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Sources imprimées

* * *

1881

Larue, Hubert. Mélanges historiques, littéraires et d'économie politique - Volume II. Québec, P. G. Delisle, 1881. 273 p. ISBN 0-665-08100-6.

"ÉDUCATION MOYENNE.

Ce genre d'éducation se donne dans des écoles dites modèles, académiques, commerciales.

Les élèves y sont divisés en un plus ou moins grand nombre de classes. Les classes inférieures sont composées d'enfants qui apprennent à lire et à écrire; les classes supérieures, de jeunes gens qui étudient la grammaire, l'arithmétique, la géographie, l'histoire, etc.

Le programme de ces écoles me paraît assez bon, moins quelques lacunes regrettables sur lesquelles je reviendrai. Mais, les méthodes employées pour diffuser ces connaissances diverses dans l'esprit des jeunes gens se sont, à mon avis, nullement satisfaisantes.

En premier lieu, un grand nombre des abrégés et des manuels qui sont entre les mains des enfants, sont mal faits; plusieurs, même sont détestables.

Pour ne rien [sic] citer qu'un exemple, je signalerai un petit ouvrage qui contient, à la fois, des abrégés de l'Histoire

[p. 129]

sainte, de l'Histoire du Canada et de l'Histoire de France. Ce manuel est très répandu.

C'est un recueil de dates inutiles à retenir, un répertoire de faits insignifiants présentés sous la forme la plus insipide: un salmigondis de divisions, de subdivisions fastidieuses qui ne peuvent que fatiguer la mémoire des enfants, les ennuyer énormément, et, en définitive, ne leur apprendre qu'une chose: le dégoût de l'étude.

Comme exemple, je donne, au hasard, quelques-unes des questions et des réponses que je trouve dans cet opuscule, (page II).

2º . «Comment peut-on diviser l'histoire de l'ancien testament.»

Réponse. - «En huit époques principales, savoir: la première, depuis la création jusqu'au déluge; la seconde, depuis le déluge jusqu'à Abraham; la troisième, depuis Abraham jusqu'à Moïse; la quatrième, depuis Moïse jusqu'à l'établissement de la monarchie; la cinquième, depuis l'établissement de la monarchie jusqu'à la division en deux royaumes; la sixième, depuis la division de la monarchie jusqu'à la captivité; la septième, depuis la captivité jusqu'à la persécution d'Antiochus et le gouvernement des Machabées; et la huitième comprend le gouvernement des Machabées jusqu'à l'avènement de J.-C.» [Larue s'en prend à: Frères des écoles chrétiennes, Abrégé de l'histoire sainte, de l'histoire de France et de l'histoire du Canada - à l'usage des commençants, Montréal, J.-B. Rolland, 1875].

Tout cela s'apprend par coeur; et l'élève qui peut réciter cette tirade - et nombre d'autres - sans broncher, a le prix d'histoire!

Je le demande, quel adulte pourrait se soumettre, pendant un mois, à un semblable régime, sans se vouer, d'avance, à l'abrutissement? Et comment veut-on qu'un pauvre enfant sorte de là sans un commencement d'idiotie?

[p. 130]

A la page 6, on trouve la question et la réponse suivantes:

«Q. Quels furent les descendants de Seth jusqu'à Noé?

R. Enos, Caïnan, Malaléel, Jared, Enoch, Mathusalem et Lamech, père de Noé.»

Tout commentaire est inutile. Passons à l'histoire de France.

Cette histoire est divisée par siècles; et chaque siècle renferme à peu près le même nombre de pages. Les Mérovée, les Chilperic, les Childebert, les Clothaire, ont un espace égal à celui qui est réservé à Louis XIV. Les dates de naissance, d'avènements au trône, de décès, te tous les rois chevelus et non chevelus; les noms et prénoms de leurs femmes, oncles et tantes, cousins et cousines à trois degrés; tout est donné dans cet impitoyable manuel avec une fidélité historique désespérante que je me garderai de vérifier...

Grand Dieu! quand un pauvre enfant a eu la cervelle bourrée de tous ces noms d'hommes, de femmes, de rois, de reines, de conquérants, de conquis, avec toutes ces dates de naissances, de baptêmes, de mariages de décès; et quand ce bourrage a été pratiqué sur un ton aussi mortellement ennuyeux, le pauvre enfant est-il beaucoup plus avancé?

La meilleure méthode à suivre pour la composition de ces livres d'écoles, serait, à mon avis, la suivante:

LIVRES D'HISTOIRE - Pour certaines branches de l'enseignement, il importe que les enfants apprennent par coeur la lettre des abrégés qu'on met en leurs mains. L'histoire, cependant, devrait faire exception. Je ne puis concevoir comment on peut apprendre l'histoire par coeur. Mon expérience personnelle me dit que toutes les histoires que

[p. 131]

j'ai apprises de cette manière ont été bien vite oubliées. L'enseignement de l'histoire, dans nos écoles modèles, académiques et commerciales, devrait donc se faire comme suit:

Il devrait y avoir deux abrégés, l'un pour les commençants, c'est-à-dire pour les enfants de huit ou dix ans; l'autre, pour les enfants plus avancés, c'est-à-dire, pour ceux de douze à quinze ans.

Ces deux abrégés ne contiendraient que le récit des périodes les plus mémorables de chaque histoire; ils ne différeraient l'un de l'autre que par le plus ou moins de développement.

Tous deux seraient ornés de gravures. Il n'y a rien comme ces gravures pour frapper l'esprit des adultes, à plus forte raison, celui des enfants.

Ces abrégés seraient divisés par chapitres et par paragraphes. A la fin de chaque chapitre, un petit questionnaire bien fait faciliterait la tâche du maître, lorsqu'il s'agirait de faire rendre compte aux élèves de ce qu'ils ont lu.

Les enfants auraient pour tâche de lire à la maison quelques paragraphes de ces abrégés. A l'école, lecture serait faite des mêmes paragraphes, à haute voix, par un des élèves. Ensuite les élèves seraient tenus de répondre de vive voix aux questions du maître, ou de donner par écrit un résumé de ce qu'ils aurait lu ou entendu lire. Dans les réponses que ces élèves seraient appelés à faire de vive voix, il faudrait veiller avec un soin scrupuleux à la diction; et dans les analyses écrites, il faudrait corriger le style et l'orthographe. Enfin, on comprend que cette méthode peut être variée de diverses manières.

Pour préciser davantage, venons-en aux exemples.

[p. 132]

Histoire du Canada. - Je voudrais qu'il y eût deux abrégés: un pour les commençants, l'autre pour les élèves plus avancés.

Premier abrégé. - Quatre ou cinq lignes seraient consacrées à la découverte du Canada par Jacques Cartier.

Sans autre transition que l'espace d'un alinéa, ce manuel rendrait compte de l'arrivée de Champlain à Québec en 1608. Description du rocher de Québec et de ses environs. Premiers travaux d'établissement. Gravure représentant l'abitation [sic] à la Basse-Ville. Conspiration contre Champlain, et quelques-uns de ces détails si piquants d'intérêt que tout le monde a lus dans les «Mémoires.» Guerres contre les Iroquois, avec reproduction des gravures dans les «Mémoires.» Siège de Québec par les Kirtk [sic]. Arrivée des premiers colons: leurs travaux; Hébert et Couillard.

Dans cette première époque, je passerais à Frontenac et au deuxième siège de Québec.

Les hauts faits d'Iberville et de quelques héros canadiens formeraient autant de chapitres ou de paragraphes différents; de même que les martyres des Pères Jogues et Bréboeuf. [sic]

Viendraient ensuite les périodes émouvantes de 1759 à 1760 avec leurs glorieux faits d'armes.

Sans dire un mot des diverses formes de gouvernement par lesquelles le Canada a passé à la fin du dernier siècle, je consacrerais un chapitre au siège de 1775, et ferais un tableau de l'état de la population Canadienne-Française à cette époque: l'émigration de la noblesse, le rôle si bienfaisant du clergé, les services rendus par nos institutions religieuses.

De là, je passerais à la guerre de 1812, et aux évènements [sic]

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de 1837. Un mot sur l'union des Provinces et sur l'établissement de la Confédération complèterait ce premier abrégé. Comme on le voit, ces diverses périodes de notre histoire seraient présentées à l'élève sous forme de tableaux.

Avec un manuel ainsi fait et ainsi étudié, les enfants n'éprouveraient aucune peine à graver dans leur esprit les principaux évènements de l'histoire de leur pays. Ces évènements seraient d'autant mieux retenus par la mémoire, qu'ils seraient dégagés de tous les incidents secondaires et de moindre importance. Il n'y aurait, dans ce premier abrégé, que cinq ou six dates à retenir.

Le deuxième abrégé ne se distinguerait du premier que parce qu'il aurait plus de développement. Les tableaux contenus dans le premier pourraient être intercallés [sic] dans le deuxième, avec, en outre, une courte relation des principaux faits survenus entre les diverses périodes, afin de relier ces dernières les unes aux autres. Ici, encore, fort peu de dates.

HISTOIRE SAINTE ET HISTOIRE DE FRANCE. - Ce que je viens de dire de l'Histoire du Canada s'applique également à l'Histoire Sainte. Un premier abrégé ne contiendrait qu'une série de tableaux: un deuxième contiendrait ces mêmes tableaux reliés les unes [sic] aux autres par une courte relation des faits intermédiaires importants. Peu de dates.

Un seul abrégé de l'Histoire de France suffirait, à mon avis.

Il ne faut pas se le dissimuler. La composition de ces livres demande un grand soin, des aptitudes spéciales, un talent particulier. Ce n'est pas toujours celui qui possède le mieux l'histoire qui peut mener à bonne fin une pareille entreprise; mais bien celui qui connaît le

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mieux l'esprit et le caractère de l'enfant, qui comprend le mieux ce que l'enfant peut saisir et ne pas saisir, qui devine le mieux ce qui lui plaît, et ce qui ne lui plaît pas.

Venons-en aux objections.

Les enfants ne sauraient apprendre l'histoire de cette manière: leur intelligence n'est pas assez développée.

A cela je réponds: si leur intelligence n'est pas assez développée, cela tient à l'une ou à l'autre des causes suivantes: 1º . L'enfant est trop jeune, ou ses études ne sont pas assez avancées. Alors, ne lui enseignez pas l'histoire, enseignez-lui quelque chose qui soit à sa portée. 2º . L'enfant ne serait pas trop jeune, mais son intelligence est faible. Alors, raison de plus pour lui enseigner l'histoire, d'après cette méthode; car le but de l'éducation est, avant tout, de développer les intelligences. Or, il n'est pas de meilleur exercice pour développer les intelligences, celles, surtout, qui sont naturellement paresseuses, que l'habitude du raisonnement, l'habitude de comprendre une question et de savoir y répondre.

Mais, dira-t-on, est-ce qu'il n'importe pas de développer la mémoire des enfants? Je distingue: il y a deux espèces de mémoires: celle des mots, et celle des choses ou des faits. Il importe que tout le monde acquière cette dernière; mais la mémoire des mots ne me semble utile qu'à ceux qui, par état, sont condamnés à apprendre et à débiter des discours par coeur: comme les prédicateurs, certains orateurs, etc. Or, les jeunes gens qui sortent des écoles modèles ou académiques ne seront jamais placés dans cette pénible position.

Si jamais dans le cours de leur vie, ils étaient appelés à faire montre d'éloquence, l'habitude qu'ils auraient à faire montre d'éloquence, l'habitude qu'ils auraient contractée, à l'école, d'improviser leurs réponses leur vaudrait mieux que toute autre chose. Car, il ne faut pas

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l'oublier, en suivant le système que je propose, c'est-à-dire en s'adressant à l'intelligence des enfants plutôt qu'à leur mémoire, en les habituant de bonne heure à formuler des réponses de leur crû ou à rédiger des analyses sur les choses qu'ils ont lues, on leur enseigne non seulement la matière qui fait le sujet de l'étude, mais encore on leur apprend à parler et à écrire; deux choses également rares, parmi les sujets qui sortent aujourd'hui de nos écoles."

[p. 136]

1881
Ouimet, Gédéon. Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année 1879-80. Québec, Charles-François Langlois, 1881. lvi, 308 p.

"IV. Il arrive encore parfois que les enfants ne possèdent pas tous les livres classiques nécessaires, par suite de la pauvreté ou de la négligence de leurs parents. Cette anomalie serait complètement disparue si le Dépôt de livres avait été maintenu, car le Dépôt, en vendant à bon marché et directement aux municipalités, qui se chargeaient elles-mêmes de la distribution des livres, mettait les contribuables dans l'impossibilité de manquer à leurs devoirs sous ce rapport. Les élèves étaient pourvus sans l'intervention directe de leurs parents." (p. xix).

"VI. C'est en 1876 qu'a été publiée la Série de Livres de lecture graduée de Montpetit, aujourd'hui si populaire. Dans une circulaire du 21 octobre 1876, je disais:

«Le Conseil de l'instruction publique s'est depuis longtemps préoccupé de fournir aux écoles catholiques une série de livres de lecture graduée, convenant à l'esprit de l'enfant et appropriée aux besoins du pays. Les livres de cette nature faits à l'étranger ont un mérite incontestable, mais ils sont tous rédigés au point de vue spécial d'un pays qui n'est pas le nôtre: ainsi, pour ne parler que de ce détail, les leçons et les exemples de patriotisme qu'ils contiennent sont à peu près perdus pour nos enfants. Et néanmoins il importe au premier chef que le coeur de l'enfant soit formé de bonne heure, en même temps qu'à l'honnêteté et à la vertu, aux nobles sentiments de l'amour de la patrie.

Obéissant à cette préoccupation, le Conseil de l'instruction publique, en novembre 1871, a mis au concours une série de cinq livres de lecture graduée, trois pour les écoles élémentaires, et deux pour les écoles modèles et les académies.

Monsieur A. N. Montpetit, répondant à cet appel, a d'abord préparé trois livres qui ont obtenu l'entière approbation du Conseil, dans sa séance du 16 octobre 1874. Les deux autres livres ont été approuvés le 12 mai 1876. Les trois premiers viennent d'être mis en vente.

Le 16 octobre 1874, le Conseil de l'instruction publique a décidé de ne point approuver un ouvrage du même genre avant le premier septembre 1880. L'intention du Conseil vous paraîtra évidente: c'est que cette série de livres sera généralement adoptée dans toutes les écoles catholiques de la province. Et le but de la présente circulaire est de vous faire part de cette intention. Vous voudrez bien vous y conformer dans les limites de vos attributions.

Il y va de l'intérêt des enfants de pourvoir les écoles de ces nouveaux livres. A part leur mérite général, dont l'approbation des membres du Conseil de l'instruction publique est la meilleure garantie, ils ont ce mérite particulier de contenir de nombreux extraits d'auteurs canadiens et des récits intéressants tirés de l'histoire de notre pays. M. Montpetit a donné à son travail le cachet national; c'est pourquoi il sera à la fois si utile et si agréable aux élèves des écoles canadiennes.»

Cet appel a été entendu dans tout le pays, et le bien produit par ces livres de lecture est incalculable. J'apprends avec plaisir qu'une seconde édition est en voie de préparation." (p. xx-xxi).

"Pénétré de cette idée [l'importance de l'enseignement de l'agriculture], j'ai prescrit cet enseignement dans toutes les écoles de la province en 1874. J'ai eu la bonne fortune de trouver alors un catéchisme agricole parfaitement bien fait et approprié à l'esprit de l'enfance: je veux parler du Petit manuel d'agriculture de M. Hubert LaRue, dont j'ai doté nos écoles primaires.

Et dans ma circulaire du 10 mars 1877 aux commissaires d'écoles:

«Je sais l'objection que l'on fait contre l'enseignement du Petit manuel d'agriculture: on dit qu'il ne contient rien que ne sachent déjà tous les cultivateurs et qu'ils ne puissent enseigner eux-mêmes à leurs enfants.

En disant tous les cultivateurs, on exagère, car, malheureusement, un bon nombre d'entre eux ignorent la moitié des bonnes choses que renferme le Petit manuel». [...].

En effet, prétendre que les fils des cultivateurs ne pourront profiter de l'étude du Petit manuel parce qu'il contient une théorie trop abstraite, eux qui vivent, pour ainsi dire, au sein même de la pratique de l'agriculture, c'est formuler une objection qui ferait le désespoir des professeurs, si elle n'était vraiment puérile et contraire au simple bon sens. Assurément, c'est une grande faute que de surcharger la mémoire des enfants, de leur donner une instruction à priori, et c'est une méthode condamnée que d'agir sur leur esprit sans l'aide des sens; mais cela n'est pas à craindre dans l'espèce actuelle. Que l'enfant apprenne par coeur les règles du labour, des semailles, de l'irrigation, et de tous les autres travaux de la ferme, son esprit ne se trouvera pas surchargé de mots qui ne représentent rien pour lui; au contraire, chacune de ces expressions représente à ses yeux une chose ou un acte dont il est témoin tous les jours. Il comprend donc ce qu'il étudie, et, par conséquent, l'on est en droit d'espérer que cette étude lui sera vraiment profitable, dans l'acceptation la plus large du mot." (p. xxii-xxiii).

"IX. L'enseignement du dessin industriel, inauguré en 1876, est maintenant une des principales matières du programme des écoles primaires.

[Ouimet analyse les méthodes d'enseignement du dessin qui prévalaient et les trouve anti-pédagogiques: on commençait par le difficile avant le facile].

"Heureusement, lorsque nous avons inauguré l'enseignement du dessin, les bonnes méthodes étaient connues, et c'est d'après celle de Walter Smith que M. Oscar Dunn a publié, sous la direction du Conseil des Arts et Manufactures, deux volumes qui me paraissent suffire aux besoins des écoles primaires. [Suit un exposé très louangeur du manuel de Dunn et une justification de l'inclusion de cette discipline au programme d'enseignement: enseignement industriel parce que essentiel dans une économie axée sur l'industrie]." (p. xxiii-xxiv).

"X. La principale chose que j'ai obtenue est la création d'un «Dépôt de livres et autres fournitures d'école.» Mon prédécesseur, l'honorable M. de Boucherville, avait lui-même recommandé une oeuvre de cette nature, et je me plais à dire que c'est sous le règne du gouvernement dont il était chef que j'ai pu accomplir cette oeuvre, en modifiant son projet sous quelques rapports.

L'intention du législateur en créant le Dépôt de livres était, en premier lieu, d'offrir aux écoles les fournitures ordinaires à bon marché, et, en second lieu, de donner au Surintendant et au Conseil de l'Instruction publique un moyen effectif d'exécuter les réformes reconnues nécessaires et de compléter l'organisation de l'enseignement de toutes les matières comprises dans le programme officiel des études.

Que nous ayons réussi sur le premier point, je n'en ai aucun doute. Les cartes géographiques à $0.50, les manuels de dessin à $0.25 et $0.40, les manuels d'agriculture à $0.10, les manuels de tenue des livres à $0.25, voilà quelques-uns des exemples du bon marché offert par le Dépôt de livres, et tous ces ouvrages sont d'une impression, d'une reliure, d'un papier exceptionnels dans ce pays pour les livres classiques.

Les municipalités scolaires ont compris les avantages que leur présentait cette institution, en dépit de la guerre injuste qui lui a été faite, puisque durant ses trois années d'existence, un grand nombre d'entre elles se sont adressées à moi pour leurs achats de livres et de fournitures d'école." (p. xxvi-xxvii).

"Les craintes que j'éprouve [pour l'avenir] viennent de plusieurs sources.

D'abord, je constate avec peine un courant d'idées hostiles aux institutions actuelles. On dirait qu'il y a un mouvement combiné pour frapper dans ses oeuvres vives notre organisation scolaire. Inspecteurs, écoles normales, dépôt de livres, tout cela est inutile, tout cela est de trop, dit-on. On veut tout abolir, tout détruire. Pourquoi? On serait bien en peine de le dire, car ceux qui songent à organiser l'instruction publique sans inspecteurs et sans écoles pour former des instituteurs, ne sont pas toujours les plus compétents en pareille matière; mais ce sont des électeurs qui peuvent, à un moment donné, devenir dangereux.

Cela est bien prouvé par l'abolition du Dépôt de livres. Le Dépôt n'a fait aucun mal, et il a fait beaucoup de bien; à dire le vrai, il a hâté de dix ans des réformes d'une utilité de premier ordre. Mais cette institution avait un grand défaut; elle rognait les profits de certains électeurs-libraires: il fallait la faire disparaître.

Quoi qu'il en soit, mon devoir est d'exécuter la loi telle qu'elle existe; je le ferai à l'avenir avec autant de zèle que par le passé. Je prends acte seulement du fait qu'en abolissant le Dépôt de livres, on m'a enlevé le moyen le plus effectif que je possédais pour accomplir des réformes, et je dégage nettement ma responsabilité des conséquences de cette malheureuse détermination. Je souhaite que ces conséquences ne soient pas trop funestes." (p. xxxv).

"Proposition adoptée par le Conseil de l'instruction publique:

«Considérant qu'à sa dernière session, la Législature de cette province a passé un acte pour l'abolition du Dépôt de livres, dans lequel ont été introduites des clauses concernant ce Conseil et l'approbation des livres à l'usage des écoles;

Considérant que ces clauses ont été introduites sans que le Surintendant ni les membres de ce Conseil aient été consultés ou aient eu occasion de faire connaître leurs objections:

Qu'il soit résolu que le Comité catholique de ce Conseil présente une humble requête à la dite Législature, à sa prochaine session, lui représentant:

1°. Que, dans l'opinion de ce Conseil, l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque branche d'étude dans toutes les écoles de même degré présente des difficultés insurmontables dans la pratique;

2°. Qu'elle tend à froisser surtout les communautés religieuses, dont plusieurs ont d'excellents ouvrages propres à leurs classes; - à nuire considérablement aux auteurs dont les ouvrages sont déjà approuvés aussi bien qu'aux libraires qui en ont beaucoup à vendre, et qui, d'ici à un an, sont exposés à des pertes considérables et immenses par la défense d'employer dorénavant ces livres dans les écoles de la province; à étouffer la louable émulation qui devrait exister entre les diverses institutions d'éducation pour le choix des meilleurs ouvrages; à arrêter les efforts des auteurs vers le progrès et l'amélioration des livres et des méthodes;

3°. Qu'une mesure d'une telle sévérité n'a encore été adoptée dans aucun autre pays, à ce que croit ce Comité. En France, en Belgique, en Prusse, etc., il est laissé une pleine liberté de choisir entre les divers ouvrages pour chaque matière;

4°. Que, si la trop grande multiplicité d'ouvrages approuvés peut offrir peut-être des inconvénients, il est encore plus dangereux de tomber dans l'excès contraire en restreignant le nombre à un seul pour chaque branche;

5°. Que ce Comité a déjà passé des règlements obligeant à ne se servir dans chaque école que d'un seul et même livre pour chaque classe d'élèves;

6°. Qu'il est à propos de tenir compte de la préférence que l'on peut avoir, dans les différentes parties de la province, pour certain ouvrage plutôt que pour tel autre, l'appréciation des livres était une chose bien délicate qui dépend de beaucoup de circonstances de lieux et de personnes;

7°. Que l'adoption d'un seul ouvrage pour chaque matière donnerait naissance à un monopole odieux, et peut-être à des spéculations scandaleuses;

8°. Que, pour toutes ces raisons, ce Comité prie respectueusement la Législature d'abroger toutes les clauses de la dite loi qui concernent l'approbation des livres.» Adopté." (p. 284-286).

Comité protestant, séance du 24 novembre 1880:

"Qu'il soit nommé un sous-comité chargé d'examiner les livres de classe et la nouvelle loi concernant ces livres, passé [sic] à la dernière session de la législature de cette province, auquel cette correspondance à ce sujet sera renvoyée, avec instruction de faire rapport à la prochaine séance trimestrielle du comité; [...]." (p. 301-302).

1881.05.02

xxx. "La lecture à haute voix", L'enseignement primaire, 1, 9(2 mai 1881):102-103.

"Nous croyons devoir attirer d'une manière toute spéciale l'attention de nos lecteurs sur l'annonce qui se trouve à notre dernière page, et intitulée: Cours de lecture à haute voix, par M. l'abbé Lagacé. Nous profiterons en même temps de l'occasion pour parler de cette branche si importante sans laquelle tout enseignement solide et rationnel est rendu très difficile.

Depuis quelques années, la lecture à haute voix à [sic] occupé sérieusement l'attention des hommes chargés de procurer à la jeunesse les meilleurs moyens de s'instruire, et cela à tel point qu'en 1878, M. Bardoux, alors ministre de l'instruction publique en France, a cru devoir rendre la chose obligatoire, même dans les écoles primaire [sic]. Voici comment il s'exprime à ce sujet, en s'adressant à tous les recteurs, dans sa circulaire du mois d'octobre de la même année.

«La lecture à haute voix est oubliée ou négligée dans la plupart des lycées et des collèges; elle doit être cependant un des éléments importants de l'instruction publique.

La lecture ne compte-t-elle pas parmi les puissants moyens d'action dans la vie publique?

Il faut qu'en France on apprenne à lire; car apprendre à lire, c'est apprendre à parler, etc., etc.»

Le ministre donne ensuite quelques détails sur la nature des manuels les plus propres à faciliter cette étude et recommande l'ouvrage de M. Légouvré, de l'académie française, et l'homme le plus compétent qu'il y ait aujourd'hui en France dans l'art de la lecture à haute voix.

Cette démarche du ministre Bardoux doit nous inspirer de sérieuses réflexions, et nous faire comprendre que si en France, où l'on a la réputation de si bien parler sa langue, où l'on est en contact journalier avec des personnes ayant une prononciation pure et correcte, on sent le besoin de s'exercer à la lecture à haute voix pour apprendre à bien parler, à plus forte raison, nous, qui avons été presque privés de tout rapport avec la mère-patrie depuis la conquête, et obligés dans nos relations sociales de nous servir d'un idiôme [sic] étranger, devons-nous suivre la même route si nous voulons conserver intact le dépôt sacré que nous ont religieusement légué nos ancêtres, c'est à dire [sic] la belle langue de Bossuet, de Fénelon, et de tant d'autres hommes illustres.

Mais il ne suffit pas de constater l'importance d'apprendre à bien lire, il faut encore indiquer les moyen [sic] d'obtenir ce résultat.

Un bon livre et un bon maître sont les deux agents indispensables à quiconque veut faire des progrès dans la lecture à haute voix. C'est à dessein que nous plaçons le livre en première ligne, car avec lui, tout instituteur de bonne volonté pourra toujours en étudiant, en s'exerçant, et surtout en prenant conseil de personnes compétentes en cette [102] matière, se former à l'enseignement de cette branche.

Le livre, ou plutôt le guide indispensable possédant toutes les qualités requises pour cette fin, c'est celui dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre; il suffit de le parcourir pour se convaincre de l'exactitude de cette assertion.

Voici d'abord quelles en sont les principales divisions:

Les sons.
La prononciation.
L'expression.

Peut-on désigner une division plus rationnelle et plus logique? Assurément, non, car elle dénote chez l'auteur une connaissance parfaite de son sujet.

En effet, qu'est-ce que lire? sinon articuler les uns à la suite des autres les différents sons, plus ou moins modifiés par les articulations, qui entrent dans la composition des mots?

Ce premier travail est indispensable et doit occuper au commencement toute l'attention de l'instituteur. Il ne faut pas cependant perdre de vue un seul instant le double caractère de la lecture, c'est à dire [sic] la lecture des yeux et la lecture parlée; l'une aussi bien que l'autre demande un genre d'exercice spécial. Les signes parlent aux yeux, les sons aux oreilles.

On trouve dans la première partie du livre en question une série d'exercices sur les sons et les articulations de la langue française.

Aussitôt que l'élève a acquis une connaissance suffisante de ces premiers éléments, il passe à la seconde partie: la prononciation.

Elle se compose de vingt-six leçons, dont les premières ne renferment que de petites phrases d'une lecture facile, et dans lesquelles se trouvent récapitulés tous les éléments de la première partie.

Ici, l'élève prononcera distinctement et avec exactitude toutes les syllabes de chaque mot, tous les mots de chaque petite phrase.

Ce travail se trouve facilité part la prononciation figurée - placée en tête de chaque chapitre - de tous les mots difficiles de la leçon.

La troisième partie a en vue l'expression. Elles [sic] se compose de morceaux appropriés à tous les genres; mais ce champ est trop vaste pour que nous puissions l'exploiter ici sans dépasser les limites que nous nous sommes tracées. Contentons-nous de dire qu'il ne faut pas essayer, [sic] avec des enfants de dépasser les limites du possible. On doit consulter l'âge et le développement intellectuel de chaque élève et ne donner que des morceaux qu'ils puissent parfaitement comprendre; autrement, on les expose à tomber dans l'exagération et le ridicule.

Ajoutons en terminant que le Cours de lecture à haute voix de M. l'abbé Lagacé est pour nous le seul livre qui s'occupe de prononciation, puisqu'il a été spécialement composé pour les écoles canadiennes et au point de vue de nos défauts d'accent local, et que les élèves des maisons d'éducation qui en suivent la méthode se reconnaissent partout par leur bonne prononciation."

1881.11.02
Rouleau, Thomas-Grégoire. "Le livre de texte", L'enseignement primaire, 1, 17(2 nov. 1881):197-198.

"Quel rôle le livre de texte doit-il jouer dans l'école primaire?

Voilà une question qu'ont sérieusement étudiée, depuis quelques années, les hommes d'école et tous ceux qui s'occupent activement des réformes à apporter dans nos méthodes d'enseignement.

Ce sujet a souvent attiré aussi l'attention des instituteurs de Québec, comme celle des instituteurs de Montréal, et tout dernièrement encore, c'est à dire [sic] à leurs conférences des mois de mai et d'août, ces derniers l'ont discutée avec beaucoup de soin.

Les procès-verbaux de ces deux séances mentionnent les noms de plusieurs membres qui ont exprimé leur opinion sur ce point.

D'après les diverses idées émises, il résulte que les opinions sont presque également partagées pour ou contre le livre de texte. Cependant ceux qui admettent qu'il est nécessaire de mettre un manuel entre les mains des enfants, ont fait des restrictions, quant à l'usage que l'instituteur doit en faire.

Les connaissances pratiques dont ont fait preuve ceux qui ont pris part à cette discussion les recommandent autant qu'elles les honorent.

Faute d'espace, nous ne pouvons publier qu'une partie de cet intéressant débat, c'est à dire celle qu'on vient de lire dans le compte rendu ci-dessus. Quant à la première partie, on peut la lire dans le Journal de l'Instruction publique du mois de juillet dernier.

Nous profitons de l'occasion pour exprimer, nous aussi, notre humble opinion sur le sujet. Elle est en même temps conforme, quand [sic] au fond, à celle de plusieurs de nos confrères de Montréal.

Lors de l'inauguration de l'école normale Jacques-Cartier, un instituteur a dit, au sujet du choix d'une grammaire: «La meilleure grammaire, c'est le bon maître.» M. Doré, dans ses remarques à la conférence du mois de mai, a répété la même chose d'après Lhomond: «Le meilleur livre, c'est la parole du maître.» Cette même idée est passée aujourd'hui à l'état d'axiôme [sic] pédagogique, savoir «Il faut que le professeur professe. Ou encore: Il ne faut mettre entre le maître et l'élève ni livre, ni ardoise, ni cahier».

Cela veut dire, en d'autres termes, que le maître doit communiquer directement et de vive voix à ses élèves les vérités à apprendre, c'est à dire employer le langage le plus simple, le plus facile, le plus à la portée de leur jeune intelligence, en évitant autant que possible de faire usage de mots techniques, ou de termes d'une signification trop difficile à saisir.

Aussitôt que l'élève a acquis, de la bouche du maître, la connaissance d'une vérité, soit par exemple d'un fait historique, d'une règle de grammaire, il la possède, il peut même en faire l'application, surtout si l'on a su par de nombreux exemples au tableau noir, faire précéder la théorie par la pratique. Mais il faut la retenir cette vérité, pouvoir même la formuler quand on en sera requis. Or, l'on

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sait que le vocabulaire de l'enfant est fort restreint, qu'il manque de mots propres pour dire les choses les plus simples et les plus ordinaires, c'est pourquoi le livre de texte est nécessaire, indispensable même, non pour apprendre les choses, mais pour apprendre à les bien dire.

Voilà en résumé, à quel point de vue nous nous plaçons pour recommander l'usage du livre de texte: Le maître doit communiquer directement, de vive voix, les connaissances à ses élèves, et ceux-ci se serviront de leur manuel pour apprendre à bien dire les choses qu'ils savaient déjà.

Ceux de nos lecteurs qui ont suivi la série de leçons pratiques que nous avons publiées dans l'École primaire et que nous continuons dans notre journal actuel, peuvent voir par eux-mêmes que nous mettons strictement en pratique la théorie que nous préconisons."

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Page modifiée le : 17-05-2016
 

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