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Sources imprimées

* * *

1899

xxx. Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique (Amendés jusqu'au 1er mai 1899). Québec, C. Darveau, 1899. 100 p. ISBN 0-665-94562-0.

"131. Les commissaires ou syndics d'écoles de chaque municipalité ne feront usage pour toutes leurs écoles que de la même série des livres classiques autorisés. Ils en feront une liste qui sera déposée dans chacune des écoles sous leur contrôle. (p.77).

[...]

Chapitre neuvième

Approbation des livres.

161. Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du comité catholique du Conseil de l'Instruction publique doit, un mois au moins avant les sessions du comité catholique, en envoyer six exemplaires au Surintendant en lui donnant en même temps le prix de chaque exemplaire et celui de la douzaine; il devra aussi envoyer un exemplaire de cet ouvrage à chacun des membres du comité catholique.

162. Lorsque l'examen d'un ouvrage soumis à l'approbation du comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le Surintendant doit exiger de la personne qui demande l'approbation une somme suffisante pour la rémunérer.

163. L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au département de l'Instruction publique et obtenir du Surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et chaque fois qu'il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du Surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

164. Le comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage qu'il aura autorisé.

165. Tout ouvrage approuvé doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page de titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement par écrit du Surintendant de l'Instruction publique.

166. Il faut l'approbation du comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé.

167. Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe." (p. 86-87).

1899
Cazes, Paul de. Code scolaire de la province de Québec contenant la loi de l'instruction publique, les règlements scolaires du comité comité catholique du conseil de l'instruction publique, des tables de concordance des articles de la loi de l'instruction publique à ceux des statuts refondus de Québec, et des articles des statuts refondus à ceux de la loi de l'instruction publique. Suivi de: Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique. Québec, Dussault & Proulx, 1899. xxxiii, 255, 100 p.

"43. Le surintendant peut retenir la subvention de toute municipalité ou institution d'éducation qui ne lui a pas transmis les rapports prescrits par cette loi, qui a adopté ou permis l'usage de livres de classe non autorisés [...]. (p. 10).

[...]

Des comités du conseil de l'instruction publique.

[...]

56. Chacun des deux comités doit approuver les livres de classe, cartes, globes, modèles, ou objets quelconques utiles à l'enseignement pour l'usage des écoles de sa croyance religieuse, et, quant il le juge à propos, il peut retirer l'approbation qu'il a donnée. (p.16).

[...]

215. Il est du devoir des commissaires et des syndics d'écoles:

[...]

4. D'exiger que, dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés qui doivent être les mêmes pour toutes les écoles de la municipalité; toutefois, le curé ou le prêtre desservant de l'église catholique romaine, a le droit de faire le choix des livres ayant rapport à la religion et à la morale, pour l'usage des élèves [65] de sa croyance religieuse, et le comité protestant a les mêmes pouvoirs, en ce qui concerne les élèves protestants; (p. 65-66).

[...]

547. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut acquérir, pour la province, le droit de propriété des livres, cartes géographiques et autres publications quelconques, approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique.

548. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut distribuer gratuitement aux élèves des écoles, sous les conditions qui pourront être imposées, des livres ou séries de livres, cartes géographiques et autres publications quelconques choisis parmi ceux approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique, conformément aux dispositions de l'article 56 de cette loi." (p. 168).

Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique.

"131. Les commissaires ou syndics d'écoles de chaque municipalité ne feront usage, pour toutes leurs écoles, que de la même série des livres classiques autorisés. Ils en feront une liste qui sera déposée dans chacune des écoles sous leur contrôle. (p.77).

[...]

Chapitre neuvième

Approbation des livres.

161. Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique doit, un mois au moins avant les sessions du comité catholique, en envoyer six exemplaires au surintendant en lui donnant en même temps le prix de chaque exemplaire et celui de la douzaine; il devra aussi envoyer un exemplaire de cet ouvrage à chacun des membres du comité catholique.

162. Lorsque l'examen d'un ouvrage soumis à l'approbation du comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le surintendant doit exiger de la personne qui demande l'approbation une somme suffisante pour la rémunérer.

163. L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au département de l'instruction publique et obtenir du surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et chaque fois qu'il en publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée. [86]

164. Le comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage qu'il aura autorisé.

165. Tout ouvrage approuvé doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page de titre; il ne peut y être inséré aucune annonce sans le consentement du surintendant de l'instruction publique.

166. Il faut l'approbation du comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé.

167. Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe." (p. 86-87).

1899
Chapais, Thomas. Discours sur la loi de l'instruction publique prononcé par l'honorable M. Chapais devant le Conseil législatif, les 2 et 3 mars 1899. Québec, L.-J. Demers, 1899. 18 p. ISBN 0-665-02866-0.

"L'UNIFORMITÉ DES LIVRES.

Il y a deux autres dispositions du projet de loi où les tendances envahissantes du gouvernement se manifestent d'une manière encore plus grave:

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ce sont celles auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure, celles qui servent d'enseigne au bill et qui se rapportent à 1'uniformité et à la gratuité des livres. Ici il faut bien s'entendre. Les deux clauses dont je parle ne semblent pas, à première vue, avoir toute la portée qu'on leur donne. En voici le texte:

«546.- Le lieutenant-gouverneur en conseil peut acquérir pour la province le droit de propriété des livres, cartes géographiques, et autres publications quelconques, approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique.

547.- Le lieutenant-gouverneur en Conseil peut distribuer gratuitement aux élèves des écoles, sous les conditions qui pourront être imposées, des livres ou séries de livres, cartes géographiques, etc., choisis parmi ceux approuvés par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'Instruction Publique conformément aux dispositions de l'article 56 de cette loi.»

L'article 56 est le suivant:

«56. Chacun des deux comités peut approuver les livres de classes, cartes, globes, modèles ou objets quelconque utiles à l'enseignement pour l'usage des écoles de sa croyance religieuse et, quand il le juge à propos, retirer l'approbation qu'il a donnée.»

Ces clauses, prises en elles-mêmes, ne paraissent pas sujettes à beaucoup d'objection. Avoir le droit d'acquérir des livres approuvés par le conseil de l'instruction publique et de les distribuer gratuitement dans les écoles, cela ne paraît pas un privilège bien exorbitant. Mais quelle est la pensée du gouvernement? La voici telle qu'elle a été exposée avec autorité par un ministre. Le gouvernement veut avoir le droit d'imposer dans toutes les écoles élémentaires de la province un livre unique qu'il distribuera gratuitement. Il veut que l'uniformité des livres serve de corollaire à la gratuité des livres. Ici, je demande à la chambre la permission de citer ce passage d'un discours prononcé par un membre du gouvernement.

«Le bill résout aussi l'importante question de l'uniformité des livres. C'est là une question qui a été beaucoup discutée et au sujet de laquelle il y a bien du pour et du contre. Nous croyons l'uniformité des livres nécessaire et nous pensons y arriver par la distribution gratuite des livres, tel que mentionné à l'article 544.

C'est l'intention du gouvernement de choisir parmi les livres actuellement approuvés ou autres qui pourraient être approuvés une série qui serait la même mise en usage dans toutes les écoles de la province; et ces livres seront fournis gratuitement à tous les élèves. Les livres étant les mêmes partout, nous arrivons par là même à l'uniformité des livres dans nos écoles.»

Donc, dans l'intention du gouvernement, le projet de loi décrète l'uniformité absolue des livres de classes, au moins pour les écoles élémentaires. Or, c'est là une question bien débattue et qui ne devrait pas être tranchée à la légère. Dans mon humble opinion, honorables messieurs, l'uniformité absolue des livres d'écoles ne devrait pas être décrétée, parce qu'elle est contraire au progrès, contraire à la justice et contraire à la liberté.

Elle est contraire au progrès. Dans le domaine des intelligences, comme dans le domaine des corps, la variété est une des lois de la nature. Tous les esprits n'ont pas la même trempe, la même tournure, le même vol. Ils ne sont pas tous coulés dans le même moule. Ils se développent rarement dans les mêmes milieux et sous les mêmes influences. Il s'ensuit que leurs manifestations sont diverses dans l'ordre scientifique, artistique ou littéraire. Ouvrez un concours à cent ou deux cents hommes d'étude. Vous aurez à coup sûr un certain nombre d'ouvrages excellents, dont 20 ou 30 peut-être seront à peu près d'égale valeur, mais se recommanderont chacun par telle ou telle qualité spéciale.

Cette diversité féconde dans les oeuvres de l'intelligence est l'une des forces et 1'une des gloires les plus incontestables des sociétés civilisées. Bossuet et Racine, Shakespeare et Newton, Leibnitz et Humbold, Cuvier et Arago, Chateaubriand et de Maistre, Lamartine et Veuillot, orateurs, penseurs, poètes, savants, écrivains sublimes, ont atteint les plus hauts sommets où le génie de l'homme puisse planer. Et cependant quelles étonnantes différences, quelles frappantes oppositions, quels merveilleux contrastes ne trouvons-nous pas dans leurs écrits immortels! C'est de cette

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variété multiple d'aptitudes et de travaux que sont nés, dans le cours des âges, les inventions, les découvertes, l'accroissement des connaissances et des lumières. Ce qui est vrai dans le domaine des arts, des sciences et des lettres, ne l'est pas moins dans celui de l'enseignement. Là aussi la variété des modes enfante l'amélioration des résultats. La concurrence des méthodes et des manuels produit le perfectionnement pédagogique. Telle grammaire de mérite supérieur paraît aujourd'hui, parce que telle autre grammaire relativement très bonne a paru, il y a deux on trois ans; et c'est ainsi que le mieux succède au bien et que le progrès s'accomplit. Pourquoi donc venir déclarer la guerre à cette variété qui est une loi de la nature humaine? pourquoi venir proclamer dans l'école primaire le règne du livre unique qui écarte aujourd'hui le livre aussi bon et peut-être demain fermera la porte au livre meilleur... L'uniformité absolue des livres est une mesure contraire au progrès.

Elle est contraire à la justice. Beaucoup de professeurs ont écrit d'excellents manuels. Des hommes qui ont blanchi dans le professorat, d'autres qui ont conquis par le travail une maturité précoce ont mis le meilleur de leur intelligence dans tel ou tel ouvrage scolaire destiné à l'enseignement de la jeunesse. Ils retirent de leur oeuvre une modeste et légitime rémunération. Soudain le gouvernement s'en vient décréter la suppression de tous ces livres pour y substituer son fameux livre unique. Il tarit un revenu honnêtement gagné; il rend infructueuse une propriété honorablement acquise : il crée sans nécessité un monopole en faveur d'un individu ou en sa propre faveur: il se sert des deniers publics pour paralyser une industrie privée. Il dépasse son droit, il sort de ses attributions, il viole la justice.

L'uniformité absolue des livres est contraire à la liberté. De quel droit l'Etat viendrait-il imposer à un père de famille le livre qui servira à instruire son enfant? De quel droit viendra-t-il imposer à une municipalité scolaire le livre qui seul devra entrer dans l'école? Le choix des livres ne doit pas appartenir à l'Etat. Nous comprenons qu'un corps comme le conseil de l'instruction publique soit chargé d'approuver les livres et les séries de livres parmi lesquelles les commissions scolaires, qui veulent recevoir une subvention officielle, feront leur choix. Mais, sous ces conditions qui garantissent la valeur des livres et constituent une direction éclairée, le choix définitif reste aux commissaires ou aux maîtres, et la liberté n'est point confisquée par l'arbitraire. La liberté! on en parle beaucoup de nos jours, on écrit son nom partout, on se réclame de son drapeau, on se pare de ses couleurs, on essaie bien souvent d'exploiter, au profit d'une cause, la noble passion que ressentent pour elle les âmes généreuses. La liberté, elle a servi de thème à bien des livres décevants et à bien des discours trompeurs. La liberté, elle a été, en théorie du moins, l'idole de ce dix-neuvième siècle qui va bientôt finir. Et cependant, lorsque le penseur ou l'historien jette un coup d'oeil sur le théâtre mouvementé des événements contemporains, bien des fois son regard s'arrête avec tristesse sur des crimes commis contre la liberté. Monarchies et républiques, rois et dictateurs, parlements et congrès, en un mot l'Etat sous quelque forme qu'il se présente, l'Etat moderne s'est trop souvent rendu coupable de cet attentat. Il a violé la liberté des corporations, il a violé la liberté de l'Eglise. Et ce qui est remarquable, c'est que les plus audacieuses entreprises contre la liberté ont été trop de fois commises par des hommes qui avaient toujours à la bouche l'évangile du libéralisme. Voilà ce qui faisait dire à Jules Simon: "C'est en vérité un beau spectacle que nous donnent à toutes les époques les libéraux qui ont peur de la liberté". Avoir peur de la liberté, ce n'est peut-être pas le cas des ministres actuels: mais violer une liberté légitime, ils le font certainement par la loi qui nous est soumise. Non, non, je ne reconnais pas à l'Etat le droit de dire aux enfants de ce pays: vous apprendrez la lecture dans un seul livre et ce sera mon livre; vous apprendrez la grammaire dans un seul livre, et ce sera mon livre; vous apprendrez la géographie dans

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un seul livre, et ce sera mon livre; vous apprendrez la morale dans un seul livre, et ce sera mon livre. Je ne veux pas de votre syllabaire d'Etat, de votre grammaire d'Etat, de votre histoire d'Etat, de votre géographie d'Etat, de votre morale d'Etat. Je m'insurge de toutes mes énergies contre cette prétention tyrannique, contre ce monopole insolent, contre ce servage intellectuel et ce nivellement despotique qu'on veut infliger à nos générations étudiantes, à notre jeunesse canadienne.

J'espère avoir réussi à indiquer quels graves principes sont en cause dans cette question de l'uniformité absolue des livres.

Je pourrais citer bien des autorités à l'appui des considérations que je viens d'exposer à cette honorable chambre. Un écrivain d'une haute expérience en cette matière, M. Rapet, inspecteur général de l'instruction primaire en France, a écrit au sujet de l'uniformité de l'enseignement, dans un livre intitulé: «Plan d'Etudes»:

«L'ensemble de ce travail a mis, ce nous semble, hors de doute qu'une réglementation uniforme de l'enseignement dans toutes les écoles est aujourd'hui impossible. Elle ne pourrait avoir lieu sans faire violence aux individus, et par conséquent, sans nuire au progrès de l'enseignement. Mais indépendamment de cette considération dont tout le monde reconnaît la valeur, il est une foule d'obstacles à l'établissement d'une uniformité qui est pourtant le rêve de quelques personnes...

L'état général de l'instruction n'est par le même dans nos différentes provinces. Il ne comporte donc pas encore partout les mêmes développements; il y a d'ailleurs des besoins locaux auxquels on doit avoir égard. Les maîtres et les maîtresses se trouvent en outre les uns et les autres, pour des raisons qu'il est inutile de rappeler, dans des conditions tellement différentes, qu'il serait impossible de leur imposer le même enseignement. Toutes ces différences s'affaibliront sans doute avec le temps, et, sans arriver jamais à une uniformité absolue, qui est une chimère, et qui serait un obstacle au progrès si on pouvait jamais la réaliser, on peut espérer que nos écoles finiront par se rapprocher de plus en plus de l'unité, qui est avec raison dans les désirs de l'administration. Défions-nous en attendant de cet amour de l'uniformité qui comprime le zèle et étouffe toute spontanéité, en faisant violence aux esprits parce qu'il veut tout faire entrer dans le même moule. Etablissons dans l'ensemble l'unité qui est indispensable dans un système destiné à régir un pays comme la France, mais sachons accepter dans les détails la variété qui est à la fois un indice et un élément de vie et d'activité.»

Cette question de l'uniformité des livres a déjà été discutée dans notre province. Dès 1877, monsieur Chandonnet, ancien principal de l'Ecole Normale Laval, la traitait incidemment dans un travail d'assez longue haleine sur nos lois scolaires. «Une mesure qui amène l'uniformité des livres d'école, pour tout le pays, disait-il, tue la concurrence, détruit l'émulation, décourage le talent, établit infailliblement le règne fatal de la médiocrité. Toutes les intelligences seront coulées dans le même moule; elles en auront les perfections, mais les imperfections aussi sans presqu'aucun moyen d'augmenter les premières ou de guérir les secondes.»

Nous avons en outre sur ce sujet l'opinion d'hommes bien compétents, de membres du corps enseignant eux-mêmes. A la 106e réunion des instituteurs de la circonscription de l'école normale Laval, tenue le 27 janvier 1894, l'uniformité des livres de classe fut discutée: la chambre me permettra de citer quelques extraits du compte rendu de cette assemblée que j'emprunte à "l'Enseignement Primaire" du 15 février de cette année:

«Monsieur Lacasse demande à monsieur Lefebvre si en Europe l'uniformité des livres existe?

Monsieur Lefebvre: Plusieurs gouvernements ont tenté cette réforme, mais sans succès. L'idée est sans doute magnifique, mais elle n'est pas réalisable. En France, où la centralisation scolaire est à peu près parfaite, l'uniformité des livres n'existe pas, on n'a jamais pu opérer cette réforme. Ici, il nous faut d'abord des programmes: alors on fera des livres conformes à ces programmes.

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Monsieur Lacasse désapprouve complètement le projet, car en le mettant à exécution on commettrait de criantes injustices et le succès des écoles n'y gagnerait rien. L'uniformité des livres est désirable dans une institution; dans les autres cas il vaut mieux laisser toute liberté à ceux qui se sentent la force de publier des livres: libre au conseil de ne pas approuver ces livres.

Monsieur Toussaint croit qu'une telle réforme ferait plus de mal que de bien à la classe enseignante, car un changement complet de livres bouleverserait les maîtres, les maîtresses et les élèves.

Monsieur Prémont ne partage pas cet avis, mais il n'entrevoit pas la possibilité d'obtenir l'uniformité des livres classiques d'une manière absolue. Ce n'est pas ce qui presse le plus dans notre province; on devrait commencer par encourager convenablement les instituteurs et les institutrices qui font leur devoir.

M. T. Tremblay est en faveur de ce projet qu'il préconise longuement.

M. Magnan: l'uniformité des livres offre de grands avantages et de très grands désavantages: 1°. le concours proposé permettrait à bien des talents ignorés de se faire jour; 2°. les primes et les bénéfices réalisés par la vente des livres profiterait directement aux instituteurs et aux institutrices en augmentant leur traitement; 3° l'uniformité des livres amènerait l'uniformité des méthodes pédagogiques et probablement l'amélioration des procédés d'enseignement; 4° la question économique aurait tout à y gagner.

D'un autre côté: 1°. l'uniformité des livres tuerait l'initiative personnelle. Lorsqu'une série de livres aura été adoptée indéfiniment, personne ne songera à étudier, ou à faire profiter les autres de ses talents, de son travail et de son expérience. On aura donc imposé une barrière au génie, mis des bornes à l'intelligence, les générations d'instituteurs et d'institutrices qui nous suivront se verront d'avance marquées d'incapacité; 2°. on ne pourrait mettre la loi de l'uniformité en force sans commettre de graves injustices envers les auteurs dont les livres sont actuellement approuvés; 3°. cette nouvelle loi serait-elle plus applicable que celle qui existe déjà et qui décrète l'uniformité par municipalité?

Ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait: 1°. De mettre à exécution d'une manière sérieuse la loi déjà existante; 2°. Choisir avec la plus grande sévérité les nouveaux livres classiques et reviser [sic] sérieusement l'ancienne liste de manière à jeter au panier tous les manuels qui ne sont pas conformes aux règles de la méthodologie; 3°. Indiquer les principes pédagogiques qui doivent présider à la composition de tout livre de classe laissant à chaque auteur une grande liberté dans l'exécution du plan. Ainsi, il y aurait uniformité de méthodes, mais diversité d'application.

Monsieur Lefebvre est d'avis que l'instituteur doit être libre de se servir de l'outil de son choix: tout ce qu'on peut exiger de lui, c'est qu'il se conforme aux programmes. Du moment que les résultats désirés sont obtenus, on n'a pas à s'inquiéter de la route qui a été suivie. Avant de songer à l'uniformité des livres,que l'on nous donne des programmes clairs, détaillés et accompagnés de conseils pédagogiques

M. J.B. Cloutier ne croit pas le projet réalisable. Les ennuis de toutes sortes qu'occasionnerait un changement radical de livres ne seraient pas compensés par une somme égale de bons résultats.»

Il ressort évidemment de toute cette discussion une condamnation pratique de l'uniformité des livres par la conférence des instituteurs.

Mais voici une autorité encore plus haute. Le comité catholique du conseil de l'instruction publique a repoussé énergiquement ce système. En 1880, la législature adopta une loi où se trouvait la clause suivante:

«Sur cette liste (la liste de livres approuvés par le Conseil de l'instruction publique), il ne devra être inscrit qu'un ouvrage par matière d'enseignement, ou deux dans le cas où l'un serait élémentaire et l'autre plus complet pour les classes avancées, et nul autre ouvrage ou livre ne sera en usage dans les écoles.»

C'était pratiquement établir l'uniformité des livres. Le comité du conseil de l'instruction publique s'émut de cette législation. Et dans sa séance du 21 octobre 1880, à quelle assistaient Nos Seigneurs les Archevêques

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et Evêques Taschereau, Laflèche, Langevin, Duhamel, Fabre, Racine (de Sherbrooke), Moreau et Racine (Chicoutimi), les honorables messieurs P.J.O. Chauveau, Jetté, Routhier, M.M. P.S. Murphy, docteur Painchaud, et l'hon. M. Ouimet, surintendant, les résolutions suivantes furent unanimement adoptées:

«Considérant qu'à sa dernière session la législature de cette province a passé un acte dans lequel ont été introduites des clauses concernant ce Conseil et l'approbation des livres à l'usage des écoles;

Considérant que ces clauses ont été introduites sans que le surintendant ni les membres de ce Conseil aient été consultés, ou aient eu occasion de faire connaître leurs objections;

Qu'il soit résolu que le comité catholique de ce Conseil présente une humble requête à la dite législature, à la prochaine session lui représentant:

1°. Que dans l'opinion de ce Conseil l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque branche d'étude dans toutes les écoles de même degré présente des difficultés insurmontables dans la pratique;

2°. Qu'elle tend à froisser les communautés religieuses dont plusieurs ont d'excellents ouvrages propres à leur classes; à nuire considérablement aux auteurs dont les ouvrages sont déjà approuvés aussi bien qu'aux libraires qui en ont beaucoup à vendre et qui d'ici à un an, sont exposés à des pertes considérables et immenses par la défense d'employer dorénavant ces livres dans les écoles de la province; à étouffer la louable émulation qui devrait exister entre les diverses institutions d'éducation pour le choix des meilleurs ouvrages; à arrêter les efforts vers le progrès et l'amélioration des livres et des méthodes;

3°. Qu'une mesure d'une telle sévérité n'a encore été adoptée dans aucun pays, à ce que croit ce comité. En France, en Belgique, en Prusse, etc., il est laissé une pleine liberté de choisir entre les divers ouvrages approuvés pour chaque matière.

4°. Que si la trop grande multiplicité d'ouvrages peut offrir peut-être des inconvénients, il est encore plus dangereux de tomber dans l'excès contraire en en restreignant le nombre à un seul pour chaque branche.

5°. Que ce comité a déjà passé des règlements obligeant à ne se servir dans chaque école que d'un seul et même livre pour chaque classe d'élèves; 6°. Qu'il est à propos de tenir compte de la préférence que l'on peut avoir dans les différentes parties de la province pour certain ouvrage plutôt que pour tel autre, l'appréciation des livres étant une chose bien délicate, qui dépend de beaucoup de circonstances, de lieux et de personnes;

7°. Que l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque matière donnerait naissance à un monopole odieux et peut-être à des spéculations scandaleuses.»

Ces résolutions furent proposées par Monseigneur l'évêque de Rimouski - un ancien principal de l'école normale, auteur d'un excellent traité de pédagogie - appuyées par Monseigneur de Montréal, et adoptées "nemine contradicente". C'est-à-dire que des hommes éminents et compétents comme Monseigneur Taschereau, comme Monseigneur Langevin, comme l'hon. Monsieur Chauveau et tous leurs collègues se prononçaient péremptoirement contre l'uniformité des livres. En présence d'une manifestation aussi imposante, les dispositions de la loi 43-44 Victoria, chapitre 16, restèrent lettres mortes jusqu'à ce qu'elles fussent formellement rappelées par la loi 51-52 Victoria chapitre 56, et remplacées par la clause suivante:

«Les sections 8-9 et 10 de l'acte 43-44 Victoria, chapitre 16 sont remplacées par ce qui suit:

Chacun des deux comités doit préparer et réviser de temps à autre la liste des livres de classe, cartes, globes, modèles, ou objets quelconques utiles à l'enseignement;

La liste des livres approuvés doit être revisée [sic] tous les quatre ans, et les changements qui y sont faits doivent être publiés par le surintendant dans la "Gazette Officielle" de Québec;

Tout livre d'école rayé de la liste ne peut être exclu de l'enseignement avant une année à compter de la date de la révision de la liste.»

L'uniformité absolue des livres d'école, contraire au progrès, à la justice

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et à la liberté, a donc été condamnée par des écrivains très compétents, par les représentants du corps enseignant, par le conseil de l'instruction publique, et par cette législature elle-même. Elle n'existe ni en France, ni en Belgique, ni en Allemagne, ni en Angleterre, ni aux Etats-Unis. Pourquoi donc le gouvernement de cette province veut-il nous imposer ce régime étroit et exclusif? ... C'est, nous dit-on, pour obvier à un inconvénient dont souffrent bien des familles. Souvent lorsqu'un enfant change d'école par suite du changement de domicile de sa famille, ses parents sont obligés de lui acheter de nouveaux livres parce que ceux qu'il avait ne sont pas en usage dans la nouvelle école où il entre. De là, des dépenses inutiles et relativement très onéreuses pour les familles dont les ressources sont précaires.

J'admets immédiatement que cet inconvénient peut se produire et qu'il est opportun d'y remédier dans la mesure du possible et du raisonnable; mais pour y remédier il ne faut pas violer les principes essentiels ni sortir du droit. Le conseil de l'instruction publique s'est préoccupé de ce grief dont il a été saisi, et il s'est efforcé d'y porter remède. A sa séance du 9 mai 1895, il a adopté la résolution suivante: "Que ce comité n'étant pas prêt à adopter le principe de l'uniformité des livres, le rapport (il s'agissait d'un rapport du sous-comité des livres de classe) soit référé au sous-comité, avec instruction de l'étudier de nouveau, et de faire rapport quant aux moyens à prendre pour n'avoir dans les écoles que les meilleurs livres, et restreindre autant que possible la diversité des livres dans les écoles d'un même district." Ceci avait pour objet d'arriver à rendre moins fréquents les changements de livres d'école; et pour mettre à exécution cette idée, le Conseil introduisit dans son projet de refonte des lois scolaires, l'article suivant:

«214. Il est du devoir des commissaires et des syndics d'écoles d'exiger que dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés par l'un ou l'autre des comités du Conseil de l'Instruction publique, selon le cas, et déterminer pour chaque matière de l'enseignement, parmi les livres autorisés un ouvrage ou une série d'ouvrages qui doit être le même ou la même pour toute la municipalité et qui seuls peuvent être employés dans ces écoles.»

Ainsi, d'après cet article du projet, on établissait l'uniformité des livres dans les limites d'une municipalité, ce qui est bien différent de l'uniformité décrétée pour tout un pays. On donnait aux commissaires d'école, à Montréal ou à Québec, par exemple, le pouvoir de déterminer l'usage d'un livre uniforme pour chaque branche dans toutes les écoles sous leur contrôle. De cette manière l'enfant de l'ouvrier qui changerait de quartier, ne serait pas obligé d'acheter de nouveaux livres en entrant dans une nouvelle école. Seulement, comme on voulait respecter tous les droits, on ajoutait, dans cet article 214 du projet de refonte, le paragraphe suivant: «Cependant, dans le cas d'engagement de membres d'une institution ou corporation enseignante se servant de livres ou séries de livres approuvés, les commissaires ou syndics pourront permettre dans les écoles confiées à ces institutions ou corporations enseignantes l'usage de tels de ces livres ou séries de livres.»

Ce paragraphe avait pour objet de protéger la liberté des congrégations enseignantes. En un mot, le conseil de l'instruction publique, tout en n'admettant pas le principe de l'uniformité absolue des livres, allait aussi loin que possible dans la voie d'une uniformité restreinte, afin de venir en aide aux familles pauvres. D'autre part, il introduisait dans la loi une disposition destinée à sauvegarder les droits légitimes des congrégations enseignantes. Je ne dis pas que cela fût parfait, que tout cela fût idéal: mon goût personnel et l'étude que j'ai faite de la question m'inclineraient plutôt vers une liberté plus grande sauf, bien entendu le contrôle de l'autorité compétente au point de vue religieux et moral. Mais je dis que cet article 214 du projet de refonte était une solution raisonnable d'un cas difficile, un "modus vivendi" dicté par le désir de faire disparaître un sujet de plainte dont assez souvent on ne saurait contester le bien fondé.

Eh bien, qu'a fait le gouvernement?

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Par l'article 215 de son bill, il a mutilé l'article 214 du projet de refonte préparé par le conseil. Il a retranché le paragraphe destiné à sauvegarder les congrégations enseignantes. Ici nous touchons à une question très grave et qui demande à être traitée avec la plus absolue franchise. Il y a dans la province de Québec un grand nombre de congrégations religieuses d'hommes et de femmes qui se consacrent à l'enseignement, non pas seulement à l'enseignement secondaire, mais à l'enseignement primaire. Plusieurs de ces congrégations ont leurs livres, leurs manuels, leurs méthodes. Ces livres, ces méthodes sont des éléments constitutifs de la formation pédagogique qu'elles donnent à leurs membres, dans leurs noviciats ou dans leurs juvénats. Et, après leur temps d'épreuve, ces instituteurs et institutrices congréganistes enseignent naturellement avec les livres et d'après les méthodes de leurs instituts. Il est manifeste que l'Etat n'a aucun droit sur les constitutions, les règlements, la direction pédagogique de ces congrégations. Mais quelle sera sa position s'il décrète l'uniformité absolue des livres dans toutes les écoles élémentaires?

Il y a dans la province une multitude d'écoles subventionnées, tenues par des frères des Ecoles Chrétiennes, des frères Maristes, par des frères de St-Viateur, par des frères du Sacré-Coeur, par des soeurs de Charité, par des soeurs de la Congrégation, par des soeurs du Bon Pasteur, par des soeurs Marianites, par des soeurs de la Providence, etc., etc.

La plupart de ces congrégations ont leurs livres et leurs manuels auxquels elles tiennent. Que cela vous convienne ou non, c'est un fait auquel nous ne changerez rien et qui a pour lui la consécration de la discipline, du temps et de l'expérience. Maintenant, je suppose que votre loi est adoptée; vous avez lancé l'ukase décrétant votre chère et inflexible uniformité, vous avez fait préparer votre phénomène, ce fameux livre unique et uniforme qui doit enfanter tant de merveilles, et vous allez l'imposer à toutes les écoles subventionnées. Oui, mais voici cinquante écoles, cent écoles, deux cents écoles, et des plus importantes où depuis des années des instituteurs et des institutrices congréganistes distribuent l'enseignement pour le plus grand bien des enfants et à la plus grande satisfaction des familles. Ils ne voudront pas de votre livre unique et uniforme. Et alors, qu'allez-vous faire? Allez-vous ordonner aux commissions scolaires, sous peine de perdre la subvention officielle, de chasser les Soeurs et les Frères de nos écoles? Allez-vous avoir l'audace d'entrer dans cette voie de tyrannie et d'ostracisme? Allez-vous avoir le triste courage d'assumer ici le rôle de ces potentats au petit pied qui, ailleurs, ont provoqué tant de luttes déplorables et accumulé tant de ruines? Je vous le demande, qu'allez-vous faire? Il vous faudra avancer ou reculer: or, dans le premier cas, vous serez odieux, dans le second cas, vous serez ridicules. Persécution ou capitulation, voilà où vous allez avec votre projet.

LA GRATUITE DES LIVRES

Mais à côté de l'uniformité des livres, il y a dans le bill qui nous est soumis la gratuité des livres. Suivant l'expressions d'un ministre, "l'uniformité nous permettra d'atteindre un autre but: la gratuité des livres de classe." La gratuité , c'est un beau mot, un mot sonore et populaire qui fait bien dans un discours et qui figure bien dans un projet de loi. Je comprends que le gouvernement s'en soit emparé, je comprends qu'il ait jeté à l'opinion cette idée séduisante de gratuité qui, de prime abord, ne saurait être qu'agréable à la foule. Mais il faut avoir le courage d'aller au fond des choses, même au risque de dissiper des illusions flatteuses. Je vais donc examiner cette question de la gratuité des livres telle que le gouvernement l'a posée, au point de vue du droit naturel et de l'économie politique.

Au point de vue du droit naturel, je dis que l'Etat sort de son rôle et se ses attributions, en s'imposant la charge de fournir aux enfants les livres de classe. Le rôle naturel de l'Etat consiste à faire dans l'intérêt général ce que ne peuvent faire aussi bien que lui ni les individus ni les familles. Les fonctions qui peuvent être remplies

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parfaitement par les individus ou les familles ne sont pas, ou du moins ne peuvent être que par exception des fonctions d'Etat. C'est ce que Montalembert faisait excellemment ressortir dans ce passage d'un de ses discours. "Que nous a enseigné la sagesse politique des générations passées: elle nous a enseigné que l'Etat ne devrait intervenir que là où les particuliers ne pouvaient pas agir mieux que lui, aussi bien que lui ou sans lui, que l'Etat n'était pas le tuteur et le professeur perpétuel des citoyens; qu'il était uniquement leur protecteur, leur défenseur, et, dans certains cas, leur serviteur; que partout, ce que les citoyens pouvaient faire aussi bien que lui, il ne devait pas y toucher." Monseigneur Freppel énonçait le même principe quand il s'écriait dans une discussion budgétaire: «C'est une vérité de sens commun qu'en matière civile et commerciale... l'Etat ne doit entreprendre que ce que les particuliers et les associations naturelles ou libres ne peuvent faire par leurs seules forces. L'Etat usant de ses pouvoirs militaires, administratifs, judiciaires, exécutifs pour le profit de la chose publique, rien de mieux; encore une fois, c'est sa véritable fonction; mais l'Etat banquier, l'Etat professeur, l'Etat maître d'école, l'Etat commerçant, l'Etat industriel, l'Etat manufacturier, l'Etat comédien ou tragédien, l'Etat imprimeur» - et vous me permettrez d'ajouter, Messieurs, l'Etat fournisseur de livres d'école - «rien de tout cela n'est dans la nature des choses, rien de tout cela ne correspond à une idée sainte et correcte.»

Fournir un alphabet ou une petit histoire sainte à son enfant, après lui avoir fourni la nourriture, le vêtement, les premières notions religieuses, n'est-ce pas là un des devoirs élémentaires du père de famille, un de ces devoirs que tous les pères à peu d'exception près, peuvent remplir et que presque tous remplissent? Et dès lors, en vertu de quel principe l'accomplissement de ce devoir si simple deviendrait-il une fonction de l'Etat? Si l'Etat prend sur lui de faire ce que le père doit faire, ce qu'il peut faire, et ce qu'il fait, en règle générale, sans l'intervention du pouvoir public, l'Etat est dans le faux, il empiète sur la famille, il assume un fardeau qui ne lui incombe pas, il viole le premier des principes essentiels qui doivent servir de règle à son action. Et ici, que l'on ne se méprenne pas sur ma pensée. J'admets parfaitement que l'Etat supplée à l'insuffisance, à l'indigence des parents trop pauvres. Cela est conforme au principe que je viens d'exposer. Comme l'a écrit un auteur très compétent, le Rév. Père Rouvier, jésuite, dans son livre remarquable intitulé: «La révolution maîtresse d'école,» «c'est au père, c'est à la mère qu'incombent le droit et le devoir de façonner l'intelligence et le coeur du petit être auquel ils ont donné la vie, ... si les ressources leur manquent absolument, nous comprenons qu'au sein d'une société civilisée et chrétienne, l'Etat leur vienne en aide, ... mais nous ne pouvons pas admettre qu'il aille au-delà [sic]; car dans ces cas l'Etat ne supplée plus le père de famille, il le supplante, et cela ne doit pas être, sous peine de détruire l'économie de la famille».

Donc, que l'Etat consacre une fraction quelconque de son budget à l'achat de livres scolaires pour les enfants dont les parents trop pauvres ne peuvent leur en fournir eux-mêmes, il n'y a rien à redire. C'était l'idée qui avait inspiré le gouvernement de l'honorable M. Flynn dans la rédaction de sa loi sur l'instruction publique, 60 Victoria, chapitre 3, section 3. Mais décréter qu'on va grever le budget d'une somme suffisante pour fournir des livres à tous les enfants, aux enfants des pauvres, c'est une absurdité, c'est un excès, c'est une faute contre les lois constitutives de toute société bien ordonnée, c'est véritablement du communisme officiel et du socialisme d'Etat.

C'est de plus une injustice. Voici un père riche, valant quinze mille, vingt-cinq mille, cinquante mille, cent mille dollars, et voici, à côté de ce capitaliste, un pauvre père, un ouvrier qui gagne péniblement sa vie et celle des siens. En présence de ces deux hommes de ressources si différentes, qu'allez-vous faire? Vous, Etat, vous allez prendre dans le trésor public, auquel contribuent les pauvres comme les riches, vous allez

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prendre de l'argent pour donner des livres à l'enfant du riche qui n'en a pas besoin, au même titre que vous allez en prendre pour donner des livres à l'enfant du pauvre qui gagne à la sueur de son front un pain souvent trempé de larmes. C'est-à-dire que le pauvre contribuant pour sa part au revenu public, vous allez le faire contribuer, dans une proportion quelconque, à payer des livres pour l'enfant du riche. C'est exactement ce que l'illustre M. LePlay, l'éminent auteur de la "la Réforme sociale," dénonçait dans ce passage relatif à la gratuité de l'enseignement: «Quant à la gratuité, disait-il, elle est contraire au principe qui commande au citoyen de pourvoir par leur propre initiative aux besoins de la vie privée. Il est d'ailleurs inexact d'appeler gratuit un service rétribué par l'impôt, et s'il convient à tous égards, que le riche paye volontairement l'enseignement du pauvre, on ne doit pas permettre que le pauvre, toujours atteint en quelques points par le fisc, contribue malgré lui aux frais de l'instruction du riche.»

Mais, à ce point de vue, le projet que nous discutons est encore plus mauvais qu'il ne paraît au premier abord. En effet, si l'on en croit les déclarations ministérielles, l'intention du gouvernement est de fournir les livres pour les écoles élémentaires seulement; les écoles modèles et académiques sont exclues de cette distribution. Or, j'attire sur ce point l'attention de la Chambre: en général, dans notre province, à l'exception des grands centres, par une anomalie singulière ce sont les enfants de la classe la plus pauvre qui fréquentent les écoles modèles et ce sont les enfants de la classe la plus à l'aise qui fréquentent les écoles élémentaires. J'invoque ici le témoignage de tous ceux qui, comme moi ont grandi dans une de nos paroisses rurales. L'école modèle est l'école du village, les écoles élémentaires sont les écoles des divers arrondissements établis dans les divers rangs de la paroisse. Maintenant, tous ceux qui ont vécu à la campagne savent que généralement, dans nos villages, se trouvent surtout les artisans, les ouvriers, les journaliers; à part sept ou huit notables, un médecin, un notaire, quelques marchands, la population de nos villages est composée de gens qui gagnent au jour le jour et péniblement un médiocre salaire. Tandis que dans les autres arrondissements, vous rencontrez les cultivateurs dont un grand nombre ont de belles terres qui leur permettent d'élever aisément leur famille. Eh bien, que veut faire le gouvernement? Il a déclaré, par la bouche d'un de ses membres, qu'il n'entend donner des livres gratuitement qu'aux enfants des écoles élémentaires, c'est-à-dire aux plus riches, à l'exclusion des enfants qui fréquentent les écoles modèles, c'est-à-dire des plus pauvres. Combler les riches au détriment des pauvres: voilà le projet du gouvernement dans toute sa beauté!

Passons maintenant au point de vue économique. Notre budget est en déficit chronique. Nous avons eu un déficit de deux cent trente-neuf mille piastres l'an dernier; nous avons en perspective un déficit de quatre cent mille piastres pour l'année courante, et un autre déficit de trois cent mille piastres pour l'année prochaine. Or, avec des finances aussi délabrées, le gouvernement s'en vient tranquillement nous annoncer qu'il va ajouter cinquante-cinq mille piastres à nos dépenses annuelles. C'est le chiffre qu'un membre du gouvernement a donné comme estimation probable. Mais ce chiffre est un leurre. Il est bien commode de venir mettre devant une Chambre des calculs aventureux faits dans le cabinet, avec la détermination d'arriver n'importe comment à un chiffre minimum et d'établir le bon marché quand même.

Laissons de côté ces estimations officielles faites sur commande, et qui ne tiennent compte d'aucune des causes qui contribueront nécessairement à augmenter le prix de revient de ces livres faits pour le gouvernement. Soyons pratique et raisonnons suivant les données du bon sens et de l'expérience. Il y a actuellement deux cent quatre mille enfants dans nos écoles élémentaires. (Rapport du surintendant de l'instruction publique, 1898, page 23).

Vous voulez fournir ces deux cent quatre mille enfants de livres de classe. Eh bien, parlez-nous du système concentrique aussi vaguement

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que vous voudrez, affichez la prétention d'être économes tant qu'il vous plaira, j'affirme que vous, gouvernement, dans les conditions où vous êtes placé, vous ne pourrez vous en tirer à moins de cinquante centins par tête, soit cent deux mille piastres de dépenses ajoutées à votre budget en déficit. Et encore, je suis modéré. Où allez-vous prendre cet argent?

LES PRIMES ET LES GRATIFICATIONS

[...]

[Selon Chapais, le budget utilisé pour accorder des primes et des gratifications aux professeurs les plus méritants, de même que le budget utilisé pour les conférences pédagogiques serviront au paiement des livres gratuits].

Eh bien ce fonds qu'on avait commencé à appliquer avec tant d'efficacité, ces cinquante mille piastres dont l'emploi pour les fins indiquées dans le rapport du surintendant pouvaient produire un si grand bien, le gouvernement veut les détourner au profit de son projet chimérique et funeste. Déjà un journal ministériel, "Le Soleil", avait fait pressentir ce dessein, il y a quelques mois. "Chaque année, disait-il, il est voté une somme de cinquante mille piastres pour venir en aide aux écoles primaires. On emploie ce montant à assister les municipalités pauvres, à acheter de nouveaux livres placée sur le marché, etc. Si le gouvernement laissait accumuler

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ces cinquante mille piastres pendant seulement deux ans, il en aurait peut-être assez pour faire imprimer à un quart de millions chacun des livres à être mis entre les mains des enfants et qui seraient dans l'intervalle préparés avec soin par les pédagogues les plus compétents.

Ce qui n'était qu'une conjecture est devenue [sic] une certitude depuis la réponse que le gouvernement a faire à une interpellation durant le cours de cette session. Voici la question et la réponse:

«Par monsieur Tellier: -1°. Le gouvernement a-t-il fait la distribution pour l'année courante (1898-99) de la somme de cinquante mille piastres votée par l'acte 60 Victoria chapitre pour les fins d'éducation élémentaire? 2°. Dans l'affirmative, cette somme a-t-elle été entièrement dépensée? 3°. Dans la négative, quel montant a été ainsi dépensé?

Réponse par l'hon. M. Robidoux: - 1°. Non. 2°. Non. 3°. Aucun montant.»

Ainsi donc le gouvernement a pris sur lui d'arrêter la distribution de ces cinquante mille piastres. Cette mesure qui avait fait naître tant d'espérances, que les inspecteurs d'écoles avaient accueillie avec enthousiasme dans leurs rapports, que les membres du corps enseignant avaient saluée comme une radieuse aurore et la promesse de jours meilleurs, que les pauvres municipalités de la province avaient bénie parce qu'elles y voyaient le salut et la régénération de leurs écoles en détresse, cette mesure bienfaisante, le gouvernement en suspend l'application, s'il n'y renonce pas pour toujours, et cela, afin de se jeter dans une aventure néfaste et anti-progressive.

L'INSTITUTEUR EST L'AME DE L'ECOLE

Je proteste pour ma part contre cette politique du gouvernement. Avant d'acheter des livres pour les enfants dont les parents ont les moyens de leur en fournir, il y a bien d'autres choses à faire dans l'intérêt de l'instruction publique. Et voilà précisément ce que je reproche au cabinet. Il fait ce qu'il n'est pas nécessaire, ce qui est plutôt nuisible, et il ne fait pas ce qui est urgent. Demandez à tous ceux qui ont quelque compétence en ces matières, quel est le plus sûr, le plus efficace, le plus puissant facteur du progrès dans l'instruction primaire. Est-ce le programme d'études? Certes un bon programme est important, mais il ne crée pas la science. Est-ce le local de la classe, son aménagement, son matériel? Rien de tout cela n'est à négliger, et on dédaigne trop ces moyens de succès dans nos municipalités; mais ce n'est pas encore le principal. Est-ce le choix des livres? Sans doute, le livre est un des éléments du progrès scolaire, et c'est avec raison qu'on s'efforce d'avoir les meilleures [sic] manuels, les meilleurs traités; mais enfin le livre n'est qu'un outil, il n'est que le ciseau du sculpteur, l'instrument de l'artiste. Le sculpteur, l'artiste, l'âme de l'école, celui sans qui elle serait stérile et infructueuse, celui qui lui communique la lumière et la vie, c'est le maître.

Le maître, l'instituteur, voilà le facteur essentiel du progrès dans l'oeuvre sacrée de l'éducation. C'est le maître qui fait l'école. N'ayez pas de programme, ayez un programme défectueux; n'ayez qu'un local mal aménagé, mal équipé; ayez des livres inférieurs, ou même n'ayez pas de livres du tout; tout cela sera bien malheureux et multipliera les difficultés de l'oeuvre. Mais si vous avez un bon maître, un maître instruit, compétent, dévoué, en dépit de ces déplorables lacunes, tout est sauvé; vous aurez une bonne école. Là-dessus [sic] tout le monde est d'accord. Tous les écrivains qui ont écrit sur ces sujets, quels que soient leurs principes et leurs nuances d'opinion, sont unanimes à proclamer cette vérité: «Le personnel enseignant, tout est là, lisons-nous dans "l'Enseignement primaire," du premier juin 1897. C'est en l'organisant sur des bases rationnelles et pédagogiques que nous parviendrons à améliorer notre système d'enseignement primaire. Le bon maître fait la bonne école; tout le reste de la question scolaire repose sur des détails.»

Voici, sous une autre forme, la même idée exprimée par un écrivain pédagogique français, monsieur Michel Bréal: «Jusqu'à présent le livre était le personnage essentiel de la classe, et l'instituteur n'était que le commentateur du livre. C'est au contraire par la bouche du maître que les enfants

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doivent d'abord connaître les règles.»

Ecoutez maintenant monsieur Guizot: «Tous les soins, tous les sacrifices seraient inutiles si nous ne parvenions à procurer à l'école publique reconstituée un maître capable, digne de la noble mission d'instituteur du peuple. On ne saurait trop le répéter, tant vaut le maître, tant vaut l'école elle-même. Et quel heureux ensemble de qualités ne faut-il pas pour faire un bon maître d'école! un bon maître d'école est un homme qui doit savoir beaucoup plus qu'il n'en enseigne, afin de l'enseigner avec intelligence et avec goût; qui doit vivre dans une humble sphère, et qui pourtant doit avoir l'âme élevée pour conserver sa dignité de sentiment et même de manières sans laquelle il n'obtiendra jamais le respect et la confiance des familles; qui doit posséder un rare mélange de douceur et de fermeté, car il est l'inférieur de bien du monde dans une commune, et il ne doit être le serviteur dégradé de personne; n'ignorant pas ses droits, mais pensant beaucoup plus à ses devoirs; donnant à tous l'exemple, servant à tous de conseiller, surtout ne cherchant pas à sortir de son état, content de sa situation, parce qu'il y fait du bien, décidé à vivre et à mourir dans le sein de l'école, au service de l'instruction primaire, qui est pour lui le service de Dieu.»

Enfin laissez-moi vous citer encore une parole de Monseigneur Dupanloup: «Parmi les fonctions sociales, écrit-il, il n'en est pas de plus grande, de plus importante au bonheur des hommes, et par conséquent de plus digne du respect et de la reconnaissance universelle que celle des instituteurs de la jeunesse.» Eh bien, puisque la fonction d'instituteur est une des plus importantes, au point de vue social, puisque «tant vaut le maître, tant vaut l'école elle-même,» puisque «le bon maître fait la bonne école» il est évident que si l'on veut améliorer l'école, il faut commencer par améliorer le maître. Au-dessus de la question des programmes, au-dessus de la question des maisons d'école, au-dessus de la question du matériel scolaire, au-dessus de la question des livres, au-dessus de tout cela, il y a la question de l'instituteur. Or, ce point principal, ce point essentiel, ce point urgent et pressant, je demande au gouvernement: où est-il dans votre loi? Je parcours votre bill, je cherche dans ses divers titres, dans ses divers chapitres, dans ses diverses clauses, et je n'y trouve rien pour les instituteurs. rien pour leur protection, rien pour leur encouragement, rien pour l'amélioration de leur sort! Vous vous occupez du livre qui n'est que l'outil et vous ne vous occupez pas du maître qui est l'ouvrier, qui est l'artiste, vous suspendez le paiement des primes, des gratifications aux instituteurs et institutrices qui ont le plus de mérite pendant que vous entreprenez de donner des livres à des enfants qui n'en ont pas besoin. Vous allez plus loin, au lieu d'essayer à améliorer le sort des maîtres et des maîtresses, vous leur enlevez la protection que le conseil de l'instruction publique avait introduite dans le projet de l'an dernier. Vous supprimez la disposition relative à la fixation d'un minimum de salaire.

[p. 15]

LA RECULADE DU GOUVERNEMENT

[...]

[Chapais accuse le gouvernement d'avoir abandonné son projet de loi prévoyant un salaire minimum que les commissions scolaires auraient dû payer aux instituteurs pour se rabattre sur la gratuité des manuels.]

Voilà comment le gouvernement qui veut décréter la gratuité des livres traite le corps enseignant de notre province. Et l'on parle de réforme, d'avancement et de progrès! C'est une indigne moquerie. La première réforme à opérer, c'est la réforme de la condition misérable des instituteurs et des institutrices. Et le gouvernement actuel n'a pas eu le courage de la poursuivre. Il a eu peur des préjugés, il a eu peur des récriminations, il a eu peur de l'égoïsme et de la parcimonie révoltée de certaines municipalités scolaires, et il a honteusement battu en retraite. Entre l'amélioration du corps enseignant qui est d'importance primordiale et de nécessité urgente, et la distribution gratuite de livres uniformes, qui est anti-progressive et anti-économique, mais qui peut flatter la foule, il a choisi la mesure populaire et sacrifié la mesure salutaire. Ce n'est pas de cette manière que le progrès peut s'accomplir, ce n'est pas ainsi que l'on enseignera au peuple ses devoirs en matière d'éducation.

Et maintenant, Messieurs, j'ai terminé l'examen de ce projet de loi. Le gouvernement s'y montre sous deux aspects: tendance à empiéter, et impuissance à réformer. Tendance à empiéter manifestée par la main mise du ministère sur l'inspectorat, par l'uniformité décrétée contrairement au progrès, à la justice et à la liberté, par la gratuité des livres qui est une violation des vrais principes et une exagération anti-économique des fonctions de l'Etat. Impuissance à réformer rendue visible et éclatante par la pitoyable reculade du gouvernement dans la question du minimum de salaire."

[p.17]

1899
Parmelee, George William. The school law of the province of Quebec with notes of numerous judicial decisions thereon and the regulations of the protestant committee of the council of public instruction. Quebec, Daily telegraph job print, 1899. xxvi, 208, 70, v p. ISBN 0-665-11643-8.

"56. Each committee shall approve the text-books, maps, globes, models or other articles for use in the schools of its religious belief, and, when it deems it expedient, it may withdraw the approval it has given. R.S., 1927, mod. (p. 16).

[...]

215. It is the duty of school commissioners and trustees:

[...]

4. To require that no books be used in the schools under their control other than those authorized, which must be the same for all schools in the municipality; the curé or the priest in charge of the Roman Catholic Church, however, has exclusive right to choose the school books having reference to religion and morals, for the use of pupils of his religious belief, and the Protestant Committee has the same powers respecting Protestant pupils; (p. 73).

[...]

15. To furnish, if necessary, text-books to indigent children attenting the schools under their control, the books being paid for from the funds of the municipality; [...] R.S. 2026, am.; 2040, mod. (p. 74).

[...]

547. The Lieutenant-Governor in Council may acquire, for the Province, the copyright of books, maps and other publications whatsoever, approved by either committee of the Council of Public Instruction. R.S. 1912, § 5, am.

548. The Lieutenant-Governor in Council may distribute gratuitously to pupils in schools, under the conditions which may be imposed, books, or series of books, maps, and other publications whatsoever selected, from among those that have been approved by either committee of the Council of Public Instruction in accordance with article 56 of this act. New." (p. 183).

[Seconde partie]: School regulations revised by the protestant committee of the council of public instruction, and approved by Order in Council with amendments to july, 1899.

"Authorized Text-Books and Forms.

140. Each school board shall, during the year following each revision, select from the authorized books a list of text-books for use in the municipality, naming one book, or one graded set of books, in each subject of the course of study, and shall insist upon their use in the schools of the municipality to the exclusion of all others. A copy of this list shall be placed in each school of the municipality, and a copy shall be sent to the English Secretary of the Department of Public Instruction. (An additional series of reading books may be selected for supplementary reading.) (p. 56).

[...]

154. It is the duty of a teacher in a public school: (p. 59).

[...]

9. Not to require nor permit any pupil to use as a school text book any book not included in the list of text-books prescribed for the use of pupils in the municipality [...]. (p. 60).

[...]

157. Pupils are required to procure the text-books and other school requisites indicated by the course of study for the class to which they belong.

158. The school board may provide and lend to indigent pupils with due precautions for their proper preservation, text-books and other school requisites. (p.62).

[...]

Concerning text-books submitted for authorization.

172. Persons desiring to submit a text-book to the Protestant Committee for authorization shall forward one dozen copies of the book to the Superintendent for examination, stating the retail price and the price per dozen.

2. Before final authorization of any book the publisher must legally bind himself to supply said book in harmony with price and quality of samples submitted, as may be needed for schools under the jurisdiction of the Protestant Committee, for a term of at least five year.

173. A sample copy of every edition of every book authorized by the Protestant Committee shall be deposited in the Department of Public Instruction by the publisher; and no edition of any book shall be considered as approved without a certificate to that effect from th Superintendent of Public Instruction, which certificate may be withdrawn at any time at the request of the Committee.

174. Every authorized book shall bear the imprint of the publisher, and shall show upon the cover of title page the authorized retail price, and no part of the book shall be used for advertising purposes, without the written consent of the Superintendent of Public Instruction.

175. No alterations in contents, typography, binding, paper, or any other material respect, shall in any case be made without approval of the Protestant Committee.

176. Any books recommended as aids to teachers, for private reference or study, shall not be used as text-books by the pupils." (p. 66-67).

1899
Rouleau, Thomas-Grégoire. Catéchisme de la loi et des règlements scolaires - Dernière édition conforme à la nouvelle loi de l'instruction publique. Québec, Dussault & Proulx, 1899. 67 p. ISBN 0-665-12935-1.

"26. Quels sont les principaux pouvoirs du surintendant?

[...]

Il a le droit de retenir la subvention de toute municipalité qui permet l'usage de livres non approuvés par le Conseil de l'Instruction publique. (p. 7-8).

33. Quelles sont les attributions de chacun des comités du conseil de l'instruction publique? (p. 9).

[...]

Ils ont droit d'approuver les livres de classe, cartes, globes, modèles objets quelconques utiles à l'enseignement pour l'usage des écoles de leurs [sic] croyance religieuse et retirer l'approbation qu'ils ont donnée. (p. 10).

61. Quels sont les principaux droits des commissaires ou syndics, relativement à la régie des écoles?

Les commissaires ou les syndics doivent:

[...]

2 Voir à ce que le cours d'études adopté par les comités du conseil de l'instruction publique, soit suivi dans les Écoles, et exiger qu'on ne se serve que des livres approuvés; [...]. (p. 18- 19).

[...]

106. Quels effets scolaires doivent avoir les élèves?
Les élèves doivent être munis de tout ce qui est nécessaire pour suivre les cours. (p. 34).

[...]

128. Quels sont les devoirs de l'instituteur d'après l'article 145 des règlements du comité catholique du Conseil [de] l'Instruction publique? (p. 40)

[...]

8 De ne permettre que l'usage des livres approuvés." (p. 41).

1899
Turgeon, Adélard. Discours de l'honorable Adélard Turgeon sur la loi de l'éducation prononcé à la Séance du 19 janvier 1899, de l'Assemblée Législative de Québec. Québec, Imprimé par "Le soleil", 1899. 16 p. ISBN 0-665-25052-5.

"Une réforme depuis longtemps réclamée par les associations ouvrières est l'uniformité des livres de classe. Notre projet de loi la décrète. Nous ferons ainsi cesser un abus qui est devenu une taxe lourde et dans certains cas monstrueuse sur les pères de famille. Consultons nos souvenirs. Lorsque nous fréquentions l'école primaire, les livres changeaient avec l'instituteur ou l'institutrice. Ceux qui avaient servi aux aînés étaient impropres aux cadets et si l'enfant changeait d'école, restâ-t-il dans la même municipalité, il devait bien souvent acheter une série de livres nouveaux. Quel était le motif de ce changement? L'amélioration des méthodes? Le perfectionnement pédagogique? Non, l'intérêt personnel, le lucre: on prélevait un gain infâme, on réalisait une spéculation honteuse sur l'ignorance des uns par la lâche complaisance des autres.

Cette réforme a été réclamée par le docteur Meilleur. Dans son Mémorial de l'éducation (p. 366), je lis ce passage: «Dans mon rapport du 15 avril 1846, on voit aussi combien j'insiste sur l'importance de mettre de la méthode et de l'uniformité dans l'enseignement et partant dans l'usage des livres d'école.»

Plus loin (p. 447), faisant l'énumération des réformes les plus pressantes, il dit:

"7°. Pourvoir à l'usage de livres uniformes dans les écoles.»

Nous décrétons l'uniformité, non-seulement dans un but d'économie, mais pour réaliser une importance réforme pédagogique, l'adoption de la méthode concentrique qui a été accueillie avec tant de faveur par tous les grands éducateurs, qui est actuellement en usage dans les écoles de France, d'Allemagne, de Chicago et dont les hommes les plus compétents recommandent l'essai dans tous les Etats-Unis.

Qu'est-ce que la méthode concentrique? On la nomme ainsi parce qu'elle ressemble, dans son application, à un cercle qui va s'élargissant. Elle a pour objet de donner à l'enfant, n'irait-il à l'école qu'une année, des notions suffisantes sur les matières indispensables à la vie.

Le cours élémentaire comprend quatre années. Prenons la première. Au lieu de distribuer la matière de l'enseignement en un syllabaire, en une petite grammaire, en une petite géographie, etc., il n'y aura qu'un livre (ne dépassant pas 180 pages), contenant des notions rudimentaires sur la lecture, l'histoire, la géographie, l'agriculture, l'arithmétique, etc. Dans la méthode actuelle, l'enseignement est en quelque sorte coupé par tranches, et pour ne citer que quelques exemples, la première année, en histoire du Canada, l'élève se rend à Frontenac ou tout au plus à la domination anglaise; en grammaire, il s'arrête à l'adjectif, à la proposition, tout au plus aux règles de la syntaxe; en géographie, il ne dépasse pas les limites de la province. S'il abandonne l'école avant la fin du cours, il n'a que des notions fragmentaires sans aucune vue générale sur le corps de l'enseignement. Avec la méthode concentrique, au contraire, chaque année est complète par elle-même, et, chaque année, il doit parcourir le cycle des connaissances indispensables à la vie. N'eut-il qu'une année d'école, il envisagera l'histoire jusqu'à la Confédération, il connaîtra les règles élémentaires de toute la grammaire, il possèdera des notions générales sur la géographie du Canada tout entier, etc., etc.

La seconde année, la matière sera encore distribuée en un seul livre (à peu près trois cents pages), l'enseignement sera le même, avec des notions un peu moins rudimentaires.

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La troisième année, l'ouvrage comprendra à peu près quatre cents pages; la quatrième, à peu près cinq cents. Le cercle va s'élargissant; les sujets y sont plus longuement développés, avec des détails plus complexes et des données moins superficielles.

Ce système est si simple, si rationnel, si conforme à l'éducation scientifique de l'enfance, qu'il est étonnant qu'on n'en ait pas encore fait l'essai. L'idée est d'origine allemande, mais elle a été vite acceptée par les pédagogues du monde entier, et les américains, toujours pratiques, n'ont pas été lents à en faire l'application.

La Chambre me permettra de lui donner quelques extraits d'une étude que j'emprunte à l'Annuaire de l'Enseignement Primaire de France: «Si l'on examine un plan d'études et que l'on suive la même branche d'enseignement depuis la classe élémentaire jusqu'à la classe supérieure, l'histoire, par exemple, on remarque l'enchaînement rigoureux et la parfaite ordonnance des différentes parties de l'enseignement historique. Mais si l'on considère, dans une seule classe, la répartition des autres branches d'études, on s'aperçoit aussi que l'enseignement de l'histoire n'a aucun rapport avec l'enseignement de la géographie; que les leçons d'histoire naturelle ne profitent pas des sujets d'études fournis par le cours de géographie locale; que dans les leçons de lecture, on lit souvent des morceaux étrangers au cours d'instruction morale ou d'histoire. Bref, l'unité qu'on se plaisait à constater dans chaque branche d'enseignements disparaît, lorsqu'on observe le plan général des études d'une classe; on trouve un mélange ou une superposition de plusieurs enseignements au lieu d'un plan rationnellement combiné qui soit comme un organisme vivant, c'est-à-dire, dont toutes les parties aient des rapports étroits entre elles, et se prêtent mutuellement appui. Si ce plan n'existe pas, l'es-prit de l'enfant court un danger. L'élève étudie chaque branche en particulier, son intelligence se lance tour à tour dans plusieurs directions différentes. La concentration a précisément pour but, tout en conservant l'unité de chaque branche des études, de réaliser l'unité dans le plan général. Comment, sans détruire l'unité de chaque branche d'enseignement, établir des relations entre les différentes matières à étudier? En ce qui concerne l'enseignement de la lecture, il ne sera pas difficile à l'instituteur de trouver des morceaux traitant des sujets que l'enfant connaît déjà. Pourquoi, par exemple, dans quatre ou cinq leçons par mois, ne lirait-on pas en hiver des morceaux de prose ou de poésie, ayant trait à la neige, à la gelée, etc.; puis, dans les leçons restantes et suivant son programme, le maître ne pourrait-il pas faire lire des récits se rapportant aux leçons d'instruction morale et civique, aux leçons d'histoire ou de géographie locale? En outre, ces leçons de lecture peuvent être considérées comme le pivot de l'enseignement de l'orthographe, de la grammaire, et même de la composition française. A Weimar, dans les classes élémentaires, il n'existe pas d'enseignement grammatical suivi et indépendant des leçons de lecture; les remarques grammaticales et orthographiques se font au jour le jour; mais le maître a soin de graduer les difficultés, et, à la fin de l'année, il consacre un mois ou deux à la révision de ce qui a été appris, et il classe les règles grammaticales. Il est presque inutile de faire remarquer que l'histoire et la géographie doivent autant que possible suivre une marche parallèle. Ainsi il est bon d'enseigner l'histoire et la géographie de la France dans la même année.»

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Voici quelques observations que j'emprunte au célèbre ouvrage de monsieur Gréard, le vice-recteur de l'Académie de Paris: Instruction et Éducation: «L'enseignement primaire étant, avant tout, un enseignement des principes, et des principes ne pouvant être trop souvent reproduits pour pénétrer, il est nécessaire que l'enfant incessamment suive les mêmes traces, c'est-à-dire que les développements des différents cours puissent s'étendre et les exercices d'application s'élever d'un degré à chaque cours sans que le fonds cesse d'être le même.»

Une autre nécessité s'imposait avant que l'obligation fût devenue le fondement de la loi scolaire. Si l'on pouvait espérer, à juste titre, comme l'expérience l'a prouvé, que les résultats de l'enseignement collectif, à la fois plus rapides et plus sûrs, convaincraient peu à peu les parents de l'utilité de prolonger la fréquentation de l'école jusqu'au terme normal des études, il eut été imprudent de s'attendre à une conversion des esprits immédiate, et le moyen le plus efficace de préparer cette conversion, c'était de faire en sorte que l'enfant recueillit de son séjour sur les bancs, si restreinte qu'en eut été la durée, un bénéfice appréciable; pour cela il fallait que chaque cours présentât, à des degrés différents, un certain ensemble des connaissances essentielles, rien n'étant moins durable que le souvenir des éléments fragmentaires et sans lien. Que d'ignorances ou de défaillances dans les classes populaires sont uniquement imputables à quelques grandes lacunes d'éducation première. «Je n'ai jamais été à l'école jusqu'à la division, nous disait un jour un adulte de plus de quarante ans, et, me trouvant toujours arrêté dans les comptes qui nécessitaient l'application des quatre règles, j'avais fini par oublier les trois autres!»

De là le caractère concentrique des trois grandes divisions de l'organisation pédagogique.

Le cours élémentaire est un cours d'initiation. Il a été longtemps de règle que la première année de l'école devait être consacrée exclusivement à apprendre à lire. Or, nul doute que si, pendant cinquante ans, l'enseignement primaire n'a pas porté tous les fruits qu'on en pouvait attendre, c'est, en partie du moins, parce qu'au lieu d'attirer l'enfant à la classe par la variété des leçons appropriées à son âge, on rebutait son attention par la monotonie d'un exercice unique et trop prolongé. Quoi de plus contraire à sa nature vive, mobile, curieuse, que de le tenir chaque jour et tout le jour attaché comme par une courte chaîne à l'étude de l'alphabet? Rien ne pouvait plus sûrement arrêter le progrès de la lecture elle-même. Est-il donc indispensable que l'enfant - un enfant de six ans - sache lire en perfection pour suivre avec profit un petit calcul, pour se rendre compte de la forme des mesures du système métrique, pour s'intéresser à une explication élémentaire de géographie descriptive faite sur la carte, pour entendre un récit pittoresque d'histoire nationale.

Naturellement, je ne puis entrer dans plus de détails. La question n'est pas de notre compétence, mais ressort du Conseil de l'instruction publique. Néanmoins, je puis indiquer à ceux que le sujet intéresserait: Compayré, Organisation Pédagogique; Charbonneau, Cours de Pédagogie; Vincent, Cours de Pédagogie; Chasteau, Leçons de Pédagogie, et un très bon auteur américain, Parler, (Talks on Pedagogies). Ces ouvrages, pour la plupart, sont à la bibliothèque du département de l'instruction publique.

J'ai dit que cette question n'est pas de notre compétence. En effet, nous ne pouvons pas, et nous ne devons pas empiéter sur les attributions du Conseil. La loi n'entrera en force qu'en 1900, et d'ici là, il est à espérer - nous en avons même la certitude - que des

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hommes d'études, familiers avec les méthodes pédagogiques les plus modernes, ayant l'expérience pratique de l'enseignement, prépareront et soumettront au Conseil de l'Instruction publique, une série de livres composés dans cet esprit et d'après ce système. Ce délai est d'ailleurs nécessaire à un autre objet: il n'est que juste de donner aux libraires le temps d'écouler leur marchandise en magasin.

L'uniformité nous permettra d'atteindre un autre but: la gratuité des livres de classe.

Personne ne contestera que l'Etat a le droit d'intervenir pour réglementer d'une certaine manière et dans une certaine mesure l'instruction publique. Ce serait méconnaître l'expérience de tous les pays, ce serait oublier les enseignement de notre propre passé. Vous n'indiquerez pas, vous ne pouvez pas indiquer un seul pays, un seul, vous m'entendez bien, qui se soit créé un système d'instruction nationale, même médiocre sans l'intervention de l'Etat. L'histoire démontre que les pays les plus riches par la fertilité du sol, les mieux placés au point de vue géographique et économique, les plus heureusement doués par la nature ou l'intelligence de leurs habitants, sont restés dans l'ignorance la plus absolue aussi longtemps que l'Etat s'est désintéressé de l'instruction publique.

Prenez l'ancien royaume de Naples, avec son climat enchanteur, avec ses rives baignées et parfumées par les flots bleus de la Méditerranée, ce coin de terre où le Créateur a accumulé tous ses dons, quelle était la condition intellectuelle de son peuple avant la législation des dernières années? Jamais pays n'a présenté un spectacle plus terrifiant de la dégradation morale et matérielle engendrée par l'ignorance. Malgré tous les dons de la nature, malgré ses vestiges de civilisation antique, son peuple dans l'ensemble était un peuple de fainéants et de bandits. Ouvrez l'histoire du Canada; où en étions-nous avant la loi de 1846? Notre population était illettrée; ceux qui signaient leur nom constituaient une infime minorité et la diffusion de l'enseignement date de l'intervention des pouvoirs publics. Guizot, dont la compétence est très grande en ces matières, a écrit ces lignes: «Jamais, dit-il, dans un grand pays, un grand changement, une amélioration considérable dans le système de l'éducation nationale n'a été l'oeuvre de l'industrie particulière. Il faut un détachement de tout intérêt personnel, une élévation de vues, un ensemble, une permanence d'action qu'elle ne saurait atteindre.»

La nécessité de l'intervention de l'Etat est un principe reconnu par tous les publicistes, par tous les hommes de gouvernement, consacrée par l'expérience de tous les temps et de tous les pays.

L'intervention de l'Etat étant nécessaire, jusqu'où peut-elle et doit-elle aller? Pour imposer une obligation, il faut démontrer trois choses: 1° qu'elle est juste ; 2° qu'elle est utile; 3° qu'elle est applicable.

Est-elle juste? Voici ce qu'écrivait, il y a quelques semaines, l'un des publicistes les plus distingués de ce pays. Son opinion a d'autant plus de valeur que son inflexibilité est bien connue sur toutes les questions de doctrine. Voici ce que dit La Vérité: «Projet à surveiller. Ces jours derniers, Le Soleil, organe du parti libéral, annonçait avec enthousiasme que le gouvernement de la province de Québec se propose de donner des livres aux enfants des écoles, des livres préparés avec soin par des pédagogues compétents. La Minerve, organe du parti libéral-conservateur, déclare que c'est là un projet louche. La Vérité, n'étant l'organe d'aucun parti, dit, tout simplement, que c'est un projet à surveiller. L'Etat a le droit d'aider les écoles. Cela est admis de tout le monde.

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Que l'aide soit donné [sic] sous forme d'argent ou sous une autre forme, peu importe, en thèse générale... Que l'Etat donne de bons livres aux enfants des écoles, nous n'y voyons pas d'objection, pour notre part. Mais il faut bien se rappeler une chose, c'est que l'Etat n'a pas la compétence voulue pour juger si un livre est bon ou mauvais. Pour tout ce qui regarde la foi et les moeurs, l'évêque est la seule autorité qui ait le droit d'approuver les livres à mettre entre les mains d'un enfant catholique de son diocèse. C'est là une vérité élémentaire qu'on oublie trop facilement en ce pays. Au point de vue historique, scientifique et pédagogique. l'Etat n'a guère plus de compétence. Sous ce rapport, il faut s'en rapporter au jugement des hommes de métier pour savoir ce qui constitue un bon livre scolaire. Si le gouvernement provincial veut tenir sérieusement compte de ces deux vérités, la réalisation de son projet est admissible. Sinon, non... Avant toute chose, le gouvernement doit s'entendre, au sujet des livres à distribuer aux enfants des écoles, avec le Conseil de l'Instruction publique, pour la partie technique; avec les évêques pour la partie religieuse ou morale. S'il fait cela, nous osons dire qu'il n'y a rien de louche dans son projet.»

Comme on le voit, ce projet, d'après La Vérité, doit être favorablement accueilli, s'il est exécuté honnêtement, et si le choix des livres est laissé à l'autorité religieuse pour la partie morale, et au Conseil de l'Instruction Publique, pour 1a partie technique.

Cette intervention est-elle utile? Nous allons distribuer les livres nécessaires à l'éducation des enfants pendant les quatre années du cours, sans contribution des pères de famille, sans augmenter nos obligations financières et sans créer de nouveaux impôts. Qui peut s'en plaindre ? Quelques industries particulières en souffriront peut-être, mais elles devront se taire devant l'intérêt général, devant l'intérêt de l'universalité des citoyens.

Si cette réforme est juste et utile, est-elle applicable?

Voici un tableau préparé par des hommes compétents, ayant l'expé-rience de l'enseignement et possédant des données exactes sur le coût de l'impression des ouvrages.

ELEVES CATHOLIQUES
COURS ELEMENTAIRE
Grand total : 169,765
Langue française
Elèves cts
1re année 67,599 @ 10 $6,759.00
2me année 46,388 @ 15 6,957.00
3me année 29,742 @ 30 8,922.00
4me année 16,392 @ 60 9,835.00
$32,473.00
ELEVES PROTESTANTS
COURS ELEMENTAIRE
Grand total : 28, 168
Langue anglaise
Elèves cts
1re année 1,400 @ 10 $1,400.00
2me année 7,042 @ 15 1,056.00
3me année 4,694 @ 30 1,408.00
4me année 2,432 @ 60 1,459.00
$5,323.00

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On peut fournir ces élèves à bien bon marché, en utilisant les séries de livres suivantes qui sont déjà en usage dans les écoles dissidentes de la province: Royal Readers, Copp Clark Readers, Gage & Co. Readers.

Coût total pour distribution gratuite à tous les élèves (catholiques et protestants) des écoles élémentaires de la province:

Langue française, catholiques $32,473.00
Langue anglaise, catholiques 1,942.00
Langue anglaise, protestante [sic] 5,323.00
Coût total $39,738.00
Plus 25 p.c. pour imprévu 9,738.00
Grand total $49,672.00

Cours élémentaire :-

lre année: Un seul livre, comprenant: A B C, lecture, c'est-à-dire histoire sainte et du Canada, géographie, grammaire, religion et agriculture - simples notions.
180 pages, 10 cts le volume.

2me année: Un seul livre, comprenant: lecture, grammaire et exercices orthographiques, arithmétique, histoire sainte et du Canada, géographie, religion et agriculture.
300 pages, 15 cts le volume.

3me année : Un seul livre, comprenant: lecture, récitation, langue française, comprenant: grammaire, exercices orthographiques, rédaction, arithmétique, éléments de toisée [sic], avec figures, religion, agriculture, histoire sainte et du Canada. Simples notions sur l'histoire des Etats Unis, de France et d'Angleterre.
500 pages, 60 cts le volume.

Un livre du maître pour les quatre années du cours élémentaire.

Instituteurs et institutrices dans les écoles élémentaires: $5,850.00.

Un volume de 600 pages, comprenant une direction pédagogique et une clef de tous les exercices qui se trouvent dans le livre de l'élève, $1 le volume, soit: $5,850.00 pour tout le corps enseignant.

RECAPITULATION
Coût pour les élèves 49,672,00
Coût pour les maîtres $5 850.00
Total $55 522.00

La gratuité des livres augmentera-t-elle la moyenne de l'assistance ?

J'extrais du dernier rapport du Surintendant, le passage suivant de M. l'inspecteur Tanguay: «En général, le programme d'études est mieux suivi ... Les institutrices s'efforcent de se conformer à la loi, mais elles rencontrent souvent de l'opposition de la part des parents qui refusent ou négligent de procurer à leurs enfants les livres nécessaires.»

M. l'inspecteur Vien dit à son tour: « Dans plusieurs écoles de mon district, soit par opposition des parents ou pour toute autre cause, les élèves n'ont pas les livres nécessaires.»

De M. l'inspecteur Dubeau : «Plusieurs municipalités ont adopté un série de livres approuvés conformément à l'article 131 des règlement scolaires. Comme toutes celles qui se sont conformées à cet article ont choisi les mêmes ouvrages j'espère qu'avant longtemps toutes les écoles sous contrôle de mon district d'inspection auront l'uniformité des livres. Cependant, malgré la bonne volonté des commissaires à ce sujet, tous les élèves ne sont pas encore pourvus de livres, de cahiers et d'ardoises suffisamment... Les commissaires pourraient aussi, après avoir adopté une série de livres approuvés, confier un dépôt de ces livres à chacune de leurs institutrices, ce qui permettrait aux élèves de ne jamais en être privés. Le paiement pourrait en être fait en même temps que celui de la cotisation scolaire. Les élèves pauvres en seraient pourvus gratuitement.»

Il me paraît évident que le manque de livres nuit à l'efficacité de nos écoles. Beaucoup d'élèves n'en sont pas pourvus ou ne le sont qu'imparfaitement.

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La distribution par I'Etat devra produire d'excellents résultats.

La gratuité existe dans quelques Etats de l'Union américaine, notamment dans le Massachusetts et la Pennsylvanie. Dans quelques autres, comme dans l'Etat de New York, elle n'est que partielle.

Commençons par celui-ci. Les renseignements suivants sont tirés du rapport du surintendant de l'Etat pour l'année 1895.

L'inspecteur Kimball (p. 658): «The question of free text-books seems to occupy attention of superintendents and teachers. While admitting that there may be two sides to the question, I firmly believe that the arguments in favor of furnishing text-books free to all, fairly outweigh any that may be offered against the proposition. I know instances were [sic: lire where] bright-minded pupils have left our academic department for no other reasons that the parents could not furnish the necessary books»

. L'inspecteur Rogers (p. 678). «Further experiences with the free text-books system serves to bring out more clearly its many advantages and to prove that most of the objections advanced against the plan are partly imaginery.»

L'inspecteur Williams: (p. 678). «The need of free text-books is felt more during the present hard times, as it becomes more difficult for many people to purchase books and the work of the classes is more delayed».

Passons au Massachusetts (rapport de 1896).

L'inspecteur Welton (p. 279): «The provision, by law, for furnishing books and school supplies at public expense has somewhat increased the school attendance in recent years... It is a just and beneficient law. It has contributed materially to the efficiency of the schools.»

L'inspecteur Estler: «Free text-books. Four years experience with the system has proven satisfactory.»

L'inspecteur Putnam (p. 121): «The free text-book law is a success and a great majority of the tax-payers are greatly pleased with its results... At the beginning of each term an inventory of books should be taken and the teacher made responsible for their being in proper shape at the close... The law is one of the best ever enacted for the schools of the state.»

L'Etat du Massachusetts est peut-être le mieux outillé du monde entier au point de vue scolaire. Disons que ses citoyens ont été récompensés de leurs généreux efforts en faveur de l'éducation des masses, car si le budget des écoles a augmenté de onze fois depuis cinquante ans, la population a triplé, la valeur de la propriété foncière a augmenté de neuf fois, et chaque tête de la population gagne en moyenne soixante et treize cents par jour, soit vingt-trois cents de plus que dans l'Etat le plus riche de l'Union américaine, ou $25,000,000.00 par année. Même au point de vue matériel, cette libéralité est plus que justifiée, et que dire, dans un autre ordre d'idées, des bienfaits qui en découlent, par la compréhension plus nette et plus vive des devoirs civiques et sociaux, et par la véritable royauté qu'ils exercent en Amérique dans toutes les choses qui font l'honneur et l'orgueil de l'esprit humain.

Dans la Pennsylvanie, la gratuité a été établie par la loi du 18 mai 1893. Voici ce que le surintendant constatait la première année même: «No legislation has for years so thoroughly shakened up the entire school system. The beneficient results of the free text-books act are visible in many of the larger towns and cities... The attendance has greatly decreased [sic: lire increased]... The care of the books will inspire respect for public property.»

L'inspecteur Eastler: «With one years [sic] experience, we are in a position to pronounce the system a success, accomplishing more in some directions than its most sanguine supporters

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expected, and with countervailing proof, refuting many of the arguments used against it.»

Ce système n'ayant été établi que récemment, j'éprouvai une certaine appréhension en ouvrant le rapport de l'année fiscale 1895, car le témoignage des inspecteurs devrait influer beaucoup sur mon opinion. Je n'y ai pas trouvé une seule voix discordante, et même au risque de fatiguer la Chambre par des répétitions fastidieuses, je crois de mon devoir d'en donner de nombreux extraits.

L'inspecteur W. N. Jackson: «The free books have been of great benefit to some of the towns and adjacent districts. In some places, the attendance has been increased at least one fifth, and many of the poorer people now attend regularly... At first, some of the teachers did not know how to manage the books... but now the books are well taken care off.»

W. H. Devreaux: « The free text-books, without doubt, is the most advanced step our law makers have taken for the public schools in many years.»

A. F. Porter: «The free text-books law is giving a general satisfaction.»

Clam Chesnut: «Free text-books have been a blessing unequalled where teachers are alive.»

A. M. Hammers: «The law making text-books and supplies free is having a good effect upon the number of pupils enrolled as well as upon the regularity of attendance.»

F.C. Bowersox: «Many indirect befefits have resulted from the free text-books.»

J. M. Berkey: «The schools have been materially strenghtened and improved by the free text-books. This, with the system of grading, has made the school work satisfactory even to those who at first opposed both movements.»

F. W. Meylert: «A full supply of text-books and stationery in every district in the county gave the pupils an opportunity for advancement that they never before enjoyed... The new law has met with unqualified approval in this county from the date of its passage. Teachers are no longer handicapped by a scarcity of books. The pupils, as a rule, take the best care of them.»

J. H. Kennedy: «The free text-books system [which] has done much good towards making the schools more efficient yet is not a popular measure with many of our people. As the system becomes better known its merits will be more generally [sic] recognized.»

Mackay: «Our text-books are nearly all in good condition after two years service, only one per cent of the books in hand at the beginning are reported lost, destroyed, or not fit for use... we have stronger reason each day to appreciate the benefits and advantages of free text-books and supplies.»

Samuel Transeau: «Text-books and supplies were furnished to the pupils as required by law. It is a good law, and it is certainly cheaper for the community than when the pupils are obliged to buy books at the highest rates and frequently the child has to wait to go to school until the parent has earned the money with which to purchase the books.»

Cette unanimité me paraît décisive. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Notre législation aura donc un double résultat: le perfectionnement pédagogique par l'adoption d'une méthode rationnelle et scientifique, et l'augmentation dans la moyenne de l'assistance. Et que d'avantages indirects et non moins importants. Les pères de famille soulagés d'un impôt onéreux seront plus en mesure de rétribuer convenablement les services de l'instituteur et de relever par là même le niveau intellectuel du corps enseignant. Les écoles seront mieux construites, mieux outillées; on y veillera au bien-être de l'enfant, à ce que les règles de l'hygiène y soient mieux observés. Pour

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cela, il faut des ressources, mais l'argent consacré à l'école n'est pas une dépense, mais le plus avantageux de tous les placements. Ne pouvons-nous pas aller aussi loin que nos compatriotes des provinces soeurs?
Nous ne dépensons pour l'instruction publique que $1.08 par tête.

Le Nouveau Brunswick dépense $1.47.
L'Ile du Prince Edouard 1.48.
La Colombie Britannique 1.57.
Les Teritoires [sic] du Nord Ouest 1.61.
La Nouvelle Ecosse 1.75
Ontario 1.87
Manitoba 3.92

Les municipalités scolaires pourraient augmenter leur budget de 25 à 50 p. c. sans que personne puisse crier à l'extravagance. De l'autre côté des lignes la différence est encore plus grande. Les inspecteurs y reçoivent jusqu'à quatre mille dollars, les instituteurs, de cinq à huit cents. Les écoles sont spacieuses, meublées avec goût, pourvues de toutes les améliorations modernes. L'école, dans ces conditions, n'est plus pour l'enfant un objet de répulsion, une abjecte prison, c'est un endroit agréable où il trouve et le bien-être matériel et la nourriture de l'intelligence.

Nos voisins ne sont pas arrivés d'un bond à ce résultat, mais par la formation lente, graduelle, éclairée de l'opinion publique, et surtout, par la discussion des questions d'éducation dans la presse et à la tribune. Ce rôle nous est maintenant échu; ayons conscience de la mission qui nous est confiée. Knowledge is power. Savoir c'est pouvoir, suivant le mot toujours vrai de Bacon. Le sort des nations dépend de la manière dont elles conçoivent et organisent l'instruction publique. C'est par elle qu'un peuple peut maîtriser sa destinée. Macaulay remarque que si, au dix-huitième siècle, l'Ecosssais, naguère pauvre et ignorant, l'emportait, dans toutes les carrières sur l'Anglais, cette supériorité provenait de ce que le Parlement d'Edimbourg avait doté l'Ecosse d'un enseignement national qui manquait à l'Angleterre. Si les Etats Unis ont donné l'exemple inouï dans l'histoire d'une grande république se maintenant à travers toutes les vicissitudes, survivant à la guerre civile la plus terrible qui ait affligé l'humanité, c'est à son système d'instruction publique, c'est à l'école primaire qu'elle le doit, en inculquant dès le bas âge dans l'âme de l'enfant, l'orgueil, le patriotisme, la solidarité nationale. Travaillons nous aussi à relever le niveau intellectuel de notre peuple, armons-le pour la lutte économique qui se livre plus âpre et plus ardente que jamais, préparons-le pour le rôle d'exception qu'il est appelé, dans les insondables desseins de la Providence, à jouer un jour en Amérique."

[p. 16]

1899
Weir, Robert Stanley. The education act of Quebec (62 Victoria, cap. 28) with all the relevant decisions of the courts, and the regulations of the protestant and roman catholic committees of the council of public instruction. Montréal, C. Theorest, 1899. xxx, 192, 52, 102 p. ISBN 0-665-42627-5.

[Lois régissant l'instruction publique]:

"215. It is the duty of school commissioners and trustees:

[...].

4. To require that no books be used in the schools under their control other than those authorized, which must be the same for all schools in the municipality; the curé or the priest in charge of the roman catholic church, however, has exclusive right to choose the school books having reference to religion and morals for the use of pupils of his religious belief, and the protestant committee has the same powers respecting protestant pupils; (p. 65-66).

547. The lieutenant-governor in council may acquire, for the province, the copyright of books, maps and other publications whatsoever, approved by either committee of the council of public instruction. R.S. 1912, § 5, am. (p. 165).

[...]

"548. The lieutenant-governor in council may distribute gratuitously to pupils in schools under the conditions which may be imposed, books, or series of books, maps, and other publications whatsoever selected, from among those that have been approved by either committee of the council of public instruction in accordance with article 56 of this act. New." (p. 165).

[...]

[Règlements du comité protestant.

Devoirs des commissaires]:

140. Each school board shall, during the year following each quadrennial revision, select from the authorized books a list of text-books for use in the municipality, naming one book, or one graded set of books, in each subject of the schools of the municipality to the exclusion of all others. A copy of this list shall be placed in each school of the municipality, and a copy shall be sent to the English Secretary of the Department of Public Instruction. (An additional series of reading books may be selected for supplementary reading). (p. 38).

[Devoirs des professeurs]:

Not to require nor permit any pupil to use as a school text-book any book not included in the list of text-books prescribed for the use of pupils in the municipality; [...]. (p. 41).

[...]

Règlements pour l'approbation:

172. Persons desiring to submit a text-book to the Protestant Committee for authorization shall forward one dozen copies of the book to the Superintendent for examination, stating the retail price and the price per dozen.

2. Before final authorization of any book the publisher must legally bind himself to supply said book, in harmony with price and quality of samples submitted, as may be needed for schools under the jurisdiction of the Protestant Committee, for a term of at least five years.

173. A sample copy of every edition of every book authorized by the Protestant Committee shall be deposited in the Department of Public Instruction by the publisher, and no edition of any book shall be considered as approved without a certificate to that effect from the Superintendent of Public Instruction, which certificate may be withdrawn at any time at the request of the committee.

174. Every authorized book shall bear the imprint of the publisher, and shall show upon the cover or title page the authorized retail price, and no part of the book shall be used for advertising purposes, without the written consent of the Supertintendent of Public Instruction.

175. No alterations in contents, typography, binding, paper, or any other material respects, shall in any case be made without the approval of the Protestant Committee.

176. Any books recommended as aids to teachers, for private reference or study, shall not be used as text-books by the pupils." (p. 45).

1899.01
xxx. "Bibliographie", L'enseignement primaire, 20, 5(janvier 1899):318-319.

"Notre excellent confrère de l'Oiseau-Mouche a fait, tout récemment, une appréciation très flatteuse et bien méritée du beau livre de M. Rivard: L'Art de dire. C'est avec plaisir que nous reproduisons ce magistral article:

"L'Art de dire par Adjutor Rivard, L.L.B. Professeur agrégé d'Elocution à la Faculté des Arts de L'Université Laval.

Nous ne dissimulerons pas le plaisir que nous éprouvons à parler de l'important ouvrage de M. Adjutor Rivard, récemment paru sous le titre L'Art de dire. Voilà un livre que nous désirions depuis longtemps, et nous l'attendions de la plume de notre ami dont nous connaissions le talent de diseur et les profondes et sûres connaissances de son art.

L'Oiseau-Mouche eut, à son début, l'honneur de livrer à la publicité la première ébauche de cet ouvrage, et ce qu'on a pu y lire alors suffisait à faire désirer que l'auteur le complétât. Il l'a fait et superbement. Son livre est un traité complet de l'art de dire, et beau, et attrayant, et unique.

En effet, voici que la bonne lecture et la déclamation ont leur code de loi; voici que nous avons sous les yeux dans un ordre méthodique et rationnel les règles qui en guidaient les amateurs et qu'eux seuls - un petit nombre de privilégiés - savaient retrouver dans toute une bibliothèque d'ouvrages fort savants, mais qui traitent de l'art de dire chacun à son point de vue, et restent encore terra incognita pour le commun des mortels.

L'enseignement de cette branche, qui ne manque certes pas de'importance, offrait et aux professeurs et aux élèves des difficultés presque insurmontables et trop souvent insurmontées. Et il est arrivé que rarissimes sont ceux qui lisent et parlent bien: ce que l'on constate tous les jours du reste en écoutant nos orateurs grands et petits. L'Art de dire peut être mis facilement entre les mains des élèves; et, dans l'enseignement de toutes les autres matières du cours d'études, le professeur pourra faire appliquer les règles qui y sont données. Ainsi les jeunes gens se formeront mieux à la parole.

Quiconque lira l'Art de dire y trouvera exposées avec clarté, précision et méthode toutes les règles de la bonne lecture et de l'élocution.

M. Rivard est un professeur instruit et entraînant; et, ce qui n'est pas peu dire, il met d'abord en pratique les règles qu'il donne.

Son livre est un cours parlé, et partant plein de mouvement et de vie. Tout y est dit avec une simplicité, une correction et une élégance fort remarquables.

Rien d'inutile; pas de tâtonnements, ni d'hésitations. Dès les premières pages, on sent que l'auteur possède à fond sa matière et qu'il marche par des sentiers qu'il connaît. Il avance graduellement et si sûrement qu'on le suit en toute sécurité et avec un intérêt toujours croissant.

Après avoir énoncé les lois générales de la déclamation, il passe aux détails techniques. Nous ne l'y suivrons pas. Le cadre de notre article nous le défend; mais il est juste de lui savoir particulièrement gré d'avoir touché du doigt les principaux vices de prononciation auxquels nous compatriotes sont sujets, et surtout d'en avoir indiqué les remèdes.

Nous goûtons fort aussi l'idée que l'auteur a eue de parsemer son ouvrage d'exercices appropriés dont les élèves tireront grand profit.

Mais où M. Rivard donne davantage sa mesure, c'est dans son chapitre de l'Interprétation. Là, étant plus à l'aise, il est plus lui-même. Ses remarques judicieuses sur l'interprétation de chaque auteur, le souci que doit avoir tout lecteur ou tout diseur de rendre exactement la pensée et les sentiments de l'auteur interprété, avec toutes leurs nuances, l'étude approfondie qu'il faut faire du morceau à réciter, prouvent bien que [318] l'art de dire n'est pas inutile à l'écrivain. M. Rivard se montre ici fin critique autant qu'observateur délicat. Nous est avis que l'analyse qu'il fait de certains morceaux sera toute une révélation pour ceux qui considèrent l'élocution comme chose tout-à-fait superflue. Avec quelle aisance il pénètre la pensée de l'écrivain, la perse à jour, la dissèque! On comprend après cela qu'il la rende si bien par la parole.

La mimique est un complément nécessaire de l'élocution.

Sans doute, le geste est chose naturelle et spontanée; aussi ne faut-il pas l'imposer à l'élève, mais il faut le guider, en le garant à la fois des défauts et des excès. C'est ce qu'a parfaitement saisi M. Rivard et ce qu'il a réalisé dans la seconde partie de son ouvrage.

La troisième partie offre un recueil varié et bien choisi de morceaux dont les amateurs peuvent enrichir leur répertoire.

M. Rivard a fait là une oeuvre éminemment utile. Comme notre illustre ami M. C.-J. Magnan, il a compris que, pour servir la cause de l'éducation, il faut faire quelque chose, payer de sa personne, mettre l'épaule à la roue, et non pas se contenter, en se croisant les bras, de crier que les choses vont mal.

De tels hommes méritent encouragement. Une prime accordée pour des oeuvres comme celle de M. Rivard stimulerait utilement ceux de nos compatriotes qui ont fait des études spéciales et les pousserait à faire bénéficier le public de leur science et de leur expérience. Mais qu'arrive-t-il? ... Pour être utile à ses contemporains, un homme d'étude n'a pas seulement à sacrifier ses loisirs et ses veilles, il lui faut encore débourser plusieurs centaines de piastres, sans savoir si seulement on lui tiendra compte de ses sacrifices. Qui sait si grâce à quelque intrigue secrète son travail ne sera pas supplanté par les élucubrations d'un incapable ou d'un plagiaire qui aura pour lui les influences sociales ou politiques? L'Oiseau-Mouche a déjà félicité M. C.-J. Magnan de l'aide que le gouvernement donne à L'Enseignement Primaire. Ajoutons que ce n'est qu'un juste dédommagement pour les sacrifices que ce vaillant apôtre de l'Education a faits si généreusement, et même pour les pertes d'argent que son dévouement lui a fait subir.

Nous souhaitons à M. Rivard que le mérite de son livre soit reconnu, comme vient d'être reconnu le mérite de la revue publiée par son noble émule, M. Magnan.

Nous croyons savoir que la plupart des collèges de la province adopteront l'Art de dire. Ils s'en trouveront bien et démontreront une fois de plus la fausseté de l'accusation de routine lancée contre eux trop de fois d'une manière inepte.

Livius.»"

1899.02
[Encart publicitaire], L'enseignement primaire, 20, 6(février 1899):382.

"Méthode intuitive et pratique pour faciliter l'enseignement des fractions.

Quatre grands tableaux synoptiques de 36 x 24, lithographiés en deux couleurs, sur beau papier fort; garnis en haut et en bas d'une jolie bordure cuivrée.

Ces tableaux représentent avec leurs subdivisions les plus ordinaires, des objets faciles à figurer par le dessin, d'un usage constant dans la vie et se fractionnant en parties bien définies: le cercle, dont les principaux secteurs - le demi-cercle, le quart de cercle, etc. - sont bien caractéristiques et faciles à distinguer à première vue; les poids (livres et onces); le pied, unité de longueur; la douzaine; le pied carré, dont la division rectangulaire offre un moyen très pratique d'enseigner les premières notions du toisé des surfaces et d'expliquer la multiplication des fractions.

Les élèves ont sous les yeux une série graduée de modèles types, concrets et précis qui donnent une idée exacte des fractions et fournissent une base de raisonnement pour comprendre les opérations.

Les notions acquises sont immédiatement applicables à la vie usuelle.

Ces tableaux, très voyants, très distincts, plaisent à l'oeil par le contraste des couleurs et l'exécution lithographique qui est remarquablement soignée.

Ils éveillent l'attention des élèves et sont un ornement pour l'école.

Les figures sont assez grandes pour être vues distinctement de toutes les parties de la salle de classe.

Prix: $1.50 la série complète.

Une déduction de 25 cts par série accordée sur toutes le commandes reçues avant le 15 juillet prochain, ce qui réduit le prix à $1.25 pour les quatre tableaux; envoi franc de port.

S'adresser à B. Lippens, 1217, rue de Montigny, Montréal."

Page modifiée le : 17-05-2016
 

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