver à établir une série de livres uniformes pour les écoles anglaises de ces provinces et, par là arriver à pouvoir vendre ces livres au plus bas prix possible.

L'une des raisons pour lesquelles M. Delâge combat l'uniformité des livres, c'est que cette mesure serait un obstacle au progrès pédagogique, étoufferait l'émulation dans le personnel enseignant et enfin aboutirait à déprécier les livres scolaires au lieu de les améliorer; or, il suffit de jeter un coup d'oeil sur certains manuels ou livres scolaires les plus récents pour constater que dette prétendue émulation n'a pas produit de résultats appréciables; au contraire, la plupart des livres qui sont écrits et publiés aujourd'hui ne le sont pas dans un but de perfectionnement, mais dans un but de lucre.

Le système actuel a mené fatalement à l'industrie intensive du livre.

Veut-on avoir un exemple de cette admirable émulation célébrée avec tant d'onction par les députés de Québec et de Québec est? On n'a qu'à ouvrir, par exemple, l'Histoire du Canada des Frères Maristes publiée en 1907 et on y trouve les choses les plus cocasses et les plus renversantes. On y trouvera de fausses représentations sur la question des écoles, une définition saugrenue du tarif préférentiel, des renseignements inexacts sur certains faits de la rébellion de 1837. A la fin de ce livre il y a un chapitre intitulé:""Les gloires du Canada," dans lequel se trouve une liste détaillée d'orateurs et romanciers, ne comprenant pas un seul nom anglais.

Pourtant, les Canadiens Anglais ont produit des hommes dont le nom et les oeuvres méritent d'être consignés à côté des noms et des oeuvres de nos compatriotes.

Peut-on ignorer, par exemple, parmi les historiens, les noms de Goldwin Smith, Kingsford, Christie; parmi les orateurs, Joseph Howe, Huntingdon, Blake, G.W. Ross, McGee; parmi les poètes: Lampmann, Bliss Carmen, Duncan Campbell, Geo. Murray, Roberts; parmi les prosateurs: Kirby.

Nous habitons un pays britannique, nous vivons dans une confédération dont huit provinces sur neuf sont anglaises et il est malheureux que l'on ne fasse pas connaître aux fils de la province de Québec les hommes et les oeuvres des deux nationalités.

Mais ce n'est pas tout. Dans la liste des historiens cités par les Frères Maristes, on a omis le nom de l'Hon. M. L. O. David qui, pourtant, a écrit des livres que personne ne peut ignorer. Citons par exemple:

Les patriotes de 1837 1886
L'Union des Deux-Canada [sic] 1898
Le Héros de Châteauguay 1883
Mes contemporains 1894
Le clergé canadien 1896
L'on a écarté aussi le nom de M. DeCelles qui a doté notre littérature d'oeuvres d'un grand intérêt
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historique: "Les Etats-Unis" publié en 96, et primé par l'Académie Française; Papineau, Cartier et Lafontaine qui sont aussi des ouvrages que l'on ne peut cacher à la jeunesse.

Dans les éphémérides l'on trouve une note signalant la mort de M. Mercier que l'on qualifie de POLITICIEN DISTINGUE. A la page suivante, on signale la mort de M. Chapleau que l'on qualifie D'HOMME D'ETAT DISTINGUE. Il y a dans les deux qualificatifs une malice évidente contre un chef libéral. Voici d'après le Dictionnaire des Dictionnaires, la définition du pot politicien: "Par dénigrement, homme qui s'occupe de politique dans le sens le moins élevé du mot, qui la discute dans les estaminets, qui en vit." Nous trouvons, d'autre part, dans Larousse, la définition suivante: "Politicien: Personne qui s'occupe de politique (ne se dit guère qu'en mauvaise part.)"

Voilà tout ce qu'on a pu trouver pour Mercier.

Dans la liste des orateurs, nous avons découvert parmi les gloires nationales, le nom de Chs. Thibault et on le fait passer avent Laurier.

Un livre d'école qui place un charlatan politique comme Chs. Thibault parmi les grands orateurs de notre province et les gloires de notre pays, est un livre qui devrait être banni et conspué.

On a inscrit dans cette liste de grands orateurs de notre province le nom de M. Henri Bourassa et on a feint d'ignorer l'hon M. Turgeon et l'hon. M. Lemieux dont l'éloquence ne le cède en rien à l'éloquence de l'ancien débuté de Labelle.

Je ne comprends pas que pour faire pendant à Chs. Thibault, l'on n'ait pas inscrit le nom de M. C. A. Cornellier, dans ce chapitre de gloire. Les deux forment une paire inséparable!

Voici, en vérité, un exemple frappant, un exemple curieux et extraordinaire des beautés de l'émulation sous le régime de la diversité et de l'industrie des livres.

D'autre part, un grand nombre de géographies actuellement en usage dans les écoles de la province de Québec n'ont pas été rééditées et on tient encore les enfants d'école au recensement de 1891. C'est beau, l'émulation!

Les deux protégés de l'"Action Sociale", M. Delâge et M. Jobin, ont prétendu ailleurs, qu'il n'y avait pas lieu de préconiser l'uniformité des livres puisqu'elle existe virtuellement dans notre code scolaire par le paragraphe 4 de l'article 215, qui se lit comme suit: "D'exiger que, dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés qui doivent être les mêmes pour toutes les écoles de la municipalité."

Le député du comté de Québec et son collègue ne peuvent ignorer pourtant, tout le mal fait par le morcellement des municipalités scolaires dans notre province, car il arrive que dans une même paroisse, comme à St-Vincent de Paul, par exemple, l'on compte six ou sept municipalités scolaires; d'où il suit que dans une même paroisse aujourd'hui, une multitude d'endroits, l'on se trouve à avoir en dépit de l'article 215, la diversité de livres si onéreuse pour les pères de famille pauvres et si contraire au progrès de l'enseignement dans notre province.

Mais il n'y a pas que cela; sous le régime actuel, lorsq'une municipalité scolaire change d'institutrice, il se produit souvent ce fait bizarre que l'institutrice nouvelle n'a pas fait ses études dans le même couvent que l'institutrice qu'elle a mission de remplacer et alors elle oblige les enfants de son école à avoir de nouveaux livres de classe.

D'où il suit que sans déménager, sans changer d'école, et sans changer de municipalité scolaire, les enfants se trouvent très souvent obligés de changer de livres.

Ceux qui sont satisfaits d'un pareil système, ne sont vraiment pas difficiles.

M. Delâge et M. Jobin ont aussi invoqué les droits des pères de famille sur cette question de l'uniformité des livres. Ces deux orthodoxes champions

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ne veulent pas qu'on impose un livre uniforme aux parents. Or, ce sont ces mêmes gens qui se dérobent derrière l'autorité des pères de famille pour refuser, par exemple, aux contribuables et citoyens de Montréal, le droit d'élire leurs propres commissaires d'école, comme on le fait dans le reste de la province. L'on conviendra que si les parents ont le droit de choisir les livres de classe pour leurs enfants, qu'ils devraient avoir le droit de choisir leurs commissaires d'école et qu'ils devraient être consultés sur les taxes qu'ils ont à payer.

Les deux députés de Québec condamnent l'uniformité des livres, parce qu'elle permettrait, disent-ils, d'empiéter sur les droits des pères de famille. Or, ce n'est pas le père de famille qui a jamais choisi les livres de classe pour ses enfants, c'est le Conseil de l'Instruction Publique, ce sont les commissaires scolaires [sic], ce sont les instituteurs et institutrices.

Le député du comté de Québec, fidèle à la tactique chère aux pieux écrivains de l'"Action Sociale", de la "Vérité" et de la "Croix", a cru devoir saisir l'occasion pour plaindre les hommes qui s'acharnent à "rapetisser" notre province au point de vue éducationnel. Voilà encore une légende qu'il convient de démolir. Les hommes qui prêchent le progrès et la réforme ne rapetissent rien, mais ils mettent le pays en face de la vérité et il faut quelque courage pour dire la vérité, toute la vérité, à une population qui a été habituée aux vantardises puériles et aux mensonges patriotiques.

Est-ce déprécier la province de Québec que d'avoir le courage de dire à sa population qu'elle devrait élever les salaires de famine payés jusqu'ici aux instituteurs et aux institutrices; que sous le régime actuel, l'inspection des fromageries et des beurreries est cent fois plus efficace que l'inspection de écoles; que le morcellement des municipalités scolaires est devenu une plaie publique; que le bureau central des examinateurs est un obstacle au progrès pédagogique, fait une concurrence déplorable aux écoles normales et contribue à démoraliser la carrière de l'enseignement; que les octrois à l'instruction publique ont été insuffisants dans le passé; que le peuple de la province de Québec doit se réveiller et se resaisir [sic], car tout autour de nous et dans les autres pays, les peuples font aujourd'hui des sacrifices énormes pour répandre à pleines mains les bienfaits de l'instruction parmi les masses.

Personne n'a jamais prêché le bouleversement ou la révolution dans notre système scolaire; tout ce que nous demandons, tout ce que demandent les amis du progrès et de la réforme, c'est que nous donnions à nos enfants la somme d'instruction pratique et moderne à laquelle ils ont droit pour rivaliser avec les enfants des autres nationalités aussi bien que les enfants des autres provinces de la Confédération; c'est que les pouvoirs publics, les commissaires d'écoles et les pères de famille fassent, comme on la [sic] fait ailleurs, leur part d'action, d'initiative et de sacrifices.

L'attitude prise par M. Delâge et M. Jobin sous la haute protection des "castors" de "l'Action Sociale" est la même attitude prise par l'hon. M. Thos. Chapais, en 1899, au nom du parti de l'ordre. Quant à moi, je préfère rester dans la tradition de mon parti et m'en tenir à la doctrine que prêchait feu M. Marchand. Je préfère suivre un chef libéral que me mettre à la remorque d'un homme comme M. Chapais.

M. Jobin s'oppose particulièrement à l'uniformité des livres, parce que la résolution que je présente porterait atteinte aux privilèges du Conseil de l'Instruction Publique, parce qu'elle serait un empiètement [sic] de l'Etat dans le domaine des pères de famille, enfin, parce que l'Etat n'aurait rien à voir à l'instruction publique.

Je ne puis laisser soutenir une pareille thèse, en ce Parlement, sans au moins protester contre une doctrine aussi réactionnaire. J'ai démontré, en maintes occasions, que l'instruction

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primaire était une fonction d'Etat, que l'Etat devait voir à donner l'instruction à tous les enfants de la nation.

Le député de Québec a peur de l'Etat, mais l'Etat, c'est vous, monsieur l'Orateur, ce sont les députés qui siègent dans cette chambre, ce sont les braves citoyens qui d'un bout à l'autre du pays fondent des foyers, travaillent laborieusement et honnêtement à élever leur famille et puisqu'il en est ainsi, comment peut-on avoir peur de nous mêmes?

Mais M. Jobin qui pose au défenseur naturel et officiel de la religion que personne n'attaque, a voulu nier, d'une façon hésitante, il est vrai, les droits imprescriptibles de l'Etat; or, je lui opposai le verdict d'hommes comme le cardinal Manning, le cardinal Satolli, Mgr Ireland, l'abbé Lemire et autres. Voici leur témoignage respectif [sic]:

Si vous ouvrez le livre de Mgr Satolli: "Loyalty to Church and State", à la page 29, au chapitre des quatorze propositions adoptées à la réunion des évêques américains, à New-York, en 1892, vous trouverez que l'article 6 de ces propositions, après avoir énoncé que les vérités religieuses relèvent de l'Eglise, dit:

"Hence, absolutely and universally speaking, there is no repugnance in their learning the first elements and the higher branches of the arts and the natural sciences in public schools controlled by the State, WHOSE OFFICE IS TO PROVIDE, MAINTAIN AND PROTECT everything by which its citizens are formed to moral goodness, while they live peacebly together, with a sufficiency of temporal goods, UNDER LAWS PROMULGATED BY CIVIL AUTHORITY."

Maintenant, si vous consultez l'ouvrage de l'abbé Lemire sur le cardinal Manning, vous y trouverez un témoignage non-équivoque en faveur des droits et des pouvoirs de l'Etat.

A ce moment, M. Jobin, pris de scrupule, interrompt le député de St-Louis, pour lui faire remarquer que l'abbé Lemire est un homme suspect. M. Langlais riposte aussitôt qu'il tient compte des scrupules dont est chargée l'âme inquiète du député de Québec-Est, mais il tient à lui dire et à lui assurer que ça [sic] n'est pas le témoignage de l'abbé Lemire qu'il tient surtout à invoquer, mais bien le témoignage du Cardinal Manning, dont les paroles sont citées dans cet ouvrage de l'abbé Lemire.

Voici donc le feuillet que le député de St-Louis croit devoir détacher de l'excellent livre de l'abbé Lemire:

"L'état peut-il imposer un minimum d'écolage et un minimum d'instruction, sous prétexte que les enfants doivent être armés pour les luttes de la vie, capables de remplir leurs devoirs de citoyens dans une société démocratique, et munis d'un petit bagage de connaissances, - qui est un capital intellectuel mis à leur service par cette société?"

Pour appuyer l'affirmative, on a cité les phrases suivantes du cardinal Manning:

"Indépendamment de la question religieuse, on ne saurait refuser à L'Etat l'autorisation de pourvoir à l'éducation de ses sujets; il a le droit de se protéger contre les dangers qui naissent de l'ignorance et du vice, lesquels engendrent le crime et l'insubordination. Il a le devoir aussi de protéger les enfants contre la négligence ou la faute des parents, et de garantir leurs titres à recevoir une éducation que les rende capables de participer à la société humaine, comme à la société civile."

Voici, d'autre part, la doctrine d'Etat préconisée, affirmée et soutenue, de façon à la fois très nette et très énergique, par Mgr Ireland, archevêque de St. Paul, Minnesota:

"The accusation has gone abroad that Catholics are bent on destroying the state school. Never was accusation more unfounded. I will summarize the articles of my school creed; they follow all the lines upon which the state school is built.

THE RIGHT OF THE STATE SCHOOL TO EXIST is, I consider, a mater beyond the stage of discussion. I fully concede it. I go farther: I concede the necessity of

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the state school. The child must have instruction, and in no mean degree, if the man is to earn for himself an honest competence, and acquit himself of the duties which, for its own life and prosperity, society exacts from all its members. This proposition, which is true in any country of modern times, is peculiarly true in America. The imparting of such instruction is primarily the function of the parent.

The divine appointment is that under the care and direction of the parent, the child shall grow in mind as well as in body. But, as things are, tens or thousands of children will not be instructed if parents soleley remain in charge of the duty. THE STATE MUST COME FORWARD AS AN AGENT OF INSTRUCTION; else ignorance will prevail. Indeed, in the absence of state action there never was that universal instruction which we have so nearly attained, and which we deem so necessary. In the absence of state action, universal action would, I believe, never have been possible in any country.

Universal instruction implies free schools in which knowledge is to be had for the asking; in no other manner can instruction be brought within the reach of all children. Free children! Blest indeed is the nation whose vales and hillsides they adorn, and blest the generations upon whose souls are poured their treasures! No tax is more legitimate than that which is levied in order to dispel mental darkness and build up within the nation's bosom intelligent manhood and womanhood. The question should not be raised: How much good accrues to the individual tax payer? It suffices that the general welfare is promoted. It is scarcely necessry to add that the money paid in school tax is the money of the State, and is to be disbursed only by the officials of the State, and only for the specific purposes for which it was collected.

I AM UNRESERVEDLY IN FAVOR OF STATE LAWS MAKING INSTRUCTION COMPULSORY."

Je vous avouerai, Monsieur l'orateur, que dans des questions comme celle-là, la parole éclairée et autorisée des Manning, des Satolli et des Ireland vaut incontestablement mieux et plus que la pensée timide et asservie du député de Québec Est.

M. Jobin a évoqué certaines résolutions adoptées par le Conseil de l'Instruction Publique, en 1882, à l'effet que le parlement ne devrait pas amender le code scolaire sans avoir au préalable soumis ces amendements à ce conseil. Je ferai observer à l'honorable député qu'en 1899, alors que l'Hon. M. Marchand était chef du gouvernement et chef du parti libéral, la Chambre a adopté une loi à l'effet d'enlever au Conseil de l'Instruction Publique le droit de nommer les inspecteurs d'école et que cette mesure a été adoptée sans avoir jamais été soumise, au préalable, à l'approbation du Conseil de l'Instruction Publique.

M. Tellier proposa à cette époque, relativement à cette mesure, (voir page 209 des journaux de la Chambre 1899) un amendement à l'effet que le bill soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre, avec instruction de l'amender, de manière à ce que les nominations et les révocations des inspecteurs d'écoles ne soient faites que sur la recommandation de l'un ou l'autre des deux comités du conseil de l'instruction publique, tel que décrété par la loi en vigueur.

Les conservateurs votèrent pour l'amendement de M. Tellier, qui fut rejeté, et les libéraux votèrent contre. Parmi ceux-ci on relève les noms de l'Hon. M. Marchand, Hon. M. Gouin, Hon. M. Robidoux, Hon. M. Turgeon, Hon. M. Weir, MM. Champagne, Chaurest, Lacombe et autres.

Ce vote dut prouver, à l'époque, que charbonnier était maître chez lui.

M. Jobin a soutenu que l'uniformité des livres se ferait au prix de la liberté et du progrès dans notre pays et qu'elle violerait l'autorité des parents. C'était l'ar-gument de M. Thos. Chapais:

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c'est un argument qui ne vaut rien.

L'uniformité des livres viole si peu l'autorité des parents que ce sont les pères de famille eux-mêmes qui réclament ces réformes. Que leur importe que leurs enfants aient dans les mains telle ou telle géographie, telle ou telle histoire du Canada! Tout ce qu'ils demandent, c'est que leurs enfants puissent apprendre quelque chose et que l'instruction qu'on leur donne ne leur impose pas des dépenses inutiles.

M. Jobin soutient que c'est là une réforme absolument condamnable, mais il se croit donc plus orthodoxe que feu M. l'abbé Verreau, qui lui, la réclama à grands cris!

Par ses tendances sur cette question, M. Jobin représente uniquement les conservateurs de l'école de M. Thos. Chapais et les castors de l'"Action Sociale", de la "Vérité" et de la "Croix".

Le député de Québec-Est a prétendu que je n'avais prouvé par aucun document que M. Paul G. Martineau eut proposé un jour l'uniformité des livres, à Montréal. Or voici le texte de la résolution que proposait M. Martineau le 10 avril 1906, à la commission Scolaire de Montréal:

"1.- D'adopter, à partir du 1er septembre 1906, dans toutes les écoles relevant directement de cette commission, la série de livres en usage dans les écoles subventionnées des Frères des Ecoles Chrétiennes de cette ville;

2.- De donner avis à toutes les directrices religieuses ou laïques des écoles de filles subventionnées par cette commission, ainsi qu'à tous les directeurs des écoles de garçons dirigées par des congrégations religieuses autres que celles des dits Frères, qu'à partir du 1er septembre 1906, les dites directrices et les dits directeurs devront se servir dans leurs écoles respectives de la série de livres des Frères des Ecoles Chrétiennes."

Cette question de l'uniformité des livres, disait M. Martineau, est déjà ancienne et les plaintes continuelles et légitimes des parents surtout dans les quartiers pauvres nous font un devoir de la régler sans plus de délai. La loi est d'ailleurs formelle sur ce point. Pour éviter toute supposition malveillante, j'ai cru préférable de proposer l'adoption, dans toutes les écoles, des livres des Frères des Ecoles Chrétiennes.

D'autre part, la résolution proposée par monsieur le juge Lafontaine est trop récente, pour qu'il soit besoin de la citer afin de confondre M. Jobin.

La "Patrie" appréciant la proposition de M. Martineau, en 1906, traduisait le sentiment public, dès le lendemain, par le commentaire suivant: "Tout le monde comprend, en effet, la nécessité de cette réforme. Pour peu qu'un enfant, durant son temps d'études, change deux ou trois fois d'école en même temps que de quartier, ce qui se produit fréquemment, il en arrive à réunir une collection de livres variés qui représente une somme assez notable pour une famille, surtout lorsqu'elle est pauvre et que plusieurs des siens vont à l'école."

Ici, M. Langlois croit devoir prendre personnellement à partie M. Jobin, parce que celui-ci, croyant se mettre plus à l'aise pour combattre l'uniformité des livres, a senti le besoin de déclarer qu'il répudiait Sir Antoine Aimé Dorion, comme l'un des chefs du parti libéral et de proclamer que notre parti avait abandonné une grande partie de ses principes dans les vingt dernières années.

Le parti libéral s'est amélioré, en ces derniers temps, a ajouté onctueusementM. Jobin.

Comment, s'écrie le député de St-Louis, c'est un homme qui se dit libéral, qui ose tenir un pareil langage dans cette Chambre où siègent 67 députés libéraux? Je tiens à protester avec la plus grande énergie contre cette répudiation d'autant plus audacieuse qu'elle est faite par un homme dont la foi libérale est chancelante, par un homme comme M. Jobin qui a été expulsé du Club Mercier l'an dernier, par un homme comme lui qui a pu se faufiler et être admis dans les rangs nationalistes, par un homme comme lui, qui a pour organe le journal

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nationaliste "La libre parole", par un homme comme lui, qui a conspiré contre le gouvernement Gouin au bénéfice de M. Bourassa, de M. Chapais et des démagogues qui essayèrent, l'été dernier, de renverser le gouvernement libéral de Québec.

Or, monsieur l'orateur, s'il est un nom respecté dans notre parti, s'il est un nom qui symbolise la probité, le caractère et l'honneur en notre pays, c'est bien celui de Dorion.

Je me sens pris de pitié, quand je vois un homme comme le député de Québec-Est entrer dans la galerie des ancêtres de notre parti et décrocher le portrait de Dorion? [sic] Je suis sûr qu'avec la mentalité maladive et étroite qu'on lui connaît, M. Jobin se croira en conscience de décrocher ainsi d'autres portraits, et si plus tard il arrive à quelqu'un d'entre nous d'aller dans cette galerie des ancêtres politiques, toutes les gloires et tous les grands hommes seront disparus, reniés et mis au rancart; nous n'y retrouverons probablement plus que le portrait de l'iconoclaste nationaliste qui vient de répudier sir Antoine Aimé Dorion.

Je suis de ceux, monsieur l'orateur, qui acceptent les doctrines libérales, les traditions libérales et les chefs libéraux sans avoir à renier qui ou quoi que ce soit. C'est avec des hommes comme Dorion qu'on a pu édifier un grand parti comme le nôtre; c'est avec des hommes comme Dorion que nous avons fait et soutenu dans les mauvais jours les luttes prodigieuses dont l'histoire politique et parlementaire gardera toujours le souvenir.

Croyez-vous, monsieur l'orateur, que c'est avec des hommes comme le député de Québec-Est qu'on peut fonder et maintenir un parti libéral?

Je demande, en terminant, à cette Chambre d'approuver ma résolution, en faveur de l'uniformité des livres, parce qu'elle est une mesure de justice pour les pères de famille, dans cette province; parce qu'elle est en même temps une mesure libérale et qu'en la votant nous resterons dans les traditions de notre parti.

Je suis convaincu que dans cette Chambre, comme dans tout le pays, le sentiment général est en faveur de cette réforme qui est d'autant plus inoffensive que le jour où le parlement signifiera sa volonté d'avoir l'uniformité des livres, c'est le conseil de l'instruction publique qui fera le choix des livres que nous devrons avoir pour notre province. Les catholiques sont assez bien représentés dans le Conseil, pour être convaincus que les livres qui seront choisis sauvegarderont leur foi et leur langue. Je puis faire la même réflexion pour la section protestante.

Je termine, monsieur l'orateur, ces remarques déjà trop longues, en vous demandant, à vous et à vos collègues, de ne pas oublier les revendications si désintéressées et si vigoureuses d'hommes comme les Verreau, les Meilleur, les Chauveau et les Ouimet et je demande à nos amis, s'ils veulent rester fidèles aux idées libérales, de ne pas se mettre à la remorque des Chapais, mais de rester attachés aux Dorion que M. Jobin n'aime pas et aux Marchand dont toute la province vénère et respecte la mémoire.

Quant à moi, je reprends mon siège en déclarant que je suis et j'entends rester libéral et que je reste fidèle aux anciens chefs aussi bien qu'aux chefs actuels. - Du "Canada.""

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1908
Lippens, Bernard. [Circulaire visant à mousser la vente d'un tableau pour l'enseignement de la géométrie et du livre du maître qui l'accompagne. On peut en consulter un exemplaire aux Archives nationales du Québec, Fonds Correspondance du département de l'instruction publique, E13/858 1A23-2205B, dossier 4327/1907].

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2° Un GUIDE DU MAÎTRE, 16 pages, avec planche reproduisant en petit les figures du grand tableau. Ce guide contient l'explication des termes géométriques les plus usités, les règles du Toisé des surfaces et des solides les plus simples et plusieurs problèmes d'application.

Envoi gratuit du Guide avec chaque tableau; séparément le Guide se vend 10 cents, frais de poste compris.

Las méthode est intuitive expérimentale et pratique; dès la première leçon l'élève fait du mesurage sur les figures mêmes du tableau et sur les objets qui l'entourent. C'est l'application jointe à la théorie ajoutée à l'observation.

Aux instituteurs et institutrices le GUIDE DU MAÎTRE indique les procédés à suivre pour rendre l'enseignement du Toisé agréable et intéressant. Ces procédés, dont plusieurs sont inédits, ont l'avantage de stimuler l'attention des élèves, d'éveiller leur curiosité, de rendre cette matière facile à comprendre et à retenir. Ils mettent l'étude de la mensuration à la portée des élèves de quatrième et de cinquième année des écoles primaires. Avec la nouvelle méthode, ceux-ci peuvent acquérir sans difficulté les premières notions du Toisé des surfaces et des solides, une de ces sciences usuelles dont les applications sont aujourd'hui tellement nombreuses, dans l'économie domestique, sur la ferme, dans les métiers et les industries, que personne ne peut plus les ignorer. Une connaissance élémentaire du mesurage est devenue le complément obligé de l'arithmétique dans toutes les bonnes écoles primaires. C'est une excellente préparation à l'étude du dessin industriel et des mathématiques supérieures.

Le GUIDE DU MAÎTRE sera très utile, comme manuel et aide-mémoire, aux personnes qui désirent un brevet élémentaire ou modèle, arriver à un emploi public ou être admises aux études supérieures. En général, dans les examens qu'elles ont à subir à cette fin, on a coutume de poser une couple de problèmes sur le mesurage, et il est prudent de se préparer en conséquence."

[Suit un bon de commande pour les différents tableaux publiés par Lippens].

1908.04
xxx. "Séries de livres de lecture", L’enseignement primaire, 27, 8(av. 1908):506.

"Pour répondre à une question maintes fois posée, nous croyons de notre devoir de recommander les livres de lecture suivants:

Cours français de lectures graduées, par l’abbé J.-Roch Magnan: Degré inférieur, Degré moyen, Degré supérieur. Ouvrages approuvés par le conseil de l’Instruction publique et édités par la Librairie Beauchemin, 258, rue Saint-Paul, Montréal. Ces trois livres de lecture sont admirablement bien faits: rédigés et illustrés avec un rare bon goût; préparés d’après une excellente méthode, imprégnés de sentiments religieux, les cours de lecture de l’abbé Roch Magnan conviennent en tout point aux écoles catholiques. Les livres de l’abbé Magnan sont déjà en vogue dans nombre d’écoles. En vente à la librairie J.-P. Garneau, 6 rue de la Fabrique, Québec.

Nouveau traité des devoirs du chrétien. Nouvelle édition illustrée de 72 gravures. Editée par la Librairie Beauchemin, 258, rue Saint-Paul, Montréal. Voilà un livre très ancien et toujours nouveau. Comme livre de lecture dans les classes supérieures on ne surpassera jamais le Devoir du Chrétien. Aujourd’hui surtout que Notre Saint Père le Pape ordonne à tous ceux qui ont charge d’âmes d’enseigner d’une manière substantielle et soignée la doctrine chrétienne, le Nouveau Traité des Devoirs du Chrétien mérite d’être remis en honneur dans les classes supérieures. Ce livre renferme tout ce qu’un homme bien élevé doit savoir de la doctrine chrétienne".

1908.04.24
xxx. "L'uniformité des livres", Le soleil, 24 avril 1908, p. 1, 5.

"La résolution de M. Langlois est l'objet d'un grand débat. MM. Delage, Jobin et Mousseau parlent contre l'uniformité des livres; MM. Langlois et Lacombe leur répondent.

L'uniformité des livres a été le sujet de discussion d'hier à l'Assemblée Législative.

Nous avons déjà rapporté le discours de M. Langlois à l'appui d'une résolution en faveur de l'uniformité des livres dans les écoles primaires.

Le débat avait été ajourné à la demande de M. Cyrille F. Delage qui en reprit aujourd'hui la discussion.

Le député du comté de Québec s'est prononcé contre la résolution de M. Langlois, le député de St-Roch a parlé dans le même sens. Le débat a été ensuite ajourné, à la demande de M. Lacombe, député de Sainte-Marie, qui l'a continué à la séance du soir.

M. Lacombe s'est prononcé fortement en faveur de la résolution, se plaignant surtout de la position des pères de famille de Montréal qui n'ont pas actuellement la faculté de gérer eux-mêmes leurs affaires scolaires.

M. Mousseau a demandé qu'on mette en force la loi décrétant l'uniformité pour toutes les écoles de la même municipalité scolaire. Il croit que l'uniformité pour toute la province est dangereuse, et il suggère une enquête sur les griefs signalés par M. Langlois et M. Lacombe.

M. Langlois a ensuite répondu à [quelques mots illisibles] été de nouveau ajourné à la demande de M. Mackenzie.

Voir aussi la partie la plus importante du discours de M. Delage.

M. Delage.

L'uniformité des livres dans les écoles primaires est un article d'un programme, du programme d'un groupe qui s'intéresse à la grande question de l'éducation dans notre Province; article, Monsieur l'Orateur, qui ne manque pas de vous frapper favorablement lorsqu'il vous est présenté pour la première fois, par une personne habile, et qui gagne même vos sympathies , si vous ne l'examinez qu'au point de vue de la stricte économie, qu'il peut produire, point sur lequel on insiste et attire votre attention d'une manière particulière. Mais il se peut, il ne doit pas être étudié que sous ce seul aspect, ce seul rapport, au point de vue pratique; il ne faut pas oublier le côté théorique, côté qui n'est pas moins important.

Nécessairement, il faut partir d'un point, d'un point admis, et c'est le système scolaire existant dans le pays où l'on discute la question: la Famille, l'Eglise, l'Etat sont tenus de fournir à l'enfant cet anneau de chair et d'esprit, le pain de l'intelligence.

Dans certains pays, on reconnaît les droits de l'autorité paternelle, religieuse et civile; dans d'autres, on refuse à l'Eglise toute intervention; au père de famille, toute liberté. L'Etat est reconnu comme le seul maître de la formation morale et intellectuelle de l'enfant.

Tout système scolaire doit pourtant respecter les droits de ces trois intéressés. Le nôtre s'est conformé à cette obligation et repose sur cette triple base, et voilà pourquoi il a été et sera toujours considéré comme l'un des plus beaux monuments sur lesquels ne sont pas gravés en vain les mots de «Justice égale pour tous, Liberté d'enseignement, et Respect aux droits des minorités.»

La résolution comporte l'uniformité des livres décrétée par statut pour toutes les écoles primaires de la Province. Elle s'attaque donc à l''un de ces principes fondamentaux de notre système scolaire puisqu'elle vient enlever au père de famille un de ses droits les plus sacrés auquel personne n'avait osé toucher jusqu'à présent, pour le donner à un autre, au Conseil de l'Instruction publique, le droit de choisir les livres les plus propres à former le coeur et l'esprit de son enfant, droit confié par lui à la garde et à la discrétion des membres des commissions scolaires.

Elle est contraire à l'esprit de notre législation, à ce principe du parti libéral qui est de décentraliser au lieu de centraliser.

C'est sous l'emprise de ce sentiment que les pères de la confédération, la majorité d'entre eux du moins, ont agi lorsqu'ils ont élaboré la constitution qui nous régit et créé les provinces avec leur autonomie.

C'est le même sentiment qui a inspiré le régime municipal, organisé le système scolaire, par le moyen des commissions scolaires, toujours laisser aux intéressés la sauvegarde de leurs intérêts les plus chers, et non pas la leur enlever pour la confier à d'autres, souvent à un seul, un despote.

L'uniformité des livres est une réforme, que l'on suggère, recommande et veut faire adopter. Cette idée de réforme, M. l'Orateur, suppose un système contre lequel il y a des plaintes [quelques mots illisibles] par un autre qui lui sera supérieur sous tous les rapports.

L'uniformité des livres que mon honorable ami demande pour les écoles primaires de cette province, est l'uniformité générale et non locale, puisque cette dernière existe déjà, et à l'appui de ses remarques, il a cité l'exemple donné par plusieurs pays, opinions de personnages infiniment respectables et respectés, mais opinions qui dans mon humble jugement ne s'appliquent pas d'une façon adéquate à la proposition qu'il a soumise; opinions qui s'appliquent plutôt à la gratuité des livres, à leur achat collectif, qu'à l'uniformité des livres; uniformité, gratuité et achat collectif ne sont pas synonymes. Si c'est purement et simplement de la coopération que l'on désire afin de diminuer les frais d'achat, cette réforme est réalisable par les commissions scolaires sans qu'il y ait besoin de recourir au moyen suggéré. A tout événement, je laisse à d'autres le soin de les disséquer. Je ne puis toutefois résister au désir de citer deux opinions, de date récente et que je trouve, l'une dans un rapport des inspecteurs de cette province au surintendant de l'instruction publique, en date du 3 août 1906, et l'autre dans un rapport, en date du 10 novembre 1907, par trois délégués de la commission scolaire catholique de Montréal, chargés d'aller étudier en Europe et spécialement à Dublin, le fonctionnement du système d'enseignement primaire et qui se lisent comme suit: La première:

RAPPORT DES INSPECTEURS 8 août 1906.

Considérant qu'il arrive très souvent que le changement de titulaire dans une école amène le changement des livres; considérant que ce procédé est un fardeau pour les familles pauvres qui envoient plusieurs enfants à l'école. Nous prions l'honorable surintendant de prendre les mesures nécessaires pour rendre locale l'uniformité des livres en faisant observer l'article 215, parag. 4ème des lois scolaires. Nous sommes d'avis que l'uniformité des livres doit se comprendre pour chaque municipalité seulement et que la présente loi à cet effet est suffisante et qu'il n'y a pas lieu de la changer.

Considérant que les commissaires sont obligés de choisir pour leurs écoles que des livres approuvés par le Conseil de l'Instruction publique et qu'ils n'ont pas la liste des livres, nous prions l'honorable surintendant de la leur faire adresser.

L'uniformité des livres n'existe pas en Irlande, pas plus du reste qu'elle n'existe en France et en Belgique.

En France, les instituteurs se réunissent par cantons et dressent la liste des ouvrages qui peuvent être introduits dans les écoles. La liste est revisée [sic] par l'inspecteur d'Académie. Le Conseil de perfectionnement en Belgique arrête une série de livres et l'on choisit ensuite sur cette liste ceux que l'on juge le plus propres à promouvoir l'avancement des enfants.

En Irlande, les éditeurs publient des séries de livres, et si ces livres obtiennent l'approbation du Bureau de l'éducation, ils sont inscrits sur la liste officielle. Les «Managers» ont alors la liberté de choisir parmi les livres approuvés, mais ils ne peuvent en adopter d'autres.

L'uniformité des livres n'existe donc pas dans la plupart des grands pays de l'Europe [quelques mots illisibles] les plus riches qui peuvent pourtant se payer le luxe d'une telle réforme, mais qui ne l'essayent pas pourtant, et pourquoi monsieur l'Orateur, non pas parce qu'ils se soucient des droits de la famille et de l'Eglise, mais parce qu'ils considèrent cette mesure comme contraire à la liberté, à la justice, une entrave au progrès intellectuel et pédagogique, et nous, de la province de Québec, dont la population n'est pas homogène qui, en outre de ces mêmes raisons en avons d'autres excellentes, quand les abus signalés sont si peu nombreux, quand les plaintes formulées sont si faibles, quand les avantages sont si problématiques, nous introduirions dans notre système le changement suggéré; ce serait pour le moins témérité de notre part.

Il y a un trop grand nombre de livres adoptés par le Conseil de l'instruction publique, dit-on, soit, mais il est facile de la diminuer, de la réduire à sa plus simple expression. Le travail d'émondage est d'ailleurs commencé et sera bientôt terminé.

Les livres sont différents dans les écoles d'une même commission scolaire. Que l'on fasse l'instruction des contribuables et quand ces derniers sauront que les commissaires ont le droit d'exiger que dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que des livres autorisés et que ces livres doivent être les mêmes pour toutes les écoles de la municipalité, ils s'adresseront à leurs mandataires pour leur faire observer cette prescription de la loi.

Et ainsi, sans heurt ni violence, disparaîtront les abus, cesseront les plaintes, s'opérera une réforme désirable, tout en conservant intact notre système scolaire et respectant les droits acquis.

Monsieur l'Orateur, mon ami, en terminant, nous a parlé du passé, nous a rappelé en termes émus le souvenir de plusieurs disparus, dont les meilleures heures de leur existence ont été employées au service de leur pays. Il nous a cité des extraits de leurs discours, rappelé les principaux articles de leur programme. Délicatement il nous a laissé la conclusion à tirer. Tout simplement, nous avons renié notre passé, nous ne marchons plus sur les traces de nos prédécesseurs. [p. 1]

Monsieur l'Orateur, l'éducation est une question qui a été, est et restera toujours hors du domaine de la politique, mais il lui est arrivé quelques fois d'y être traitée. C'est toujours l'occasion alors de déclarations importantes, de protestations profondes de sympathies, c'est même l'heure de certaines confidences.

Vous vous rappelez, M, l'Orateur, vous avez encore à l'esprit celle que fit dans une circonstance mémorable un de nos chefs les plus distingués. La rumeur publique veut qu'il nous quitte pour aller occuper dans une autre sphère un poste de confiance important. Il cèdera [sic] plutôt, j'aime à la croire, à la pression d'amis nombreux, sincères et dévoués, qui lui conseillent de continuer à mettre au service de la province qui l'a toujours si bien traité, les beaux talents que la Providence lui a prodigués.

Sur cette question, dit-il alors comme sur toute autre, il y a trois classes de personnes: les optimistes qui voient tout en rose dans nos lois scolaires, qui les déclarent irréprochables; les pessimistes, qui voient tout en noir, qui clament que tout est à reprendre, que tout est vicieux, qui voudraient faire table rase et sur ces ruines édifier un système nouveau. Je n'appartiens, nous n'appartenons, ni à l'une ni à l'autre de ces classes. Notre système d'éducation n'est ni si bon ni si mauvais qu'on l'affirme. Nous avons fait des progrès indéniables, et il suffit de jeter un coup d'oeil autour de soi, de comparer le niveau intellectuel des masses avec ce qu'il était il y a une décade pour se rendre compte du chemin parcouru et des progrès réalisés. Nous sommes pour la politique du juste milieu. Nous ne voulons par révolutionner mais évolutionner [sic], nous ne voulons pas tout détruire pour édifier sur des ruines, nous voulons garder ce qui est bon, ce qui répond à nos besoins, à notre état social, à nos aspirations religieuses et nationales!

Je n'avais pas l'honneur de siéger dans cette chambre lorsque ces belles paroles ont été prononcées, mais je n'ai aucune hésitation à dire qu'elles méritent les applaudissements qu'elles ont soulevé [sic] et que les idées qu'elles expriment ont mon entière approbation.

[Quelques mots illisibles]. J'ai déjà eu d'ailleurs l'occasion de le dire publiquement et je n'hésite pas à le répéter: Notre système scolaire n'est peut-être pas parfait, mais il est perfectible. Il est complet. A peine un siècle et demi s'est-il écoulé depuis que nous avons changé d'allégeance, nous avions tout à créer et ce, sans ressources, et nous avons tout créé: Ecoles primaires, secondaires, modèles, normales, industrielles, techniques, commerciales, collèges classiques, université, personnel enseignant.

Que nous manque-t-il? Le perfectionnement d'un système qui est bon, sain, moral, qui a donné ses preuves et répond à nos besoins, à notre mentalité, et encore une fois, à nos aspirations religieuses et nationales.

Je ne suis pas du nombre de ceux qui veulent abattre, détruire, renverser, mais de ceux qui veulent améliorer, fortifier, consolider.

Le progrès ne me fait pas peur, je le veux, je le désire sous toutes ses formes, mais suivant les besoins et surtout les ressources de notre population. Je reconnais toutefois qu'elle a fait et fait quelque chose pour la grande cause de l'éducation, et je regrette infiniment que certains hommes publics ne perdent jamais une occasion de critiquer son système scolaire, de le présenter sous un jour très défavorable et vont jusqu'à dire qu'elle dépense plus pour ses aliénés que pour ses enfants.

Oui, ce n'est pas sans un sentiment de regret, de profonde humiliation et même de crainte légitime, que je les vois parcourir notre province, que je les entends prêcher partout que son système scolaire est défectueux, démodé et ne donne guère de résultats satisfaisants. Rien ne trouve grâce devant leur critique, toujours sévère quand elle n'est pas injuste: depuis le surintendant de l'instruction publique jusqu'à l'humble contribuable. Il faudrait une enquête pour constater si les instituteurs sont bien ou mal payés, si les maisons sont bâties suivant les dernières exigences de la loi, si les inspecteurs d'écoles sont compétents et leurs rapports sont complets, et ne sont pas parfois interceptés, corrigés avant d'être transmis.

Le Conseil de l'instruction publique est un état dans l'Etat, il faut qu'il disparaisse, entraînant avec lui le surintendant de l'instruction publique et qu'on le remplace par un ministre responsable.

Les commissions scolaires devraient être toutes électives. Point d'impôt sans représentation, comme s'il n'y avait pas de loi sans exception.

A l'avenir plus d'arrondissement scolaire: une seule centrale école [sic]. Le conseil central des examinateurs catholiques a pu rendre des services, mais son utilité a cessé, il doit être aboli. La population est apathique, la persuation [sic], l'exemple ne sont pas des moyens suffisants pour la remuer; la coercition, les statuts, la loi, voilà des remèdes, c'est le dernier cri de la liberté. Et si quelqu'un ose dire: "Honneur à la province de Québec", on lui ferme la bouche et il est déclaré anathème.

La campagne est ainsi menée rondement, sûrement et demain elle s'agitera, commandera des réformes impossibles, la réalisation de certaines utopies. Le Conseil de l'instruction publique essayera, voudra, devra réagir et des conflits inévitables entre lui et la volonté populaire naîtront, dont les résultats sont faciles à prévoir, sans être prophète ni fils de prophète, seront des modifications profondes dans notre système scolaire.

Ce n'est pas juste, M. l'Orateur, ce n'est pas généreux, ce n'est pas libéral dans le sens du mot tel qu'il est admis dans cette province, que d'agir et parler de la sorte. Mais, monsieur, il faut faire la part des circonstances. Notre histoire est bien simple, vous la connaissez, comme toutes les histoires simple [sic] elle n'en est que plus touchante. Ils n'étaient ni savants, ni riches, ni puissants ceux qui sont restés sur la terre canadienne, lorsque le drapeau blanc a déployé son aile et repassé les mers, et que le drapeau britannique a été hissé sur le bastion de la citadelle de Québec, non c'étaient des abandonnés, mais des fiers et des courageux qui avaient une idée, une suprême ambition de rester Français et catholiques sous l'égide du drapeau britannique; ils ont réalisé ce patriotique projet, grâce surtout à notre système scolaire. Et l'on ne pourrait point crier: "Honneur à la province de Québec", soit, que l'on ne le crie plus mais que l'on n'entende pas d'un autre côté: honte à la province de Québec. Qu'on lui dise au moins merci et courage. Merci pour avoir après sa lutte pacifique avec le vainqueur pour l'interprétation des traités et la conquête de nos libertés constitutionnelles, compris que pour conserver le dépôt confié à sa garde et le transmettre intact, il lui fallait un système scolaire, car "qui a l'enfant a l'avenir," et qui a organisé celui dont les résultats ont été si satisfaisants.

L'éducation a été notre planche de salut, elle l'est actuellement, elle le sera davantage avant longtemps et toujours, n'allons pas la jeter à la mer. Elle peut nous être arrachée momentanément des mains, en certains endroits par la violence, par une interprétation quelconque de la loi; mais ce n'est pas en vain que l'on s'empare de ce qui appartient à une minorité pour l'exploiter au profit d'une majorité. Nous ne cesserons de lutter que nous ayons repris ces droits. Ils ne peuvent se perdre, ils sont imprescriptible [sic] et les lendemains ne sont jamais éloignés.

La Providence a toujours su nous en ménager.

Je suis de race Française, mais suis heureux et fier de vivre sous la protection du drapeau anglais dans les plis duquel je lis une devise qui me rassure. J'ai hérité des idées de ceux qui m'ont précédé: je ne demande pour les miens que le respect de la constitution qui nous régit. Ils feront le reste. Je ne désire pas que ma nationalité assimile les autres nationalités, mais je ne veux pas qu'elle soit assimilée, et je travaillerai de toutes mes forces pour qu'elle conserve son caractère distinct, catholique et français, tout en contribuant au succès, à la prospérité générale du pays. Pour cela, il lui faut des écoles nationales et religieuses, conserver intact son système scolaire.

Elle n'est encore, Monsieur, qu'un rameau planté il y a trois cents ans, rameau aujourd'hui en fleurs.

Veuillons donc avec un soin jaloux sur les racines de ce rameau dont la principale est l'éducation, et quoi que soit l'avenir, que le vent vienne de l'Ouest ou qu'il souffle de l'Est, il ne sera pas ébranlé. Il résistera aux assauts et produira les fruits que les [mots illisibles].

Ne modernisons pas trop notre enseignement, soyons [mot illisible] engager les réformes suggérées, laissons-les subir l'épreuve du temps.

Voilà pourquoi, M. l'Orateur, je crois qu'il est inopportun de décréter aujourd'hui [mots illisibles] des livres dans les écoles primaires de cette province et de confier avec tout le respect et la confiance que j'ai pour lui, au Conseil de l'Instruction Publique le soin de choisir la série de livres à adopter.

Et j'ose espérer en reprenant mon siège que cette assemblée, à laquelle j'offre mes remerciements les plus sincères pour las sympathie qu'elle m'a manifestée, partagera mon humble opinion.

M. Jobin.

M. Jobin continue le débat. Après avoir fait l'historique de la question, il s'attaque au discours prononcé par M. Langlois.

Selon lui, l'uniformité des livres de même que la création d'une Commission de l'Instruction publique, et la gratuité de l'enseignement sont autant d'articles du programme des vieux rouges, articles rétrogrades que le parti libéral doit aujourd'hui abandonner.

M. Jobin prétend que M. Langlois n'a pas prouvé que l'uniformité des livres à l'étranger ait été un succès. En France, pays de la centralisation par excellence, on est loin d'être favorable à ce principe. Ferdinand Buisson lui-même dit que c'est une chimère.

Après avoir cité plusieurs opinions hostiles à l'uniformité des livres, M. Jobin dit que la chose est contraire à la liberté puisqu'elle viole l'indépendance des parents. Il soutient que l'éducation des enfants ne doit pas être une fonction de l'Etat, mais celle exclusive des parents.

M. Lacombe demande l'ajournement du débat, et à la séance du soir continue la discussion, disant:

Je ne puis faire autrement que de relever certaines assertions extrêmes qui ont été faites par les honorables députés qui ont parlé cette après-midi.

L'hon. Député de Québec a semblé vouloir dire que l'uniformité des [erreur du typographe dans la retranscription du texte] et que les abus abus dans Montréal pour de longues années avaient soulevé tant de récriminations étaient à peu près disparus et que maintenant nous avions presque l'uniformité de livres et partant que notre population était satisfaite.

Je ne sais pas d'où il tient ses informations, mais je suis certain qu'il ne les tient pas des parties les plus directement intéressées, du moins de cette partie de la population qui depuis longtemps souffre et supplie ses mandataires de les protéger. Je n'ai pas mission immédiate de parler pour toute la province, aussi je me restreindrai dans mes remarques à ce qui concerne Montréal, qui, je le crois est la plus maltraitée à ce point de vue. La situation est loin de s'améliorer, elle s'aggrave. Nous avons chez nous une situation intolérable. Non seulement nous n'avons pas d'uniformité des livres mais nous sommes tenus en tutelle. Nos commissaires ne relèvent pas du peuple comme dans presque tous les endroits de la Province. Pourquoi?

L'ouvrier qui est obligé de se déplacer pour gagner le pain de ses enfants se voient [sic] à chaque déménagement obligé de verser des sommes qui sont pour lui relativement exorbitantes, pour procurer des livres à ses enfants. Et je dirai plus, dans certaines écoles on s'évertue pour satisfaire de sordides ambitions de lucre, à multiplier les traités de toutes sortes, sous prétexte de progresser ou plutôt sous prétexte de commercer ou tripler les livres de lecture, les grammaires, les géographies, etc.

Je connais des pères de familles qui ont jusqu'à une dizaine de grammaires différentes pour apprendre aux enfants les rudiments de notre langue.

L'honorable député de Québec-Est a rappelé les luttes du passé et nous a laissé voir les intérêts des libraires et des congrégations en lutte avec les pères de famille.

J'ai beaucoup de respect pour ces messieurs et ces institutions, mais je n'en ai pas moins pour les pères de famille que l'on saigne à blanc. Ce sont ces derniers qu'il faut protéger. On a dit que l'uniformité des livres ferait disparaître l'émulation des pédagogies. Je me demande quelle grande émulation autre qu'une opération mercantile peut bien exister dans le fait de multiplier ces séries de livres de lecture, de géographie élémentaire et d'histoires du Canada, etc. Va-t-on prétendre qu'il faut plusieurs traités de géographie pour nous apprendre que Québec est la capitale de la province de Québec et Ottawa la capitale du Dominion? On a dit que les pères ont un droit imprescriptible de donner à leurs enfants l'éducation de leur choix., Je suis de cette opinion, et c'est justement ce droit que nous réclamons à Montréal. C'est justement ce droit dont nous sommes dépouillés. Je ne crois pas que nous puissions trouver chez nous cinq pour cent qui ne déplore l'état de choses actuel. Il est inutile de nous bercer d'illusion et d'essayer de nous faire croire en un langage fleuri de belles phrases de rhétorique que tout est à peu près parfait. Il y a mal. Tous ceux qui ne tiennent pas à toujours rester éteignoirs dans ce grand siècle de lumière, qui ont les yeux tant soit peu ouverts, le voient malgré eux. Quel est le remède?

A mon point de vue, à Montréal, où il semble y avoir urgence, la ;première chose à faire est d'établir l'uniformité de contrôle, en mettant toute la cité de Montréal sous la même commission, et, quand je dis commission, j'en veux une élue par le peuple pour que le père de famille puisse faire connaître sa volonté aux mandataires qu'il se donnera à chaque élection.

Celui qui paie, il me semble, a le droit de faire dépenser son argent par qui il veut et comme il veut. La deuxième chose à faire est de décréter l'uniformité des programmes, et quand nous aurons ces deux choses, nous pourrons peut-être nous dispenser de décréter par la loi l'uniformité des livres qui devra exister de fait, si on veut y mettre un peu plus de bonne volonté qu'on y a mis par le passé.

M. Mousseau

M. Mousseau parle de l'expértie4nce qui a été faite de l'uniformité des livres à l'étranger, expérience qui, selon lui, n'a pas été favorable. Il croit que le Conseil de l'Instruction publique devrait se charger de la solution de cette question. Il craint que l'uniformité des livres n'engendre un monopole et n'arrête les progrès de la pédagogie.

Bien qu'il trouve du bon dans la motion de M. Langlois, il la croit trop absolue et ne peut l'appuyer de son vote.

REPLIQUE DE M. LANGLOIS

M. Langlois donne la réplique à M.M. Delage, Jobin et Mousseau. Il commence par féliciter ce dernier sur le ton libéral de ses remarques, mais il s'étonne de voir deux députés libéraux, celui du comté de Québec et celui de Québec-Est, paraphraser le discours prononcé par l'hon. Chapais, il y a une dizaine d'années.

Il reproche à M. Delage de venir combattre sa résolution avec les arguments de L'Action Sociale. Il trouve facile l'idée qu'on lui impute de vouloir imposer les mêmes livres aux écoles protestantes et catholiques, anglaises et françaises. Sur ce point le code scolaire est clair et chaque section du Conseil de l'Instruction publique a ses pouvoirs bien définis.

Le député de Saint-Louis dit que si les députés de Québec sont satisfaits de l'état actuel des choses, on ne l'est pas à Montréal, surtout dans les quartiers ouvriers, et dans une seule paroisse, il y jusqu'à sept municipalités scolaires indépendantes. Une des premières choses qu'il faut à Montréal, c'est une commission scolaire unique, contrôlée par le peuple. La principale commission scolaire de Montréal a été imposée au peuple que la subit tout en protestant.

Un grand nombre des arguments invoqués contre l'uniformité des livres sont inspirés par les intérêts des marchands de papiers [sic], intérêts avec lesquels il est honteux de compter quand la cause de l'éducation est en jeu, et de tels arguments ne devraient pas se trouver dans la bouche d'un député libéral. La cause de l'éducation a toujours été un des premiers articles du programme libéral.

M. Langlois dit que la résolution qu'il propose aujourd'hui était une des plus chères à feu l'hon. Gabriel Marchand et que les libéraux d'aujourd'hui ne doivent pas être moins libéraux que ne l'était le regretté [mot illisible].

Contre ceux qui ont invoqué le bienfait de la concurrence entre pédagogues pour maintenir la pluralité des livres, M. Langlois produit une histoire du Canada des Frères Maristes dont il cite plusieurs passages.

Il fait remarquer que si parmi les grands orateurs canadiens on nomme Charles Thibault et M. Thomas Chapais, on n' a pas mentionné l'hon. M. Turgeon (appl.), et il ajoute que si des charlatans comme Charles Thibault doivent être inscrits à l'histoire du pays, on devrait aussi inscrire le nom de Corneillier. (Rires et applaudissements).

Il fait aussi remarquer qu'au chapitre des historiens canadiens, le même livre ne nomme ni L.O. David, ni A. D. DeCelles, quand il trouve encore le moyen de nommer Thomas Chapais. Au chapitre des littérateurs et poètes canadiens, et parmi les gloires canadiennes, le même livre ne mentionne pas un seul nom de Canadiens-anglais.

Il a élevé alors contre cette tendance de plusieurs de nos auteurs pédagogiques à instruire nos enfants dans l'ignorance complète des Canadiens-anglais, ceux-là à côté desquels ils devront vivre et contre lesquels il leur faudra lutter dans la course de la vie.

Contre M. Jobin qui tient pour suspecte la résolution de M. Langlois, celui-ci cite Meilleur, Marchand, l'abbé Verreau, l'abbé Lemire, le cardinal Manning, Mgr Ireland et le congrès des évêques catholiques de l'Etat de New-York.

Prenant à part [sic; lire partie] le député de Saint-Roch, M. Jobin, il trouve étrange autant de suspicion chez un homme qui est lui-même tenu en suspicion par son parti. Il dit que le docteur Jobin n'a pas le droit de se décorer du titre de libéral en discutant une telle question après avoir été chassé du Club Mercier à cause de ses attaches trop intimes avec les nationalistes. Il accuse M. Jobin d'avoir abandonné les traditions du parti dont il a déjà déserté le drapeau. (Appl.) M. Langlois se réclame de l'école des Dorion, des Laflammes [sic] et des Marchand.

Il se glorifie d'être resté fidèle à leurs idées, comme il resté fidèle au parti libéral, aujourd'hui si bien dirigé dans l'arène provinciale par l'honorable Lomer Gouin.

M. Mackenzie propose l'ajournement du débat. M. Jobin se lève pour répondre à l'accusation de nationalisme lancée contre lui par M. Langlois, mais l'Orateur lui dit qu'il n'est pas dans l'ordre et le député de Saint-Roch reprend son siège."
1908.05.14
Héroux, Omer. "53 sur 7761", L'action sociale, 14 mai 1908, p. 4.

"Le gros argument de M. Langlois au cours du débat sur l'uniformité des livres était que, dans la ville de Montréal, par suite des fréquents déménagements, les élèves, changeant de maîtres, devaient aussi changer de livres et qu'il en résultait pour les parents pauvres des dépenses considérables.

On lui répondait que ce cas particulier, même si le grief était fondé, ne pouvait légitimer une mesure d'ordre général, contraire au progrès pédagogique, aux droits des parents et à la liberté.

On ajoutait que la loi actuelle permet d'établir l'uniformité dans les limites d'une même municipalité scolaire et que le cas de Montréal relevait donc uniquement de la commission scolaire de Montréal.

Ceux qui avaient étudié la question d'un peu plus près et qui savent avec quelle désinvolture M. Langlois traite souvent la vérité, faisaient observer que les inconvénients n'étaient probablement pas aussi graves que le disait ce monsieur et que la très grande majorité des enfants faisaient toutes leurs études dans des écoles du même type, et donc avec les mêmes séries de livres.

Mais les chiffres manquaient, sur lesquels asseoir une affirmation positive.

Nous les avons aujourd'hui et ils sont topiques.

Les Frères des Ecoles chrétiennes possédaient à Montréal, en 1906, onze écoles fréquentées par plus de 7,500 élèves, exactement 7,761. Sur ce total, 53, vous avez bien lu, 53 venaient d'autres écoles et risquaient par conséquent d'avoir à se procurer de nouveaux manuels.

Est-ce sur une pareille statistique que l'on veut appuyer une manoeuvre qui tendrait à bouleverser tout notre régime scolaire?

Dans l'école Sainte-Brigide, fréquentée par 991 élèves, le chiffre de ce que l'on pourrait appeler "les nouveaux" a été de 28. C'est le plus élevé de la série. A Saint-Henri, avec 1,062 élèves, l'on compte 8 nouveaux, au Sacré-Coeur, 7 sur 944, à Saint-Jacques, à Sainte-Cunégonde, à Saint- Gabriel, 8 sur chacun de ces totaux: 692, 855 et 547, à Saint-Laurent, 1 sur 506 et, dans les écoles de Saint- Patrice, Sainte-Anne, Saint-Joseph et Maisonneuve, qui comptent respectivement 420, 546, 658 et 540 élèves, zéro.

Cette statistique se passe de commentaire, et l'on voit à quoi se résument les faits, dès qu'on les serre d'un peu près.

Ajoutons que, de ces 53 enfants, la plupart étaient fort jeunes et n'avaient que peu de livres, et que les Frères n'ont pas le droit d'employer à leur bénéfice un sou du profit réalisé sur la vente des fournitures classiques. Tout ce profit retourne aux élèves sous forme de récompenses.

MORALE: Il ne faut accepter les affirmations de M. Langlois que sous bénéfice d'inventaire. On risque parfois de se heurter à une exagération évidente comme dans le cas actuel ou, ce qui pis est, à une fausseté manifeste comme dans l'affaire de la petite histoire du Canada des Maristes.

Le malheur, c'est qu'il ne se trouve pas toujours quelqu'un, comme le fit ce soir-là M. Tellier, pour lui mettre les doigts dans son ... ignorance." (p. 4).

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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