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Sources imprimées

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1894

xxx. Lois de l'instruction publique de la province de Québec d'après le texte des statuts refondus et telles qu'amendées par la législature de cette province jusqu'au premier juillet 1894 - Lois scolaires spéciales des cités de Montréal, Québec et Sherbrooke et de la ville de Richmond - Décisions judiciaires se rapportant aux lois de l'instruction publique - Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique, avec un index de ces règlements et index alphabétique et analytique des lois de l'instruction publique. Montréal, Eusèbe Senécal, 1894. vii, 295 p.

"1912. Il est du devoir du conseil de l'instruction publique ou des comités catholique romain ou protestant, suivant que les dispositions des articles précédents le requièrent, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil: [17]

[...]

4. De choisir et de faire publier, - ayant égard, dans le choix, aux écoles où l'enseignement est donné en français et à celles où il est donné en anglais - les livres, cartes et globes, dont, à l'exclusion de tous autres, les académies, les écoles modèles et les écoles élémentaires, sous le contrôle des commissaires ou des syndics d'écoles, doivent faire usage.

Cette disposition ne s'étend pas, toutefois, aux choix des livres, se rattachant à la religion et aux moeurs, qui doit se faire suivant qu'il est prescrit dans le paragraphe 4, de l'article 2026;

5. D'acquérir le droit de propriété des livres, cartes géographiques, morceaux de musique ou autres publications faits sous leur direction pour l'usage des écoles dans la province; [...] S.R.B.C., c. 15, s. 21. [18]

[...]

6 - Des pouvoirs des comités relativement aux livres de classe, etc.

1927. Chacun des deux comités doit préparer et reviser [sic], de temps à autre, la liste des livres de classe, cartes, globes, modèles ou objets quelconques utiles à l'enseignement. 51-52 V., c.36, s. 17.

1928. La liste des livres approuvés, doit être revisée [sic] tous les quatre ans, et les changements qui y sont faits, doivent être publiés par le surintendant dans la gazette officielle de Québec.

Tout livre d'école rayé de la liste ne peut être exclu de l'enseignement avant une année à compter de la date de la révision de la liste. 51-52 V., c. 36, s. 17. [21]

1929. Le surintendant doit retenir la subvention de toute municipalité qui permet l'usage de livres non inscrits sur la liste revisée [sic]. 43-44 V., C. 16, s. 11.

1930. Tous les livres et ouvrages inscrits sur la liste peuvent être acquis par l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique, moyennant indemnité payée aux propriétaires et fixée par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Toute contestation soulevée sur le chiffre de l'indemnité, doit être déférée à trois arbitres nommés, l'un par le surintendant, l'autre par le propriétaire de l'ouvrage, le troisième par les deux arbitres, et la décision de ces trois arbitres est finale. 43-44 V., c. 16, s. 12.

1931. Toute personne a le droit d'imprimer, publier et vendre les ouvrages inscrits sur la liste des livres approuvés et appartenant à l'un ou à l'autre des deux comités, en payant au surintendant, tous les cinq ans, une somme de dix piastres pour chaque ouvrage; et moyennant le paiement de cette somme, elle a libre accès à l'ouvrage, pour le copier dans le département de l'instruction publique, et si l'ouvrage est imprimé, le surintendant doit lui en fournir un exemplaire. 43-44V., c. 16, s. 13.

1932. Le format, le papier, le caractère, la reliure et toute l'exécution matérielle de ces ouvrages sont déterminés par le surintendant. 43-44 V., c. 16, s. 14.

1933. Dans le cas d'abus résultant de la coalition des libraires, pour augmenter le prix des ouvrages classiques, l'un ou l'autre des comités du conseil de l'instruction publique, suivant le cas, peut en fixer le prix maximum de la vente. 43-44 V., c. 16, s. 15. [22]

[...]

Des devoirs des commissaires et des syndics, relativement à l'administration des écoles.

2026. (Tel qu'amendé par S.Q. 1890, 53 V., ch. 27, s. 4 et par S.Q. 1892, 55-56 V. ch. 24, s. 16).

[...]

D'exiger que, dans les écoles sous leur contrôle, on ne se serve que de livres autorisés par le conseil de l'instruction publique ou par l'un ou l'autre de ses comités.

Toutefois, le curé ou le prêtre desservant de l'église catholique romaine, a le droit exclusif de faire le choix des livres d'école qui ont rapport à la religion et à la morale, pour l'usage des enfants des écoles de sa croyance religieuse;

Le comité protestant a les mêmes pouvoirs en qui concerne les élèves protestants. [53]

[...]

Règlements du comité catholique du conseil de l'instruction publique.

[...]

Règlements concernant les inspecteurs d'écoles.

[...]

Devoirs des inspecteurs d'écoles.

13. Les inspecteurs d'écoles doivent:

[...]

13. Faire rapport, dans le registre des commissaires ou syndics, des résultats de la visite des écoles de leur municipalité, en attirant leur attention:

1. Sur:

[...]

(b) L'emploi des livres de classe approuvés, [217]

[...]

Devoirs des commissaires et des syndics d'écoles.

[...]

131. Les commissaires ou syndics d'écoles de chaque municipalité devront choisir parmi les livres autorisés par le comité catholique du conseii [sic] de [250] l'instruction publique, un ouvrage ou une série d'ouvrages pour l'enseignement de chacune des matières du cours d'études, et il ne sera fait usage dans leurs écoles que des livres qu'ils auront ainsi choisis; ils en feront une liste qui sera déposée dans chacune des écoles sous leur contrôle. [251]

[...]

Règlements concernant les instituteurs.

145. Il est du devoir de chaque instituteur:

[...]

8. De ne permettre que l'usage des livres approuvés que les commissaires ou syndics auront choisis pour les écoles de la municipalité;

[...]

Approbation des livres.

161. Toute personne qui désire soumettre un ouvrage à l'approbation du comité catholique du conseil de l'instruction publique doit, un mois avant les sessions du comité catholique, en envoyer vingt-cinq exemplaires imprimés au Surintendant en lui donnant en même temps le prix de chaque exemplaire et celui de la douzaine; le Surintendant doit alors envoyer un exemplaire de cet ouvrage à chacun des membres du comité catholique.

162. Lorsque l'examen d'un ouvrage, soumis à l'approbation du comité est renvoyé à quelque personne dont il a fallu s'assurer le concours à raison de ses connaissances spéciales, le Surintendant doit exiger de la personne qui demande l'approbation une somme suffisante pour la rémunérer.

163. L'éditeur de tout livre autorisé doit en déposer un exemplaire de chaque édition au département de l'instruction publique et obtenir du Surintendant un certificat attestant qu'il est approuvé; et chaque fois qu'il en [255] publiera une nouvelle édition, il devra obtenir du surintendant un nouveau certificat attestant que telle édition est approuvée.

164. Le comité peut, quand il le juge convenable, retirer son approbation à un ouvrage autorisé.

165. Tout ouvrage approuvé doit porter le nom de l'éditeur et le prix de chaque exemplaire sur la couverture ou sur la page du titre; il ne peut être inséré aucune annonce sans le consentement par écrit du Surintendant de l'instruction publique.

166. Il faut l'approbation du comité catholique pour pouvoir modifier le texte, la typographie, la reliure, le papier, etc., d'un livre approuvé.

167. Les ouvrages recommandés pour l'usage des instituteurs ne doivent pas servir aux élèves comme livres de classe." [256]

1894
Ouimet, Gédéon. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1893-94. Québec, Charles-François Langlois, 1894. xvii, 294 p.

"Rapports sur les écoles normales
[...]
École normale Jacques-Cartier
[...]
Plus que jamais, j'ai eu l'occasion dans le cours de cette année d'entendre les parents se plaindre des dépenses, souvent considérables, occasionnées par la variété et par la multiplicité des livres d'école. Il y a là un inconvénient facile à constater, quand un élève nous apporte, en double et même en triple, des grammaires, des géographies, des histoires saintes et autres. Ainsi, l'automne dernier, un enfant qui fréquentait une école municipale laïque avait acheté les livres adoptés dans cette institution. Au commencement de l'hiver, il passa à une école dirigée par des religieux; il dut acheter d'autres livres. Au mois de mai, la famille ayant changé de quartier, il fallut encore se procurer de nouveaux livres.

C'est dans les villes que cet inconvénient se présente surtout. Quel en peut être le remède? Je sais qu'il y a là une question très grave, qui ne saurait être traitée à la légère, et qui doit être résolue d'une manière équitable pour tous.

Permettez-moi, Monsieur le Surintendant, de vous rappeler que, pour ce qui nous concerne, nous avons depuis longtemps évité la difficulté dans une grande mesure. A l'école annexe, nous enseignons oralement les grammaires, l'arithmétique, la géographie, l'histoire sainte et celle du Canada: l'élève peut s'aider du traité qu'il possède déjà; mais il n'y a de texte obligatoire que pour le livre de lecture. Au point de vue pédagogique, je trouve que l'élève apprend mieux: au point de vue pécuniaire, il y a certainement économie.
[...]
H.-A.-B. Verreau" (p. 115-116).

Procès-verbal des réunions du comité catholique:

Séance du 14 septembre 1893.

"Le sous-comité chargé de l'examen des livres de classe présente le rapport qui suit:

Rapport du sous-comité d'examen des livres sur le projet d'une série unique de livres d'écoles. Pour mettre à exécution la résolution au sujet des livres d'écoles adoptée par votre comité à sa dernière séance, le sous-comité des livres a l'honneur de suggérer le plan suivant:

1. Un concours public serait ouvert par votre Comité pour la préparation de livres sur les sujets qui suivent:

Première série: Alphabet, premier livre de lecture, second livre de lecture, troisième livre de lecture; l'alphabet ne devant pas avoir plus de 100 pages; les livres de lecture ne devant pas dépasser, le premier 100 pages, le second 200 pages, et le troisième 400 pages;

Deuxième série: Grammaire très élémentaire, pas plus de 100 pages; Grammaire intermédiaire, 200 pages; Grammaire complète, 300 pages. Exercices gradués, 300 pages.

Troisième série: Géographie élémentaire, 200 pages; Géographie intermédiaire, 400 pages;

Quatrième série: Histoire élémentaire du Canada, 150 pages; Histoire intermédiaire du Canada, 300 pages;

Cinquième série: Histoire sainte abrégée, 150 pages;

Sixième série: Histoire contemporaine générale commençant à la Révolution française, 300 pages;

Septième série: Arithmétique élémentaire, 150 pages;

Arithmétique intermédiaire, 300 pages;

Huitième série: Cahiers d'écriture;

Neuvième série: Tenue des livres, 200 pages;

Dixième série: Agriculture, 200 pages.

Les pages indiquées pour chacune de ces séries sont de format «in-douze,» et l'impression supposée faite en «small pica» non interligné.

Pour la première série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;

Pour la deuxième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;

Pour la troisième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;

Pour la quatrième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;

Pour la cinquième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;

Pour la sixième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;

Pour la septième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;

Pour la huitième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;

Pour la neuvième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;

Pour la dixième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200.

Toutes ces séries, à l'exception de la première et de la deuxième, pourraient servir pour les écoles des deux langues, puisqu'il suffirait de traduire chacun des ouvrages adoptés; mais quant aux deux premières séries, il faudrait un concours en français et en anglais avec les mêmes prix pour chacun.

Chaque concurrent devrait, dans tous les cas qui le comportent, envoyer cinq copies de son manuscrit faites au clavigraphe, plus quelques pages imprimées comme échantillon de la manière dont il suggérerait d'imprimer l'ouvrage. Le comité devant se charger de faire mettre les gravures dont il jugera convenable d'orner les ouvrages qui les comportent, les concurrents n'auraient pas à s'en occuper.

Les ouvrages soumis seraient envoyés au Surintendant de l'Instruction publique sous un pseudonyme, et l'auteur enverrait en même temps sous une enveloppe cachetée l'indication de son vrai nom.

Les travaux seraient appréciés par un comité que nommerait le Conseil de l'Instruction publique, et qui ne serait pas nécessairement formé de membres de ce conseil.

Tous les ouvrages recevant des prix deviendraient la propriété du Conseil de l'Instruction publique, qui pourrait, avant de les faire imprimer, y faire toutes les modifications qu'il jugerait utiles.

L'auteur de chaque ouvrage adopté pour l'usage des écoles aurait dix pour cent des profits réalisés par sa vente. Le reste de ces profits appartiendrait au Conseil de l'Instruction publique, et ce Conseil l'emploierait d'abord à se rembourser des dépenses du concours ci-dessus mentionné, puis à donner des primes aux instituteurs et institutrices qui se seraient le plus distingué dans l'enseignement.

Les livres adoptés par le Conseil seraient mis en vente chez tous les libraires qui voudraient en vendre. Tous devraient les vendre seulement au prix fixé par le Conseil, et pour une commission qui serait la même pour tous.

Pour que les livres ainsi adoptés par le Conseil soient constamment tenus au courant et perfectionnés, il n'en serait tiré à la fois que le nombre d'exemplaires qui pourrait être écoulé dans une année ou deux. Des primes seraient donnés [sic] à ceux qui suggéraient des améliorations importantes à leur faire.

En adoptant ce plan, le sous-comité est d'avis que votre Conseil se procurerait des livres supérieurs à un grand nombre de ceux qui sont en usage aujourd'hui, et à bien meilleur marché. Les dépenses des enfants d'écoles pour achats de livres seraient, en outre, réduites pour ceux qui auraient à changer d'école. D'un autre côté, le Conseil de l'Instruction publique aurait à sa disposition des sommes considérables qu'il pourrait, comme il a été dit plus haut, employer à récompenser les membres les plus méritants du corps enseignant, ou bien à promouvoir de toute autre manière l'instruction publique.

Le tout, néanmoins, respectueusement soumis.

(Signé), L.-N., arch. de Cyrène,
Coadj. de S. E. le Card. Taschereau.
Le sous-comité remet l'examen de ce rapport à la prochaine séance." (p. 267-269).

1894
Rouleau, Thomas-Grégoire. Catéchisme des lois scolaires à l'usage des candidats aux brevets d'enseignement publié à la demande du Bureau des Examinateurs de Québec. Québec, C. Darveau, 1894, c1893. 48 p.

"29. Quels effets scolaires doivent avoir les élèves?
Les élèves doivent être munis de tout ce qui est nécessaire pour suivre les cours." (p. 11). [Aucune précision sur les manuels].

"53. Quels sont les devoirs de l'instituteur d'après la clause 145 des règlements du comité catholique, de l'Instruction publique? (p. 19).
[...].
8° De ne permettre que l'usage des livres approuvés que les commissaires ou syndics auront choisis pour les écoles de leur municipalité; [...]." (p. 20).

"95. Quels sont les principaux pouvoirs du Surintendant? (p. 36).
[...].
Il a le droit de retenir la subvention de toute municipalité qui permet l'usage des livres non approuvés par le conseil de l'Instruction publique". (p. 37).

"107. Quelles sont les attributions de chacun des comités de l'Instruction publique? Les comités de l'Instruction publique ont droit de faire tous les règlements qui concernent les écoles normales et les écoles publiques de leur croyance religieuse respective, sauf le choix des livres d'écoles ayant rapport à la religion et à la morale, qui appartient cependant de droit, pour l'usage des élèves de sa croyance religieuse, au curé ou au prêtre desservant de L'Eglise catholique romaine." (p. 40).

"110. Si les comités rayent un ouvrage de la liste des livres approuvés, quand leur décision a-t-elle son effet?
Si l'un des deux comités raye un livre du catalogue des livres approuvés, cette décision n'a son effet qu'un an après la publication qui en est faite dans la Gazette officielle." (p. 41-42).

1894.01.15
xxx. "Bibliographie", L'enseignement primaire, 15, 10(15 janvier 1894):151.

"Catéchisme des lois scolaires, à l'usage des candidats aux brevets d'enseignement, par l'abbé Th. G. Rouleau, Principal de l'Ecole normale Laval. - Atelier typographique de C. Darveau, Québec, 1893.

Voilà un manuel qui est appelé à rendre de grands services aux élèves des écoles normales et aux candidats aux brevets d'enseignement. A l'avenir, il sera très facile de se préparer, en quelques heures, à subir un examen sur nos lois scolaires, grâce à cet opuscule de cinquante pages à peine.

Le Catéchisme des lois scolaires a été rédigé d'après le Code de l'Instruction publique publié par M. Paul de Cazes.

Cet ouvrage est en vente chez tous les libraires de Québec et à l'Ecole normale Laval. - Prix: 15 cts."

1894.04.02
Magnan, Charles-Joseph. "Livres classiques", L'enseignement primaire, 15, 15(2 av. 1894):238-239.

"Une institutrice nous écrit: «Le secrétaire-trésorier de ma paroisse me demande ce que

[p. 238]

je pense des livres classiques dont les noms suivent:

Le premier livre des Enfants (syllabaire) J.- B. Cloutier.
Grammaire française, " "
Devoirs grammaticaux, " "
Recueil de leçons de choses, " "
Histoire du Canada, F.-X Toussaint

Que pensez-vous vous-même de ces livres?»

Note de la rédaction: - Les livres de M. Cloutier sont fait [sic] d'après les méthodes les plus rationnelles, et de toutes les Histoires élémentaires du Canada en usage au pays, celle de M. Toussaint est la préférable."

[p. 239]
1894.04.02 à 1895.06.01
Cloutier, Jean-Baptiste. "Du choix des livres", L'enseignement primaire, 15, 15(2 av. 1894):228-229; 16(16 av. 1894):242-243; 17(1er mai 1894):260-262; 18(15 mai 1894):273-274; 19(1er juin 1894):300-302; 20(15 juin 1894):323-325; 16, 3(1er oct. 1894):37-39; 5(2 nov. 1894):65-67; 7(1er déc. 1894):97-98; 11(1er fév. 1895):161-163; 13(1er mars 1895):193-194; 15(1er av.1895):225-227; 17(1er mai 1895):258-260; 19(1er juin 1895):295-298.

"Premier article

"A la dernière réunion des instituteurs de la circonscription de l'école normale Laval, on a longuement discuté la question de l'uniformité des livres d'écoles.

Diverses opinions ont été émises sur ce sujet si important, qui a déjà attiré depuis longtemps l'attention des autorités scolaires et des hommes d'écoles de l'autre côté de l'Atlantique; nos conférences d'instituteurs, notre Conseil de l'Instruction public [sic], s'en sont aussi fort occupés.

Il mérite certainement, vu son importance, une étude sérieuse et approfondie avant d'en arriver à une décision définitive et pratique.

Lors de l'inauguration de l'école normale Jacques Cartier, en 1857, on avait longuement discuté sur le choix d'une grammaire, de préférence à toutes les autres, et dans le cours de la discussion, un instituteur avait émis une opinion fort juste et qui dénotait chez lui un homme éclairé, pratique et compétent.

"La meilleure grammaire, avait-il dit: C'est le bon maître.

Cette opinion, si pertinente et si vrai [sic] peut s'appliquer, non seulement à la grammaire, mais à tous les livres classiques.

Tout homme d'école quelque peu compétent dans l'art d'enseigner, fort de cet axiome pédagogique «Il faut que le professeur professe,» admettra facilement que le choix d'un livre de texte est une question bien secondaire, et que tout le profit à attendre d'une leçon dépend beaucoup plus des ressources et de l'habileté du maître à la présenter aux élèves que la qualité du livre qu'ils ont entre les mains.

Aussi, faut-il bien se persuader que nous ne sommes plus au temps où l'on se contentait de faire apprendre des livres par coeur et de les faire réciter mot à mot aux enfants comme à des perroquets. Non, cette coutume surannée est heureusement disparue depuis longtemps de nos écoles pour faire place à un enseignement plus neuf, plus rationnel et plus efficace.

Aujourd'hui, l'on se guide d&171;'après les règles de la pédagogie moderne qui consiste à faire «comprendre et ensuite apprendre», c'est-à-dire à exposer clairement et intelligiblement une vérité, un principe, à donner aux élèves tout le temps nécessaire pour le comprendre, s'en pénétrer et ensuite à prendre des moyens aussi habiles qu'ingénieux de le leur faire apprendre et retenir.

Qu'on veuille bien croire cependant, que je ne veux pas dire que le choix du livre de texte est indifférent, et qu'on peut adopter au hasard le premier qui se présente sous la main; non, telle n'est pas ma pensée, mais je désire établir que le succès d'une école dépend beaucoup plus de la compétence de celui ou de celle qui la dirige que de la

[p. 228]

qualité des livres que les élèves ont entre les mains.

Comme conclusion à cet article, je dirai donc que, pour se former une opinion exacte et précise sur le choix des livres, il faut se guider d'après les principes pédagogiques que j'ai invoqués plus haut et, étant admis, 1° qu'il faut que le professeur professe, 2° qu'il faut faire comprendre et ensuite apprendre, on concevra facilement que le rôle du livre de texte consiste à fournir aux élèves une phraséologie exacte et précise pour exprimer convenablement les vérités qu'ils auront apprises, de la bouche du maître, et de leur fournir le moyen de les retenir dans leur mémoire." [15, 15(2 av. 1894):228-229].

[p. 229]

"Deuxième article

Dans le dernier numéro de l'Enseignement primaire, j'ai traité d'une manière générale du choix des livres; je me suis appuyé sur certains principes pédagogiques connus et approuvés par tous ceux qui font de l'enseignement une étude sérieuse et suivie; j'ai planté quelques jalons destinés à guider l'instituteur dans le choix des ouvrages à adopter dans son école.

Aujourd'hui, je désire attirer l'attention des autorités scolaires et celle des hommes d'école sur les qualités qui doivent recommander tout ouvrage classique au patronage de ceux que la chose concerne.

La première qualité entre toutes celles que doit posséder un ouvrage destiné à l'enfance, c'est la méthode. Il faut qu'il y ait, du commencement à la fin, un enchaînement rationnel, logique et parfait de la matière traitée; la clarté, la précision, la simplicité des expressions employées dans la phraséologie doivent présider à l'exposition des principes, des notions que l'on veut inculquer aux élèves.

Bien que le nom de l'auteur doive entrer en ligne de compte dans le choix d'un livre, il ne faut cependant pas agir en aveugle et fixer son opinion de confiance, parce que celui qui l'a produit nous est connu; il faut l'examiner soi-même et agir avec prudence et en connaissance de cause.

[p. 242]

La réclame et les titres ronflants ne sont pas des recommandations suffisantes et ne portent pas toujours le cachet du désintéressement et du désir d'être utile à la cause de l'éducation de la jeunesse. Car il arrive assez souvent qu'on peut avoir obtenu quelques succès dans l'enseignement et faire des livres très médiocres, entachés de routine et de procédés surannés. N'oublions pas non plus qu'il est des hommes qui enseignent toute leur vie par instinct, sans essayer de modifier en rien leur manière de faire, et qui, pour n'avoir pas la peine d'étudier, combattent avec acharnement toute idée nouvelle, tout mouvement vers le progrès.

Chaque science, chaque branche d'instruction, chaque matière du programme a son vocabulaire particulier dont il faut tenir compte dans la rédaction d'un manuel scolaire.

Une grammaire, par exemple, ne doit renfermer que des définitions courtes, concises et laconiques accompagnées d'exemples appropriés à l'illustration des règles exprimées. Pour l'histoire, les phrases doivent être plus coulantes et plus soignées, afin de se mieux prêter à la récitation des leçons; ;car parmi les livres, il en est qui sont destinés à être appris par coeur, ou plutôt à servir d'aides-mémoire propres à fournir aux élèves les expressions claires et précises pour formuler d'une manière convenable les notions apprises directement de la bouche du maître; d'autres servent de guides, ou comme référence dans le travail journalier, tels que l'arithmétique, les devoirs grammaticaux, etc.

On conçoit que, pour fixer judicieusement son choix sur des livres classiques, il faut prendre en considération toutes les raisons que je viens d'exposer sur ce sujet." [16, (16 av. 1894):242-243].

[p. 243]

"Troisième article

La langue maternelle, qui occupe une si large place dans le programme scolaire, doit être consultée avec une sérieuse attention lorsqu'il s'agit de faire un choix judicieux de livres classiques; car cette expression embrasse l'ensemble de tous le moyens à employer pour enseigner à l'enfant à parler et à écrire correctement la langue qu'il a apprise sur les genoux de sa mère.

En arrivant à l'école l'élève possède déjà quoique imparfaitement, et cela plus ou moins selon le milieu où il a vécu, un vocabulaire lui servant à exprimer le peu d'idées qui sont du domaine de sa jeune intelligence. Il peut nommer les meubles de la maison, les animaux domestiques, les jouets qui servent a ses jeux journaliers, les aliments dont il se nourrit, et une foule d'autres choses encore. Enfin, il a un certain fonds de la langue qu'il vient apprendre à l'école.

Or, il est évident que tous les exercices scolaires doivent tendre vers un même but: perfectionner les connaissances de langage déjà acquises et en communiquer de nouvelles.

A cette fin, il faut faire parler le débutant et le faire parler beaucoup, en corrigeant, partout et toujours, les fautes qu'il peut commettre; mais il faut le faire avec mesure, ménagement et discrétion, afin de ne pas l'intimider ni le rebuter.

Mais outre ces exercices oraux, il y a aussi ceux des livres auxquels il faut initier les élèves et leur apprendre les moyens de s'en servir. Ceux qui jouent le principal rôle dans l'enseignement de la langue naturelle [sic] sont: les livres de lecture, la grammaire, les devoirs grammaticaux. Il est bien vrai que l'histoire, la géographie, les manuels de composition entrent dans le même cadre, mais d'une manière moins directe et plus éloignée.

Pour aujourd'hui, je me bornerai à ne parler que des livres de lecture, remettant à plus tard le soin de m'occuper de ceux qui concernent les autres matières.

Qu'on me permette de citer ici l'opinion de MM. Brouard et Defodon dans leur ouvrage intitulé:

Inspection des écoles primaires.

"Le choix des premiers livres de lecture importe à un haut point. Ces livres ne sauraient être les premiers venus. Ils doivent être imprimés en gros caractères, d'une

[p. 260]

lisibilité parfaite, à la portée des enfants, intéressants pour eux, ne leur parlant que de choses connues, de connaissances usuelles, contenant de petites leçons accessibles à leur sens moral ou capables de le développer.»

Le premier de ces livres, celui auquel on attache très souvent le moins d'importance, c'est l'Alphabet, ou comme on l'appelle vulgairement l'A, B, C.

Ce petit manuel, si insignifiant qu'il le paraisse, est pourtant le premier compagnon du jeune enfant dans sa carrière scolaire; c'et par lui qu'on l'initie aux nombreuses difficultés que comportent les rudiments de la lecture française; car il ne faut pas se faire illusion sur ce point, aucun travail n'est plus difficile, plus ennuyeux, plus ingrat, tant pour le maître que pour l'élève, que celui d'enseigner ou d'apprendre à lire.

Ceci posé et admis, tout instituteur ou institutrice intelligents pourra facilement choisir parmi nos Alphabets, quel est celui qui mérite sa préférence.

Qu'on veuille bien remarquer ici que la méthode est indépendante des procédés, et qu'elle est aussi bien appliquable [sic] à l'ancienne qu'à la nouvelle épellation.

Examinons maintenant ces deux manières si différentes d'enseigner à lire.

L'ancienne épellation, celle par laquelle nous avons tout appris à lire, se distingue de toute méthode. Voyons un peu ce qu'en dit Rousselot dans son traité de pédagogie publié en 1881.

«Apprendre à lire par la méthode vulgaire est chose du monde la plus difficile: chacun n'a qu'à en appeler à ses souvenirs personnels. Il est vrai qu'on oublie vite les maux passés; mais, à défaut de mémoire, la moindre réflexion suffit pour faire découvrir qu'une telle méthode est contre nature. L'enfant ne comprend que le concret et le synthétique, ce qui parle à ses sens et ce qui

[p. 261]

l'intéresse: on le condamne à quatre ans, à sept ans, peu importe, au supplice de l'abstraction et de l'analyse la moins intelligible, car elles portent sur des sons isolés qui ne se retrouvent même pas dans le composé. Il y a plus de deux siècles que Pascal et les grammairiens de Port-Royal s'en sont aperçus.

C'et se contredire soi-même, disaient-ils, que de montrer à prononcer seuls des caractères que quand ils sont joints avec d'autres, car en prononçant séparément les consonnes et les faisant appeler (nous disons maintenant épeler) aux enfants, on joint toujours une voyelle, savoir, é (qui n'est ni de la syllabe, ni du mot), ce qui fait que le son des lettres appelées est tout différent du son des lettres assemblées. Par exemple, on fait appeler à un enfant le mot bon, lequel est composé de trois lettres b, o, n, qu'on leur fait prononcer l'une après l'autre. Or b prononcé seul fait ; o prononcé seul fait o, car c'est une voyelle; mais n prononcé seul fait enne. Comment donc cet enfant comprendra-t-il que tous ces sons qu'on lui a fait prononcer séparément, en appelant ces trois lettres, l'une après l'autre ne fassent que cet unique son, bon? On lui a fait prononcer quatre sons (bé, o, enne) dont il a les oreilles pleines, et on lui dit ensuite: Assemblez ces quatre sons et faites-en un, savoir: bon. Voilà ce qu'il ne peut jamais comprendre: il n'apprend à les assembler que parce que son maître fait lui-même cet assemblage et lui crie cent fois aux oreilles cet unique son, bon.» M. Rousselot continue ainsi: «Voilà, en effet, le vice radical du système d'épellation. Il est absolument contraire à la marche naturelle de l'intelligence et surtout de l'intelligence enfantine...»

L'opinion de Rousselot est partagée par Thiéry, Brouard et Defodon et par la plupart des pédagogues modernes; de sorte que l'ancienne épellation est aujourd'hui reléguée à l'arrière-plan, en France, en Belgique, en Suisse et dans tous les pays de l'Europe où l'on enseigne la langue française." [17(1er mai 1894):260-262].

[p. 262]

"Quatrième article

Dans mon dernier article, j'ai cité, à propos de l'ancienne épellation, l'opinion de Rousselot, qui est aussi celle de la plupart de ceux qui ont écrit sur le même sujet, et en lisant attentivement ce qu'ils en ont dit, on se convaincra facilement que ce vieux système, encore employé dans un trop grand nombre d'écoles, ne saurait être comparé aux nouveaux procédés en usage en France, en Belgique, en Suisse, et même ici dans plusieurs de nos institutions, dont les titulaires ont été assez courageux pour abandonner la vieille routine et marcher dans la voie du progrès. Citons entre autres l'école normale Laval, le Patronage, les Dames de la Charité, les Dames du Bon Pasteur, etc.

Ce qui caractérise surtout l'ancienne épellation, c'est une absence complète de méthode; tout y est pêle-mêle, sans ordre, sans logique. Chaque syllable [sic] renferme

[p. 273]

autant d'éléments que de lettres, et pour prononcer certaines consonnes, il faut les joindre à l'é fermé. Pour lire un mot d'après ce procédé, il faut d'abord prononcer isolément toutes les lettres qui entrent dans chaque syllabe, les assembler et ensuite lire ce même mot.

Chaque lettre ainsi prononcée une à une ne saurait produire le son qu'on voudrait en obtenir dans les combinaisons, de sorte que l'oreille de l'enfant ne peut le guider dans ce travail ingrat. Prenons pour exemple un des mots les plus connus, et dont il se sert tout les jours: maison, et essayons de le lui faire trouver par l'énonciation des lettres qu'il renferme.

Emme-à-i, et on lui fera prononcer , car il ne pourrait jamais parvenir lui-même, à produire ce son. Ensuite: esse-ô-enne qu'on lui dira de prononcer zon, et en réunissant ces deux sons il lira, maison.

On conçoit facilement que les six lettres employées dans ce mot ne pourraient jamais le lui faire trouver, et il en est de même pour tous les autres.

Quant aux livres dont on se servait pour une méthode (1) aussi défectueuse, ils étaient dépourvus des plus élémentaires notions de la pédagogie. Tout y était jeté sans ordre, sans gradation, sans principes.

Prenons, par exemple, l'ancien Premier livre des Enfants, auquel on avait donné bien à tort le sous-titre de: Nouvel alphabet français.

On trouve d'abord, disposées en tableaux, les vingt-cinq lettres de l'alphabet, en caractères romains.

C'est sur cette misérable page que l'on condamnait le pauvre enfant, en arrivant à l'école, à passer ses premiers mois d'étude.

A force de voir ces signes et de les entendre prononcer, il finissait par les apprendre par coeur et à les dire de suite toute d'une haleine, sans les distinguer lorsqu'on les lui montrait séparément.

Je fais grâce au lecteur des quatorze pages qui suivent le premier tableau, et où les mêmes lettres sont répétées sous toutes les formes possibles et impossibles.

Les lettres majuscules et miniscules [sic], en italique, les mêmes comparées, lettres liées ensemble, gothiques, etc., etc.

On arrivait ensuite au célèbre ba, be, etc., bla, ble, etc., qui composaient encore deux autres pages fort pénibles pour l'enfant, puis on lui donnait à épeler les mots suivants: Pa-pa, ma-man, na-nan, la-da, tou-tou, jou-jou,, etc., bé-guin, jar-din, mas-se-pain.

Ces quelques mots sufisent [sic] pour démontrer que ce procédé est un véritable contresens et qu'il est contraire aux règles les plus élémentaires de la pédagogie moderne.

Plusieurs alphabets un peu modifiés ont paru depuis avec des titres plus prétentieux que l'ancien, mais la méthode et la disposition de la matière y font défaut.

Dans mon prochain article, je traiterai de la Nouvelle épellation."[18(15 mai 1894):273-274].

[Note infrapaginale]: (1) J'emploie ici le mot méthode pour désigner une vieille routine que Thierry considère ne pas valoir la peine d'être nommée.

[p. 274]

"Cinquième article

NOUVELLE ÉPELLATION

La Nouvelle épellation se distingue de l'ancienne par deux caractères essentiels:

1° L'appellation des consonnes que l'on prononce suivies de l'e muet, afin de les rapprocher autant que possible du son qu'elles doivent produire quand on les frappe sur une voyelle simple ou composée.

Ainsi, au lieu de dire: bé, cé, dé, etc., comme dans l'ancienne épellation, d'après la nouvelle, on dit: be, (c) ke, de, fe, (g) gu e, (h) he, je, (k) ke, le, me ne, pe, (q) ke, re, se, te, ve, (x) kce, (y) que l'on prononce comme le mot feuille en retranchant f, ye, ze.

Il est facile de comprendre que cette manière de prononcer les consonnes facilite beaucoup le travail mental que l'enfant doit faire pour trouver une combinaison, et le conduit bien plus vite au but qu'on se propose d'atteindre. Prenons, par exemple, le premier mot venu, (fête) et comparons-le d'après les deux procédés.

Je vous demande, chers lecteurs, quelle analogie il peut y avoir entre les quatre lettres prononcées de cette manière et le mot fête? et c'est un des plus simples.

Nouvelle épellation ... fe è fê, te e, fête.

On voit que, par le second mode, le chemin est beaucoup plus court que dans le premier cas, puisque les deux consonnes f et t, prononcées avec l'e muet sont simplifiées et que les deux voyelles ê et e, débarrassées de leur attirail inutile, que l'élève a appris à prononcer séparément comme, ê dans tête et e dans mener, réunies aux deux consonnes f et t, produisent tout naturellement et sans effort le mot fête.

2° Dans la nouvelle épellation, chaque syllabe [sic] ne comporte que deux éléments, sans égard au nombre de lettres qui la compose, savoir: l'articulation et le son, simple ou composé. Ainsi, les syllables [sic] des deux mots: papa et couteau ne contiennent chacune que deux émissions de voix:

Pe, a, pa, pe, e a pa, papa; (c) ke ou, cou, te eau, (ô) tô, couteau.

Il est très important de tenir compte, avec les commençants, des différents sons que prennent les voyelles a, e, o, et de commencer par celui qui est le plus usité, car c'est toujours le son, qui aura le premier frappé l'oreille de l'enfant qui se présentera à son esprit chaque fois qu'il l'entendra prononcer.

Ce n'est que plus tard, quand son intelligence aura été graduellement développée et qu'il pourra l'étendre sur un plus grand nombre de points, qu'on lui apprendra la distinction qu'il faut faire dans la prononciation de ces lettres.

Ainsi, en commençant, on donnera à a le son qu'il a dans avec, à o, celui qu'il prend dans le mot porte, et les sons de e seront appris séparément comme:

e, dans me ner
é, " été
è, " les
ê, " fête.
3° Les voyelles composées se prononçent [sic]
[p. 300]

d'une seule émission de voix: eau, comme ô, o n, comme on dans bon, o u ou, comme dans sou.

Lorsqu'on veut mettre un son dans l'oreille de l'enfant, on lui fait prononcer un mot qui le contient et ensuite on en dégage les accessoires, pour ne laisser que le son seul: soit par exemple l'o aigu. Prenons pour mot-type note, que tout le monde prononce facilement. Après l'avoir fait répéter plusieurs fois pour le graver dans l'oreille, ôtons-lui la dernière syllabe; il reste no, que l'on fait encore prononcer plusieurs fois, après quoi on ôte n, et il ne reste que o tout seul.

On peut suivre avec avantage le même procédé pour l'a aigu et l'a grave, les différentes sortes d'é et pour les voyelles composées.

Voilà, en quelques mots, un exposé aussi succinct que possible de la nouvelle épellation.

Comme on le voit, c'est un moyen bien plus facile et bien plus simple que l'ancien pour enseigner à lire; et aussi beaucoup plus conforme aux lois de la logique et de la raison.

Qu'on veuille bien me permettre d'ajouter à ce qui précède l'humble témoignage de mon expérience de quarante-un [sic] dans l'enseignement actif, dont trente-un [sic] passés à l'école normale Laval. Pendant vingt-quatre, j'ai enseigné ou fait enseigner à lire suivant l'ancienne méthode, pendant dix-sept ans d'après la nouvelle, et je puis affirmer en toute sincérité que les résultats obtenus par la seconde ont été infiniment supérieurs à ceux de la première.

En étudiant attentivement le présent article et celui qui l'a précédé, le lecteur pourra facilement connaître les qualités qui doivent recommander le premier livre qu'il pourra mettre, avec avantage, entre les mains de ses élèves.

Je vais les résumer en quelques mots:

Ce premier manuel doit être irréprochable sous le rapport de la logique, de la simplicité et de la gradation.

La matière doit en être tellement agencé, enchevêtré [sic], que l'élève puisse toujours trouver n'importe quel mot, en recourant aux éléments qu'il a appris dans les leçons précédentes.

Dans les premières leçons on ne donnera que des articulations simples suivies d'un son simple, avec lesquels seront formées des syllabes simples et directes.

Avec ces syllabes, seront formés des mots faciles que l'élève pourra lire couramment dès qu'il aura appris à connaître deux lettres; soit par exemple le mot bé-bé.

L'élève apprend à connaître et à prononcer le signe be, (be), et ensuite é; on lui fait réunir ces deux signes qui font , et en les répétant deux fois, il lit: bé-bé. En lui enseignant p et a, e et i, on lui fera aussi facilement lire pape.

Comme on le voit, au lieu de se morfondre pendant des mois et des mois pour apprendre à connaître vingt-cinq caractères qui ne disent absolument rien à son esprit, il pourra ainsi, dès la première leçon, lire le mot bé-bé, à la seconde, les mots pape, pipe, papa, etc.

L'expérience démontre que les enfants qui apprennent à la [sic] lire d'après la Nouvelle Méthode ont toujours une prononciation plus nette et plus distincte que ceux qui apprennent par l'ancienne.

Quant à la typographie, le premier livre ne doit rien laisser à désirer sous le rapport de l'impression, et les caractères doivent en être assez gros pour que l'enfant puisse les distinguer sans peine et sans effort.

Afin de servir la cause de l'éducation de la jeunesse à laquelle j'ai consacré toute ma vie, et pour rendre service à la famille enseignante, je me chargerai volontiers de donner

[p. 301]

gratuitement à ma demeure des leçons aux instituteurs ou institutrices qui voudraient s'initier à la Nouvelle épellation." [19(1er juin 1894):300-302].

[p. 302]

"Sixième article

Lorsque l'enfant aura parcouru toute la série des exercices qui composent son premier livre de lecture, - si celui-ci est fait d'une manière méthodologique et conforme aux règles de la pédagogie - que le maître lui aura appris à vaincre une à une les nombreuses difficultés qui se rencontrent dans la lecture

[p. 323]

française, il sera en état de déchiffrer, par la décomposition, les mots les plus difficiles qu'il rencontrera, en recourant aux éléments qu'il connaît déjà. Remarquons en passant qu'il ne se rencontre pas souvent plus d'une difficulté de lecture dans un même mot.

Prenons par exemple deux mots que les élèves commençant à lire couramment, et qui ont appris par l'ancienne méthode, ne sauraient trouver sans le secours du maître: Pseudonyme, sténographe.

En les décomposant en leurs éléments, l'élève initié à la nouvelle méthode, les lira facilement. Il a appris à prononcer les deux articulations ps se, et la voyelle composée eu comme dans feu; en réunissant les quatre premières lettres du premier mot, après les avoir étudiés [sic] isolément, il arrivera aisément à en tirer pseu; les deux dernières syllabes étant simples et directes n'offriront aucune difficulté, et il lira sans effort pseudonyme. Il en sera de même de sténographe et tous les autres mots difficiles.

Cependant, quoique l'élève, au moyen des éléments connus, soit en état de trouver tous les mots les plus difficiles de la langue, il ne pourrait encore lire couramment dans un autre livre que celui qu'il connaît déjà. C'est le temps de lui en mettre un autre entre les mains, que j'appellerai le Second livre de lecture.

Le choix de ce dernier mérite considération.

Sous le rapport typographique, ce livre doit être irréprochable. Bon papier, caractères gros aux premières pages, pour ne pas fatiguer la vue des enfants, impression nette, claire, distincte, etc.

Mais c'est surtout sous le rapport didactique qu'il faut le considérer. La gradation doit en être parfaite, et l'on pourra facilement reconnaître cette qualité par le choix des morceaux à lire, lesquels seront proportionés [sic] à la capacité intellectuelle des élèves.

Il y a une trentaine d'années, Braün, alors professeur à l'école normale de Nivelle, en Belgique, et auteur d'un grand nombre d'ouvrages scolaires et pédagogiques, écrivit un livre intitulé Le Second livre des enfants.

Ce Manuel ne laissait rien à désirer au point de vue de la gradation, mais en plusieurs endroits le style en était défectueux.

L'auteur fut violemment attaqué sur ce point par les journaux pédagogiques du temps. Braün se défendit vigoureusement dans l'Abeille dont il était rédacteur.

«Je sais, disait-il, que mon livre n'est pas parfait comme style, car le français n'est pas ma langue maternelle, néanmoins, malgré des défauts, je ne saurais rien y changer sans détruire l'ordre pédagogique que je me suis proposé en le faisant.»

Il avait raison, car en parcourant la série des morceaux de la première partie, on voit qu'une judicieuse idée pédagogique a présidé à leur choix.

En effet, Braün commence par l'Ecole, terrain commun pour l'enfant du pauvre comme pour celui du riche; la Famille; la Maison; le Jardin; les Voisins; le Village; la Ville; les Autorités; les Champs; les Prairies; le Cultivateur; les Forêts; les Plantes, etc., etc.

Il continue ainsi à développer graduellement l'esprit de ses élèves, puis il leur parle de l' homme, de son corps, de son âme, de l'Eglise, de Dieu.

On ne saurait imaginer un ordre plus conforme aux règles de la psychologie.

Mais, demandera-t-on, où trouver ici un livre qui remplisse ces conditions? Il est trouvé, ce livre; c'est le Cours de lecture à haute voix de feu M. l'abbé Lagacé.

Tous les morceaux de la première partie et la plupart de ceux de la seconde sont une

[p. 324]

reproduction exacte du livre de Braün, qui a servi pendant cinq ans aux élèves de l'école modèle Laval et dont je conserve encore un exemplaire.

Ainsi, je n'hésite pas à recommander le Cours de lecture à haute voix de feu l'abbé Lagacé comme le plus didactique, le plus conforme aux lois de la psychologie, et en même temps le plus pratique de tous ceux que nous avons au Canada.

Je crois qu'il est utile d'indiquer ici la manière de se servir de ce livre.

Toute transition comporte un monde de difficultés pour les élèves, surtout en lecture, et celle du Premier au Second n'en est pas exempte.

En passant du premier au second livre, l'enfant se trouve fort dépaysé.

L'aspect du Manuel, le texte, les mots, tout est nouveau pour lui.

Il faut lui apprendre à s'en servir par un travail tout spécial, au moyen du tableau noir, sur lequel on lui fait faire, de concert avec son livre, ce qu'on appelle en pédagogie, la lecture mécanique.

Prenons pour exemple la première leçon du Cours de lecture à haute voix, dont je viens de parler.

Bien que l'enfant soit capable de lire déjà des mots très difficiles, comme je l'ai dit plus haut, il sera arrêté dès la première phrase par la nouveauté de la chose.

Pour lui faciliter le travail, on écrira sur le tableau: 1° le texte, 2°, au-dessous, la prononciation figurée:

1° Je suis à l'école.
Je sui-i zà lékol.

Il faut toujours écrire le texte en premier lieu pour ne pas laisser une fausse impression orthographique dans l'esprit de l'enfant.

2°: Phrase:

1° Je viens à l'école pour apprendre.

Je vi in zà lékol pour a-pren-dre quelque chose qui me soit utile.

kel ke chô-ze ki me soi utile.

On pourra procéder de la même manière pour le reste de la leçon, et continuer ainsi ce travail de décomposition et de démonstration aussi longtemps qu'il sera nécessaire pour habituer l'élève à la lecture courante.

Il va sans dire que la prononciation doit occuper une large place dans l'enseignement de la lecture et que le maître doit y attacher une bien grande importance." [20(15 juin 1894):323-325].

[p. 325]

"Septième article

Dans les six articles que j'ai écrits sur le choix des livres, j'ai traité d'une manière générale la théorie pédagogique d'après laquelle l'instituteur doit se guider pour choisir judicieusement les livres à mettre entre les mains de ses élèves, afin qu'ils puissent profiter avec avantage de ses leçons. J'ai de plus indiqué quelles sont les qualités que doivent posséder le Premier et le Second livre de lecture. J'ai recommandé le Cours de lecture à haute voix de feu l'abbé Lagacé comme le meilleur que nous possédions en ce genre. Le petit peut très bien servir comme second livre de lecture, et le grand, qui renferme un traité de prononciation très bien fait, peut être employé avec avantage dans les classes les plus avancées.

Il me reste à parler du choix des livres dans les autres différentes branches du programme officiel, en commençant par la grammaire.

On s'est malheureusement trop souvent trompé sur l'enseignement de cette branche si importante. Beaucoup d'auteurs et de praticiens, plus zélés qu'éclairés, ont cru devoir en faire une branche à part; les premiers, en remplissant leurs grammaires de règles et d'exceptions qu'un écrivain ne rencontre que quelquefois dans la pratique, les seconds, en faisant de l'enseignement grammaticale [sic] l'objet principal de leurs leçons de français, et s'affublant pompeusement, pour pas dire sottement, du titre de Professeur de grammaire française.

Aujourd'hui, quand la science pédagogique a fait un si grand pas dans la voie du progrès, surtout ces dernières années, comprendrait-on le rôle de quelqu'un qui s'obstinerait à enseigner la langue maternelle à

[p. 37]

coups de grammaire française? Ce serait aussi absurde que ridicule.

Non, toute personne qui connaît quelque peu la pédagogie sait parfaitement qu'il faut enseigner la grammaire par la langue et non la langue par la grammaire. Cette grande vérité pédagogique est comprise et reconnue de tout le monde, à part quelques vieux routiniers, ennemis de tout changement, et partant de tout progrès, qui se cramponnent obstinément aux vieilleries du temps passé. J'ai moi-même connu quelqu'un qui se faisait gloire d'enseigner le français de la même manière qu'il le faisait il y a quarante ans. Celui-là n'avait certainement pas marché avec son siècle.

Mais que doit-on entendre par l'axiome pédagogique ci-haut cité?

Enseigner la grammaire par la langue, c'est diriger toutes ses opérations vers un même but; c'est cultiver l'intelligence de ses élèves de manière à leur faire acquérir le plus grand nombre d'idées possible, leur enseigner les mots propres à les exprimer, leur apprendre à les reproduire par l'écriture en leur en montrant l'image dans leur livre et sur le tableau noir, en causant familièrement avec eux sur de nombreux sujets à leur portée, et en leur faisant redire oralement ce que nous leur aurons raconté, et écrire ensuite ces mêmes choses de leur mieux, sur le papier ou sur leurs ardoises.

On conçoit facilement que, en suivant cette marche, l'enfant écrit les mots tels qu'il les a vus dans son livre ou ailleurs, sans s'occuper de leurs rapports grammaticaux. C'est alors le temps de commencer à l'initier aux principales règles de la grammaire; mis il faut le faire oralement, d'une manière habile, sans le fatiguer avec des mots techniques qui ne diraient rien à son esprit.

En prenant l'enfant au moment où il commence à lire couramment, et par conséquent à écrire d'une manière passable, si l'on a combiné la lecture et l'écriture, on pourra facilement lui enseigner oralement, pendant une année, sans aucune fatigue, les premières règles de la grammaire. En effet, est-il besoin de savoir bien lire pour apprendre à connaître les noms, les adjectifs, les pronoms et même les verbes? le nombre singulier, le pluriel? etc. Toutes ces choses s'apprennent facilement sous forme de récréation.

On n'en est plus, grâce à Dieu, à ce temps où l'on attendait que l'enfant sût lire très couramment pour lui apprendre a écrire, et après pour commencer à lui enseigner la grammaire, ce qui prenait trois ou quatre ans. Alors on lui mettait en main une grammaire dont tous les mots étaient pour lui de véritables énigmes et on l'obligeait à l'apprendre par coeur.

Toutes ces vieilleries sont maintenant en parties [sic] disparues de notre code pédagogique et nos instituteurs comme nos institutrices suivent une marche beaucoup plus rationnelle pour enseigner la grammaire à leurs élèves.

Quelles sont donc les parties de la grammaire que l'on peut enseigner oralement?

J'ai déjà depuis longtemps exprimé mon opinion sur ce sujet dans l'Enseignement primaire.

La conjugaison des verbes être et avoir, auxquels on ajoute de temps en temps, au premier, un attribut et au second un complément, s'apprennent comme les prières et les premiers chapitres du Catéchisme que les enfants récitent sans les comprendre. Ce sera un capital latent qu'ils auront acquis sans effort, et dont ils pourront plus tard tirer parti, lorsque leur intelligence sera plus développée et que les explications ultérieures du maître les auront mis en état de comprendre la raison des choses. Quand les deux verbes auxiliaires seront sus, et qu'ils auront dans la tête le mécanisme de la conjugaison, on pourra leur apprendre à en conjuguer

[p. 38]

quelques autres des plus usuels dans la vie pratique.

Cela n'empêchera pas que l'on continue à leur enseigner les principales règles du nom de l'article, de l'adjectif et du pronom, comme je l'ai indiqué plus haut.

Ces premières opérations seront analogues à la marche que suit le peintre qui donne la première couche sur sa toile." [16, 3(1er oct. 1894):37-39].

[p. 39]

"Huitième article

Lorsque les élèves auront suivi oralement un cours élémentaire de langue intelligemment conçu, qu'ils auront parcouru toute une série de leçons habilement préparées et clairement expliquées accompagnées d'exercices pratiques appropriés à tous les sujets étudiés, tel que je l'ai indiqué dans mon précédent article, ils seront en état d'écrire correctement une petite dictée facile, d'une manière un peu passable; ils sauront distinguer les noms, les adjectifs, les pronoms; ils pourront faire les accords de ces différentes personnes du verbe. Ils auront par conséquent appris tous ces rudiments de la langue, sans trouble, sans effort, sans fatigue.

Ce sera alors le temps de leur mettre entre les mains un manuel de grammaire, pour

[p. 65]

leur faire apprendre à formuler par coeur les règles qu'ils savent déjà, et les faire pénétrer plus avant dans le domaine de la science si difficile et si ardue de la grammaire proprement dite.

Ici se présente une grande difficulté. Quelle sera la grammaire qui possèdera toutes les qualités nécessaires pour être utile à nos élèves?

Si vous voulez, chers lecteurs, éviter de tomber dans le piège que vous tendent la routine et l'empirisme, suivez-moi un instant.

Les grammairiens sont des hommes savants, très instruits, d'une exactitude parfaite, très scrupuleux dans leur langage et leurs expressions; mais aussi très minutieux dans tous les moindres détails qu'ils poussent jusqu'aux dernières limites. Ils ne voient en tout et par tout [sic] que la grammaire, la soumission passive de tout le monde à ses règles. Ils s'exercent sans cesse à trouver à redire contre tous ceux qui ont écrit dans notre la langue. Nos plus grands orateurs, nos meilleurs écrivains sont impitoyablement critiqués par eux.

Bossuet, Bourdaloue, Fénelon, Boileau, Racine, Lafontaine, n'échappent pas à leur censure, et les phrases tirées des meilleurs ouvrages de ces célèbres auteurs sont citées avec complaisance comme entachées de barbarismes ou de solécismes.

On conçoit que ce raffinement de scrupule pour maintenir intacte la plus belle langue moderne, est très légitime, mais nous, simples instituteurs canadiens, nous n'avons pas à porter nos regards si haut; qu'il nous suffise de tenir compte de la position dans laquelle nous nous trouvons.

Nous vivons dans un pays où la langue française et la langue anglaise sont l'une et l'autre indispensables. On ne peut faire son chemin dans le monde sans les connaître toutes deux; c'est une nécessité qui s'impose d'elle-même, et à laquelle personne peut [sic] se soustraire.

C'est pourquoi, nous devons prendre le chemin le plus court pour apprendre à nos élèves à parler et à écrire correctement leur langue maternelle, en ce qui concerne les choses ordinaires de la vie, sans nous occuper des disputes plus ou moins fondées des grammairiens sur des points douteux, obscurs et sans aucune utilité pratique.

En effet, pourquoi nous attarder à leur faire connaître que des grammairiens ont condamné ce vers de Boileau:

«Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus
Est toujours, quoiqu'il fasse, un méchant écrivain.»

Ou bien encore, si Lafontaine a fait des fautes dans ces vers (Fable «Les Loups et les Brebis.»)

1. «L'échange en étant fait aux formes ordinaires.
2. Tout fut mis en morceau, un seul n'en échappa

Laissons aux érudits et aux savants les subtilités, les raffineries de langage, pour ne nous occuper uniquement de ce qui peut être utile et pratique.

C'est pourquoi, dans le choix d'une grammaire, il faudra éviter tout ce qui sent la prétention ou le pédantisme, et suivre le sage conseil de Fénelon, qui dit:

«Un savant grammairien court risque de composer une grammaire trop curieuse et trop remplie de préceptes. Il me semble (1) qu'il faut se borner à une méthode courte et facile. Ne donner d'abord que les règles les plus générales, les exceptions viendront peu à peu. Le plus grand point est de mettre une personne le plus tôt qu'on peut dans l'application des règles par un fréquent usage: ensuite, cette personne prend plaisir à remarquer

[Note infrapaginale]: (1) Ce il me semble est d'une humilité et d'une simplicité admirables. Quelle différence entre ce grand homme qui émet humblement, et presque avec timidité, son opinion sur une question qu'il connaît si bien, et les pédants de nos jours qui, sans doûter [sic] de rien, tranchent à droite et à gauche les questions les plus graves et les plus sérieuses.

[p. 66]

le détail des règles qu'elle a suivies d'abord, sans y prendre garde.» (1)

Le populaire Lhomond, dont la grammaire a été pour la plupart d'entre nous un des compagnons de nos premières années d'école, a dû sans doute, avant d'écrire son petit manuel grammatical, s'inspirer de l'opinion du grand archevêque de Cambrai. En effet, sa grammaire, tout en contenant un certain reste de latinité, était d'une concision et d'une simplicité admirables. Les règles en étaient formulées en termes clairs, précis, les exemples admirablement bien choisis, et à la portée des plus jeunes enfants. Voilà pourquoi ce petit ouvrage a été autrefois si répandu dans les écoles élémentaires, non seulement en France, mais dans tous les pays où l'on parle et enseigne la langue française.

Mais la marche rapide et progressive qui a suivi la langue française depuis Lhomond, a nécessité de grands changements dans la classification des termes grammaticaux. Une foule d'expressions dont on se servait de son temps ne sont plus employées aujourd'hui. C'est pourquoi un grand nombre de pédagogues modernes ont cru, dans l'intérêt de leurs élèves, corriger et moderniser Lhomond (2). Quelques-uns se sont efforcé de conserver le caractère originaire [sic] de l'auteur, mais d'autres ont voulu sortir du cadre, et faire des grammaires curieuses et savantes, comme les appelle le célèbre auteur de Télémaque, mais leurs livres, tout scientifiques qu'ils soient, ne sont propres que pour les écoles supérieures et ne sauraient convenir à nos écoles élémentaires. Dans ces dernières comme le dit Fénelon: «La grammaire la plus courte et la plus simple sera toujours la meilleure».

Ainsi donc, chers lecteurs, si vous voulez bien relire tous les articles que j'ai écrits sur le choix des livres, et les deux derniers en particulier, vous pourrez sans difficulté choisir la meilleure grammaire qui conviendra le mieux aux élèves de votre école.

[Notes infrapaginales]: (1) Fénelon, Lettres sur les occupations de l'Académie.

(2) Votre humble serviteur est de ce nombre et vous prie de vouloir bien examiner et étudier sa grammaire avant de faire votre choix." [5(2 nov. 1894):65-67].

[p. 67]

"Neuvième article

ARITHMÉTIQUE

De toutes les branches qui figurent au programme officiel, l'arithmétique est sans contredit l'une des plus importantes et doit, par conséquent, occuper le premier rang dans les exercices journaliers de la classe.

En effet, on excusera facilement une faute quelconque d'orthographe absolue ou de grammaire à un ouvrier, à un industriel, ou même à un commis, tandis qu'on sera toujours très sévère sur les erreurs que pourraient commettre ceux avec lesquels nous sommes en relations dans nos affaires journalières.

Les hommes d'affaires, les financiers, les comptables s'occupent fort peu de l'élégance de la forme, des tours de phrases que l'on emploie pour leur exposer une transaction, une opération commerciale quelconque, ni de la propriété des termes dont on se sert pour leur parler; ils tiennent avant tout, quant il s'agit de finances, que les chiffres qu'on leur présentent [sic] soient d'une exactitude irréprochable. Voilà pourquoi, ceux qui sont chargés de former des sujets pour les fonctions les plus ordinaires de la vie - et c'est le plus grand nombre qui composent [sic] cette catégorie - doivent s'efforcer de développer avec beaucoup de soin, chez les enfants dont on leur confie l'éducation, la science des chiffres et du calcul.

Ce travail doit commencer dès l'arrivée de l'enfant à l'école; mais il ne faut pas oublier qu'au début, l'intuition jouera le plus grand rôle.

On commencera par donner à l'enfant la notion du nombre, ou des quantités, au moyen d'objets sensibles et matériels. On lui montrera des objets qu'il pourra voir, toucher et compter, tels que les élèves qui composent son groupe, les chaises de la classe, les carreaux des fenêtres, des pois, des fèves, etc; mais il faudra avoir soin de réunir ces objets à mesure qu'il en énonce le nombre, car autrement, il se formerait une fausse idée des quantités, en comptant chaque objet isolément;

[p. 97]

ainsi, si on lui montre et lui fait compter un, deux, trois, ou quatre objets les uns après les autres, il s'imaginera que le premier s'appelle un, le second deux, le troisième trois, etc. Si on lui montre le troisième seul, il pensera que l'objet que vous lui faites désigner s'appelle trois.

Il faudra donc procéder d'une manière absolument intuitive et lui faire comprendre que c'est la réunion de ces objets qui forme la quantité que vous lui faites désigner. C'est un premier acheminement vers l'addition.

Illustrons ceci par un exemple:

Le petit groupe auquel vous voulez donner la notion du nombre se compose, je suppose, de dix élèves.

Vous les disposez en une seule ligne et vous les nommez l'un après l'autre dans l'ordre qu'ils occupent.

    1        2             3            4         5         6         7         8      9       10

Louis, Joseph, François, Pierre, Charles, Jules, Edgar, Lucien, Emile, Ernest,
en les comptant. En désignant Ernest, le dernier, vous leur direz que ce n'est pas lui seul qu'il faut désigner par le mot dix, mais tous ses autres camarades. On continuera le même exercice en détail.

On écartera du groupe, Louis et Joseph, et l'on demandera, en touchant Louis: combien y a-t-il d'enfant là? Ils répondent un. On touchera ensuite Joseph seul en faisant la même question et plusieurs répondront: deux, parce qu'ils ont entendu prononcer ce mot quand il s'est agi de Joseph. Ce sera le temps de leur faire remarquer que le mot deux ne désigne par Joseph seul, mais Louis et Joseph réunis.

On continuera cet exercice tout le temps nécessaire pour faire bien comprendre aux enfants que, en comptant dix objets, l'un des mots que l'on emploie n'en désigne pas qu'un seul, mais la réunion de tous ceux qui le précèdent.

Comme il importe beaucoup de ne pas brusquer les choses dans le commencement, il faut prendre son temps, procéder avec lenteur, mais sûrement.

Aux enfants que nous aurons choisis comme objets intuitifs, pour commencer, on ajoutera des pois, des fèves, des bâtonnets, et tous autres objets sensibles, qui pourront servir pour cette fin, en suivant le procédé indiqué ci-dessus.

On emploiera le même moyen pour inculquer à nos élèves l'idée des quantités jusqu'à vingt, trente, etc., etc., à cent.

Il va sans dire que le dessin des dix caractères servant à représenter les nombres doit s'enseigner à mesure que les enfants apprennent à connaître les quantités dont on leur donne la notion." [7(1er déc. 1894):97-98].

[p. 98]

"Neuvième [sic] article

Comme je l'ai dit dans mon précédent article, l'intuition doit jouer le principal rôle dans l'enseignement de l'arithmétique.

Il faut faire voir et toucher à l'enfant des objets sensibles pour lui inculquer la notion du nombre et des quantités.

Les hommes d'école sont fort partagés sur la manière de procéder avec les débutants. Les uns prétendent qu'il faut commencer par la théorie, les autres, par la pratique. Quant à moi, qui ai essayé les deux systèmes, je n'hésite pas à dire que le second est de beaucoup préférable au premier.

En effet, à quoi bon fatiguer et ennuyer les enfants avec des définitions abstraites ou des démonstrations qu'ils ne sauraient comprendre? Il vaut mieux, selon moi, les occuper, sous forme d'amusements, à opérer sur des quantités concrètes, leur en faire trouver le nombre et la valeur. Voilà pourquoi la pratique doit accompagner la théorie, sinon la précéder. Les maîtres habiles sauront toujours associer et combiner ces deux choses pour le plus grand avantage de leurs élèves.

Je ne suis pas empirique ni partisan de ceux qui s'attachent aux vieilles routines

[p. 161]

mais je ne saurais nier que les bons maîtres qui nous enseignaient l'arithmétique il y a cinquante ans, bien que la plupart d'entre eux ignorassent le nom même de la science pédagogique, réussissaient à former de bons arithméticiens, des comptables experts. Ceux qui avaient le plus de succès étaient les instituteurs anglais ou irlandais, dont un grand nombre avaient puisé leurs connaissances en Europe. Aussi nos Canadiens leur confiaient-ils l'instruction de ceux de leurs enfants qu'ils destinaient aux affaires.

Dans ces écoles, outre les exercices de la langue anglaise, on ne s'occupait que de trois branches: l'arithmétique, la tenue des livres et la calligraphie. On appliquait sans le savoir la méthode Jacotôt. L'élève était presque complètement livré à lui-même. On lui mettait entre les mains un traité d'arithmétique fort bien fait, soit Thompson, Guff, The Tutors [sic] Assistant ou autres, lesquels étaient remplis d'une foule de problèmes pratiques et compliqués, contenant les réponses, et on le laissait se débrouiller comme il le pouvait. Chaque fois qu'il était embarrassé, il allait trouver le maître qui lui indiquait la marche à suivre pour arriver à une bonne solution. Chaque problème correct était soigneusement copié au propre dans un beau cahier. Il n'était jamais question du pourquoi, ni de la raison des choses. A force de s'exercer à faire des problèmes quelque fois difficiles et de les copier, les élèves bien doués parvenaient à apprendre parfaitement leur arithmétique, mais aussi plusieurs perdaient-ils complètement leur temps.

La couleur de l'encre avait aussi son importance. J'ai connu un ancien instituteur dont l'école a été en grande vogue, qui n'a dû sa réputation qu'à l'encre bleue pour faire écrire les problèmes et à la rouge pour le réglage. Les certificats qu'il délivrait aux élèves qui avaient suivi son cours étaient ainsi conçus: Mr. X is a good scholar. He writes a good hand and can calculate well. C'était là tout le bagage scientifique que l'on exigeait. Plusieurs de ces gradués, à bon marché, ont très bien réussi dans le monde, et un grand nombre ont occupé dans les affaires un rang distingué. Mais depuis lors les choses ont changé. Aujourd'hui, on comprend qu'il ne suffit pas de savoir, derrière un comptoir aligner des chiffres, les écrire proprement dans un livre pour être un homme d'affaires instruit.

Il faut de plus connaître l'histoire du Canada, celle des Etats-Unis et celle de l'Europe, savoir la géographie locale et celle des pays avec lesquels nous sommes en relations commerciales. Car les hommes qui, par leur talent, leur bonne conduite, leur économie, leur énergie, réussissent dans le commerce peuvent être appelés plus tard à jouer un rôle important dans l'administration des affaires publiques de leur pays.

Plusieurs de nos marchands, qui ont commencé dans des conditions bien humbles, sont arrivés à la fortune et ont occupé les plus hautes positions civiques et politiques du Canada. Inutile de nommer ici les Thibeaudeau, les Garneau, les Hamel, les Shehyn, et tant d'autres que le lecteur a déjà reconnus.

Jusqu'à la fondation des écoles normales, en 1857, l'arithmétique avait été très négligée dans nos écoles canadiennes. On en était encore à l'ancien système, c'est-à-dire que l'on attendait que l'enfant sût bien lire couramment, écrire lisiblement pour commencer à lui enseigner cette branche si importante ce qui, avec les méthodes défectueuses que l'on employait alors, prenait deux ou trois ans.

On commençait d'abord à enseigner à l'enfant à compter les nombres abstraits, à faire les chiffres, et ensuite on lui mettait entre les mains l'arithmétique de Bouthillier dont on lui faisait apprendre par coeur les définitions, en commençant par la numération. On

[p. 162]

lui faisait copier sur son ardoise les exercices de son livre, accompagnés de quelques explications qui n'étaient comprises que par les élèves les plus intelligents. Ceux-ci, après avoir fait pendant des semaines et des mois ce travail ennuyeux et abrutissant, finissaient par comprendre, et les différentes opérations de l'addition, de la soustraction, etc., etc. passaient toutes par la même filière et étaient finalement apprises.

Une fois les écoles normales fondées, les choses changèrent complètement de face, du moins pour ceux qui avaient l'avantage de suivre les cours de ces utiles institutions. La récitation servile des leçons dans toutes les branches fut abandonnée, pour faire place à un enseignement plus logique, plus pratique, plus rationnel, plus conforme aux lois de la psychologie.

Tout en enseignant aux élèves-maîtres les branches du programme officiel, leurs professeurs s'appliquaient à les persuader que, pour être bon instituteur, il faut mettre ne pratique ce grand axiome pédagogique:

«Faire comprendre et ensuite apprendre.»

Aussi, les élèves-maîtres, formés dans de si avantageuses conditions, se sont-ils distingués dans l'enseignement, et plusieurs d'entre eux ont obtenu les plus brillants succès.

Je demande au lecteur de me pardonner cette digression sur mes rémiscenses [sic] du passé, mais j'ose espérer que les jeunes instituteurs pourront peut-être les lire avec quelque intérêt et en tirer un certain avantage.

Grâce aux progrès de la science pédagogique, aux bons ouvrages que nous avons aujourd'hui, nos écoles canadiennes peuvent rivaliser avec les écoles anglaises pour l'enseignement de l'arithmétique. Les élèves de nos écoles normales l'enseignent aussi bien qu'on peut le désirer. Les nombreux sujets qu'ils envoient à nos bureaux d'examinateurs, et qui obtiennent toujours leur diplôme, en sont une preuve évidente.

Faut-il mettre entre les mains de élèves un manuel quelconque pour enseigner efficacement l'arithmétique?

Pour les commençants, c'est un luxe dont ils peuvent très bien se passer, car si l'on suit la marche que j'ai précédemment indiquée, on commencera à enseigner cette branche à l'enfant dès son entré [sic] à l'école, avant même qu'il sache lire, mais pour les élèves plus avancés, un bon traité d'arithmétique est indispensable.

Quel auteur choisira-t-on?

Parmi les écoles françaises, j'en connais deux qui méritent d'être également recommandés. Celui de Toussaint et celui Frères des Ecoles chrétiennes. Ces deux ouvrages sont, l'un et l'autre, parfaitement adaptés aux besoins de notre pays, et peuvent, entre les mains d'un bon maître, servir de guide a [sic] tout élève qui désire se livrer à n'importe quel genre de comptabilité." [11(1er fév. 1895):161-163].

[p. 163]

"Dixième article

L'enseignement de la géographie, comme celui de l'arithmétique, doit emprunter à l'intuition son puissant concours.

Toute leçon de géographie, pour être efficace, doit être accompagnée de démonstrations matérielles et tangibles, sur le globe, sur les cartes, ou par des exercices en plein air; car vouloir enseigner la géographie avec le livre sans le secours de ces précieux auxiliaires serait une véritable erreur pédagogique.

L'enseignement de cette branche si importante, qui doit commencer dès l'arrivée de l'enfant à l'école, sera d'abord purement oral.

Par des entretiens aussi simples que familiers, on donnera au jeune enfant les notions les plus élémentaires de cette science.

La classe, la maison d'école, le terrain sur lequel elle est construite, les terres qui l'environnent, les élèves qui la fréquentent seront les principaux objets de nos premières opérations intuitives.

Pour faciliter aux jeunes instituteurs ou aux jeunes institutrices la marche que je leur conseille de suivre, je crois devoir leur offrir ici une leçon-type dont ils pourront se servir pour tous les exercices analogues, en en changeant les termes et les questions selon les circonstances.

1ère leçon

A donner à des commençants ne sachant pas encore lire.

Les quatre points cardinaux

M. - Mes enfants, pouvez-vous me montrer l'endroit où le soleil se lève?

E. - Après avoir réfléchi un instant, tous regardent vers l'Est et répondent en montrant: Là Monsieur.

M. - Bien! où se couche-t-il le soir?

[p. 193]

E. - (Même mouvement) du côté opposé: Là, Monsieur.

M. - Où est-il à midi? Tournez-vous vers ce côté.

E. - Tous se tournent la figure vers le sud et montrent: Là, Monsieur.

Le maître tirera sur le plancher, avec de la craie, une ligne dans la direction de l'Est à l'Ouest, et une autre perpendiculaire à celle-ci, et de même longueur, en passant par le milieu de la première.

Il fait la même question pour l'autre bout de la ligne et obtient pour réponse le mot: Ouest qu'il écrit.

M. - Montrez-moi le bout de la seconde ligne qui est à l'endroit où le soleil se trouve à midi.

- Les élèves le montrent et le maître écrit: Sud.

- Mes enfants, le point où se trouve l'autre bout de la seconde ligne s'appelle le Nord, et il écrit: Nord.

Il a alors sur le plancher de la classe la figure suivante:

Sud
.
.
Est. . . . . . . . . Ouest
.
.
Nord
Au moyen de cette figure, il leur fait montrer les quatre points cardinaux, en s'adressant tantôt à un seul élève, tantôt à toute la classe.

Il emploiera le même moyen pour leur faire connaître l'orientation de la classe, celle de l'église, du couvent, et de leurs maisons respectives.

Il faudra continuer cet exercice, afin de rendre les enfants très familiers avec les points cardinaux, en leur posant des questions analogues à celles-ci. - Où est l'église par rapport à l'école? Elle est à l'Est, ou à l'Ouest, selon le cas. - Le presbytère par rapport à l'église? - Le couvent? etc., etc."[13(1er mars 1894):193-194].

[p. 194]

"Onzième article

LA GÉOGRAPHIE

(Suite)

Nos petits élèves, qui ne savent pas encore lire, connaissent maintenant les points cardinaux; ils peuvent s'orienter en se guidant sur les endroits qu'occupe le soleil à trois points du jour: le matin, le midi et le soir.

Ils sont, par conséquent, en état de déterminer la position de leur école et celle des bâtisses et des terres qui l'environnent.

- Entrons avec eux dans l'école et reprenons nos opérations que nous leur avons enseignée la dernière fois, et répétons les mêmes opérations, en traçant sur le plancher les deux lignes au moyen desquelles nous leur avons montré à connaître les points cardinaux.

Sortons dehors avec eux, et au moyen d'un galon de menuisier ou d'un pied de roi, mesurons l'extérieur de la maison qui a, je suppose, quarante pieds sur trente. Evitons d'employer le terme technique de périmètre, car ils ne nous comprendraient pas, mais servons-nous des mots les plus familiers:

Le devant de la maison, le derrière, les bouts. Faisons-leur comprendre ce que nous voulons leur dire sans nous occuper du reste.

Entrons maintenant en classe et essayons de leur donner une idée de la réduction des lignes de et des distances.

M. - Mes enfants, quelle est la longueur du côté de l'école par lequel vous entrez? (C'est, je suppose, le côté sud).

E. - Quarante pieds, Monsieur.

M. - Celle de l'autre côté, en arrière?

E. - La même longueur, quarante pieds.

M. - Cela fait deux fois quarante ou quatre-vingts pieds.

Et celle des deux côtés qui se trouvent à l'Est et à l'Ouest?

E. - Les bouts à l'Est et à l'Ouest?

E. - Les bouts à l'Est et à l'Ouest, ont chacun trente pieds.

M. - Combien cela fait-il en tout?

E. - Les côtés de l'école faisant face au Sud [p. 225]

et au Nord, ayant chacun quarante pieds, cela fait quatre-vingts pieds, et les deux autres côtés ayant chacun trente pieds, cela fait soixante pieds.

M. - Ainsi, les quatre pans de l'école ont en tout, deux fois quarante et deux fois trente pieds, cela fait en tout cent quarante pieds de tour.

Le maître montre le pied de roi et demande quelle est la longueur de cet objet?

E. - Un pied.

M. - Combien de pouces dans un pied?

E. - Douze, monsieur.

M. - Mais si je voulais représenter la longueur de cet objet (il montre ici le pied de roi) par un pouce, que devrais-je faire?

E. - Vous tireriez une ligne d'un pouce sur le tableau.

- Le maître tire sur le tableau une ligne d'un pied et une autre d'un pouce, et fait constater la différence entre les deux. Après leur avoir fait remarquer que la première est douze fois plus longue que la seconde, il leur dit:

Si je représente les dimensions de l'école par des pouces au lieu des pieds, quelle sera la longueur des lignes?

E. - Elles seront douze fois plus courtes.

Le maître, pour donner aux élèves une idée tangible de cette réduction, trace sur le tableau une ligne de douze pouces et une autre d'un pouce, et demande:

- La maison d'école mesure, comme vous venez de le voir, quarante pieds du côté sud: si je le représente par des pouces, quelle sera la longueur de la ligne?

E. - Elle aura quarante pouces.

M. - Combien cela fait-il de pieds?

E. - Trois pieds quatre pouces.

Le maître tire une ligne de quarante pouces qu'il mesure devant eux.

- Maintenant, si je veux représenter le côté ouest avec les mêmes proportions, quelle sera la longueur de la ligne?

E. - Trente pouces ou deux pieds et demi.

Il continuera les mêmes démonstrations pour les deux autres côtés, nord et est, et le plan horizontal de l'école sera tracé.

- Bien, mes enfants, la figure que vous voyez sur le tableau représente le plan horizontal de votre école (1) réduit d'un douzième, mais il est encore trop grand pour être reproduit sur vos ardoises, cependant il est facile de le réduire encore en le faisant huit fois plus petit.

Il trace une ligne d'un huitième de pouce et le fait comparer avec celle d'un pouce.

- Si maintenant je veux représenter un des côtés de quarante pieds par des huitièmes de pouces, qu'elle [sic] sera la longueur de la ligne?

Personne ne répond.

Le maître trace cette ligne ainsi réduite et démontre, par comparaison, qu'une ligne de cinq pouces peut représenter une longueur de quarante pieds rendue quatre-vingt-seize fois plus petite que la première. Il procédera de la même manière pour les trois autres côtés, et quand les enfants l'auront bien compris, ils pourront tracer sur leurs ardoises le plan horizontal de l'école.

Cet exercice, tout intuitif de géographie, sera aussi une excellente leçon préliminaire de dessin à main levée qui exercera en même temps l'oeil et la main de l'enfant.

Dans des leçons subséquentes, on leur fera, en observant toujours les mêmes dimensions, dessiner l'ameublement de l'école; la tribune du maître, les tables ou pupitres, les sièges, etc., etc.

On pourra aussi faire tracer le plan de l'emplacement de l'école, celui des terres qui l'avoisinent, et de là arriver au plan de la paroisse, du comté, du district, de la province tout entière.

[Note infrapaginale) (1) Il faut leur faire comprendre la signification du mot horizontal."

[p. 226]

En suivant cette marche, on arrivera insensiblement et sans effort à donner une idée juste des cartes géographiques et du globe terrestre." [15(1er av.1894):225-227].

[p. 227]

"Douzième article

GÉOGRAPHIE

Comme je l'ai dit dans mes deux derniers articles, l'enseignement de la géographie doit être entièrement intuitif dans le commencement. Les leçons-types que j'ai données serviront aux jeunes institutrices pour en faire elles-mêmes un grand nombre d'autres sur le même plan et préparer ainsi leurs élèves à aborder avec avantage l'étude des cartes murales ou du globe terrestre.

Pour préparer les enfants à cette transition, il faudra s'efforcer de leur faire comprendre, par des explications claires et précises, que, si l'on peut représenter l'école, ou le terrain sur lequel elle est située, en figurant les pieds par des pouces ou des huitièmes de pouces, on peut également représenter des étendues de terres en réduisant les lignes de cent fois, mille fois, et plus, selon le cas.

Quant aux notions préléminaires [sic], il est préférable de se servir d'un globe plutôt que d'une mappemonde, car les enfants pourront beaucoup mieux se former une idée de la rotondité de la terre et de ses deux mouvements, de la position respective des continents, des mers, des grands cercles et des petits cercles, de l'axe, des zones, qu'en apprenant à les connaître sur une surface plane, étendue sur le mur.

On pourrait peut-être objecter que le plan que je propose est impraticable, attendu que, jusqu'à présent, on ne trouve des globes que dans quelques-unes de nos écoles modèles. C'est bien vrai, mais pourquoi n'en aurait-on pas dans toutes les écoles?

Je conviens que la chose aurait été impossible autrefois, car le moindre petit globe se vendait trois ou quatre piastres, mais aujourd'hui c'est bien différent. On peut se procurer chez nos libraires, pour la modique somme de cinquante centins, un joli globe de huit pouces de diamètre, avec monture et inclinaison de la terre, sur lequel l'enfant peut apprendre sans effort toutes les notions préléminaires [sic], les continents, les mers, les grands fleuves, les îles, etc., etc., beaucoup mieux que sur les meilleures mappemondes. Je vous le demande, chers lecteurs, y a-t-il dans toute la province de Québec une municipalité assez pauvre pour ne pouvoir destiner cinquante centins à l'achat d'un globe pour la plus humble de ses écoles? assurément non! Je profite de l'occasion pour attirer l'attention de MM. les inspecteurs et celle des autorités scolaires sur ce point.

Voyons un peu la position différente où se trouvent deux maîtres d'égal talent, dont l'un n'a qu'une mappemonde et l'autre un globe, pour commencer à enseigner la géographie.

L'un montre sur le mur la carte et dit: "Mes enfants, ceci représente la terre qui est ronde comme une boule." Les élèves se regardent et disent à demi-voix, si elle n'est représentée que par les deux hémispères [sic] de la mappemonde. Non, elle n'est pas ronde, elle est plate.

L'autre tient à la main le globe et dit: «Mes enfants, cette boule que je tiens dans mes mains représente la terre sur laquelle nous vivons.»

[p. 258]

Les enfants ont compris du premier coup la parole du maître, parce qu'ils se sont formé, de prime-abord, une idée intuitive de la forme de la terre.

On conçoit que l'étude des notions préléminaires [sic] de la géographie est beaucoup plus facile sur le globe que sur la carte.

Prenons par exemple les deux mouvements de la terre.

Pour le mouvement de rotation, on fait faire au globe une révolution sur son axe, de droite à gauche, en se tenant la figure tournée vers le sud, et l'on explique aux enfants que, pendant vingt-quatre heures, la terre opère un mouvement semblable.

Quant au mouvement de transition, on trace une ellipse sur le plancher et l'on place une bougie ou une lampe au centre, en leur disant que cette bougie ou cette lampe représente le soleil par rapport à la terre.

On en fait le tour le globe à la main, et on leur fait comprendre que pour parcourir cette ellipse, la terre tourne sur elle-même trois cent soixante-cinq fois, c'est-à-dire une année.

Mais il ne suffit pas d'avoir à la classe cet objet scolaire, il faut aussi savoir s'en servir, c'est pourquoi je crois devoir donner ici, pour l'avantage des jeunes institutrices, la manière de procéder avec des jeunes commençants.

Première leçon sur le globe.

Le maître tenant à la main le globe dit:

Mes enfants, la boule que voici représente la terre sur laquelle nous vivons.

Quelle en est la forme?

E. - Elle a la forme d'une boule.

M. - C'est bien, mais nommez-moi d'autres objets qui ont cette forme.

E. - Une pomme, une orange...

M. - Dites maintenant comment cette boule est soutenue sur son pied.

E. - Par une broche qui la traverse.

Le maître faisant tourner le globe de droite à gauche dit:

- Comme cette boule, la terre tourne en elle-même en vingt-quatre heures, c'est-à-dire pendant un jour et une nuit, et l'on appelle ce mouvement, rotation.

- Comment appelez-vous le mouvement que fait la terre en vingt-quatre heures?

E. - On l'appelle mouvement de rotation.

M. - En faisant un tour sur elle-même chaque jour, la terre fait la même chose que cette boule, (il la fait tourner) mais elle n'est pas [sic] soutenue par aucun appui, cependant on a imaginé une ligne qui la traverse absolument comme cette broche que voici (il la montre) et cette ligne imaginaire s'appelle axe.

L'endroit où l'axe perce la terre s'appelle pôles.

Le maître les montre sur le globe.

- Combien y en a-t-il?

E. - Deux Monsieur. M. - Il dit en les touchant alternativement du doigt: celui-ci se nomme le pôle arctique et celui-là, pôle antarctique.

Il montrera avec la baguette les deux pôles sur la mappemonde en les faisant nommer par les enfants.

On suivra la même marche pour faire distinguer les terres et les eaux; on fera remarquer que les terres n'occupent que le quart de la surface du globe, que les eaux en occupent le reste, c'est-à-dire les trois quarts.

On continuera par les mêmes procédés à faire apprendre aux enfants à connaître l'équateur, les tropiques, les cercles polaires, les cinq zones, etc., en alternant du globe à la mappemonde et vice versa.

Quand les élèves seront devenus familiers avec les premières notions préléminaires [sic] de la géographie, ainsi enseignées intuitivement, on tracera sur le plancher de la classe comme je l'ai dit plus haut, une ellipse dont on marquera la ligne qui la forme de quatre points pour indiquer les endroits où se produisent

[p. 259]

les solstices, c'est-à-dire les quatre saisons.

On placera au centre de l'ellipse un élève avec une lampe ou une bougie qu'il tiendra à la même hauteur que le globe tenu par le maître, qui dira:

Mes enfants, outre son mouvement diurne ou rotatoire, la terre en accomplit un autre autour du soleil en trois cent soixante et cinq jours et six heures, en décrivant dans cette marche un cercle absolument semblable à celui que je viens de tracer sur le plancher.

Il promène ensuite le globe, en le faisant en même temps tourner sur lui-même; tout autour de l'ellipse, et arrêtant à chaque point marqué où il aura écrit d'avance bien lisiblement les mots printemps, été, automne, hiver. A chaque point d'arrêt, il expliquera comment se produisent les saisons, et au moyen de la lumière de la bougie, il fera comprendre aux élèves pourquoi, dans l'hémisphère boréale, le printemps et l'été, ont les plus longs jours, tandis que l'automne et l'hiver les jours sont plus courts que les nuits.

Ces exercices oraux et pratiques pourront se continuer pour apprendre aux enfants les continents, les mers, les îles, les grands fleuves.

Pendant que l'enfant parcourt la série de ces leçons simples, faciles, amusantes et familières, il a le temps d'apprendre à bien lire, et l'on pourra alors lui mettre un manuel de géographie entre les mains.

Quant au choix de ce manuel, je n'en connais pas de plus facile ni de plus didactique que celui de M. Toussaint, quoiqu'il y en ait plusieurs autres qui ont aussi un mérite réel.

Faut-il faire apprendre le manuel mot à mot? Je répéterai ici ce que j'ai dit pour les autres branches. Il faut que le professeur professe, c'est-à-dire, qu'il faut que le maître explique oralement et sur la carte chaque leçon, et le livre ne sert que pour fournir aux élèves les expressions exactes pour formuler correctement les choses déjà apprises.

Le maître doit aussi élaguer les paragraphes qui sont au-dessus de la portée de l'enfant, car plusieurs ne disent absolument rien à son esprit." [17(1er mai 1894):258-260].

[p. 260]

"Treizième article

DE L'HISTOIRE

Quand faut-il commencer à enseigner l'histoire?

Je n'hésite pas à dire qu'il faut commencer dès l'arrivée de l'enfant à l'école, car de toutes les branches qui composent le programme officiel, il n'en est aucune qui soit plus propre à développer ses facultés intellectuelles.

Laissons sur ce sujet parler Mme Pape-Carpentier, dont l'opinion sur toutes les matières

[p. 295]

d'enseignement a toujours été si hautement appréciée en France.

«L'enseignement de l'histoire, dit-elle, serait une étude bien sévère, au moins pour les deux ou trois premières années de l'instruction. Il ne s'agit pas encore d'enseigner l'histoire, mais d'intéresser les enfants à cette étude. Pendant les premiers temps consacrés surtout à éveiller graduellement leurs facultés, l'histoire doit leur être présentée sans [sic] une forme anecdotique. Les faits racontés doivent être non-seulement choisis au point de vue moral, mais présentés d'une manière animée et pittoresque. Que l'instituteur y mette un peu de cette action qui est recommandée à l'orateur, afin que son récit fasse tableau dans l'imagination des petits élèves. Les enfants aiment dans un récit ce qui est dramatique... Nous devons donner du mouvement à nos figures, les faire parler, agir, vivre en un mot..., Il faudrait que chaque trait détaché fût, autant que possible, accompagné d'un tableau de moeurs contemporaines du fait raconté; par exemple, la vie pastorale des patriarches sous la tente ou la vie mystérieuse des druides dans les forêts qui couvraient autrefois le sol de notre patrie.»

Ces détails, sages et pratiques, de la célèbre éducatrice française confirment, d'une manière évidente, l'opinion que j'ai déjà plusieurs fois émise dans l'Enseignement primaire, c'est-à-dire, qu'il faut commencer à enseigner l'histoire aux enfants dès leur entrée à l'école, mais cet enseignement doit être entièrement oral et ne comporter que des sujets simples, faciles et proportionnés à la capacité de leurs jeunes intelligences.

Un excellent moyen à employer pour ce genre d'enseignement, c'est l'usage de tableaux d'histoire, mais il est presque impraticable dans la plupart de nos écoles par la difficulté qu'il y a de s'en procurer.

Pendant plus de trente ans, je m'en suis servi à l'école modèle annexée à l'école normale Laval, et j'en obtenu les plus encourageants résultats.

Cependant les instituteurs doivent accepter les conditions désavantageuses dans lesquelles ils se trouvent, et suppléer, par des moyens aussi simples qu'ingénieux, au défaut du matériel scolaire qu'ils ne peuvent se procurer.

Leurs leçons d'histoire sainte se borneront à des récits, des entretiens vifs et animés. On suivra, cela va sans dire, l'ordre des faits. On racontera la création du monde, l'histoire d'Adam et Eve; leur séjour dans le Paradis terrestre; leur chute; la punition qui s'en est suivie, etc. Mais ces récits, comme dit Mme Pape-Carpentier, devront être présentés sous une forme anecdotique et racontés d'une manière animée, pittoresque, afin qu'ils fassent tableau dans l'imagination des petits élèves.

Faut-il mettre un livre entre les mains des petits enfants? Si l'on pouvait se procurer une histoire sainte illustrée, je dirais oui! car la parole du maître se trouverait corroborée par l'image qui s'y rapporte, et tout le monde sait que les choses que l'enfant apprend par les yeux se gravent bien mieux dans son esprit que celles qu'il apprend par les oreilles; mais dans le cas contraire, je n'hésite pas à répondre, non! car ce serait inutile pour la classe d'initiation, puisque les élèves ne savent pas encore lire. Des récits, encore des récits, toujours des récits, voilà ce qu'il faut à ces jeunes enfants. Mais ultérieurement, lorsque les élèves pourront lire facilement, que leur intelligence sera plus développée, qu'ils auront appris par un enseignement oral un grand nombre des faits principaux de l'histoire sainte, un livre aura son utilité tant pour l'élève que pour le maître. Il sera même bon que dans ses parties les plus saillantes, ce livre soit appris littéralement par coeur; car si, dans la récitation, on exige une prononciation irréprochable, ce sera un excellent exercice

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de mémoire, ou l'oreille et l'organe vocal trouveront un excellent moyen de s'affermir et de se former.

Mais en général, le moyen le plus sûr avec les élèves déjà un peu avancés, les récits, les interrogations, les comptes rendus, de vive voix et par écrit, les lectures résumées, voilà le moyen qu'il faut employer.

La marche que je viens d'indiquer pour l'enseignement de l'histoire-sainte est la même qu'il faut suivre pour l'enseignement de celle du Canada, qui doit commencer en même temps.

Une leçon-type pourra peut-être avoir ici son utilité pour les jeunes institutrices qui débutent dans l'enseignement.

On conçoit que la forme de ces leçons doit avoir pour base l'endroit, la localité où se trouve située l'école.

PREMIÈRE LEÇON D'HISTOIRE DU CANADA

M. - Que voyez-vous, mes enfants, lorsque vous regardez en dehors de la classe?

E. - Nous voyons des prairies, des champs, des pâturages, des maisons et autres bâtisses.

M. - Pensez-vous que ces beaux champs, ces belles prairies, ces superbes maisons, ont toujours été comme vous les voyez?

Un jeune élève: - Je les ai toujours vus ainsi.

M. - Oui, mon ami, mais vous n'êtes pas encore bien vieux. Et vous Joseph, qu'avez-vous à répondre à mes questions?

Joseph. - J'ai attendu [sic] dire par papa, que son grand-père avait abattu le premier arbre à l'endroit même où se trouve aujourd'hui la maison d'école.

M. - Et avant qu'on eût fait aucun défrichement sur ces terres qui nous environnent, qu'y avait-il donc?

Elèves. - Des arbres, Monsieur.

M. - Oui, mes enfants, il y a eu un temps où toutes ces belles terres que vous voyez, qui sont si riches et si bien cultivées, ne formaient qu'une vaste et épaisse forêt habitée par des peuples et des animaux sauvages et féroces.

- Jean-Charles. N'avez-vous jamais vu des sauvages? (C'est ainsi que nos gens appellent les Indiens).

J.-Charles. - Oh oui, Monsieur, il en est venu deux chez nous l'année dernière, et j'en ai eu tellement peur que j'ai failli m'évanouir.

M. - Vous avez eu tort, mon enfant, car les sauvages d'aujourd'hui ne font de mal à personne. Pourquoi avez-vous eu tant peur des deux que vous avez vus?

J.-Charles. - Parce qu'ils avaient la peau jaune, les cheveux longs, et un costume étrange.

Le maître demande:

En quelle année sommes-nous?

Plusieurs élèves répondent: en 1895.

M.- C'est bien! écrivez cela sur le tableau et au-dessous 1534, et faites la soustraction entre ces deux nombres.

Les élèves écrivent:
1895
1534
____
361

M. - Quel est le résultat de votre soustraction?

E. - Trois cent soixante-un [sic].

M. - Bien, mes enfants, prêtez une grande attention à ce que je vais vous dire:

Il y a 361 ans, notre beau Canada n'était qu'une immense forêt habitée par plusieurs tribus sauvages qui auraient fait bien peur à Jean-Charles, s'il les avait vus, car ils avaient l'air beaucoup plus méchants et plus farouches que ceux dont il a eu tant peur l'année dernière.

Ces pauvres gens, qui ignoraient l'art de cultiver la terre et qui n'avaient pour outils que des haches de pierre, (le fer et l'acier leur étant inconnus), vivaient dans la plus grande misère. Ils n'avaient d'autre moyen de subsistance

[p. 297]

que la chasse et la pêche, pour vêtement que la peau des animaux, pour habitations que de méchantes cabanes d'écorce.

Leurs seules armes pour la chasse et la guerre étaient l'arc, la flèche, et le tomohack [sic] (hache de pierre), et pour la pêche, ils faisaient leurs hameçons avec des arêtes de poisson ou des os recourbés.

Ce beau fleuve Saint-Laurent, que vous voyez aujourd'hui sillonné par des navires de toute grandeur et surtout par les gros steamers qui traversent régulièrement l'Océan, n'était alors fréquenté que par des canots d'écorce de bouleau.

En ce temps-là, il y avait en France un grand roi, très puissant appelé François 1er.

- Où est la France?

Plusieurs élèves. - En Europe, au-delà de l'Océan Atlantique, vous nous l'avez montrée dans la dernière leçon de géographie.

Une mappemonde est suspendue au mur: Le maître montre encore la France, et continue: Ce grand roi voulait fonder une colonie dans le Nouveau-Monde, découvert en 1492 par Christophe Colomb.

- Qu'est-ce que le Nouveau-Monde?

E. - C'est l'Amérique où est situé le Canada. Vous nous l'avez déjà dit dans une autre leçon.

M.- Il choisit, à cet effet, un brave et intrépide marin nommé Jacques Cartier, qu'il chargea d'aller à l'aventure chercher à découvrir de nouvelles terres. Pour remplir une aussi difficile mission, François 1er confia à Cartier trois vaisseaux, la Grande Hermine, la Petite Hermine, l'Emérillon et en tout cent vingts [sic] hommes d'équipage.

Voilà, chers lecteurs, une ébauche de la première leçon d'histoire du Canada que l'on peut donner aux commençants. Chacun pourra modifier le fond et la forme, selon la position ou le cas où il se trouve. Celles qui suivront devront être calquées et modelées d'après les mêmes procédés.

Avant de terminer cette longue série d'articles que j'ai publiés sur le choix des livres, je vous prie, chers lecteurs et amis, de tous les relire et de vous bien pénétrer de l'idée pédagogique qui me les a inspirées [sic]. En les écrivant, je n'ai pas eu la prétention d'imposer mes idées à personne; je n'ai eu en vue que de faire connaître à mes bien-aimés confrères, ma manière de voir une question dont je me suis occupé toute ma vie." [19(1er juin 1895):295-298].

[p. 298]

1894.05.12
Ducharme, C. [Mémoire présenté aux évêques en rapport avec le brevet de capacité et et l'uniformité des livres]. S.l., s.n., 1894. 14 p.

[L'auteur est le Provincial des Clercs de Saint-Viateur; on peut en consulter un exemplaire aux archives de l'archidiocèse de Rimouski, cote A-19-3 Instruction publique].

"II

SÉRIE UNIQUE DE LIVRES D'ÉCOLES.

La seconde question, sur laquelle je me permets, Monseigneur, d'attirer votre attention, est ainsi libellée dans le procès-verbal de la séance du comité catholique du 13 septembre 1893.

«Rapport du sous-comité d'examen des livres sur le projet d'une série unique des livres d'écoles.

Pour mettre à exécution la résolution au sujet des livres d'écoles adoptée par votre comité à sa dernière séance, le sous-comité des livres a l'honneur de suggérer le plan suivant:

1° Un concours public serait ouvert par votre Comité pour la préparation de livres sur les sujets qui suivent:

Première série: Alphabet, premier livre de lecture, second livre de lecture, troisième livre de lecture; l'alphabet ne devant pas avoir plus de 100 pages; les livres de lecture ne devant pas dépasser, le premier 100 pages, le second 200 pages, et le troisième 400 pages;

Deuxième série: Grammaire très élémentaire, pas plus de 100 pages; Grammaire intermédiaire, 200 pages; Grammaire complète, 300 pages. Exercices gradués, 300 pages;

Troisième série: Géographie élémentaire, 200 pages; Géographie intermédiaire, 400 pages;

Quatrième série: Histoire élémentaire du Canada, 150 pages; Histoire intermédiaire du Canada, 300 pages;

Cinquième série: Histoire sainte abrégée, 150 pages;

Sixième série: Histoire contemporaine générale commençant à la Révolution française, 300 pages;

[p. 6]

Septième série: Arithmétique élémentaire, 150 pages; Arithmétique intermédiaire, 300 pages;

Huitième série: Cahiers d'écriture;

Neuvième série: Tenue des livres, 200 pages;

Dixième série: Agriculture, 200 pages.

Les pages indiquées pour chacune de ces séries sont de format in-douze, et l'impression supposée faite en «small pica» non interligné.

Pour la première série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;
Pour la deuxième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;
Pour la troisième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;
Pour la quatrième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;
Pour la cinquième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;
Pour la sixième série, il y aurait trois prix: un de $500, un de $300 et un de $200;
Pour la septième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;
Pour la huitième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;
Pour la neuvième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200;
Pour la dixième série, il y aurait deux prix: un de $400 et un de $200.

Toutes ces séries, à l'exception de la première et de la deuxième, pourraient servir pour les écoles des deux langues, puisqu'il suffirait de traduire chacun des ouvrages adoptés; mais quant aux deux premières séries, il faudrait un concours en français et en anglais avec les mêmes prix pour chacun.

Chaque concurrent devrait, dans tous les cas qui le comportent, envoyer cinq copies de son manuscrit faites au clavigraphe, plus quelques pages imprimées comme échantillon de la manière dont il suggérerait d'imprimer l'ouvrage. Le comité devant se charger de faire mettre les gravures dont il jugera

[p. 7]

convenable d'orner les ouvrages qui les comportent, les concurrents n'auraient pas à s'en occuper.

Les ouvrages soumis seraient envoyés au Surintendant de l'Instruction publique sous un pseudonyme, et l'auteur enverrait en même temps sous une enveloppe cachetée l'indication de son vrai nom.

Les travaux seraient appréciés par un comité que nommerait le Conseil de l'Instruction publique, et qui ne serait pas nécessairement formé de membres de ce conseil.

Tous les ouvrages recevant des prix deviendraient la propriété du Conseil de l'Instruction publique, qui pourrait, avant de les faire imprimer, y faire toutes les modifications qu'il jugerait utiles.

L'auteur de chaque ouvrage adopté pour l'usage des écoles aurait dix pour cent des profits réalisés par sa vente. Le reste de ces profits appartiendrait au Conseil de l'Instruction publique, et ce Conseil l'emploierait d'abord à se rembourser des dépenses du concours ci-dessus mentionné, puis à donner des primes aux instituteurs et institutrices qui se seraient le plus distingué dans l'enseignement.

Les livres adoptés par le Conseil seraient mis en vente chez tous les libraires qui voudraient en vendre. Tous devraient les vendre seulement au prix fixé par le Conseil, et pour une commission qui serait la même pour tous.

Pour que les livres ainsi adoptés par le Conseil soient constamment tenus au courant et perfectionnés, il n'en serait tiré à la fois que le nombre d'exemplaires qui pourrait être écoulé dans une année ou deux. Des primes seraient donnés [sic] à ceux qui suggéraient des améliorations importantes à leur faire.

En adoptant ce plan, le sous-comité est d'avis que votre Conseil se procurerait des livres supérieurs à un grand nombre de ceux qui sont en usage aujourd'hui, et à bien meilleur marché. Les dépenses des enfant d'écoles pour achats de livres seraient, en outre, réduites pour ceux qui auraient à changer d'école. D'un autre côté, le Conseil de l'Instruction publique aurait à sa disposition des sommes considérables qu'il pourrait, comme il a été dit plus haut, employer à récompenser les membres les plus méritants du corps enseignant, ou bien à promouvoir de toute autre manière l'instruction publique.

[p. 8]

Le tout, néanmoins, respectueusement soumis.

Le sous-comité remet l'examen de ce rapport à la prochaine séance.»

Ce n'est pas la première fois, Monseigneur, que cette question est soumise à la discussion. Votre Grandeur n'ignore par qu'à plusieurs reprises, en diverses circonstances, sous différentes formes, quelques personnes, dont on ne saurait soupçonner les intentions, ont voulu introduire «le livre unique» dans les écoles de la province de Québec. Déjà le Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique s'est prononcé contre cette mesure. Dans le procès-verbal de sa séance du 21 octobre 1880, nous lisons la résolution suivante proposée par Monseigneur J. Langevin, évêque de Rimouski et appuyée par Monseigneur Edouard Chs. Fabre, évêque de Montréal:

«1° Que, dans l'opinion de ce Conseil, l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque branche d'étude dans toutes les écoles de même degré présente des difficultés insurmontables dans la pratique;

2° Qu'elle tend à froisser surtout les communautés religieuses, dont plusieurs ont d'excellents ouvrages propres à leurs classes; - à nuire considérablement aux auteurs dont les ouvrages sont déjà approuvés aussi bien qu'aux libraires qui en ont beaucoup à vendre, et qui, d'ici à un an, sont exposés à des pertes considérables et immenses par la défense d'employer dorénavant ces livres dans les écoles de la province; à étouffer la louable émulation qui devrait exister entre les diverses institutions d'éducation pour le choix des meilleurs ouvrages; à arrêter les efforts des auteurs vers le progrès et l'amélioration des livres et des méthodes;

3° Qu'une mesure d'une telle sévérité n'a encore été adoptée dans aucun autre pays, à ce que croit ce Comité. En France, en Belgique, en Prusse, etc., il est laissé une pleine liberté de choisir entre les divers ouvrages pour chaque matière;

4° Que, si la trop grande multiplicité d'ouvrages approuvés peut offrir peut-être des inconvénients, il est encore plus dangereux de tomber dans l'excès contraire en restreignant le nombre à un seul pour chaque branche;

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5° Que ce Comité a déjà passé des règlements obligeant à ne se servir dans chaque école que d'un seul et même livre pour chaque classe d'élèves;

6° Qu'il est à propos de tenir compte de la préférence que l'on peut avoir, dans les différentes parties de la province, pour certain ouvrage plutôt que pour tel autre, l'appréciation des livres était une chose bien délicate qui dépend de beaucoup de circonstances de lieux et de personnes;

7° Que l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque matière donnerait naissance à un monopole odieux, et peut-être à des spéculations scandaleuses.»

Tout cela était parfaitement vrai en 1880, est encore également vrai en 1894 sera toujours vrai, sous quelque apparence que se présente le projet.

Le rapport du sous-comité chargé de l'examen des livres énumère les avantages de «ce plan»:

1° le Conseil - de l''instruction publique - se procurerait les des livres supérieurs à un grand nombre de ceux qui sont en usage aujourd'hui.

Ce n'est pas l'opinion de tout le monde. Il est très possible au contraire que «ce plan» prive les instituteurs d'ouvrages excellents et meilleurs, à certains points de vue, que ceux qui seraient fournis par le concours proposé. Combien de beaux talents trop modestes seraient ou trop désintéressés pour se laisser allècher [sic] par les avantages du concours , ou trop timides pour en braver les hasasrds, resteront sous le boisseau! Puis malgré tout le bon vouloir qu'on y pourra mettre, sera-t-on bien sûr d'avoir choisi les meilleurs juges pour apprécier les travaux du concours? Cette appréciation est chose si délicate et si diffiicile, eu égard aux circonstances! Les concurrents pourront-ils être sans inquiétude sur les aptitudes et l'impartialité des juges? On peut en douter, et c'est encore pourquoi nous serions peut-être privés des meilleurs ouvrages; car quelques bons pédagogues - plusieurs peut-être - connaissant la faiblesse humaine et redoutant, à tort ou à raison, la partialité des juges,

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s'absentiendront de concourir, ne voulant pas s'exposer à subir des injustices.

Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que nous serions grandement exposés à ne pas voir les meilleurs ouvrages entre les mains des instituteurs.

Mais en supposant que les livres soient meilleurs en soi que plusieurs de ceux qui sont actuellement en usage, tous les instituteurs agréeront-ils ce livre unique? Comment amener un maître, qui enseigne avec succès depuis plusieurs années, en se servant de livres qui lui sont chers, à changer ses goûts, ses vues, ses procédés, ses méthodes? On n'oblige pas un ouvrier à se servir de tel outil de préférence à tel autre; on se contente de lui demander du bon ouvrage.

Outre cela, «le livre unique» entraverait l'initiative personnelle, circonscrirait le développement des intelligences, qui ne pourraient plus dépasser certaines limites tracées d'avance; il couperait les ailes du génie; par conséquent il priverait l'enseignement général d'une grande somme de lumière. Ne serait-ce pas causer un dommage réel à la nation, qui a droit d'exploiter à son bénéfice «dans une certaine mesure» toutes les facultés de tous ses membres?

Il est vrai que l'on offre des primes «à ceux qui suggéreraient des améliorations importantes»; mais alors c'est le concours qui se perpétue avec tous ses inconvénients; c'est la variation permanente, et bien d'autres ennuis; car plusieurs auront la prétention de suggérer «des améliorations importantes.»

En adoptant ce plan le Conseil de l'Instruction publique se procurerait des livres supérieurs ... et à bien meilleur marché.

Le monopole n'a pas courtume d'amener cet heureux résultat, c'est ordinairement un effet tout contraire qu'il produit; et il serait fort étonnant que le papier et l'impression fussent payés moins cher par le département de l'Instruction publique que par des parcticuliers. Cependant on

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se propose de réaliser «des sommes considérables»; comment cela se fera-t-il, si l'on paie plus cher et si l'on vend moins cher que les particuliers? Dans mon humble opinion, ces économies considérables sont pour le moins fort problématiques.

Les dépenses des enfants d'éccole pour achat de livres seraient, en outre, réduites pour ceux qui auraient à changer d'école.

Ce médiocre avantage serait-il compensé par tous les inconvénients auxquels il donne occasion? Au reste, Monseigneur, ces changements d'école sont des exceptions et on ne fait pas les lois pour les exceptions.

Le Conseil de l'Instruction publique aurait à sa disposition des sommes considérables qu'il pourrait employer à récompenser les membres les plus méritants du corps enseignant, ou bien à promouvoir de toute autre manière l'Instruction publique.

En supposant que l'on pourrait résaliser ces «sommes considérables,» Monseigneur, tout cela indique dans le département de l'Instruction publique un nouvel ordre de choses tout à fait étranger à ses attributions: il sera forcément engagé dans la librairie. On éprouve un sentiment bien pénible, Monseigneur, en voyant ce département, chargé des grands intérêts de l'enseignement national, descendre des hauteurs où le place sa constitution, dans le tumulte et les éventualités du commerce; il assume tout l'odieux d'un monopole aussi injuste envers plusieurs institutions très légitimes que préjudiciable aux intérêts généraux de l'instruction publique, qu'il a mission de protéger et de favoriser.

Puis, Monseigneur, qui oserait taxer d'exagération les craitnes de NN. SS. les évêques de Rimouski et de Montréal exprimées dans les lignes suivantes, auxquelles souscrivaient les membres du Comité Catholique en 1880:

«7° Que l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque matière

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donnerait naissance à un monopole odieux, et peut-être à des spéculations scandaleuses?»

De plus, je suis porté à croire, Monseigneur, qu'on a oublié d'examiner en lui-même le principe d'où semble découler l'idée d'adopter une série unique de livres d'école; car, s'ils se fussent placés à ce point de vue, les promoteurs de ce projet se seraient tout de suite aperçus qu'il est opposé; au droit naturtel:

1° En ce que tout homme a le droit de faire des livres, pédagogiques ou autres;

2° En ce qu'on ne peut contraindre un auteur à céder la propriété et la libre disposition de son ouvrage, même moyennant une certaine indemnité;

3° En ce qu'on ne peut obliger un auteur à vendre son ouvrage à un prix déterminé;

4° En ce qu'on ne peut modifier un ouvrage sans le consentement de l'auteur.

Sans doute l'exercice de ces droits est subordonné à certaines règles d'un ordre supérieur, pour empêcher des abus - les lois et les règlements scolaires y ont pourvu dans le cas qui nous occupe -; mais ils n'en sont pas moins des droits qu'on ne peut violer sans injustice, tant qu'ils sont exercés d'une manière légitime; et, dans ces conditions, abolir ces droits serait abus de pouvoir. C'est cependant ce que ferait le projet d'une «série unique de livres d'école,» s'il devenait loi.

Le projet émanant d'un principe vicieux ne peut être acceptable pour aucune considération: un mauvais arbre ne saurait produire de bons fruits.

Une hypothèse met en évidence les dangers que renferme ce projet: je suppose qu'un gouvernement impie ou athée, comme il s'en trouve en Europe, s'empare ainsi du pouvoir exclusif et absolu de préparer tous les livres destinés à l'enseignement; qui ne voit les ruines morales accumulées en peu d'années sur une nation?

Je conclus donc, Monseigneur, en exprimant l'espoir que le Comité catholique du Conseil de l'Instruction publique

[p. 13]

ne reviendra pas sur les jugements qu'il a portés, l'an dernier en faveur des congrégations religieuses au sujet du brevet de capacité, et en 1880 au sujet d'une série «unique de livres d'école.»" [p. 14]

1894.05.12
Flamien (frère). [Mémoire présenté aux évêques à propos de l’uniformité des livres]. Montréal, s.n., 1894. [4] p.

[L’auteur est le Provincial des Frères des écoles chrétiennes; on peut en consulter un exemplaire aux archives de l’archidiocèse de Québec, AAQ, 60, CP, Gouv. du Québec, vol III, 64].

"Monseigneur,

À la prochaine réunion des membres du Conseil de l'Instruction publique, il sera de nouveau question du projet d'uniformité de livres dans les écoles, et on en demandera la réalisation.

Confiant que vous repousserez immédiatement une pareille proposition, de tout point nuisible aux intérêts de l'instruction, parce qu'elle détruirait nécessairement toute concurrence et toute émulation, décourageant ainsi tout vrai talent; et parce qu'elle créerait un monopole, création immorale et injuste, par conséquent, j'ai cru ne pas suivre le conseil de dignes ecclésiastiques en rédigeant un mémoire de protestation contre ce projet, comme j'ai essayé d'en préparer un au sujet du Brevet de capacité, et que vous avez daigné prendre en considération.

Mais comme vos occupations sont nombreuses et pressantes, j'ai pensé vous être agréable en vous adressant une copie de la résolution du Conseil de l'Instruction publique, le 21 octobre 1880, condamnant énergiquement le plan d'adoption de livres uniformes pour les écoles, afin que vous n'ayez pas la peine de la chercher dans le cas de besoin.

Je me suis permis d'insérer cette copie dans un brochure publiée en 1877, contre les articles 27, 28 et 29 de «L'Acte pour amender de nouveau les lois concernant l'instruction publique en cette province,» articles qui ont pour objet le dépôt de livres, publications, cartes, modèles, spécimens, appareils et autres fournitures scolaires, qu'on voulait établir alors dans le département de l'instruction publique.

Suis-je téméraire, Monseigneur, en croyant que la lecture de cette brochure, surtout les paragraphes 4, 5 et 6, pages 120, 130 et 135, peut, dans les circonstances actuelles, intéresser Votre Grandeur ?

Le motif principal de l'établissement d'un dépôt de livres et de fournitures scolaires, était l'uniformité dans l'emploi des livres: -« La création d'un dépôt de livres et de fournitures scolaires dans le département de l'instruction publique devra être le point de départ d'une réforme bien importante; je veux dire l'uniformité d'enseignement dans toute la province.»

Ce projet a manqué, mais il n'a pas été abandonné. On y revient aujourd'hui par un autre chemin. Si l'uniformité des livres scolaires devient obligatoire, le dépôt suivra à bref délai, aussitôt que le Conseil de l'Instruction publique sera aboli et que l'État deviendra maître d'école. Cela vient; mais il est possible, il me semble, de retarder ce malheur en repoussant énergiquement la mesure dont il est ici question.

En 1845, dans une lettre qu'adressait le Cardinal Mathieu au ministre des cultes, en France, on trouve ces lignes: «..... Il y a un autre point dont j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir, et dont les fâcheuses conséquences vont en augmentant : c'est la manière peu religieuse, peu prudente, dont un trop grand nombre d'inspecteurs et sous-inspecteurs des écoles primaires s'acquittent de leurs fonctions. Cela touche immédiatement aux populations et aux curés, et on ne sait pas le mal qui en résulte. Pour ne parler que de ce qui me concerne, un inspecteur de la Haute-Saône a fait dernièrement la visite des soeurs de la Charité à Jussey, d'une manière si brusque, d'un air si mécontent, et y a dit des choses si extraordinaires aux soeurs et aux enfants, que tout le monde a été révolté. Le même inspecteur vient de faire publier, par la préfecture, une circulaire pour l'uniformité des livres dans les écoles, dans laquelle on indique, d'une manière absolue, trois livres seulement pour l'instruction religieuse dans les écoles catholiques, et on met en addition dans les colonnes que les ministres protestants indiqueront eux-mêmes les livres pour les écoles.»

Quelle peine n'éprouverait pas un de nos évêques canadiens si, dans un temps plus ou moins éloigné, il était amené à écrire dans ce sens!

J'allais oublier que je n'écris pas un mémoire, mais simplement une lettre. Pardonnez-moi, Monseigneur, et ne tenez compte, je vous prie, que de ma bonne volonté et de ma confiance dans votre bonté, comme dans vos lumières et votre sagesse.

J'ai l'honneur d'être avec un très profond respect,
Monseigneur,
De Votre Grandeur,
Le très humble et très obéissant serviteur,
Frère Flamien
Visiteur des Frères des Écoles Chrétiennes
Montréal, le 12 mai 1894."

1894.05.12
[Tardivel, Jules-Paul]. "A propos d'enseignement - Un plan admirable", La vérité, 12 mai 1894, p. 2.
[...].

"Le choix des livres est également limité par la loi. Le Surintendant doit retenir la subvention de toute municipalité qui permet l'usage de livres non approuvés par l'un ou l'autre des deux comités du Conseil de l'Instruction publique. S.R.P.Q., article 1929." [Tardivel a utilisé la retranscription erronée faite par De Cazes en 1888; dans les textes officiels on lit "peut retenir". Pour la retranscription intégrale de ce texte de Tardivel, voir: Polémique à propos d'enseignement entre M. J.-P. Tardivel directeur de "La Vérité" et M. C.-J. Magnan professeur à l'École normale Laval et rédacteur à "L'enseignement primaire", Québec, 1894, 110 p., isbn 0-665-09506-6].

1894.06.01
Magnan, Charles-Joseph. " A propos d'enseignement - Une dernière réponse à notre confrère de la "Vérité", L'enseignement primaire, 15, 19(1er juin 1894):289-300.

"J'oubliais "le choix des livres qui est également limité par la loi". Notre confrère n'admet-il pas que le choix des livres appartient de droit aux parents, mais à la condition que ces derniers se laissent guider par l'Eglise, en cette matière, dans la mesure nécessaire. Or, ici, les livres de classe sont d'abord soumis à un comité catholique où tous les évêques siègent de droit, et où ils exercent une influence prépondérante. Le gouvernement dit aux municipalités: "Si vous voulez avoir une part des sommes que la législature vote tous les ans pour l'encouragement de l'éducation, il vous faut choisir parmi les livres catholiques approuvés par le comité catholique du conseil de l'Instruction publique." Elles sont libres cependant de ne pas accepter cette offre.

Mais dans les deux cas, que les commissaires se conforment à la loi ou qu'ils ne s'y conforment pas, le curé de la paroisse a, lui seul, le droit de choisir les livres qui regardent la religion et la morale. Plus que cela, en vertu de l'article 66 des règlements du comité catholique, règlements qui ont force de loi, "les élèves doivent se conformer aux instructions du curé en ce qui regarde leur conduite morale et religieuse"; ainsi, le curé de chaque paroisse peut donc interdire l'entrée dans ses écoles à tout livre religieux ou profane qui constituerait un danger pour les élèves. Je suppose (p. 296) que le comité catholique ait approuvé une géographie contenant des choses contraires à la religion ou à la morale, ce qui est une impossibilité avec la constitution actuelle du conseil de l'Instruction publique, eh bien! le curé, en vertu du droit ci-dessus mentionné, peut empêcher un tel livre d'entrer dans l'école. Il en serait de même d'un maître qui n'enseignerait pas la religion d'une manière satisfaisante ou enseignerait quelque chose de contraire à la morale ou à la religion. Sur ce chapitre du choix des livres encore, notre loi d'éducation est bien plus paroissiale que provinciale." (p. 297).

[Pour la retranscription intégrale de ce texte de Magnan, voir: Polémique à propos d'enseignement entre M. J.-P. Tardivel directeur de "La Vérité" et M. C.-J. Magnan professeur à l'École normale Laval et rédacteur à "L'enseignement primaire", Québec, 1894, 110 p., isbn 0-665-09506-6].

[On peut consulter le texte intégral de cette publication dans le site Notre mémoire en ligne].

1894.06.09
[Tardivel, Jules-Paul]. "A propos d'enseignement - Réplique à M. Magnan", La vérité, 9 juin 1894, p. 3.

"Les évêques siégeant au Conseil de l'Instruction publique avec un nombre égal de laïques et présidés [sic] par un laïque, sont toujours des évêques et ont droit au respect; mais, enfin, ils n'y siègent pas en évêques, ils n'y exercent pas leur autorité épiscopale. Quand le comité catholique du Conseil de l'Instruction publique parle, ce n'est pas l'Église qui parle, mais un corps très respectable, si l'on veut, mais de création civile. Les lignes suivantes de M. Magnan sont donc tout à fait à côté de la question:

«J'oubliais "le choix des livres qui est également limité par la loi". Notre confrère n'admet-il pas que le choix des livres appartient de droit aux parents, mais à la condition que ces derniers se laissent guider par l'Eglise, en cette matière, dans la mesure nécessaire. Or, ici, les livres de classes sont d'abord soumis à un comité catholique où tous les évêques siègent de droit, et où ils exercent une influence prépondérante. Le gouvernement dit aux municipalités: "Si vous voulez avoir une part des sommes que la législature vote tous les ans pour l'encouragement de l'éducation, il vous faut choisir parmi les livres catholiques approuvés par le comité catholique du conseil de l'Instruction publique." Elles sont libres cependant de ne pas accepter cette offre.»

Oui, les parents doivent se laisser guider dans le choix des livres par l'Eglise. Mais le comité catholique n'est pas l'Eglise. Les évêques, confirmés par Pierre, agissant comme évêques dans leurs diocèses respectifs, ou réunis en concile, constituent l'Eglise enseignante. Présidés par M. Ouimet et votant à côté de MM. Masson et Langelier, ils forment partie d'un corps civil. Aujourd'hui, ce Conseil de l'Instruction publique, par sa composition, sans être l'Eglise, inspire de la confiance aux parents. Demain, il peut être composé tout autrement et devenir entre les mains du gouvernement un instrument d'odieuse persécution".

[Pour la retranscription intégrale de ce texte de Tardivel, voir: Polémique à propos d'enseignement entre M. J.-P. Tardivel directeur de "La Vérité" et M. C.-J. Magnan professeur à l'École normale Laval et rédacteur à "L'enseignement primaire", Québec, 1894, 110 p., isbn 0-665-09506-6].

[On peut consulter le texte intégral de cette publication dans le site Notre mémoire en ligne].

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